00:00Tout pour investir, la masterclass, quand le monde s'affole.
00:04Bonjour Mathieu. Bonjour Christopher.
00:06On a parlé de Trump avec notamment mon invité de l'Atlantic Council.
00:11Il y a une zone qu'on n'a pas évoquée avec lui, on a évoqué bien sûr la Chine,
00:15mais il y a une zone qui est un peu incontournable, c'est le précaré des Etats-Unis avec l'Amérique latine
00:19et vous vouliez évoquer un pays en particulier aujourd'hui.
00:21Oui, le Venezuela parce qu'on assiste à une poussée de fièvre mais spectaculaire depuis plusieurs jours.
00:26Qu'est-ce qui se passe ? Vous avez côté américain la marine américaine qui depuis quelques semaines
00:31vient de déployer plusieurs navires, il y a 7 ou 8 navires au large du Venezuela.
00:36Un sous-marin nucléaire d'attaque qui est arrivé dans la zone et maintenant vous avez des F-35
00:40qui patrouillent au large du Venezuela.
00:42Donald Trump qui vient de déclarer hier que les Etats-Unis sont en conflit armé
00:47avec le cartel de drogue vénézuélien.
00:50Et côté Venezuela, vous avez des millions de réservistes qui sont mobilisés.
00:54Mardi dernier, le président vénézuélien qui est devenu la véritable bête noire de Washington,
00:59Nicolas Maduro, a pris la parole. Écoutez-le.
01:06Aujourd'hui a commencé le processus de consultation pour décréter un état d'exception.
01:11Ce décret aurait des répercussions considérables si le Venezuela était agressé par l'Empire américain,
01:22agressé militairement.
01:27Voilà, donc cet état d'urgence, il va donner des pouvoirs élargis à Nicolas Maduro.
01:33On sent cette ambiance en ce moment dans cette zone du Venezuela
01:35où c'est une ambiance de veillée d'armes qui est juste aux portes du continent américain.
01:39Donc ça, c'est vraiment assez spectaculaire ce qui est en train de se passer.
01:44Et ce qui est intéressant, c'est de voir que pour Donald Trump,
01:48c'est une zone, le Venezuela, qui cristallise des enjeux géostratégiques
01:53qui sont majeurs pour Washington.
01:54Vous avez quoi au Venezuela ?
01:56Vous avez plusieurs dossiers comme la lutte contre le narcotrafic
01:59et l'immigration aux Etats-Unis.
02:00Vous avez la sécurité énergétique.
02:03Vous avez aussi la rivalité géopolitique avec la Russie et la Chine.
02:09Et en fait, pour comprendre comment est-ce qu'on en est arrivé là aujourd'hui,
02:12en particulier sur ces deux derniers dossiers,
02:15je vous ai ressorti un extrait que je trouve assez spectaculaire
02:18quand vous l'entendez aujourd'hui.
02:20On est le 1er mai 2007.
02:22On est sur la ceinture de l'Orenoc, que vous connaissez bien, Christopher.
02:29C'est une zone au Venezuela qui fait 600 km de long, 70 km de large,
02:34sous laquelle vous avez des réserves de pétrole
02:37qui sont estimées à à peu près 200 milliards de barils.
02:41A priori, première réserve de pétrole mondiale.
02:43Exactement.
02:44Une spécificité en revanche, on est sur du pétrole lourd.
02:47Donc il faut un taux, pour que ce soit rentable,
02:50il faut un prix du baril autour de 120 dollars de mémoire.
02:52C'est à peu près ajustable.
02:53Et l'autre point, c'est qu'il faut des investissements,
02:55qu'on ait sur du pétrole lourd, et c'est un vrai sujet pour le Venezuela.
02:58Exactement.
02:58Et donc, on est sur cette zone-là, dans un stade, le 1er mai 2007,
03:03et là, vous avez l'ancien président vénézuélien, Hugo Chavez,
03:07qui harangue la foule, il est sur une mer de pétrole.
03:10Écoutez-le.
03:12Nous autres, même si nous devions manger des pierres,
03:19nous suspenderions l'envoi de pétrole aux Etats-Unis d'Amérique du Nord.
03:27Nous n'enverrions plus une seule goutte à leur raffinerie.
03:35Est-ce que ce n'est pas un peu du bluff ?
03:37Parce que, de mémoire, quand même, en 2007,
03:39ils étaient quand même très dépendants des Etats-Unis à ce moment-là.
03:42Alors, ce n'est pas du bluff.
03:43Ce n'est pas du bluff, parce que ce qui va se passer, Christopher,
03:45c'est que Hugo Chavez, à partir du jour où il y a eu ce discours choc,
03:49vous allez avoir dans la foulée une loi qui va passer,
03:54et qui va faire en sorte que toutes les grandes majors qui sont présentes sur place,
03:59les BP, Total Energy, ExxonMobil, etc.,
04:03qui ont leur exploitation, qui sont majoritaires,
04:06eh bien, elles n'auront plus le droit d'être majoritaires.
04:09Donc, elles remplacent ?
