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  • il y a 6 semaines
Son domaine viticole, situé près de Ribaute, est parti en fumée lors de l'incendie qui a ravagé 16.000 hectares dans l'Aude cet été. Sophie Guiraudon, viticultrice, raconte cet épisode traumatisant, au micro de RTL Matin.
Regardez Face à Fogiel du 28 août 2025.

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Transcription
00:00...
00:00RTL Matin, Thomas Soto
00:02Face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel ce matin, vous recevez Sophie Guiraudon.
00:10Elle est vigneronne dans l'Aude, sauf qu'il y a moins d'un mois, lors des incendies qui ont ravagé là-bas plus de 16 000 hectares,
00:16elle a tout perdu en à peine une heure quand son vignoble est parti en fumée.
00:20Bonjour Sophie Guiraudon.
00:22Bonjour.
00:23Merci d'être en ligne avec nous près d'un mois, donc après ce terrible incendie.
00:26Dans quel état d'esprit êtes-vous ce matin ?
00:29Alors on digère, on passe par plusieurs étapes.
00:34Aujourd'hui on est plus clairvoyant, on fait un point sur ce qui reste, ce qui va rester.
00:40La vigne est une plante résiliente, donc elle va peut-être un peu survivre.
00:44Et la difficultrice qui est en ligne avec nous, elle est résiliente aussi ?
00:47Oui, fatiguée, résiliente, et portée par des énergies qui se développent autour de moi, donc ça aide.
00:56Vous allez nous raconter, vous possédez donc le domaine du Clos de l'Anel depuis 25 ans, au cœur du massif des Corbières.
01:03D'abord ce 5 août 2025 qui va rester évidemment un moment fort pour vous, à 16h15, le feu démarre à Ribot, à 1 km de votre domaine,
01:14domaine de 9 hectares et demi.
01:15Vous nous racontez ce qui se passe à ce moment-là, ce que vous voyez sous vos yeux.
01:20Alors ça ne va pas être sensationnel parce que je n'étais pas là.
01:23Donc j'étais ailleurs, et j'ai commencé à avoir des appels, des appels, des appels.
01:31Je ne pouvais pas rentrer en fait, j'étais en situation où je ne pouvais pas rentrer de suite.
01:34J'ai eu des appels, j'ai eu des vidéos, donc j'ai suivi ça beaucoup par téléphone.
01:38C'était l'effroi, la peur de tout perdre, et puis tout d'un coup un espoir inespéré de se dire
01:44peut-être il a dévié, peut-être il n'est pas passé par là.
01:47Voilà, donc ça a été des heures et des heures d'attente.
01:50Les personnes que j'avais au téléphone ne pouvaient pas monter sur le massif.
01:54Et moi je suis rentrée le lendemain matin, le plus tôt possible, pour essayer d'aller voir.
01:59Je n'ai pas pu au début, puis le soir, en fin d'après-midi, j'ai réussi à monter et j'ai vu la catastrophe.
02:05C'est quoi la catastrophe ? Ça veut dire le domaine, les 9 hectares nés ou quasiment totalement brûlés ?
02:11Oui, au début on ne voit que du noir, que du noir, que du noir, au sens propre et au sens figuré.
02:17C'est des vignes brûlées, des vignes échaudées, c'est surtout, ce qui est peut-être le plus dur,
02:23c'est tous ces arbres noircis, tous ces arbres que j'ai plantés, que j'ai bichonnés.
02:30Voilà, on voit tout ça qui disparaît, qui est noir.
02:35Et il y a quand même quelques petits peu de vert encore de la vigne qui a fait son rôle de coupe-feu.
02:39Mais on a l'impression que tout est parti, que 25 ans ont disparu parce que ce domaine est un domaine isolé,
02:47une espèce de joyau où j'ai créé tout un ensemble.
02:52Et bien là, il y a beaucoup de noir, on ne voit plus rien.
02:54Donc un crève-cœur, j'imagine, des années de travail partie en fumée.
03:02Bien sûr, c'est 25 ans d'une vie, on est beaucoup, beaucoup dans nos vignes, c'est plein de souvenirs,
03:08c'est des souvenirs, les enfants ont grandi là, voilà, c'est plein de souvenirs, on y a fait,
03:13on y a vendangé, on y a travaillé, on y a fait des fêtes, on s'y amusait aussi,
03:17donc c'est l'impression que tout disparaît comme ça.
03:20On est vidé ?
03:21On est vidé, on est épuisé, après il y a un peu de colère, on ne sait pas contre qui,
03:27mais il y a un peu de colère, il y a un abattement, il y a plein de sentiments qui viennent.
