00:00Tout pour investir, la masterclass, quand le monde s'affole.
00:06Bonjour monsieur, j'avais un peu ce qui c'est la partie géopolitique en début avec les signaux faibles,
00:13ce qui était assez inhabituel, mais je vous laisse le lead sur la partie géopolitique,
00:17c'est vous qui habituellement présentez, c'est la partie de la mission qui est vraiment mise en avant et appréciée.
00:23Qu'est-ce que vous allez évoquer aujourd'hui avec nous ?
00:24Aujourd'hui je voulais vous parler en fait, c'est passé un peu sous les radars, c'est aussi un signal faible,
00:30ça s'est passé le mois dernier, vous avez en fait une première au Kenya,
00:37avec les Kenyans qui ont décidé de transformer un méga prêt qu'ils avaient fait de 5 milliards de dollars en yuan.
00:47Donc là on est sur un signal géopolitique qui est très fort.
00:50En fait cet emprunt de 5 milliards de dollars, c'était le plus gros emprunt jamais fait par le Kenya pour un seul projet.
00:58Ce projet en fait c'est la construction d'une ligne ferroviaire pour relier Nairobi à Mombasa.
01:06Et qui a gagné l'appel d'offre de cette construction ferroviaire ?
01:12C'est un Chinois, la China Road and Bridge Corporation.
01:15Donc ils ont remporté cet appel d'offres, le prêt de 5 milliards a été libellé en dollars,
01:21mais le gouvernement kenyan a considéré ensuite que la dette du Kenya était beaucoup trop concentrée sur une seule devise qui est le dollar.
01:32Et si aujourd'hui le Kenya a choisi de finalement convertir ce méga emprunt en yuan,
01:40c'est que le taux, on est plus sur du pragmatisme économique,
01:43mais c'est qu'on a un taux du yuan autour de 3% qui était bien plus intéressant que celui du dollar.
01:50Et en fait cette simple conversion, elle permet au Kenya d'économiser 215 millions de dollars par an,
02:00et donc d'alléger un petit peu le fardeau de sa dette,
02:03sachant que la dette du Kenya a doublé entre 2013 et 2023.
02:09Le point qui est intéressant c'est qu'on est vraiment sur du pragmatisme comme vous le rappelez,
02:13parce que souvent on a l'impression que c'est une volonté de Pékin qui fait pression notamment sur les pays africains
02:18pour utiliser le yuan, là c'est juste du pur pragmatisme.
02:21Alors c'est du pur pragmatisme, c'est important ce que vous rappelez,
02:25et d'ailleurs vous avez le gouverneur de la banque centrale kenyane,
02:29qui s'est quand même empressé de rappeler qu'il était hors de question de changer les équilibres de son portefeuille de devises.
02:38Donc il a un niveau de dollar très élevé, il n'est pas question de revoir cet équilibre-là,
02:45mais il y a quand même un signal géopolitique qui est assez intéressant,
02:48parce que si, même si c'est sous le sceau du pragmatisme économique,
02:53est-ce que derrière il pourrait y avoir un effet domino sur le continent africain ?
02:58Il faut bien voir aujourd'hui, la présence économique chinoise sur le continent africain est très forte.
03:03Si on reste sur ce secteur des transports, vous avez eu 50 milliards de dollars d'appels d'offres
03:09remportés par les Chinois uniquement sur des projets de transport.
03:13Oui, et je crois que la Chine est présente dans une cinquantaine de ports en Afrique,
03:19ce qui est juste énorme.
03:20Bien évidemment, aucun pays européen ou même américain, les Etats-Unis, sont présents dans telle proportion.
03:24Donc on peut imaginer que si d'autres pays africains se disent
03:26« Effectivement, moi ça me ferait économiser de convertir mes emprunts du dollar en yuan »,
03:32ça pourrait renvoyer quand même un signal de conversion ou de confiance.
03:36Et ils commercent avec la Chine.
03:37Voilà, et de confiance dans une monnaie chinoise au moment où on a quand même Pékin
03:42qui fait la promotion de sa monnaie et qui essaye quand même d'internationaliser sa monnaie chinoise.
03:47Le point qui est intéressant, c'est qu'on le voit dans cet exemple,
03:51et vous l'avez rappelé à juste titre, c'est que la Banque centrale, malgré tout,
03:54elle met très clairement en avant, on n'est pas sur un processus de dédollarisation.
03:59À ma connaissance, d'ailleurs, je crois en termes de Banque centrale,
04:01il y a juste l'Argentine qui doit avoir une assez forte proportion de yuan,
04:05doit être entre 12 et 15 milliards, mais bon, parce qu'ils étaient aux abois.
04:08Mais très très clairement, l'idée c'est surtout d'utiliser ce levier,
04:11notamment pour commercer, et pas de remettre en place cette idée de dédollarisation.
04:17Ce qui est intéressant, si on dézoome un petit peu,
04:20ce qui est intéressant, c'est aussi de revoir les grands équilibres
04:23des réserves mondiales de change aujourd'hui.
