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  • il y a 4 mois
Conan-livre audio. Suivez les aventures du plus grand barbare de tous les temps !

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😹
Amusant
Transcription
00:01La vallée des femmes perdues
00:03Au cours de sa brève association avec Bélit, Conan a reçu le surnom d'Amra, le lion.
00:11Ce surnom ne le quittera plus jusqu'à la fin de ses jours.
00:15Bélit a été le premier grand amour de sa vie.
00:18Après la mort de celle-ci, il ne signonnera plus les mers durant de longues années.
00:24Il préfère s'élancer vers l'intérieur des terres.
00:26C'est ainsi qu'il fait la connaissance des guerriers Bamula, la première tribu noire à l'accepter en son sein.
00:34En l'espace de quelques mois, il se bat, intrigue et fait son chemin.
00:39Il devient le chef de guerre des Bamula, dont la puissance grandit rapidement sous sa poigne énergique.
00:45Partie 1
00:46Le grondement des tambours et la stridance des trompes creusées dans des défenses d'éléphants étaient assourdissants.
00:52Pourtant, aux oreilles d'Olivia, le tumulte n'était qu'un murmure confus, indistinct et lointain.
01:01Allongée sur l'angarebe, dans la grande hutte, elle luttait contre ses cauchemars,
01:06passant du délire à la semi-inconscience.
01:10Les sons et les mouvements du dehors atteignaient à peine ses sens.
01:13Tout son être mental, bien qu'ébété et chaotique, était concentré avec une certitude hideuse,
01:20sur la forme de son frère, nu et se tordant, tandis que le sang ruisselait au bas de ses cuisses frissonnantes.
01:28Sur un fond irrel et indistinct de forme et d'ombre vague, se confondant et s'agitant d'une façon démentielle,
01:35cette forme blanche se découpait avec une netteté impitoyable, horrible.
01:39L'air semblait encore palpité, transpercé par un cri d'agonie,
01:45auquel se mêlait et se fondait d'une manière obscène un bruissement de rire démoniaque.
01:52Ses sensations et sa conscience n'étaient plus celles d'un individu distinct et séparé du reste du cosmos.
01:59Elle était noyée dans un immense abîme de douleur.
02:02Elle-même n'était pas plus que de la douleur cristallisée, ayant pris un corps de chair.
02:06Elle était étendue, sans aucune pensée ni mouvement conscient,
02:11tandis que, au dehors, les tambours battaient, les corps mugissaient.
02:17Des voix barbares beuglaient des chants hideux,
02:20suivant la cadence des pieds qui martenaient le sol dur,
02:23et des paumes ouvertes qui s'entrechoquaient doucement.
02:27Pourtant, une conscience individuelle finit par apparaître au sein de son esprit pétrifié.
02:32L'étonnement vague, qu'elle fut saine et sauf physiquement, se manifesta en elle.
02:39Elle accepta ce miracle, sans en remercier les dieux.
02:43L'affaire semblait sans importance.
02:46Agissant machinalement, elle se redressa, s'assit sur l'angarebe,
02:51et lança un regard éteint autour d'elle.
02:54Ses extrémités commencèrent à remuer faiblement,
02:56comme sous l'impulsion de centres nerveux sortant d'un long sommeil, encore incertain.
03:02Ses pieds nus effleurèrent le sol de terre battue.
03:06Ses doigts se crispèrent nerveusement sur la courte tunique, son seul vêtement.
03:11D'une manière impersonnelle, elle se souvint que, autrefois,
03:15cela semblait lointain, très lointain,
03:19des mains brutales avaient arraché ses autres vêtements de son corps.
03:23Elle avait sangloté de terreur et de honte.
03:24À présent, cela paraissait étrange.
03:28Un fait aussi insignifiant causait un si grand chagrin.
03:33L'importance de l'outrage et du déshonneur était relative, après tout, comme chaque chose.
03:38La porte de la hutte s'ouvrit.
03:40Une femme entra.
03:42Une créature est lancée.
03:44Son corps souple de panthère luisait comme de l'ébène polie.
03:48En guise de vêtements, un pagne de soie enserrait ses reins.
03:52Le blanc de ses yeux réfléchit la lueur du feu au dehors,
03:56comme elle les roulait dans leurs orbites avec une intention malveillante.
04:00Elle apportait un plateau en bambou où était disposée de la nourriture.
04:04Tranges de viande fumante,
04:06ignames grillés,
04:07farineux,
04:08miches de pain indigène,
04:10et un vase en or martelé contenant de la bière Yarenti.
04:13Elle posa le tout sur l'angarebe.
04:17Livia ne lui prêta aucune attention.
04:19Assise,
04:20elle fixait d'un air stupide le mur opposé,
04:22tendu de nattes de bambou.
04:25La jeune indigène éclata de rire.
04:28Ses yeux noirs et ses dents blanches brillèrent.
04:31Avec un sifflement d'une obscenité remplie de haine et une caresse moqueuse,
04:35encore plus grossière que ses paroles,
04:38elle fit demi-tour et sortit de la hutte en ondulant lentement.
04:40Le mouvement de ses anges exprimait une insolence sarcastique
04:45comme aucune femme civilisée n'aurait pu le faire,
04:48même en proférant des insultes.
04:50Ni les paroles de la fille,
04:51ni ses gestes n'avaient troublé la surface de la conscience d'Olivia.
04:55Toutes ses sensations étaient toujours tournées vers l'intérieur de son être.
04:59En raison de la vivacité de ses images mentales,
05:02le monde invisible ressemblait pour elle à une perspective irréelle
05:05de fantôme et d'ombre.
05:08Machinalement,
05:08Elle mangea la nourriture et but la bière,
05:11sans savourer ni l'une ni l'autre.
05:15Ce fut toujours machinalement qu'elle se leva enfin
05:17et traversa la hutte, d'un par un certain,
05:20pour regarder par un interstice dans les bambous.
05:23Le timbre des tambours et des corps s'étaient brusquement modifiés.
05:28Ce changement agit sur une partie obscure de son esprit
05:30et lui en fit rechercher la cause,
05:33sans aucune volonté consciente.
05:34Tout d'abord, elle ne comprit pas ce qu'elle voyait.
05:39Tout était chaotique et nébuleux.
05:42Elle apercevait des formes qui bougeaient et se mélangeaient,
05:45se tordaient et se contorsionnaient.
05:47Des blocs sombres, indéfinis,
05:50qui se découpaient fortement sur un fond rouge sang,
05:53brillant par intermittence.
05:54Puis, action et forme revertirent leurs significations
05:59et leurs dimensions propres.
06:01Elle distingua des hommes et des femmes.
06:04Ils allaient et venaient à proximité des feux.
06:08La lumière rouge se reflétait sur les parures d'argent et d'ivoire.
06:12Des plumes blanches ondoyaient sur les flammes étincelantes.
06:15Des formes nues gesticulaient et dansaient.
06:18Des silhouettes se découpaient sur les ténèbres,
06:20prangées d'écarlate.
06:21Sur un siège d'ivoire,
06:24flanqué de géants coiffés de plumes
06:26et ornés de ceintures en peau de léopard,
06:29était assise une forme énorme,
06:31obèse, abyssale,
06:33ressemblant à un crapaud immonde.
06:36Elle exhalait les miasmes de la jungle pultride,
06:39les remugles des marécages envahis par la nuit.
06:42Les mains potelées de la créature
06:44étaient posées sur la courbe obscène de son ventre lisse.
