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Chaque soir, Julie Hammett vous accompagne de 22h à 00h dans BFM Grand Soir.
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00:00Premier jour, donc je disais, du 107e congrès des maires et l'occasion d'entendre un témoignage fort ce soir, celui de Karine Franklay.
00:07Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes maire UDI d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis.
00:12Vous êtes à la tête de la mairie depuis 2020, mais en février cette année, vous avez annoncé votre retraite temporaire pour cause de fatigue profonde avant de revenir à vos fonctions en juin.
00:23Et vous dites vouloir, je cite, briser le tabou de la santé mentale des élus. D'abord, première question, est-ce que ça va mieux ?
00:29Ça va mieux, la page est tournée. Avec le recul, je peux maintenant m'exprimer avec beaucoup de clairvoyance sur le sujet.
00:39Sur le moment, j'ai décidé de l'annoncer aux habitants parce que c'est dans mon tempérament de dire les choses.
00:46C'est après coup que je me suis rendu compte de la portée, que finalement j'étais peut-être la première à le médiatiser.
00:51Et puis après, crise d'égale opportunité, ça a été une période difficile, difficile pour beaucoup de personnes.
00:58Pour mes collaborateurs, pour ma famille, pour mes enfants, pour mes proches.
01:03La première mère à assumer, avoir subi un burn-out. C'était un burn-out, c'est ça ? Une fatigue physique, émotionnelle ?
01:08C'était un burn-out que j'ai laissé traîner parce que vous avez d'abord la phase de déni.
01:16On se dit que c'est les vacances, ça va aller. Et puis après, on veut quand même continuer.
01:20Et puis après, vous en avez marre qu'on vous alerte. Et puis vous faites sûrement d'aller bien pour qu'on vous foute la paix.
01:24Et puis jusqu'au jour où c'est trop et il faut arrêter.
01:28Et qu'est-ce qui a été justement ce jour-là, ce jour où c'était trop le point de bascule ?
01:33Tes amis m'ont dit, si tu ne le fais pas pour toi, tu le fais pour tes garçons.
01:37C'était ça.
01:38Et vous arrivez à dire ce qui a causé, maintenant avec le recul, en tant que mère,
01:43ce sont certains aspects de votre fonction qui ont fait que c'était trop.
01:47Qu'est-ce qui a concrètement causé cet épuisement ?
01:49Alors, c'est multifactoriel. Il n'y a aussi, il n'y a pas que la charge de la mairie.
01:55Il y a aussi le fait d'être mère et mère, avec des enfants.
01:59M-E-R-E et M-E-R-E.
02:01Exactement, en bas âge. Mais c'est aussi, on n'est pas préparé à devenir mère.
02:08Et moi, j'étais chef d'établissement. Et du jour au lendemain, je deviens mère d'une huile de 90 000 habitants
02:16avec des sujets aussi divers que variés.
02:19Et puis peut-être aussi le fait de vouloir tout maîtriser, tout bien faire, un peu syndrome de bonne élève.
02:28Et du coup, il y a eu une...
02:31Oui, j'ai vraiment eu l'impression d'être prise dans un tourbillon et de vouloir tout faire.
02:35Il y avait tellement à faire.
02:36Vous n'avez pas su déléguer suffisamment ?
02:38Aussi, je pense.
02:41Mais c'était aussi, il y avait tellement de sujets à maîtriser d'un seul coup,
02:45tellement d'enjeux.
02:46Parce qu'une ville comme Aubert-Villy, c'est une ville qui cumule énormément de fragilités,
02:51mais qui a aussi énormément d'atouts.
02:53Et peut-être que je l'ai abordée comme j'abordais à un établissement scolaire.
02:58Moi, j'adorais prendre des établissements scolaires difficiles à relever.
03:02Quand on est mère, est-ce qu'on peut vraiment déléguer ?
03:04On est directement responsable de sa ville ?
03:07C'est vous qu'on sollicite directement, j'imagine ?
03:09Mais après, il faut savoir déléguer.
