Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 25 novembre 2025, la professeure Marie-Pierre Revel. Elle publie "En finir avec le cancer du poumon, c'est possible !", aux éditions Leduc.
00:02Vous êtes spécialiste d'imagerie pulmonaire et engagée, militante spécialiste des maladies pulmonaires à l'hôpital Cochin.
00:08Vous êtes à l'origine des premières demandes de dépistage de ce cancer qui ne fait pas mal, qui ne fait pas de bruit et qui progresse silencieusement.
00:14En 25 ans d'exercice, vous avez constaté que des personnes de plus en plus jeunes et surtout de plus en plus souvent des femmes étaient touchées par le cancer du poumon.
00:22Les derniers chiffres sont d'ailleurs très révélateurs. Le cancer du poumon est devenu la première cause de mortalité chez les femmes.
00:27Par cancer, de mortalité par cancer.
00:30Par cancer. Si on se réfère d'ailleurs au site de l'OMS, devant celui du cancer du sein avec une augmentation de 4% par an, soit 20 000 nouvelles patientes par an.
00:41Il est aussi le troisième cancer le plus fréquent en France.
00:44Votre combat est déterminé car vous avouez dans votre livre « En finir avec le cancer du poumon », c'est possible aux éditions Le Duc que vous avez un compte personnel à régler avec cette maladie
00:53depuis que votre cousine Véro avec laquelle vous avez grandi a été emportée à l'âge de 48 ans.
00:59Cet ouvrage est un guide, un précieux éclairage sur l'urgence de comprendre qu'il est temps d'en finir avec la dépendance à la cigarette,
01:05que la cigarette est d'abord un poison, une addiction qu'il faut traiter, un mal qui touche beaucoup d'entre nous.
01:11Ce livre nous explique comment aussi il est important et pourquoi il est important d'aider et d'accompagner celles et ceux qui fument à s'arrêter,
01:17ce qui n'est absolument pas simple. C'est un plaidoyer pour vous, Marie-Pierre Revelle, pour le dépistage du cancer du poumon et l'arrêt du tabac.
01:26Et on ne va pas se mentir parce qu'il y a une grosse hypocrise autour de ça qui est quand même très, très lucratif.
01:33C'est vrai qu'il y a les effets à court terme. C'est vrai que les taxes sur le tabac rapportent à l'État de l'argent.
01:42Mais si on se place un peu plus à moyen et plus long terme, les coûts pour l'assurance maladie engendrés par toutes les maladies dont l'intoxication tabagique est responsable,
01:56la balance est vraiment en faveur de se débarrasser, d'extirper cette cigarette de notre société.
02:03Il n'y a pas le choix, ce n'est pas un art de vivre. C'est vraiment quelque chose qui est, je pense, responsable actuellement d'un vrai drame sanitaire.
02:09Avec effectivement un doigt bien placé et une lumière qui vraiment est fixée sur un objectif, le dépistage.
02:18Il vaut mieux prévenir que guérir. Quand on a été fumeur, même si on ne l'est plus aujourd'hui, qu'on a beaucoup fumé, on est à risque.
02:26Voilà. Et avant d'arriver à la solution qui sera la meilleure, qui est que plus personne ne s'expose, c'est-à-dire qu'on arrive à cette fameuse génération sans tabac.
02:36Mais là, notre souci est le suivant. Si demain, plus aucun Français ne fume, il y a malheureusement 3,5 millions de personnes pour qui le mal est déjà fait.
02:47Le risque est déjà acquis. Donc soit on continue à sortir les Kleenex et à pleurer les 33 000 décès annuels par cancer du poumon,
02:55soit le seul moyen à court terme de diminuer le nombre de morts par cancer du poumon, c'est de dépister la maladie quand il est temps.
03:03Quand on pense à l'intelligence artificielle, on ne pense évidemment pas forcément à des choses positives.
03:08Mais là, pour le coup, l'intelligence artificielle est un outil très précieux.
03:12C'est un outil très précieux. Et ce qui fait que c'est maintenant... Vous voyez, souvent, j'ai entendu la France est en retard, etc.
03:17On n'est pas en retard du tout. C'est maintenant qu'il est mûr de passer en population.
03:23Parce qu'en fait, il y a deux choses qu'il ne faut pas confondre.
03:26Dans le cadre d'une étude, vous êtes dans un effectif limité où c'est un peu un monde idéal où tout le monde est expert.
03:33Quand on passe en population, on change complètement de paradigme.
03:37Il faut s'assurer que tout est fait partout avec la même qualité.
03:40Il y avait une question qui était la lecture des scanners dans les études.
03:44C'était essentiellement une double lecture humaine.
03:46Ça, en population sur 3,5 millions, c'est extrêmement difficile à envisager.
03:51Et grâce à l'IA, grâce à l'intelligence artificielle qui peut être ce deuxième lecteur, là, maintenant, on peut y aller.
03:58Ce qui est fort dans cet ouvrage, c'est la sincérité avec laquelle vous vous adressez à nous.
04:03Vous êtes à la fois dans le milieu médical, c'est-à-dire que vous êtes à la fois au contact des patients.
04:10C'est difficile, par moment, de ne pas réussir à se faire entendre.
04:13Vous ne trouvez pas que le temps est très long.
04:15D'ailleurs, vous le racontez quand vous avez voulu mettre en place ce dépistage-là,
04:18ce fameux dépistage appelé Cascade, dont vous êtes très fière parce que c'était un nom féminin, enfin, pour aborder ce sujet-là.