06:47Sa nuque était un bourrelet de graisse
06:49qui semblait pousser sa tête ronde en avant.
06:54Ses yeux étaient comme des charbons ardents
06:55au sein d'une masse bouffie et noire.
06:58Leur vitalité terrifiante
07:00démentait l'inertie apparente de ce corps répugnant.
07:03Comme le regard de la jeune fille
07:06se posait sur cette silhouette,
07:08son corps se rédit.
07:09Tout son être se crispa.
07:12Une vie frénétique
07:13déferla à nouveau en elle.
07:15Jusqu'ici, automate privé d'intelligence,
07:18elle se changea soudain
07:18en un être de chair et de sang,
07:20frissonnant de vie,
07:22piqué et brûlé par les sensations
07:24qui irradiaient à travers son corps.
07:27La douleur fut noyée
07:28par une haine si intense
07:29que celle-ci se transforma à son tour en douleur.
07:33Elle sentit son corps se hérisser
07:34et se durcir
07:35comme s'il se changeait en acier.
07:38La haine s'écoulait d'une manière presque tangible
07:40le long de sa ligne de vision.
07:42Elle eut l'impression
07:43que l'objet de cette haine
07:44allait s'écrouler de son siège,
07:46reine mort,
07:47foudroyée par sa violence.
07:49Si Bajuge,
07:51roi de Bacala,
07:52éprouva un quelconque malaise
07:54en raison du regard brûlant de haine
07:55que lui lançait sa captive,
07:57il n'en montra rien.
07:58Il continuait à bourrer sa bouche de crapaud
08:01ou de pleines poignées de farineux,
08:03puisé dans un plat
08:04que lui tendait une femme agenouillée près de lui.
08:07Tout en s'empiffrant,
08:09il regardait en direction d'une large allée
08:11qui venait de s'ouvrir au milieu de ses sujets,
08:14comme ceux-ci s'écartaient vivement sur le côté.
08:17Livia comprit confusément
08:19qu'un personnage important
08:20allait bientôt apparaître au bas de cette allée,
08:22bordée par la multitude noire
08:24et ruisselante de sueur.
08:25En effet,
08:27la clameur des tambours et des corps
08:29s'était accentuée,
08:30presque insoutenable.
08:32Comme elle regardait,
08:34ce personnage survint.
08:36Une colonne de guerriers,
08:38marchant par trois de front,
08:39s'avança vers le siège d'ivoire.
08:42Ils formaient des rangées épaisses
08:44de plumes ondoyantes
08:45et de lances étincelantes,
08:46serpentant à travers la foule bigarrée.
08:48À la tête des lanciers d'ébène,
08:51s'avançait à grands pas une silhouette.
08:54À sa vue,
08:54Livia sursauta,
08:55violemment.
08:56Son cœur menaça de s'arrêter,
08:58puis se remit à battre,
09:00cognant comme un marteau de forge.
09:03Sur cet arrière-plan de masse noire,
09:05l'homme se détachait
09:06avec une netteté surprenante.
09:08Il portait,
09:09comme les hommes le suivant,
09:11un pagne en peau de léopard
09:13et une coiffe de plume.
09:14Mais c'était un blanc.
09:17Sa démarche n'est pas celle
09:19d'un subordonné
09:19ou d'un porteur de suppliques.
09:22Le silence tomba sur la foule,
09:24comme il s'arrêtait
09:25devant la forme blottie
09:26sur le tabouret en ivoire.
09:29Livia perçut l'attention,
09:30bien qu'elle ignora au juste
09:31ce qu'elle annonçait.
09:33Un instant,
09:35Bajuge resta assis,
09:36tendant vers le haut
09:37son cou trop court,
09:39ressemblant à une énorme grenouille.
09:41Puis,
09:42comme s'il agissait malgré lui,
09:44contraint par le regard d'acier
09:45de l'autre,
09:46il se leva lourdement
09:47de son siège
09:48et se tint debout,
09:50balançant sa tête rasée
09:51d'une manière grotesque.
09:53À l'instant même,
09:54la tension fut rompue.
09:56Un formidable cri
09:57fut poussé par les villageois
09:59massés sur la place.
10:01Sur un geste de l'étranger,
10:02ses guerriers
10:03brandirent leur lance
10:04et adressèrent un salut
10:05retentissant au roi Bajuge.
10:08Livia comprit que cet homme,
10:10quel que fût son origine,
10:12devait être très puissant
10:13dans ce pays sauvage.
10:15Bajuge de Bacala
10:16s'était le lever
10:17pour l'accueillir.
10:18Et la puissance
10:19signifiait le prestige militaire,
10:22car la violence
10:22était la seule chose
10:23que respectaient
10:24ces races cruelles.
10:26En conséquence,
10:28Livia resta
10:29les yeux collés
10:29à l'interstice
10:30dans la paroi
10:31de la hutte,
10:32à observer l'étranger.
10:35Ses guerriers
10:35s'étaient mêlés
10:36au Bacala.
10:37Ils dansaient,
10:38festoyaient
10:38et buvaient
10:39de la bière
10:39à long trait.
10:41Lui-même,
10:42avec quelques-uns
10:42de ses capitaines,
10:44avait pris place
10:45auprès de Bajuge
10:46et des personnages
10:47importants de Bacala.
10:49Jambes croisées
10:50sur des nattes,
10:51il était occupé
10:52à se gorger
10:52de nourriture
10:53et à s'enivrer.
10:55Elle vit ses mains
10:56plongées dans les marmites
10:57comme les autres.
10:59Elle vit son visage
10:59disparaître
11:00dans l'oppo de bière,
11:01dans lequel Bajuge
11:02buvait également.
11:04Elle nota néanmoins
11:05qu'on le traitait
11:06avec le respect
11:07dû à un roi.
11:09Comme il n'avait
11:09pas de siège,
11:10Bajuge renonça
11:11au sien
11:12et s'assit
11:12sur les nattes
11:13avec son hôte.
11:15Lorsqu'un nouveau
11:15pot de bière
11:16fut apporté,
11:17le roi de Bacala
11:18but quelques gorgées
11:19et le passa aussitôt
11:20à l'homme blanc,
11:22la puissance.
11:24Toute cette courtoisie
11:25cérémonieuse
11:25indiquait la puissance,
11:27la force,
11:28le prestige.
11:30Livia trembla
11:31d'excitation,
11:32tandis qu'un plan
11:33insensé
11:34se formait rapidement
11:34dans son esprit.
11:36C'est pourquoi
11:38elle observait
11:38l'homme blanc
11:39avec une intensité
11:39douloureuse,
11:41enregistrant son apparence
11:42dans ses moindres détails.
11:44Il était grand.
11:46Rares étaient
11:46légers noirs
11:47à le surpasser
11:47par la taille
11:48ou la robustesse.
11:49Ses mouvements
11:50avaient l'aisance
11:51souple d'une panthère.
11:53Lorsque la lueur
11:53des feux
11:54se reflétait
11:54dans ses yeux bleus,
11:56il s'embrasait
11:57d'une flamme azurée.
11:59Des sandales
12:00à lanière haute
12:00protégeaient ses pieds.
12:02De son large ceinturon,
12:04pendait une épée
12:04dans un fourreau de cuir.
12:07Son apparence
12:07était peu familière
12:08à Livia,
12:09inconnue même.
12:11Elle n'avait jamais
12:11vu quelqu'un
12:12lui ressemblant.