03:31Oui, on est vidé.
03:32Vous vous y attendiez parce que le cocktail était favorable au départ de feu,
03:36le niveau de sécheresse était de 4 sur 5, les vents allaient jusqu'à 65 km heure,
03:40il faisait 33 degrés, l'humidité était basse, enfin le cocktail terrifiant.
03:45On connaît ce que ça produit, vous vous y attendiez ?
03:49Non, mon optimisme ou ma, je ne sais pas, ma non clairvoyance, non, je ne m'attendais pas.
03:57On souffrait d'autres choses, on souffrait de sécheresse, ça c'était vraiment une constante permanente,
04:03un poids qu'on avait sur les épaules de voir que les paysages se séchaient,
04:07que les villes souffraient énormément, on souffrait de manque d'eau, on souffrait de canicules, voilà.
04:14Mais le feu, non, je n'y ai jamais pensé.
04:16Vous avez pu chiffrer les pertes économiques, c'est tout qui s'envole, tout qui part en fumée, si c'est le cas de le dire ?
04:23C'est déjà une année perdue, complètement, entre ce qui est vraiment brûlé, ce qui a pris du retardant,
04:29ce qui a été échaudé, ce qui a pris surtout la fumée, la fumée est restée des jours et des jours,
04:34dans un sens, puis le vent est reparti, donc elle est restée aussi dans l'autre sens.
04:37Donc c'est une année perdue, ça c'est sûr, et pour l'avenir, l'avenir est très incertain,
04:43il y a des vignes qu'il faudra arracher, des vignes qui vont peut-être s'en sortir très difficilement,
04:48qui vont mettre plusieurs années à s'en sortir.
04:52Voilà, on essaye de se projeter, mais on ne sait pas trop comment.
04:55Est-ce que c'est une bonne idée de replanter de la vigne ? Pas sûr.
04:58Parce que vous étiez déjà endettée à hauteur de 100 000 euros,
05:00ça veut dire que vous vous posez la question
05:02de repartir ou pas, vous pouvez-vous dire
05:04après 25 ans d'investissement
05:06comme vous l'avez fait, de tourner cette page-là
05:08et de partir sur autre chose ?
05:11Oui, j'étais endettée
05:12comme tous les agriculteurs qui investissent.
05:15Moi, je crois
05:16que je suis, je ne sais pas si je suis trop vieille
05:18ou pas assez jeune, je ne pense pas
05:20que je vais relancer
05:21tout ça. J'étais un peu
05:24déjà en mode... Vous avez quel âge, Sophie ?
05:26J'ai 57 ans.
05:28Voilà. J'avais déjà
05:30envie de lever le pied pour ces raisons
05:32dont je parlais tout à l'heure, de sécheresse
05:33et de difficulté à produire suffisamment
05:36pour en vivre. C'était déjà très très compliqué
05:38avec toujours l'exploit
05:40que la pluie revienne et que ça reparte
05:42bien. Là, je n'ai pas
05:44je ne pense pas avoir l'énergie pour repartir.
05:46Quelqu'un le fera à ma place.
05:48Quelqu'un ? Quelqu'un de la famille ? Vous pouvez
05:50transmettre ? Non. Mes enfants
05:51qui ont...
05:53Mes enfants ne reprendront pas.
05:56Ils n'ont pas la passion. Ils ont vu
05:58comme c'est dur. Moi, je considère
06:00pas que c'est dur. Je considère que c'est un plaisir.
06:02J'ai fait ça pendant 25 ans avec beaucoup de plaisir.
06:04Eux, ils n'ont pas la passion. Je leur ai dit
06:06s'il n'y a pas la passion, il ne faut pas y aller. Donc, ils font autre chose.
06:08Ils ne reprendront pas. Et vous ?
06:10Vous ferez autre chose ? Vous ferez quoi ?
06:12Je ferai autre chose. Je ne sais pas quoi.
06:14Je ne reprendrai pas un gros domaine.
06:16Ni même un gros, ni un petit.
06:17Autre chose liée au vent ?
06:19Autre chose. Oui, j'ai quand même un savoir-faire.
06:21C'est 25 ans que je fais ça. Je travaille en bio.
06:23J'ai des connaissances. Je peux
06:25accompagner des gens, les aider.
06:28Ça peut être des choses comme ça
06:29ou des choses très différentes. Je me sens encore
06:31en forme pour faire autre chose, mais
06:32pas dans la viticulture
06:35du sud, qui pour moi
06:37est... Voilà. C'est trop difficile.
06:40Les assurances, ça se passe comment ?