03:11Mais pour déléguer, par exemple, si on prend un exemple très simple,
03:14un cabinet, quand on n'a jamais été maire.
03:17Comment on sait ce dont on a besoin ?
03:20Mais justement, Mme Le Maire, est-ce que vous étiez préparé suffisamment à cette fonction ?
03:25Parce qu'on sait que votre victoire en 2020 était un peu une des surprises de cette élection.
03:32Oui, je pense que c'est...
03:33Non mais c'est vrai, la victoire sur Aubert-Villiers,
03:35le fait d'arracher cette ville à la gauche...
03:38Qui est quand même une ville historiquement à gauche.
03:41Est-ce que, avec le recul, est-ce que vous étiez préparé à cette fonction ?
03:44Est-ce qu'il faut se préparer à ce genre de fonction ?
03:46C'est quand même une grande ville, ce n'est pas une petite ville.
03:48Il faut dire aux téléspectateurs qu'Aubert-Villiers, ça fait partie des villes...
03:52Parce que souvent, en province, on ne se rend pas compte qu'en région parisienne,
03:56il y a plein de villes qui sont de grosses villes, quoi, en fait.
03:59Oui, 90 000 habitants.
04:0090 000 habitants, vous voyez, 90 000 habitants,
04:02quand vous prenez n'importe quelle sous-préfecture en province,
04:04vous êtes largement derrière.
04:06Avec une grosse activité.
04:07Devant, plutôt, pour vous.
04:08Et aussi avec des délais économiques.
04:11Est-ce que vous étiez préparé à ce genre de fonction ?
04:12Est-ce que finalement, au bout de quelques années, il y a eu un épuisement ?
04:17Mais il y a un besoin de formation,
04:20que ce soit pour n'importe quelle taille de ville.
04:23Et il y a aussi forcément un besoin d'accompagnement.
04:26Je n'ai pas eu le sentiment de le faire en dilettante.
04:31Mais on ne sait pas à quoi s'attendre, en fait.
04:33Et on a l'habitude de dire que le maire est peut-être l'élu préféré des Français,
04:38parce que de proximité.
04:39Est-ce qu'avant ce burn-out, vous vous sentiez soutenu par les administrés
04:45ou au contraire, avec une pression forte, voire une hostilité ?
04:49La seule violence...
04:53Pour moi, la plus grande violence, c'était celle de ne pas pouvoir répondre.
04:56Justement, à toutes les sollicitations,
04:59parce qu'on vient vous voir pour du logement, pour du boulot.
05:04Forcément, on décide des situations de détresse.
05:07Et ça, c'est parfois extrêmement violent de se sentir impuissant.
05:12Après, il y a eu un acte de violence.
05:15Ma voiture brûlée quand on a sécurisé le parking.
05:18Mais ça, c'est que du matériel.
05:20Ce n'est pas très grave.
05:22Oui, mais j'imagine que ça a un impact sur votre étape psychologique,
05:28quand on s'en prend directement à vous, même si c'est du matériel.
05:30Ça, là-dessus, sur du matériel, moi, tant que ça ne retouche pas à mes enfants, ça va.
05:35Vous avez eu des menaces ou pas ?
05:37Des menaces.
05:37Parce que c'est quand même des petites tensions.
05:41C'est parce que c'était un moyen de dire que le nouveau système d'entrée dans le parking,
05:47on n'est pas d'accord.
05:48Uniquement ça.
05:49Et c'est ce qui a causé l'incendie de votre voiture.
05:53C'est quand même pas rien, pardon.
05:54Maintenant, vous en souriez, mais ça dit quand même quelque chose de la violence que vous subissez aussi en tant que maire.
05:59Il peut aussi y avoir effectivement une forme de violence.
06:03Après, on sait que c'est des territoires qui sont compliqués, mais qui ont aussi…
06:09Moi, mon mot de genre, c'est d'être utile.
06:10C'était ce moteur-là que j'avais en choisissant la Seine-Saint-Denis, en devenant chef d'établissement.