12:14Pourtant,
12:15elle n'essaya pas
12:15de trouver
12:16à quelle race
12:16il appartenait
12:17parmi toutes celles
12:18composant l'humanité.
12:20Il lui suffisait
12:21que sa peau
12:21fût blanche.
12:24Les heures passaient.
12:25Peu à peu,
12:27le tumulte
12:27déripaille
12:28décru.
12:29Hommes et femmes
12:30sombraient
12:31dans le profond sommeil
12:32que procure l'ivresse.
12:34À la fin,
12:35Bajuch se leva
12:36en titubant
12:36et fit un geste
12:38des mains.
12:39C'était moins
12:40le signe
12:40qu'il mettait fin
12:41en réjouissance
12:41qu'un aveu
12:42de reddition.
12:44Il se retirait
12:44de cette compétition
12:45insensée
12:46dont le vainqueur
12:47serait celui
12:48qui mangerait
12:48et boirait le plus.
12:50Il chancela.
12:52Ses guerriers
12:52le soutinrent
12:53et le portèrent
12:53jusqu'à sa case.
12:55L'homme blanc
12:56se leva à son tour.
12:58Apparemment,
12:59il était en excellente forme
13:00en dépit
13:00de la quantité
13:01incroyable de bière
13:02qu'il venait d'absorber.
13:04Il fut escorté
13:05jusqu'à la hutte
13:06des invités
13:06par ceux
13:07des chefs
13:07des bacalats
13:08encore en état
13:09de marcher.
13:11Il disparut
13:11à l'intérieur
13:12de la hutte.
13:13Livia remarqua
13:14qu'une douzaine
13:15de ses lanciers
13:16prenaient place,
13:17montant la garde
13:18à proximité
13:18de la bâtisse.
13:20De toute évidence,
13:21l'étranger
13:22ne prenait aucun risque
13:23et ne se faisait
13:24pas d'illusion
13:24sur l'amitié
13:25de Bajuge.
13:26Livia parcourut
13:28le village du regard.
13:30Celui-ci
13:31ressemblait vaguement
13:32à une nébuleuse nuit
13:33du jugement
13:33avec ses rues sinueuses
13:35jonchées d'ivrogne.
13:37Elle savait
13:38que des hommes
13:38en pleine possession
13:39de leur faculté
13:40gardaient le beau
13:41extérieur.
13:42Mais les seuls hommes
13:43éveillés qu'elle vit
13:44dans le village
13:44étaient les lanciers
13:46disposés autour
13:46de la hutte
13:47de l'étranger.
13:48Certains d'entre eux
13:49commençaient même
13:50à incliner la tête
13:50et à s'appuyer
13:52sur leurs lances.
13:54Son cœur
13:55martelant ses côtes,
13:56elle se glissa
13:57vers la porte
13:58de sa prison
13:58et sortit de la hutte,
14:00passant près du garde
14:01endormi et ronflant
14:02que Bajuge
14:03avait attaché
14:04à ses pas.
14:06Telle une ombre
14:06ivoirine,
14:07elle parcourut
14:08rapidement l'espace,
14:09séparant sa hutte
14:10de celle occupée
14:11par l'étranger.
14:13Rampant sur les mains
14:14et les genoux,
14:15elle se dirigea
14:16vers le dos
14:16de la bâtisse.
14:18Un gigantesque noir
14:19était accroupi
14:20à cet endroit,
14:21sa tête ornée
14:22de plumes affaissées
14:23sur ses genoux.
14:25Elle le contourna
14:26sans bruit,
14:27s'approchant
14:27de la construction.
14:29On l'avait d'abord
14:30enfermée dans cette hutte,
14:31une étroite ouverture
14:33dans la paroi,
14:34dissimulée du côté interne
14:35par une natte,
14:37allait favoriser
14:37sa dérisoire
14:38et pathétique
14:39tentative d'évasion.
14:41Elle trouva l'ouverture
14:42et glissa son corps
14:42souple vers l'intérieur,
14:44se contorsionnant
14:45et écartant la natte
14:46de l'autre côté.
14:48La lueur des feux
14:49n'éclairait qu'imparfaitement
14:50l'intérieur de la case.
14:52Alors même
14:52qu'elle repoussait la natte,
14:54elle entendit
14:54un juron étouffé,
14:56sentit ses cheveux
14:57comme serrés
14:57dans un étau
14:58et fut tiré brutalement
14:59par l'ouverture.
15:01se retrouvant brusquement
15:02dans la pièce.
15:04Quelque peu surprise
15:05par la soudaineté
15:06de ce qui lui arrivait,
15:07elle recouvra bientôt
15:08ses esprits
15:09et rejeta en arrière
15:10ses cheveux éboruffés
15:11qui l'empêchaient de voir.
15:13Elle leva les yeux
15:14et elle aperçut
15:15l'homme blanc.
15:17Celui-ci se dressait
15:18au-dessus d'elle.
15:20Sur son visage sombre
15:21et couvert de cicatrices,
15:22se lisait la stupéfaction.
15:24Il tenait à la main
15:26son épée nue.
15:27Ses yeux flamboyaient
15:28tels des feux maléfiques.
15:31Pourtant,
15:32elle n'aurait su dire
15:32si c'était sous l'effet
15:33de la colère,
15:34de la méfiance
15:35ou de l'étonnement.
15:37Il parla dans une langue
15:38qu'elle ne comprit pas.
15:40Ce langage n'était pas
15:41le dialecte guttural
15:41des Noirs,
15:42mais n'avait rien
15:43de civilisé.
15:44« Oh, je vous en prie ! »
15:45supplia-t-elle.
15:46« Pas si fort !
15:47Ils vont entendre ! »
15:49« Qui es-tu ? »
15:50demanda-t-il.
15:51Il parlait l'Ophérien
15:52avec un accent barbare.
15:54« Par crôme ! »
15:56Si je m'attendais
15:56à trouver une blanche
15:57dans ce pays de démons !
15:58« Je m'appelle Livia ! »
16:00répondit-elle.
16:01« Je suis la prisonnière
16:02de Bajuge.
16:03Oh, écoutez-moi,
16:04je vous en prie !
16:05Écoutez-moi ! »
16:06Je ne pus rester ici
16:07très longtemps.
16:08Je dois retourner à Mahut
16:09avant qu'il ne s'aperçoive
16:11de ma disparition.
16:12« Mon frère ! »
16:14Un sanglot l'étouffa,
16:15puis elle poursuivit.
16:16« Mon frère était Tétélès.
16:19Nous appartenions
16:20à la maison de Shelcus,
16:22une famille ophérienne
16:22de nobles et de savants. »
16:25« Par permission spéciale
16:26du roi de Stygie,
16:28mon frère fut autorisé
16:29à se rendre à Ketchatta,
16:30la cité des magiciens,
16:32pour étudier leurs arts.
16:34Je l'accompagnais,
16:35car c'était encore un enfant,
16:37mon cadet. »
16:39Sa voix hésita
16:40et se brisa.
16:41L'étranger ne disait rien,
16:43l'observant de ses yeux brûlants.
16:45Le visage sévère
16:46et indéchiffrable.
16:48Quelque chose de sauvage
16:49et d'indompté en lui
16:50effrayait Livia,
16:52la rendait nerveuse
16:53et incertaine.
16:54« Les Kushites
16:55ont effectué un raid
16:56sur Ketchatta, »
16:58reprit-elle avec précipitation.
