L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy estime, ce samedi 27 septembre dans le Journal du Dimanche, que "toutes les limites de l'État de droit ont été violées" après sa condamnation à cinq ans de prison avec mandat de dépôt et exécution provisoire.
00:00Antonin André, on le disait, c'est vous qui avez réalisé cette interview de Nicolas Sarkozy au lendemain de l'annonce de sa condamnation.
00:08Un long entretien, une dizaine de pages. Est-ce qu'il ressentait le besoin de parler Nicolas Sarkozy ? Vous avez dû le convaincre ?
00:14Non, je pense qu'il avait besoin de s'exprimer et qu'il a fait le choix de la presse écrite parce qu'une interview dans la presse écrite vous permet quand même de maîtriser fortement votre parole.
00:23Sa déclaration à la sortie du tribunal était une déclaration extrêmement forte qui s'adressait à tous les Français.
00:28Et ensuite, je pense qu'il avait besoin d'avoir une expression qui soit à la fois maîtrisée, détaillée.
00:34Moins spontanée ?
00:35Oui, on est quand même dans une affaire judiciaire dans laquelle il y a encore des enjeux très lourds pour lui.
00:39C'est-à-dire qu'une possible incarcération, un procès en appel.
00:43Et donc, évidemment que pour s'exprimer, il a besoin d'un cadre dans lequel il garde une forme de maîtrise de temps et d'emploi des mots
00:51pour pouvoir s'exprimer, pour pouvoir exprimer exactement à la fois ce qu'il ressent
00:55et à la fois ce qu'il reproche ou ce qu'il conteste dans l'épreuve judiciaire qu'il accable.
01:01Et alors, comment vous l'avez senti ? D'abord, où s'est déroulée l'interview ?
01:04Dans les bureaux de Nicolas Sarkozy, Rudmy Roménil.
01:07C'est vrai que quand vous êtes juriste politique, moi j'avais déjà interviewé Nicolas Sarkozy,
01:11j'ai interviewé François Hollande, j'ai côtoyé Jacques Chirac.
01:14C'est des moments qui sont toujours un peu particuliers.
01:18Et là, évidemment, 24 heures après sa condamnation à de la prison ferme,
01:22on s'attend à trouver un homme qui, peu ou prou quand même, dans le cadre feutré de son bureau avec ses collaborateurs,
01:29peut montrer une forme d'affect ou d'abattement.
01:35Et en réalité, c'est tout l'inverse.
01:36C'est-à-dire que Nicolas Sarkozy, on en a eu la démonstration,
01:39vous entendez son pas décider dans le couloir,
01:41vous le voyez arriver avec son buste et ses épaules en avant,
01:44il vous serre la main, il vous accueille de façon très chaleureuse.
01:47Et en fait, on comprend assez vite, quand on s'assoit avec lui et qu'on commence l'entretien,
01:51que c'est un homme sur lequel plus vous frappez, plus vous attaquez,
01:55plus vous alimentez sa force et sa détermination.
01:59Et c'était, je dois le lire, je dois le reconnaître, assez impressionnant
02:02de voir à la fois la solidité, la précision de ses réponses
02:06et une forme de détermination qui émane de lui
02:09et qui est aussi un message adressé au juge.
02:12Il le dit d'ailleurs dans l'interview,
02:14vous ne m'atteindrez pas, vous ne me toucherez pas, je ne flancherai pas.
02:17Donc c'est ce qui ressortait, vous disiez, vous l'avez interviewé à plusieurs reprises.
02:21Donc là, finalement, et c'est vrai qu'on ne s'y attend pas,
02:24il semblait plus fort que d'habitude, plus sûr de lui.
02:28En fait, ce n'est pas totalement une surprise.
02:30Je connais Nicolas Sarkozy depuis assez longtemps
02:32pour avoir couvert sa campagne en 2007,
02:33l'avoir suivi quand il était à l'Elysée.
02:34C'est un animal politique, une force physique
02:39qui est assez rare dans le monde politique aujourd'hui
02:42et qui réagit lorsqu'on l'attaque par un surcroît de détermination et de force.
02:50Et c'est d'ailleurs le message qu'il dit au juge.
02:51Vous voulez m'abattre ?
02:53In fine, je prouverai mon innocence
02:54et tous les coups que vous me portez aujourd'hui,
02:57je m'en nourris pour ajuster ma riposte et démontrer mon innocence.
03:01On peut être pour ou contre Nicolas Sarkozy,
03:04on peut penser ce qu'on veut de cette affaire.
03:06Ce fait-là, cette donnée-là, on l'a mesuré
03:10et on l'a vraiment éprouvé lors de cette interview.
03:13Vous dites qu'il avait l'air combatif.
03:16Il y a eu une déclaration notamment qui nous a interpellés.
03:20C'est celle-ci quand il dit
03:21« Je m'attendais à tout, mais pas à cela, je le reconnais ».
03:25Oui.
03:25Il est tombé de haut ?
03:27Oui, et on peut le comprendre.
03:29Je vous dirais que moi, je ne suis pas un spécialiste des procès
03:33comme M. Valdéguier, comme M. Carmon-Cesse,
03:35donc je n'ai pas leur expertise.
03:37Mais lorsqu'on lit et qu'on assiste au prononcé du verdict,
03:42l'exécution provisoire qui envoie Nicolas Sarkozy en prison
03:46donne le sentiment d'un acharnement.
03:50Pourquoi ? Parce que quand on regarde les motifs
03:53qui motivent une exécution provisoire,
03:55vous avez le risque de troubles à l'ordre public
03:58qui est d'ailleurs invoqué dans le prononcé du verdict.
04:01Troubles à l'ordre public et maintenant Nicolas Sarkozy,
04:04on ne voit pas bien ce que cela signifie
04:05étant donné qu'il s'est présenté à toutes ses auditions.
04:08Il a répondu à toutes les sollicitations du parti financier.
04:10Donc c'est sur tout ça qu'il a choqué ?
04:11Oui. La gravité des faits, je rappelle que les deux principaux chefs d'accusation
04:15de corruption et de détournement de fonds publics
04:19sont abandonnés par le jugement.
04:22Donc le délit de fuite, on ne voit pas Nicolas Sarkozy
04:25qui est l'un des visages les plus connus aujourd'hui en France
04:28vouloir fuir vers l'étranger.
04:30Et en fait, cette exécution provisoire,
04:33toutes les personnalités qui étaient dans la salle,
04:35y compris les journalistes et on l'entend aussi sur les antennes
04:37d'éditorialistes, quel que soit leur bord politique,
04:40est incompréhensible et perçu,
04:42ou en tout cas alimente le sentiment d'un acharnement
04:44contre Nicolas Sarkozy.
04:45C'est-à-dire que les juges, innocents ou pas innocents,
04:48ce qu'ils veulent, c'est l'image d'un président de la République
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