06:17Et Aubervilliers, c'est une ville qui a autant de difficultés que de potentiels.
06:21Ce n'est pas la chose la plus difficile d'être maire d'Aubervilliers ?
06:25La chose la plus difficile, c'est que tout prend trop de temps.
06:30Par exemple, il y a un exemple qui est criant, c'est l'ANRU.
06:34On a réussi, c'est pareil, c'est aussi une somme de travail réalisée qui ne se voit pas forcément dans l'immédiateté.
06:41On a réussi à porter vraiment sur le fil un projet en rue extrêmement ambitieux
06:48qui va changer la vie de 30 000 personnes dans la ville.
06:51En rue, c'est-à-dire ?
06:52Oui, en rue, j'allais dire, relation urbaine.
06:54Rénovation urbaine, co-financée, plus de 237 millions obtenus par l'État,
07:01énormément de logements rénovés, des nouveaux équipements.
07:04Et ça verra le jour dans 15-20 ans mieux.
07:07C'est ça qui est le plus difficile.
07:08Vous allez vous présenter ?
07:11Ça, j'y pense évidemment.
07:13Mais ce n'est pas ce qui me préoccupe aujourd'hui.
07:16Mais vous n'en êtes pas au stade, vous n'en êtes pas au stade où vous vous dites
07:19« En gros, il me reste quelques mois, je vais tenir, mais après c'est sûr, je m'arrête ».
07:25Potentiellement, vous y retournez en 2026 ?
07:27Potentiellement, j'y retourne, mais là, ce n'est pas le sujet de...
07:30La question, je me la poserai au moment venu.
07:32De toute façon, je ne serais pas revenue si je n'étais pas capable de revenir.
07:37Vous voyez, quand je fais quelque chose, je le faisais bien.
07:41Et si je suis revenue, j'étais capable de revenir avec la page étoile.
07:44Et quel conseil vous donneriez à...
07:46On est à quelques mois, des municipales, à un futur maire, un candidat en tout cas, au municipal ?
07:53Quel conseil vous auriez aimé recevoir ?
07:56Qu'il faut savoir, de temps en temps...
07:59C'est vrai qu'on est maire 7 jours sur 7, 24 heures sur 24,
08:02mais qu'il faut de temps en temps aussi prendre du temps pour soi,
08:05prendre du temps pour sa famille, sacraliser du temps,
08:08et puis définir des priorités.
08:09Et il y a des moments, maintenant, je ne...
08:14Le téléphone, quand j'ai décidé que c'était du temps pour mes fils,
08:19je ne décroche que si c'est le DGS, le dirkable, la commissaire ou le préfet.
08:23Et puis, ça peut attendre, en fait.
08:25Dans une ville comme la... Dans un département comme la Seine-Saint-Denis,
08:27vous êtes maire UDI.
08:30C'est une singularité dans un département qui est dominé par la gauche, quand même,
08:34même si votre parti gère d'autres villes.
08:38Est-ce que c'est une pression supplémentaire d'une gauche en Seine-Saint-Denis
08:42qui est très présente, notamment la gauche éléphiste ?
08:46Est-ce que ça ajoute à la pression ?
08:50Non, parce que mon étiquette est du délit,
08:52parce que c'est Jean-Louis Borloo qui m'a donné envie de m'engager en politique
08:58lorsqu'il a créé le mouvement.
09:00Mais après, je suis à la tête d'une majorité plurielle
09:03où la règle à la mairie, c'est que les étiquettes, elles restent dehors.
09:08J'ai des gens qui sont apolitiques.
09:10Il y a des LR, il y a des Renaissance.
09:13On ne s'occupe pas des étiquettes.
09:16On a une majorité qui ne s'intéresse qu'à la vie.
09:19Karine Franck, il y a une thématique qui est au cœur des discussions en ce moment,
09:23c'est la lutte contre le narcotrafic.
09:25Vous avez vu ce qui s'est passé à Marseille.
09:26L'assassinat du frère d'un militant très engagé dans cette lutte contre le trafic de drogue.