17:00« Nous approchons
17:00de la ville.
17:01Nous voyagions
17:02avec une caravane
17:03de marchands.
17:03Nos gardes
17:05ont pris la fuite
17:05et les pillards
17:06nous ont emmenés
17:06avec eux.
17:07Ils ne nous ont pas
17:08maltraités.
17:09Nous faisons savoir
17:10qu'ils demanderaient
17:11aux Stigiens
17:11une rançon
17:12en échange
17:12de notre liberté.
17:14Hélas,
17:15l'un des chefs
17:16voulait s'approprier
17:16toute la rançon,
17:18sans en partager
17:18avec les autres.
17:19Une nuit,
17:21lui et ses partisans
17:22nous enlevèrent.
17:23Quittant le camp,
17:24ils nous emmenèrent,
17:25fuyant vers le sud,
17:26jusqu'aux frontières de Kouches.
17:28Là,
17:28ils furent attaqués
17:28et mis en pièce
17:29par un groupe de guerriers,
17:30de bacalas.
17:31« Tétélès et moi-même
17:32avons été conduits
17:33dans ces tentres de bêtes. »
17:35Elle eut un sanglot convulsif.
17:37« Ce matin,
17:38mon frère a été châtré,
17:40découpé vif
17:41et massacré sous mes yeux. »
17:43Elle suffoqua.
17:44Un instant,
17:44ses souvenirs la quittèrent.
17:46« Ils ont donné son corps
17:47en pâture au chacal.
17:49Combien de temps
17:50suis-je restée inconsciente,
17:51je l'ignore. »
17:53Les mots lui manquèrent.
17:55Elle leva les yeux
17:56vers l'usage sombre
17:57de l'étranger.
17:58Une fureur démentielle
17:59monta en elle.
18:00Elle leva ses poings
18:02et frappa en vain
18:03sur la poitrine robuste.
18:05Il n'y fit guère
18:06plus attention
18:06qu'un bourdonnement
18:07d'une mouche.
18:08« Comment pouvez-vous
18:09rester ainsi,
18:10comme une brute
18:10sans conscience ? »
18:12Son murmure
18:13n'était qu'un sifflement
18:14rauqu et affreux.
18:15« N'êtes-vous donc
18:16un animal comme les autres ? »
18:18« Ah, Mitra !
18:19Autrefois,
18:20je pensais que les hommes
18:21avaient une certaine
18:21conception de l'honneur.
18:23À présent,
18:24je sais que chacun
18:24son prix.
18:26Vous,
18:27que savez-vous
18:27de l'honneur ?
18:28De la miséricorde
18:29ou de la courtoisie ?
18:31Vous êtes un barbare
18:32comme les autres.
18:33Certes,
18:34votre peau est blanche,
18:35mais votre âme
18:36est aussi noire
18:37que la leur.
18:38Vous ne vous souciez
18:39nullement
18:39qu'un homme
18:40de votre race
18:40ait honteusement
18:41mis à mort
18:42par ses porcs,
18:43que je sois
18:43leur esclave.
18:44très bien.
18:46Elle s'écarta
18:47de lui.
18:48« Je vous paierai,
18:49n'ayez crainte ! »
18:50s'écria-t-elle
18:50avec violence,
18:52arrachant sa tunique
18:52et découvrant
18:53ses seins d'albâtre.
18:55« Ne suis-je pas belle ?
18:57Ne suis-je pas plus
18:57désirable
18:58que ces catins indigènes ?
19:00Ne suis-je pas digne
19:01que l'on verse
19:02le sang pour m'obtenir ?
19:04Une vierge
19:04à peau blanche
19:05ne vaut-elle pas
19:05un massacre ?
19:07Tue ce chien noir
19:08de bajuge !
19:09Exauce mon souhait !
19:11Voir sa tête exécrée
19:12rouler dans la poussière
19:13ensanglantée !
19:14Tue-le !
19:15Tue-le ! »
19:17Elle frappait ses poings
19:18l'un contre l'autre
19:18dans son exaltation
19:19fébrile.
19:21« Ensuite,
19:21tu pourras me prendre
19:22et faire de moi
19:23ce qui te plaira.
19:24Je serai ton esclave ! »
19:27Il ne répondit pas
19:28tout de suite.
19:30Il restait immobile,
19:31telle une silhouette
19:32giglantesque
19:32plongée dans ses rêves
19:33de massacre
19:34et de destruction,
19:35caressant le pommeau
19:36de son épée.
19:38« Tu parles
19:39comme si tu étais libre
19:40de te donner
19:41à ta guise, »
19:42dit-il.
19:43« Comme si le don
19:44de ton corps
19:44avait le pouvoir
19:45de faire chanceler
19:46des trônes. »
19:48« Tu es bas-juge
19:48pour t'obtenir ? »
19:50« Dans ce pays,
19:51les femmes n'ont pas
19:52plus de valeur
19:53que des bananiers. »
19:55« Leur bonne
19:55ou mauvaise volonté
19:56importe tout aussi peu.
19:58Tu t'estimes
19:58à un prix trop élevé.
20:00Si je te voulais,
20:01je n'aurais même pas besoin
20:02de combattre bas-juge
20:03pour te prendre.
20:04Il préférerait
20:05te donner à moi
20:06plutôt que de me poser
20:07un refus. »
20:08Livia poussa
20:08une exclamation.
20:09Tout le feu
20:10qu'il embrasait
20:11quitta son corps.
20:13La casse
20:13fut prise de vertige
20:14devant ses yeux.
20:16Elle chancela
20:16et s'effondra
20:17sur un hangareb,
20:18forme pitoyable
20:19et brisée.
20:21Une amertume
20:22hébétée
20:22broyait son âme.
20:24Elle prenait
20:25brutalement conscience
20:25de sa situation
20:26désespérée
20:27et de son impuissance
20:28extrême.
20:30L'esprit humain
20:31s'accroche
20:31inconsciemment
20:32aux valeurs
20:32et aux idées
20:33familières,
20:33même dans un environnement
20:35et dans des conditions
20:36entièrement différentes,
20:38sans rapport
20:38avec le contexte ordinaire
20:40auxquels de telles
20:41valeurs et idées
20:42sont adaptées.
20:44En dépit
20:44de tout ce qu'elle
20:45venait de vivre,
20:46Livia avait
20:47instinctivement supposé
20:48que le consentement
20:49d'une femme
20:49serait un argument
20:50décisif
20:50dans la partie
20:51qu'elle se proposait
20:52de jouer.
20:54Elle était abasourdie.
20:56Elle venait de comprendre
20:56qu'absolument rien
20:57ne dépendait d'elle.
20:59Elle ne pouvait pas
21:00déplacer les hommes
21:01comme des pions
21:02dans un jeu.
21:02Elle-même
21:04n'était qu'un pion
21:04sans défense.
21:06Je comprends
21:07ma stupidité.
21:08Il était absurde
21:09de supposer
21:10qu'un homme vivant
21:11dans cette partie
21:11du monde
21:11agirait conformément
21:12aux règles
21:13et aux coutumes
21:14qui ont cours
21:15dans une autre partie
21:15du monde,
21:16murmura-t-elle
21:17d'une voix faible,
21:18à peine consciente
21:19de ce qu'elle disait.
21:21En fait,
21:23c'était seulement
21:23un faible écho
21:24de la pensée
21:24qui se faisait
21:25en jour en elle
21:26et l'anéantissait.