06:41Sophie, elles sont venues voir
06:43récemment d'ailleurs, la semaine dernière.
06:45Ça se passe comment ? Vous allez être indemnisées ?
06:47Elles ont été très réactives. Il n'y a rien à dire.
06:49Elles sont venues. L'expert est venu.
06:52On n'est pas d'accord sur tout,
06:53mais je pense qu'on va s'entendre.
06:55Parce que ça fait 25 ans
06:57que je suis fidèle à la même
06:58assurance.
07:01Voilà, on va trouver des solutions.
07:03Je ne sais pas du tout la hauteur.
07:04Ils ne savent pas. C'est très compliqué.
07:05C'est très complexe
07:07à mettre en place les indemnisations.
07:10On parle de
07:11quelle somme concrètement, en fait ?
07:14Je ne sais pas si c'est juste
07:15l'année en cours.
07:16C'est une certaine somme.
07:17C'est quoi une certaine somme pour avoir
07:19un ordre d'idées ?
07:21Je ne sais pas.
07:21C'est peut-être entre 50 et
07:2380 000 euros.
07:25Je ne sais pas.
07:25Ça, c'est l'année en cours.
07:27Et autrement ?
07:28Je ne suis pas très très forte en chiffres.
07:30Et autrement, ils peuvent aussi
07:31accompagner sur le manque à gagner
07:33de l'année prochaine,
07:34de l'année d'après,
07:35avant que la vigne retrouve une vraie
07:37dynamique.
07:39Ils peuvent accompagner sur l'arrachage
07:40qu'il va falloir mettre en place,
07:42sur les piquets qu'il va falloir remplacer,
07:43sur tout ce qu'il va falloir recréer.
07:45Voilà.
07:45Et l'État ?
07:46Il y a des aides de l'État,
07:47notamment, dès le 1er septembre,
07:49d'ailleurs.
07:50Oui, oui, oui.
07:50Donc vous avez l'impression
07:51d'être soutenu, d'une certaine manière,
07:52dans votre malheur que vous nous faites
07:54partager ce matin.
07:55Vous n'avez pas l'impression
07:55d'être laissé à l'abandon ?
07:57Pour l'instant, non.
07:58Mais après, l'argent, c'est une chose
08:00et les haies ne reverdiront pas de sitôt,
08:04le thym ne refleurira pas.
08:05Enfin, voilà, il y a toute la perte,
08:08j'allais dire, de l'écologie,
08:11des arbres qui sont...
08:12Voilà, de tout le vert,
08:14autre que la vigne.
08:15Voilà.
08:16Parce que c'est...
08:17La vigne, c'est bien,
08:18c'est un outil de travail,
08:19mais tout ce qu'on a créé autour
08:20va être dévasté.
08:22Et combien de temps ça va mettre ?
08:24Ça va repartir.
08:25On voit déjà les plantes
08:26les plus résilientes qui poussent.
08:29Voilà.
08:29Les roseaux, les chiens dents.
08:31Vous serez maintenant spectatrice
08:32de ces repousses.
08:35Oui, mais je veux aussi accompagner
08:38ce qui va se passer après.
08:40Je veux être là.
08:41Je ne veux pas lâcher le bateau.
08:43Je veux suivre, je veux aider.
08:45Moi, j'ai créé ça il y a 25 ans.
08:47Je ne suis pas partie d'un feu,
08:48mais je suis partie d'un domaine
08:49qui n'était pas aussi vivant.
08:51Voilà, je veux bien apporter
08:52ma connaissance
08:53à remonter quelque chose.
08:56Merci, Sophie.
08:57Résiliente, Sophie Guiraudon.
08:59Je voudrais juste un petit mot
09:01parce que je voudrais dire
09:02que dans cette résilience,
09:03je suis accompagnée
09:04par des gens,
09:07par la profession,
09:08par mes amis vinifis
09:09et mes amis femmes de vin.
09:10Nous sommes des vignerons
09:11et voilà,
09:12elles sont très très présentes
09:13activement et pragmatiquement.
09:16Et il y a aussi dans ce malheur
09:19des énergies formidables
09:20comme un tiers-lieu.
09:22Voilà,
09:23dont je voudrais parler
09:23qui s'appelle
09:24le tiers-lieu de Beauregard.
09:25Merci, Sophie.
09:26Merci de l'avoir fait
09:28et merci à Valentin Larkier,
09:29le correspondant d'RTL
09:30qui était à vos côtés
09:31pour la lise.
09:31Merci, Sophie.
09:32Merci.
09:33Merci.
09:34Merci.
09:35Merci.
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