09:34À Marseille, Laurent Nunes, le ministre de l'Intérieur, parle d'un point de bascule.
09:38Est-ce que vous, en tant que maire, c'est quelque chose qui vous inquiète ?
09:42Est-ce que vous faites attention quand vous parlez de ces sujets-là ?
09:45J'imagine que vous vous engagez, vous aussi, dans la lutte contre le narcotrafic.
09:49Est-ce que vous avez l'impression d'être une cible, de devenir une cible ?
09:51Contre les vendeurs sauvettes, contre le narcotrafic, contre toute forme d'incivilité.
09:57Et on a un vrai problème de sécurité.
10:00Moi, quand je suis arrivée au Bervilliers, on n'avait quasiment pas de police municipale.
10:03On a créé de toute est une police municipale.
10:06On a créé un poste de police municipale.
10:08On a maintenant un CSU.
10:10On a plus de 50 agents, mais ça ne suffit pas.
10:12Et il y a des sujets.
10:14Et après, il se pose aussi la question des sujets de frontières.
10:19Aujourd'hui, on a BNP qui va partir.
10:224 000 salariés à cause des problèmes de sécurité qui sont autour d'Aubervilliers.
10:28Concrètement, pourquoi ? Parce qu'ils se sont menacés directement ?
10:31Pour des raisons de sécurité.
10:33Pour le personnel.
10:33Pour le personnel, parce qu'ils sont escortés quand ils vont jusqu'à Rosa Parks.
10:38Et là, il y a un problème.
10:40Et on ne peut pas le régler.
10:41Ce n'est pas le maire d'Aubervilliers qui peut le régler tout seul.
10:43Donc, BNP va quitter Aubervilliers pour des raisons de sécurité de ses propres salariés
10:49à cause de la présence de dealers dans le coin ?
10:52De dealers, craqueurs.
10:55C'est pour un sentiment d'insécurité.
10:58Et le problème, c'est que quand on a eu...
11:00C'est pareil.
11:01Quand on a eu le problème du déplacement du camp de Crac-Force-Val jusqu'à l'Opens,
11:08ça a été une violence inouïe pour nos habitants.
11:11Mais donc, que faire de plus ? Vous dites que vous avez mis en place dans des éléments
11:14très concrets.
11:14On a besoin déjà d'avoir plus d'aide de l'État sur les moyens de sécurité.
11:18Parce que ça reste une compétence régalienne, même si je suis convaincue de l'utilité
11:23de ma police municipale, qui est une police de proximité.
11:27Mais il faut, à un moment donné, avoir plus de moyens sur ces zones.
11:32C'est l'ordre de question de la porte d'Aubervilliers, soit une zone de non-droit.
11:36C'est non, c'est non, c'est non.
11:37Elle est armée, votre police municipale ?
11:38Oui, bien sûr.
11:39Vous pensez que c'est indispensable aujourd'hui ?
11:42Ah oui, c'est indispensable.
11:43Le ministre de l'Intérieur encourage les maires à armer leur police municipale ?
11:48C'est indispensable.
11:49D'accord.
11:50Est-ce que vous êtes inquiet, justement, du fait que le budget de l'État est peut-être
11:54du pont dans l'aile ?
11:56Ah ben, effectivement, on s'inquiète.
11:59Vous allez être très touchés, vous, les collectivités territoriales.
12:01Et on l'est déjà, parce que quand je vois le mandat, on a eu la guerre en Ukraine,
12:06rien que l'augmentation des fluides, donc chauffage, etc., germain commune, c'est 8 millions
12:10qui n'ont pas été compensés.
12:12Moi, avec 8 millions d'euros, je végétalise 4 cours d'école par an.
12:16Et ce sera, donc, forcément, l'un des sujets de ce 107e congrès des maires qui se
12:20tient jusqu'à jeudi à Paris.
12:21Merci beaucoup, Karine Franquet, d'être passée nous voir sur ce plateau.
12:25Sous-titrage Société Radio-Canada
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