04:26Et c'est toujours un paradoxe qui, moi, me fascine,
04:30c'est que quand vous regardez la Chine,
04:33vous avez un géant économique et un nain monétaire en même temps.
04:37Ce géant économique, et on le rappelle ici régulièrement,
04:40mais c'est des chiffres assez spectaculaires,
04:43où on voit, il y a deux ans, sur une seule année,
04:46la Chine a coulé autant de ciment que les États-Unis en un siècle.
04:50Vous avez l'année dernière la Chine qui a déposé plus de brevets sur l'IA
04:56que les États-Unis, l'Europe, la Corée du Sud, le Japon et le Canada réunis.
05:02Vous avez la Chine qui est la deuxième puissance économique au monde
05:05et dont toutes les projections montrent,
05:07alors même si sa consommation s'essouffle un petit peu, etc.,
05:10mais montrent qu'elle sera en capacité de doubler les États-Unis
05:13entre 2028 et 2035, ça dépend des projections.
05:17Oui, et là, en l'occurrence, c'est crédible en termes de projections.
05:20Et à côté, quand vous regardez les réserves mondiales de change,
05:24vous avez un yuan qui pèse 2% des réserves mondiales de change.
05:29À côté, vous prenez l'euro et le dollar,
05:32à eux deux, c'est les trois quarts des réserves mondiales de change.
05:36Et en fait, si la Chine pèse si peu aujourd'hui,
05:38évidemment, c'est parce que Pékin exerce encore un contrôle assez strict sur sa monnaie,
05:44ça limite la libre circulation et la confiance des autres banques centrales sur cette monnaie.
05:50Ce qu'il faut bien avoir en tête, c'est que les réserves de change,
05:54elles sont détenues par principalement les banques centrales
05:58et que les banques centrales, elles ont besoin d'avoir confiance en une monnaie.
06:02Avoir confiance en une monnaie, c'est avoir une monnaie qui est assez libre.
06:06Et aujourd'hui, l'euro et le dollar sont les seules monnaies
06:10que n'importe qui, n'importe quand, n'importe où peut convertir et échanger
06:17du montant qu'il le veut.
06:20Parce qu'effectivement, du côté du yuan, vous avez plusieurs taux.
06:24Vous avez le yuan onshore, le yuan offshore, etc.
06:27Mais quand on regarde, effectivement,
06:28les banques centrales restent quand même très nettement à l'écart aujourd'hui.
06:31Et elles ont intérêt parce que le processus d'internationalisation du yuan,
06:34je crois, avait été lancé en 2015.
06:37Et finalement, la Covid, tant passé par là, ça a quand même limité l'engouement.
06:41Et aujourd'hui, on le voit, finalement, il y a quelques États au niveau mondial
06:44qui renforcent leurs liens et certains n'ont pas le choix.
06:46Je crois que vous l'avez évoqué aussi, la Russie.
06:49Mais fondamentalement, il n'y a pas de yuanisation de l'économie mondiale.
06:54Non, surtout ce qu'il faut bien aussi avoir en tête,
06:58il faut toujours regarder quelle est la structure de l'économie chinoise derrière.
07:01Et vous avez une économie qui reste quand même hyper puissante,
07:04mais en même temps hyper figée.
07:07L'ossature de l'économie chinoise, elle repose notamment sur des grands groupes étatisés
07:15qui, à eux seuls, pèsent 30% du PIB chinois.
07:19Si vous prenez les 135 plus grandes entreprises chinoises,
07:23vous avez 80 d'entre elles qui sont des entreprises publiques.
07:27Donc, elles ont un poids très important.
07:30Et donc, aujourd'hui, si vous êtes un institutionnel, un investisseur international
07:35et que vous voulez faire une méga opération en yuan ou quelque part sur le territoire chinois
07:39ou à l'extérieur avec un parti national mais en yuan,
07:42derrière, vous aurez toujours une intervention à un moment de Pékin
07:48qui essaiera, où il faudra attendre d'avoir son label
07:53parce qu'il y a quand même un contrôle sur la circulation de leur capitaux.
07:57Ils exercent aussi des quotas particuliers, des programmes très spécifiques.
08:00Si un investisseur étranger veut faire partie d'une opération,
08:05en fait, on a beaucoup moins de liberté sur le yuan qu'avec une autre monnaie.
08:10Mais là où la question que j'ai voulu aussi me poser pour voir si finalement
08:15l'internationalisation du yuan était une utopie ou pas,
08:22c'est que je me suis rappelé d'une photo, une photo hyper spectaculaire
08:26qu'on avait commentée ensemble le 1er septembre dernier au sommet de Tianjin,
08:31sommet de l'organisation de la coopération de Shanghai.
08:34Et en fait, cette photo, alors derrière, vous avez quand même beaucoup de médias en Occident
08:38qui titraient un peu l'axe du mal, bon, ça c'était un peu facile.
08:42Mais ce qui était spectaculaire, c'était de voir autour de la Chine,
08:46autour de Xi Jinping, le sud global, avec les BRICS et un ensemble de pays,
08:52Iran, Égypte, Qatar, etc., qui, à eux tous, représentent la moitié de l'humanité,
09:00pèsent le quart du PIB mondial et sont tous autour de Xi Jinping.