21:28Accablée
21:29par ce nouveau tour
21:30du destin,
21:31elle resta allongée,
21:32immobile,
21:33jusqu'à ce que
21:34les doigts d'acier
21:35du barbare blanc
21:35se referment
21:36sur son épaule
21:37et l'obligent
21:38à se relever.
21:39« Tu as dit
21:40que j'étais un barbare,
21:41fit-il d'une voix rauque,
21:43et c'est la vérité.
21:44Chrome en soit remercié.
21:46Si tu avais été défendu
21:47par des hommes
21:48originaires des pays sauvages,
21:50au lieu de pantins
21:51sans courage
21:51amolis
21:52par la civilisation,
21:54cette nuit,
21:54tu ne serais pas
21:55l'esclave de ce port.
21:56Je suis Conan,
21:58le cimérien,
21:59et je vis
22:00par le tranchant
22:01de cette épée.
22:02Pourtant,
22:03je ne suis pas
22:03un chien,
22:04au point de laisser
22:05une femme
22:05entre les griffes
22:06d'une brute.
22:07Je suis un voleur
22:08pour les tiens.
22:10Pourtant,
22:10je n'ai jamais forcé
22:11une femme
22:12contre sa volonté.
22:14Les coutumes diffèrent
22:15selon les régions,
22:16mais si un homme
22:17est assez fort,
22:18il peut imposer
22:18certaines des coutumes
22:19de son pays
22:20n'importe où.
22:21Et aucun homme
22:22ne m'a jamais
22:22traité de lâche.
22:23Si tu avais été
22:25aussi vieille
22:26et hideuse
22:26que le vautour
22:27chéri du démon,
22:28je t'aurais néanmoins
22:29arraché à Bajuge,
22:31simplement du fait
22:31de ta race.
22:33Or,
22:33tu es jeune et belle,
22:35et j'ai tellement
22:35connu de souillons
22:36indigènes
22:37que j'en suis écœuré.
22:39Je jouerai cette partie
22:40à ta façon,
22:41uniquement parce que
22:42certains de tes instincts
22:43correspondent à certains
22:44des miens.
22:45Retourne dans ta case.
22:47Bajuge est trop ivre
22:48pour te rendre visite
22:49cette nuit,
22:50et je veillerai
22:51à ce qu'il soit
22:51occupé demain.
22:52La nuit prochaine,
22:54c'est le lit de Conan
22:55que tu réchaufferas,
22:57et non celui
22:57de Bajuge.
22:59Comment procéderas-tu ?
23:01Elle tremblait,
23:02en proie
23:02à des émotions
23:03contradictoires.
23:04As-tu d'autres guerriers
23:05que ceux-là ?
23:07Ils sont suffisamment
23:08nombreux,
23:09grogna-t-il,
23:10des Bamulas.
23:12Chacun d'eux
23:12a été nourri
23:13au mamelle de la guerre.
23:15Je suis venu ici
23:15à la demande
23:16de Bajuge.
23:17Il veut que je me joigne
23:18à lui
23:19pour attaquer Jihili.
23:20Ce soir,
23:21nous avons festoyer.
23:23Demain,
23:23nous tenons conseil.
23:25Lorsque j'en aurai fini
23:26avec lui,
23:27il tiendra conseil
23:28en enfer.
23:29Tu vas violer la trêve ?
23:31Dans ce pays,
23:32les trêves sont faites
23:33pour être violées,
23:34répondit-il farouchement.
23:36Il a l'intention
23:37de violer la trêve
23:38conclue avec Jihili.
23:39Et une fois que nous aurons
23:40ensemble
23:41mis la vie la sac,
23:42il cherchera
23:43à se débarrasser de moi
23:44à la première occasion,
23:45lorsque je ne serai pas
23:46sur mes gardes.
23:48Ce qui,
23:48dans un autre pays,
23:49serait la perfilie
23:50la plus noire
23:50est considérée ici
23:52comme de la sagesse.
23:54Je ne me suis pas
23:55frayé un chemin,
23:56seul,
23:56jusqu'à occuper
23:57la position
23:58de chef de guerre
23:59des Bambulas
23:59sans avoir appris
24:00toutes les leçons
24:01qu'enseignent
24:01les royaumes noirs.
24:03À présent,
24:04regagne ta hutte
24:04et dors.
24:06N'oublie pas
24:06que c'est à Conan
24:07et non à Bajuge
24:08que tu réserves
24:09ta beauté.
24:12Partie 2
24:12Par l'interstice
24:14dans la paroi
24:14de bambou,
24:16Livia regardait,
24:17tremblante,
24:18les nerfs tendus
24:19à craquer.
24:20Toute la journée,
24:22depuis leur réveil
24:22tardif,
24:24l'air endormi
24:24et marqué
24:25par leur débauche
24:26de la nuit précédente,
24:28hommes et femmes
24:28avaient préparé
24:29les réjouissances
24:30pour la nuit à venir.
24:31Toute la journée,
24:33Conan le Cimérien
24:34n'avait pas quitté
24:35la case de Bajuge.
24:37Ce qui s'était passé
24:37entre eux,
24:39Livia ne pouvait le savoir.
24:40Elle avait pris sur elle
24:42pour dissimuler
24:43son excitation
24:44à la seule personne
24:45à entrer dans sa hutte,
24:47la jeune et vindicative
24:48indigène
24:48qui lui apportait
24:49à manger et à boire.
24:51Mais ces tribots
24:52défrontés
24:52étaient encore
24:54trop abrutis
24:54par cette libation
24:55de la nuit précédente
24:56pour remarquer
24:57un quelconque changement
24:58dans le comportement
24:58de sa captive.
25:00À présent,
25:01la nuit était tombée
25:01à nouveau.
25:02Les feux éclairaient
25:03le village.
25:04Une fois de plus,
25:06les chefs sortirent
25:07de la hutte du roi
25:08et prirent place
25:08pour festoyer
25:09et tenir un dernier conseil
25:11de pure forme.
25:13Cette fois,
25:14il n'y avait pas autant
25:15de bière à boire.
25:17Livia remarqua
25:17que les Bamulas
25:18convergeaient discrètement
25:20vers le cercle
25:21formé par les chefs de guerre
25:22et les personnages
25:23importants de Bacala.
25:25Elle aperçut Bajuge
25:26et,
25:27assis en face de lui,
25:29séparé par les peaux
25:30de nourriture,
25:31Conan.
25:32Ce dernier riait
25:34et bavardait
25:34avec Aja,
25:36le gigantesque
25:37chef de guerre
25:37de Bajuge.
25:38Le cimérien
25:40était occupé
25:40à ronger
25:41un énorme os de bœuf.
25:43Alors qu'elle observait,
25:45Livia le vit
25:45regarder par-dessus
25:46son épaule.
25:48Comme si c'était
25:48le signal convenu
25:49d'avance,
25:50tous les Bamulas
25:51tournèrent leur regard
25:52vers leur chef.
25:54Conan se leva,
25:55toujours souriant,
25:57comme pour prendre
25:57de la nourriture
25:58dans un pot.
26:00Aussi rapide
26:00qu'un chat sauvage,
26:02il asséna à Aja
26:03un terrible coup
26:04avec l'os de bœuf.
26:05Le chef de guerre
26:06de Bacala
26:07tomba lourdement,
26:08le crâne fracassé.
26:10Instantanément,
26:11un hurlement
26:12terrifiant
26:13fendit les cieux.