04:27Oui, disons que, en fait, très honnêtement, je ne sais pas si ma cousine Véro adorait,
04:37si elle n'était pas tombée malade, si j'aurais eu cette initiative, j'en sais rien, en fait.
04:43Mais, donc, en fait, Véro, elle est tombée malade à 48 ans et elle est décédée à 58.
04:48Ça a quand même duré presque 10 ans.
04:53Et pour moi, c'était insupportable de voir cette...
04:58Elle avait une forme que les traitements ont contrôlé.
05:00D'abord, elle a été opérée, ce qui est heureusement...
05:04Mais elle avait malheureusement une forme avancée.
05:06et qui a évolué assez lentement, mais inexorablement.
05:11Et moi, je me suis sentie très coupable, déjà, de ne pas l'avoir convaincue, d'arrêter de fumer, ce qui avait été mon cas.
05:20Encore plus coupable que moi, en douce, j'ai fait, deux ans après l'annonce de sa maladie,
05:24mon petit scanner de dépistage, ma surveillance 4 ans, puis une petite chirurgie de rien,
05:29et que je me tire d'affaire, et qu'elle, elle se débatte avec une maladie qui a quand même été difficile.
05:38Notamment les deux dernières années de vie, là, on était dans le dur.
05:42Et donc, je me suis dit, je ne veux pas être la seule à me tirer d'affaire.
05:48Pour Véro, je ne peux pas, mais peut-être que pour d'autres femmes à risque.
05:53Et demain, des hommes, enfin, des femmes et des hommes.
05:55J'ai pris l'angle des femmes, pourquoi ?
05:57Parce qu'on manquait de données féminines.
05:59Comme en France, on n'avait pas lancé de grandes études.
06:02C'est peut-être là-dessus où on a eu un peu de retard, sur les études.
06:05Aux États-Unis, il y a eu une étude à plus de 53 000 participants.
06:10Belgique et Pays-Bas, une étude à plus de 15 000.
06:14Nous, on avait fait un petit dépiscade qui n'avait pas très bien marché.
06:18Et cette étude belge et néerlandaise, cette fameuse étude Nelson,
06:22sa dernière phrase, c'était « More research is needed in women. »
06:25Plus de recherche est nécessaire chez les femmes.
06:27J'ai dit « Allons-y ».
06:28Et j'ai proposé, donc, de faire cette étude ciblée sur les femmes.
06:33Pas parce que je considère qu'il faut laisser les hommes mourir d'un cancer du poumon, pas du tout,
06:36mais parce qu'on avait besoin de combler ce déficit de connaissances
06:40et que c'était aussi une façon d'attirer l'attention
06:43que maintenant, vous voyez, qui a votre écoute, qui est celle que les femmes françaises,
06:48elles meurent avant tout de cancer du poumon, devant le cancer du sein.
06:53Vous voyez, il y avait un peu cette double ambition.
06:59Et voilà, c'était ne pas rester à subir, mais essayer de faire quelque chose qui était dans mon champ de compétences,
07:09c'est-à-dire le dépistage, essayer de répondre à des questions dont on n'avait pas les réponses.
07:15Les études sur le dépistage qui ont démontré son bénéfice médical,
07:19elles ont toutes été faites avant l'ère moderne de l'IA qui repose sur le deep learning.
07:23Donc je me suis dit, allons-y, regardons si justement on peut se passer une nouvelle lecture,
07:29vous voyez, pour préparer demain qu'on puisse faire un déploiement en population.
07:33Il faut arrêter de fumer si vous fumez, ne pas commencer, même pas avec la cigarette électronique, surtout pas.
07:39Alors, c'est vrai que la cigarette électronique pour des non-fumeurs,
07:43ce n'est pas une bonne idée parce que c'est rentré dans une dépendance à la nicotine.
07:46Comme moyen de sevrage pour aider les fumeurs à avoir un apport de nicotine
07:53qui soit moins toxique que celui qu'apporte la cigarette,
07:56c'est probablement une solution intéressante.
08:00En tout cas, c'est ce que disent mes collègues tabacologues.
08:03Et puis, il faut, pour ceux qui sont fumeurs, se faire aider.
08:09C'est vrai que ce n'est pas simple d'arrêter de fumer.
08:11Et je le comprends d'autant plus que moi, je ne me pose pas comme quelqu'un d'extérieur.
08:16Je sais ce que c'est que le craving, cette envie répressive de fumer.
08:20Je sais que j'ai été soutenue, je suis allée consulter une collègue tabacologue.
08:25Au final, je n'avais pas une dépendance si forte que ça.
08:28Moi, je n'ai pas eu besoin de patch, j'ai réglé le truc avec des cheveux de gomme à la nicotine.
08:32Mais voilà, il faut se dire qu'on n'a pas trop le choix.
08:40Il faut essayer, dès qu'on peut, de se sortir de ce guépier.
08:43Et si on n'arrive pas à le faire seul avec l'application Tabac Info Service,
08:47aller consulter un professionnel.
08:50Pas se dire que c'est impossible.
08:53Parce que beaucoup de fumeurs se disent, je sais bien que ce n'est pas bon,
08:55mais je ne peux pas faire autrement.
08:57Si, on peut faire autrement si on est aidé.
08:59Et aussi, il y a deux freins.
09:03Les femmes qui ont peur de grossir.
09:05Et les gens qui ont l'impression qu'ils vont perdre tout plaisir dans la vie.
09:10Alors, c'est ces deux choses-là qu'il faut déconstruire.
Écris le tout premier commentaire