09:06Et donc, en fait, qu'est-ce qui se passerait si Xi Jinping dit,
09:13qui est le leader de ce sud global aujourd'hui,
09:16où ils se retrouvent tous autour d'un objectif géopolitique,
09:20d'un nouvel ordre mondial qui serait beaucoup moins dépendant des États-Unis,
09:26qui sera un ordre mondial multipolaire,
09:28où vous qui reverrez complètement à la hausse la place,
09:32enfin leur représentation dans toutes les institutions internationales,
09:35et un monde dans lequel on s'affranchirait aussi du dollar.
09:40Donc, qu'est-ce qui se passe ?
09:42Qu'est-ce qui se passerait si Xi Jinping dit à l'ensemble de ce bloc de Tianjin,
09:47OK, on commerce ensemble,
09:49et si on commençait à revoir un peu les équilibres de réserve de change
09:53dans les coffres de boxe centrale, chacun.
09:56J'ai regardé, alors c'est pas une statistique officielle,
10:00mais j'ai regardé quand même à la louche ce que pouvait peser
10:01tout ce bloc de Tianjin,
10:04à eux tous, ils détiennent un peu plus de 40,
10:07entre 40 et 45% des réserves mondiales de dollars,
10:11dont 27% pour la Chine.
10:15Et donc, s'ils s'accordent entre eux,
10:19dans cet esprit du nouvel ordre mondial,
10:22à se dire, tiens, si on faisait basculer,
10:25par exemple, de 3 à 5 points nos réserves de dollars en yuan,
10:28eh bien ça, ça ferait passer la part de yuan
10:35dans les réserves mondiales de change de 2% à 6%.
10:38Ça veut dire que ça hisserait le yuan
10:40au même niveau que la livre sterling
10:43ou que le yen.
10:43Oui, parce qu'il y a une vraie concurrence, effectivement,
10:45pour la troisième place.
10:47Oui, parce qu'il y a l'euro et le dollar qui dominent
10:48et qui vous avez derrière le poste de pichevot
10:51entre le yen et la livre sterling.
10:53Mais, alors, même si ça reste encore très faible
10:55par rapport à l'euro et le dollar,
10:59ça renverrait un signal géopolitique spectaculaire.
11:02Et ça ne me paraît pas être non plus totalement
11:04de la science-fiction
11:05que de voir tout ce bloc de Tianjin
11:09s'accorder aussi sur des stratégies monétaires,
11:13même si le yuan reste une monnaie bien moins intéressante
11:15car beaucoup plus contrôlée.
11:16Oui, c'est ça.
11:17Le problème, ça reste fondamentalement, effectivement,
11:19ce contrôle qu'on voit.
11:19Et vous l'évoquiez, juste en conclusion,
11:22quand on discute avec des entreprises françaises
11:24présentes en Chine, ce qui est assez frappant,
11:26c'est que l'un des principaux risques mis en avant,
11:28c'est effectivement le risque de change.
11:30Parce que même dans les contrats qui sont mis en avant
11:32où on a potentiellement des objectifs de conversion
11:34du taux de change, en général,
11:36ils nous disent que ce n'est pas respecté.
11:37Donc, avoir une couverture de taux de change
11:39avec le yuan, aujourd'hui, ça n'existe pas.
11:41Il faudrait que ça change pour, effectivement,
11:42avoir une adhésion.
11:44Et peut-être dernier signal très rapidement,
11:45mais on en reparlera.
11:47On aura tous les yeux figés le 8 décembre
11:49sur une première pareille mondiale.
11:52C'est la Russie qui a annoncé qu'elle allait,
11:53pour la première fois, faire un emprunt en yuan.
11:56C'est bon de le rappeler.
11:57Et donc, voilà.
11:58Et ça, c'est aussi un signal géopolitique
11:59hyper intéressant, parce que ça montre
12:00qu'avec les sanctions occidentales,
12:03vous avez Vladimir Poutine qui s'est mis
12:05à vendre beaucoup de pétrole à la Chine.
12:09Donc, il s'est retrouvé avec des excédents de yuan.
12:11Et aujourd'hui, se sert de ces excédents de yuan.
12:15Et pour contrer les sanctions occidentales,
12:17où il s'est coupé des circuits financiers occidentaux,
12:19va emprunter pour la première fois en yuan.
12:21Donc, il faudra regarder quel montant
12:23il emprunte exactement,
12:24et quels seront les profils des investisseurs
12:26qui joueront le jeu.
12:26Et symboliquement, dans tous les cas, c'est important.
12:28Ça ne m'étonnerait pas qu'on retrouve
12:30une partie du bloc de Tianjin.
12:32En acheteur.
12:33Dans les fonds qui feront partie
12:36de cette première levée de fonds.
12:37Merci de le rappeler.
12:388 décembre, donc.
12:39Et on se retrouve la semaine prochaine
12:41pour notre émission spéciale Terre rare.
12:44On va évoquer justement ce sujet.
12:45Et on se retrouve la semaine prochaine.
12:47Et on se retrouve la semaine prochaine.