26:14Les Bamulas
26:15passaient à l'action,
26:16tels des panthères
26:17assoiffés de sang.
26:19Des bassines de nourriture
26:20furent renversées,
26:21ébouillantant
26:22les femmes accroupies.
26:24Des parois de bambous
26:24cédèrent
26:25sous l'impact de corps
26:26qui s'étreignaient
26:27sauvagement.
26:28Des cris d'agonie
26:29déchirèrent la nuit.
26:30Étouffés
26:31et dominés
26:31par les stridents
26:32des Bamulas
26:34pris d'une fureur
26:35démentielle.
26:37Leurs lances
26:38teintées d'écarlate
26:38reflétaient
26:39la lueur des feux.
26:41Bacala
26:42devint une maison de fous
26:43puis un abattoir
26:44sanglant.
26:45L'action
26:46des Bamulas
26:46paralysa
26:47les infortunés villageois
26:48par sa soudaineté.
26:50L'idée
26:51d'une attaque
26:51lancée par leurs hôtes
26:52n'avait jamais
26:53effleuré leurs esprits.
26:55La plupart des lances
26:56se trouvaient
26:56dans les huttes.
26:57Nombre de guerriers
26:58étaient déjà
26:58moitié ivres.
27:00La chute d'Aja
27:01fut un signal
27:02pour les lames
27:02brillantes des Bamulas.
27:04Elles plongèrent
27:05dans une centaine
27:05de corps
27:06pris au dépourvu.
27:08Ensuite,
27:08ce fut un massacre.
27:10L'œil collé
27:11à son Judas,
27:12Livia était figée
27:13sur place,
27:14aussi blanche
27:14qu'une statue.
27:16Ses cheveux blonds
27:16étaient tirés
27:17en arrière
27:17et serrés
27:18à deux mains
27:19contre ses tempes
27:20en une grappe nouée.
27:23Ses yeux
27:23étaient dilatés,
27:24tout son corps
27:25rigide.
27:26Les hurlements
27:27de douleur
27:28et de rage
27:28frappaient ses nerfs
27:29torturés
27:29comme un impact physique.
27:32Les formes
27:33qui se tordaient
27:33et frappaient
27:34devinrent troubles
27:35devant elle,
27:36puis surgirent à nouveau
27:37avec une horrible netteté.
27:40Elle vit des lances
27:41s'enfoncer
27:42dans des corps noirs
27:43parcourus de spasmes
27:44au milieu
27:45de jets de sang.
27:47Elle vit
27:47des massus
27:48se lever
27:48et s'abattre
27:49brutalement
27:49sur des têtes.
27:51Des tisons ardents
27:51furent dispersés
27:52à coups de pied,
27:53lançant des étincelles.
27:56Celles-ci
27:56volèrent vers
27:56les toits
27:57de Chaume.
27:57Les huttes
27:59bientôt
27:59prenaient feu.
28:01L'incendie
28:02se propagea
28:02rapidement.
28:04Des cris
28:05exprimant
28:05de nouvelles souffrances
28:06indicibles
28:07s'élevèrent.
28:09Des hommes
28:09et des femmes
28:09étaient jetés
28:10vivants
28:10à l'intérieur
28:11des cases
28:12en flamme.
28:13La puanteur
28:14de la chair grillée
28:14imprégna l'air,
28:16s'ajoutant
28:16en rôlant
28:17de sueur
28:17et à l'odeur
28:18écorante du sang
28:18fraîchement versée.
28:21Les nerfs
28:21ravifs
28:21de Livia
28:22cédèrent.
28:23Elle se répandit
28:24en cris,
28:25poussant
28:25des hurlements
28:26constridants
28:26de souffrances.
28:27Ceux-ci
28:28se perdirent
28:28dans le grondement
28:29des flammes
28:30et du massacre.
28:31Elle se martela
28:32les tempes
28:33avec ses poings
28:33serrés.
28:34Sa raison
28:35chancelait.
28:36Ses cris
28:36se changèrent
28:37en des écladeries
28:38hystériques
28:39encore plus effrayants.
28:40En vain
28:41essayait-elle
28:41de garder présent
28:42à l'esprit
28:42le fait que
28:43c'était ses ennemis
28:44qui mourraient
28:44d'une manière
28:45aussi horrible.
28:46Tout se déroulait
28:47conformément
28:48à ses espoirs
28:48les plus fous
28:49et au plan
28:50ourdi par L.
28:51Ce sacrifice
28:52effroyable
28:53était la juste
28:54réparation
28:54des préjudices
28:55subis par elle
28:56et les siens.
28:57Une terrible panique
28:58la maintenait
28:58sous son emprise
28:59irraisonnée.
29:01Elle ne ressentait
29:01aucune pitié
29:02envers les victimes
29:03qui mouraient
29:03sous ses yeux
29:04massacrées
29:05et transpercées
29:05par les lances
29:06inondées de sang.
29:08Sa seule émotion
29:09était une peur aveugle,
29:10nue,
29:11folle,
29:12au-delà
29:12de toute raison.
29:14Elle voyait Conan.
29:15Sa forme blanche
29:16se détachait
29:17sur les noirs.
29:18Elle voyait
29:19son épée étincelée
29:20et les hommes
29:21tomber autour de lui.
29:21A présent,
29:24une grappe humaine
29:25contournait un feu.
29:26Au sein des corps
29:27qui se frappaient
29:28et se déchiquetaient,
29:29elle entrevit
29:30une forme obèse
29:31et trapue
29:31aux contorsions
29:32immondes.
29:34Conan plongea
29:35dans la mêlée
29:35et disparut
29:36à sa vue,
29:37cachée par
29:38les silhouettes noires
29:39qui se tordaient.
29:40Du groupe
29:41monta
29:42un glapissement
29:42suraigu,
29:43insupportable.
29:45La foule
29:46s'entrouvrit
29:46un instant.
29:48Elle eut
29:48la vision fugitive
29:49et horrible
29:50d'une forme grotesque
29:51couverte de sang,
29:53chancelant
29:53et assayant vainement
29:54de fuir.
29:55La foule
29:56se referma
29:57et l'acier
29:57étincela
29:58au sein de la cohue,
29:59tel un éclair
30:00traversant le crépuscule.
30:02Un aboiement
30:02de bêtes
30:03s'éleva,
30:04terrifiant
30:04par son exutation primitive.
30:07La haute silhouette
30:08de Conan
30:08se frayait un chemin
30:09à travers
30:10les seins de noir.
30:12Ils se dirigeaient
30:12vers la hutte
30:13où était tapie
30:14la jeune fille.
30:15Ils tenaient
30:16à la main
30:16une relique.
30:16Les flammes
30:18lancèrent
30:18des reflets rougeâtres
30:19sur la tête tranchée
30:20du roi Bajuge.
30:22Les yeux noirs,
30:24vitreux à présent
30:25et sans vie,
30:26étaient révulsés.
30:27La mâchoire
30:28pendait mollement,
30:29dessinant un rictus
30:30stupide.
30:31Des gouttes de sang
30:32arrosaient abondamment
30:33le sol.
30:35Livia recula
30:36en poussant
30:36un gémissement.
30:38Conan
30:38avait payé
30:39le prix demandé
30:39et venait réclamer
30:41son dû,
30:42apportant
30:42l'horrible témoignage
30:43de la tâche accomplie.
30:45Il allait poser
30:46sur elle
30:46ses doigts
30:47couverts de sang.