04:10Elles vont se retrouver minoritaires,
04:12et en fait, elles vont se retrouver encore sur place,
04:14mais minoritaires et sous la tutelle
04:16de la compagnie publique qui est PDVSA.
04:22Donc, en fait, non, ce n'est pas du bluff,
04:24et en fait, ce qui se passe aujourd'hui au Venezuela,
04:26ça illustre juste, c'est juste l'héritage
04:28de cette révolution bolivarienne
04:30engagée par Hugo Chavez en 1998.
04:33Et en fait, ce qu'il faut bien voir,
04:34c'est que depuis la fin des années 90,
04:36vous avez ce petit pays aux portes des États-Unis
04:40qui a dit, on va reprendre la révolution bolivarienne.
04:43D'ailleurs, ils ont fait inscrire dans la Constitution
04:44que ça allait s'appeler la République bolivarienne du Venezuela.
04:49Et en fait, ils vont fédérer autour d'eux
04:51tout un axe contestataire de pays
04:53contre les États-Unis.
04:54Et en fait, ce qu'il faut comprendre,
04:55c'est que le pilier de cette révolution bolivarienne,
04:59c'est quoi ?
05:00C'est la prise de contrôle politique
05:02de toute l'industrie pétrolière.
05:04On est sur une nationalisation qui est complète.
05:07De mémoire, PDVSA était, je crois, privée
05:10avant que jusqu'en 2005.
05:12Exactement.
05:12Grève, nationalisation.
05:14Nationalisation et prise de contrôle majoritaire
05:16de toutes les exploitations avec les anciennes majors
05:19qui deviennent minoritaires.
05:20Qu'est-ce qui se passe ?
05:21Aujourd'hui, vous n'avez plus aucune major
05:23qui opère au Venezuela.
05:25Il n'y a que Chevron, je crois,
05:27qui opère encore un petit peu,
05:29mais avec des règles et des pressions
05:30extrêmement fortes de Washington.
05:33Ils ont été remplacés par les Chinois et les Russes.
05:36Ils ont été remplacés par les Chinois et les Russes.
05:39Parce qu'une des conséquences, en fait,
05:41de cet axe contestataire
05:45qu'a fédéré Chavez et repris par Nicolas Maduro,
05:51c'est que le Venezuela s'est retrouvé totalement isolé
05:54avec Washington qui a mis en place tout un étau
05:56pour essayer de les asphyxier.
05:58Et donc, ils ont pivoté vers qui ?
05:59Vers la Russie et la Chine.
06:01Et aujourd'hui, en fait,
06:04vous avez 40% des exportations du pétrole vénézuélien
06:09qui vont auprès de Pékin.
06:13Donc, il y a une dépendance très forte
06:15de Caracas avec Pékin.
06:17Oui, en 2009, je crois qu'ils avaient signé un accord
06:20qui est le Fonds Chine-Vénézuélien
06:23où l'idée, c'était que la Chine investissait
06:25de l'argent au Venezuela
06:27et le Venezuela payait en pétrole.
06:28Ils payaient en pétrole.
06:29Et en fait, la Chine, en fait,
06:31a ouvert une ligne de crédit
06:33de 60 milliards de dollars au Venezuela
06:36et elle s'est fait payer en pétrole.
06:39La Chine qui a investi massivement
06:40dans des infrastructures au Venezuela.
06:44Et donc, c'est intéressant de voir
06:45sur le plan géopolitique
06:46que finalement, les États-Unis,
06:49en mettant en place cet étau
06:50pour asphyxier le régime en place,
06:54finalement, a ouvert la voie à Pékin
06:56qui s'est retrouvé partenaire privilégié
07:00du Venezuela et qui, aujourd'hui,
07:02a une présence très forte dans une zone historiquement
07:04d'influence importante pour les États-Unis.
07:08Et c'est la même histoire pour la Chine,
07:10mais qui ont une présence un peu différente.
07:11On a une présence énergétique et infrastructure
07:14côté chinois.
07:15Côté russe, c'est une présence stratégique
07:17et militaire.
07:18Vous avez la Russie qui a vendu
07:20beaucoup d'armes au Venezuela.
07:23Il y aurait...
07:23Alors, il n'y a pas eu de preuve formelle,
07:24mais on sait que le groupe Wagner
07:26était aussi très présent au Venezuela.
07:29C'est notamment ce groupe Wagner
07:30qui aurait assuré la protection
07:32de Nicolas Maduro en 2019,
07:36qui forme sur place aussi des militaires.
07:39On sait aussi que le groupe Rosneft
07:43a pris des participations très importantes
07:46dans des exploitations pétrolières au Venezuela.
07:52Et donc, aujourd'hui, vous avez Caracas
07:55qui renforce ses liens avec la Chine et la Russie.