30:48Il la serrerait
30:49contre lui,
30:50écraserait ses lèvres
30:51contre les siennes,
30:52brûlant encore
30:53de la joie du massacre.
30:55À cette idée,
30:56elle fut prise
30:56de délire.
30:58Avec un cri,
30:59Livia traversa
31:00la case en courant
31:01et se jeta
31:02contre la porte.
31:03Celle-ci sourit
31:04violemment.
31:06Elle s'élança
31:06au dehors,
31:07courant entre les huttes,
31:09fantômes blancs
31:09et fugitifs,
31:10au sein d'un royaume
31:11d'ombre noire
31:12et de flammes écarlates.
31:13Quelques obscurs instincts
31:16la conduisit vers l'enclos
31:17où étaient gardés
31:18les chevaux.
31:20Un guerrier
31:20était en train
31:21d'ôter les barres
31:21séparant l'enclos
31:22du baumat central.
31:24Il poussa
31:25un cri d'étonnement.
31:27Elle passa
31:27comme une flèche
31:27près de lui.
31:29Il tendit la main
31:29vers elle
31:30et ses doigts
31:31se refermèrent
31:31sur le col de sa tunique.
31:33D'un mouvement éperdu,
31:35elle se dégagea,
31:36laissant le vêtement
31:37dans sa main.
31:37Les chevaux
31:40s'ébrouèrent
31:40et s'enfuirent
31:41à son approche,
31:42la frôlant
31:43et renversant
31:43le guerrier
31:44dans la poussière.
31:46Les coursiers,
31:46des purs
31:47sans cuchite
31:47splendides,
31:49étaient déjà
31:49affolés par le feu
31:50et l'odeur du sang.
31:52Elle saisit au hasard
31:53une crinière volant
31:54dans le vent
31:55près d'elle,
31:56fut soulevée du sol,
31:57heurta à nouveau
31:58la terre de ses orteils,
31:59bondit,
32:00se hissa
32:01et se cramponna
32:02à l'encolure tendue
32:03du cheval.
32:04Fous de peur,
32:05le troupeau
32:06s'élança
32:06à travers le village
32:07livré aux flammes.
32:09Les noirs,
32:10ahuris,
32:11eurent la vision fugitive
32:12et fantastique
32:13de la jeune fille,
32:14entièrement nue,
32:15s'accrochant
32:15à la crinière
32:16d'un cheval
32:16galopant à la vitesse
32:17du vent.
32:18Les cheveux blonds
32:19de la cavalière
32:20étaient dénoués
32:21et flottaient librement.
32:23Les talons fila
32:23comme l'éclair
32:24droit vers le boma,
32:26fit un bond prodigieux
32:27et disparut
32:28dans la nuit.
32:29Partie 3
32:30Livia était
32:32dans l'impossibilité
32:33de guider sa monture.
32:35D'ailleurs,
32:35elle n'en ressentait
32:36pas le besoin.
32:37Les hurlements
32:38et les lueurs
32:39de l'incendie
32:39disparaissaient
32:40rapidement derrière elle.
32:42Le vent agitait
32:43sa chevelure
32:43et caressait
32:44ses membres nus.
32:46Elle avait seulement
32:46conscience
32:47d'une nécessité hébêtée,
32:49se cramponnait
32:49à la crinière
32:50de son cheval
32:51et le laissait galoper,
32:53galoper,
32:54jusqu'au bout du monde
32:55et même au-delà,
32:56loin de toute souffrance,
32:58du chagrin
32:58et de l'horreur.
33:01Le pur sang galopa
33:02durant des heures,
33:03atteignant le fait
33:04d'une crête
33:05éclairée par les étoiles.
33:08Alors,
33:08il broncha
33:08et fit tomber
33:10sa cavalière,
33:11l'approchant
33:11violemment à terre.
33:14Elle heurta
33:14un sol mou.
33:16L'herbe épaisse
33:17amortit sa chute.
33:19Elle resta étendue
33:19un instant,
33:20à moitié assommée.
33:22Entendant confusément,
33:23sa monture
33:23s'éloigner rapidement.
33:26Lorsqu'elle se releva,
33:27en titubant,
33:27la première chose
33:29qui la frappa
33:30fut le silence.
33:31Un silence presque tangible
33:33à la douceur de velours.
33:35Tellement agréable,
33:36après la stridance
33:37et le rugissement
33:38incessant
33:39des corps
33:39et des tambours barbares.
33:42Ceci la rendait folle
33:43depuis des jours.
33:46Elle leva les yeux
33:47vers les grandes étoiles
33:48aux scintillants
33:48blanchâtres
33:49amassés
33:49dans le ciel obscur.
33:51La lune
33:51était invisible.
33:53La clarté stellaire
33:54illuminait le paysage,
33:56bien que d'une façon illusoire,
33:58formant des grappes
33:59d'ombre inattendues.
34:01Elle se trouvait
34:02sur un tertre herbu,
34:03d'où les pentes
34:04s'éloignaient
34:04en ondoyant doucement.
34:06Dans une direction,
34:07à l'horizon,
34:09elle apercevait
34:09une ligne d'arbres
34:10dense et sombre,
34:12indiquant une forêt lointaine.
34:14Ici,
34:15il y avait seulement
34:15la nuit et le silence,
34:17comme plongée
34:18dans un rêve
34:18et une brise légère
34:19soufflait parmi les étoiles.
34:23Le paysage semblait vaste
34:25et endormi.
34:26La chaude caresse
34:27de la brise
34:28lui fit prendre conscience
34:29de sa nudité.
34:31Elle s'agita,
34:32mal à son aise,
34:33passant ses mains
34:34sur son corps.
34:36Elle perçut alors
34:37l'abandon de la nuit
34:37et l'inflexibilité
34:39de la solitude.
34:40Elle était seule.
34:42Elle se trouvait
34:42sur une hauteur.
34:43Il n'y avait rien à voir
34:44autour d'elle.
34:46Rien,
34:47excepté la nuit
34:47et le vent
34:48au doux chuchotement.
34:51Elle se réjouit
34:52soudain de la nuit
34:53et de sa solitude.
34:55Il n'y avait personne
34:55pour la menacer,
34:57l'empoigner
34:57et poser sur elle
34:59des mains brutales
35:00et avides.
35:02Elle regarda devant elle
35:03et vit que la pente
35:03descendait vers une large vallée.
35:06Là-bas,
35:07des feuillages épais
35:08ondoyaient au vent.
35:10La lueur des étoiles
35:11se reflétait
35:12sur de nombreux petits objets
35:13éparpillés
35:14et disséminés
35:15sur tout le fond du vallon.
35:17Sans doute s'agissait-il
35:18de grandes fleurs blanches.
35:21Cette pensée
35:22fit surgir en elle
35:23un vague souvenir.
35:25Les Noirs
35:26lui avaient parlé
35:26d'une vallée
35:27et leur peur
35:28était évidente
35:29où avaient fui
35:30les jeunes filles
35:31d'une race étrange
35:32à la peau brune.
35:34Ce peuple
35:34avait habité
35:35la région
35:35avant la venue
35:36des ancêtres
35:37des bacalas.
35:38Là-bas,
35:39disaient les Noirs,
35:41elle s'était changée
35:41en fleurs blanches
35:42avec l'aide
35:43des anciens dieux
35:44pour échapper
35:45à leurs poursuivants.
35:47Aucun indigène
35:47n'osait se risquer
35:48au fond du vallon.