07:59Et d'ailleurs, ce n'est pas étonnant de voir
08:00que cette semaine, pas plus tard qu'avant-hier,
08:03vous avez le porte-parole chinois
08:04du ministère des Affaires étrangères
08:06qui a réagi officiellement
08:09pour dénoncer la menace américaine
08:12dans la zone
08:13et en disant explicitement
08:15qu'il n'était absolument incompréhensible
08:19et pas possible de voir une menace extérieure
08:21sur la sécurité intérieure
08:24de son allié vénézuélien.
08:27Oui, et on n'est pas un paradoxe près
08:29parce que finalement,
08:30argent chinois est un peu soutien
08:33plutôt stratégique et militaire russe.
08:36Mais en revanche, dollarisation de l'économie.
08:38C'est un peu comme l'Équateur
08:39qui avait abandonné sa devise
08:40à marche forcée
08:41et ils ont dollarisé complètement l'économie.
08:43Le Venezuela, pas officiellement en tout cas
08:45parce que vous avez toujours
08:46le bolivar qui est officiel
08:47mais vous avez un marché parallèle.
08:49Aujourd'hui, concrètement, c'est le dollar.
08:51Vous avez deux économies
08:53qui se mettent en place.
08:54L'économie communiste-socialiste bolivarienne
08:58pour la plupart où vous êtes sur le bolivar
09:00mais pour les élites, aujourd'hui,
09:01c'est en dollars.
09:02Je vous avoue, j'étais allé il y a 2-3 ans
09:04au Venezuela, c'était ça.
09:05Vous aviez un niveau d'offre
09:08de services de restaurants
09:09qu'on pourrait trouver à Paris
09:10mais qui était réservé à l'élite.
09:11En revanche, il fallait payer en dollars.
09:13Même si sur ce sujet,
09:14je crois que votre invité
09:15de l'Atlantic Council
09:16nous alertait pour nous dire
09:17qu'aujourd'hui,
09:18nous avons des nouveaux circuits alternatifs
09:20qui donnent la possibilité
09:22à tout un chacun
09:23de mettre en place
09:25un système de dédollarisation
09:27assez facilement.
09:28Le Venezuela, je crois,
09:30avait tenté avec les bitcoins.
09:32Mais bon, le problème des bitcoins,
09:34si vous en minez,
09:34il faut de l'énergie.
09:35Et le Venezuela n'est pas
09:36paradoxe près.
09:37Le problème, ils ont des coupures
09:38régulières d'électricité.
09:39Mais en revanche, effectivement,
09:40il y avait cette tentative-là
09:41qui était présente.
09:42En tout cas, quand vous voyez
09:43tous ces liens stratégiques
09:44qui ont été mis en place
09:45entre Caracas, Pékin et Moscou,
09:49liens économiques et militaires,
09:51vous vous rendez compte
09:52que dans cette petite partie du globe,
09:54une petite étincelle
09:57peut vraiment provoquer
09:58un embrasement régional,
10:00voire bien plus loin.
10:02Dernière question,
10:03est-ce qu'il y a un risque réel
10:04d'embrasement
10:05ou c'est plutôt
10:06chacun montre les bras
10:07et ça renforce finalement
10:08le régime de Maduro
10:10et de l'autre côté,
10:11Donald Trump aussi,
10:12il y a des midtermes,
10:13il y a quand même
10:13une grosse communauté vénézuélienne
10:16qui va voter
10:17ou en tout cas
10:18qui est proche de cette zone-là.
10:20Est-ce que ce n'est pas
10:20plutôt des raisons un peu électorales
10:21qui poussent Trump
10:22à se positionner ?
10:23Je pense que Donald Trump
10:27pour l'instant
10:27a plutôt intérêt
10:29à se limiter
10:30effectivement
10:31sur le plan électoral
10:31à des frappes
10:33ciblées et tactiques
10:34sur les bateaux
10:36de narcotrafic
10:37car là,
10:39ça envoie
10:40un message
10:41d'action
10:42et de lutte
10:43contre un véritable fléau
10:45qui gangrène
10:46aujourd'hui
10:46les États-Unis.
10:48En revanche,
10:48aller plus loin,
10:50ça risque assez compliqué
10:51car à ce moment-là,
10:52je pense que la Chine
10:53et la Russie
10:55risquent de montrer
10:57leurs muscles
10:57à leur tour
10:58et Donald Trump
11:00n'a absolument
11:01aucun intérêt
11:03dans cette période actuelle
11:04d'ouvrir
11:06ce conflit supplémentaire
11:09alors qu'on voit bien
11:10qu'il y a d'autres crises
11:11qui se superposent
11:12dans d'autres régions du monde
11:14et qui se concentrent
11:15actuellement
11:16notamment
11:17sur le théâtre
11:18indo-pacifique
11:19qui est leur priorité absolue
11:21et c'est Pitexet,
11:23le secrétaire à la guerre
11:23qui l'a encore rappelé
11:24au dialogue de Shangri-La
11:26en mai dernier.
11:26Un sujet qu'on pourra peut-être évoquer
11:28dans les prochaines semaines ensemble.
11:29Indo-pacifique, oui.
11:29Oui, complètement.
11:30C'est une bonne idée.
11:31Merci beaucoup Mathieu.