35:50Livia,
35:50elle,
35:51se risquerait
35:52dans cette vallée.
35:53Elle allait suivre
35:54ses pentes herbues
35:55dont la douceur veloutée
35:56caressait ses pieds.
35:58Elle resterait
35:59et vivrait là-bas,
36:00parmi les fleurs blanches
36:01aux majestuons
36:02d'oiement.
36:03Aucun homme
36:03ne poserait jamais
36:04plus ses mains brutales
36:05sur elle.
36:07Conan avait dit
36:08que les pâques
36:08étaient faits
36:08pour être rompus.
36:10Elle allait rompre
36:11celui qui l'alliait
36:11aux Cymériens.
36:13Elle irait
36:13dans la vallée
36:14des femmes perdues.
36:15Elle se perdrait
36:16dans la solitude
36:17et le silence.
36:18Tandis que ses pensées
36:19vagues,
36:20empreintes d'une mélancolique
36:21rêverie,
36:22flottaient à travers
36:23sa conscience,
36:25elle commença
36:25à descendre
36:26les pentes douces.
36:28Les flancs de la falaise
36:28se dressaient
36:29de plus en plus
36:30de chaque côté.
36:32Les pentes
36:33étaient si douces
36:33que lorsqu'elle se tint
36:35au fond de la vallée,
36:36elle n'eut pas
36:36le sentiment
36:37d'être prisonnière
36:38des falaises abrues.
36:39Tout autour d'elle
36:40flottaient
36:41des océans d'ombre.
36:42De grandes fleurs blanches
36:44s'inclinaient
36:45et murmuraient
36:46vers elle.
36:47Choisissant une direction
36:48au hasard,
36:50elle écarta
36:50les feuillages
36:51de ses mains délicates,
36:52prêtant l'oreille
36:53au chuchotement du vent
36:54parmi les frondaisons.
36:56Elle ressentit
36:57un plaisir enfantin
36:58en entendant
36:59le léger clapotis
36:59d'un ruisseau invisible.
37:02Elle marchait
37:02comme au sein
37:03d'un rêve,
37:04en proie
37:04à une étrange chimère.
37:07Une seule pensée
37:07se présentait constamment
37:08à son esprit.
37:10Ici,
37:10elle était en sûreté,
37:12à l'abri
37:12de la brutalité
37:13des hommes.
37:14Elle se mit à pleurer,
37:16mais c'était
37:16des larmes de joie.
37:18Elle s'allongea
37:19à plat ventre
37:19sur le sol
37:20et saisit l'herbe molle
37:21à pleine poignée,
37:22comme si elle voulait
37:23serrer contre son sein
37:24son refuge si récent
37:25et le garder là
37:27pour toujours.
37:29Elle cueillit
37:30des pétales de fleurs
37:30et en fin,
37:31guirlande,
37:32qu'elle posa
37:33sur ses cheveux blonds.
37:35Leur parfum
37:35était en harmonie
37:36avec tout ce qui se trouvait
37:37dans la vallée,
37:37propice aux rêves,
37:39subtile,
37:40enchanteur.
37:43C'est ainsi
37:43qu'elle arriva
37:43dans une clairière
37:44au milieu de la vallée.
37:46Elle aperçut
37:47une grande pierre
37:48comme taillée
37:48par des mains humaines,
37:50ornée de fougères,
37:51de plantes
37:52et de couronnes
37:52de fleurs.
37:54Elle s'arrêta
37:55pour la contempler.
37:57Le mouvement
37:57et la vie l'entourèrent.
37:59Se retournant,
38:01elle vit
38:01des silhouettes surgir
38:02des zones d'ombre
38:03plus denses,
38:04des femmes brunes
38:05et élancées,
38:06aux corps nus
38:07et souples.
38:08Des fleurs
38:09ornaient
38:09leur chevelure noire
38:10comme la nuit.
38:12Telles des créatures
38:12de rêve,
38:13elles s'approchèrent
38:14et l'entourèrent
38:15sans prononcer
38:16un seul mot.
38:17Pourtant,
38:18elle fut prise de terreur
38:19en voyant leurs yeux.
38:21Ils étaient lumineux
38:22et brillaient
38:22sous la lueur stellaire
38:23et n'étaient pas humains.
38:26Les formes
38:26étaient humaines,
38:28mais un étrange changement
38:29s'était opéré
38:29dans leurs âmes,
38:31un changement
38:31que reflétaient
38:32leurs yeux étincelants.
38:34La peur submergea
38:35Livia comme une vague.
38:37Le serpent dressait
38:39son horrible tête
38:39dans le paradis
38:40qu'elle venait de découvrir.
38:42Elle ne pouvait fuir.
38:44Les femmes brunes
38:45et souples
38:46l'entouraient.
38:47L'une d'elles,
38:48encore plus belle
38:49que les autres,
38:50s'approcha silencieusement
38:51de la jeune fille,
38:52tremblante de peur,
38:53et l'enlaça
38:54dans ses bras délicats
38:55et lisses.
38:57Son souffle
38:57exhalait
38:57le même parfum
38:58que des fleurs blanches,
39:00s'inclinant gracieusement
39:00sous la clarté stellaire.
39:01Ses lèvres
39:04pressèrent
39:04celles d'Olivia
39:05en un long
39:06et terrifiant baiser.
39:08L'Ophirienne
39:09sentit un froid mortel
39:10la pénétrer
39:11et irradié
39:12dans ses veines.
39:14Semblable
39:14à une statue
39:14de marbre blanc,
39:16elle restait figée
39:17entre les bras
39:17de sa ravisseuse,
39:19privée de paroles
39:19et de mouvements.
39:22Des mains rapides
39:22et douces
39:23la soulevèrent
39:24et la couchèrent
39:24sur la pierre
39:25de l'autel,
39:26parmi un lit
39:26de fleurs.
39:28Les femmes brunes
39:29se prirent par la main,
39:31formant un cercle.
39:33Elles se mirent
39:33à danser
39:34avec légèreté
39:35autour de l'autel,
39:36en une cadence
39:36grave et mystérieuse.
39:39Jamais le soleil
39:40ou la lune
39:40ne contemplèrent
39:41une pareille danse.
39:43Les grandes étoiles
39:44devinrent encore
39:45plus blanches
39:45et brillèrent
39:47d'un éclat accru,
39:48comme si la noire sorcellerie
39:49de ses pas
39:50obtenait une réponse
39:51de la part
39:52des choses cosmiques
39:53et élémentaires.
39:54Un chant s'éleva lentement.
39:57En comparaison,
39:58le murmure
39:58du ruisseau lointain
39:59était plus humain.
40:01Un bruissement de voix,
40:02ressemblant
40:03au chuchotement
40:03des fleurs
40:04qui ondoyaient
40:05sous les étoiles.
40:06Livia était allongée
40:07sur la pierre,
40:08consciente,
40:09mais incapable
40:09de bouger.
40:11Il ne lui vint pas
40:12à l'esprit
40:12de douter de sa raison.
40:14Elle ne cherchait pas
40:15à raisonner
40:16ou analyser.
40:17Elle existait,
40:18et ses étranges clatures
40:19dansant autour d'elle
40:20existaient également.
40:22Cette sourde compréhension
40:24de l'existence
40:24et l'évidence
40:25de la réalité
40:26de ce cauchemar
40:26prirent possession d'elle,
40:28tandis qu'elle était
40:29étendue sur l'autel,
40:30impuissante.
40:31Ses yeux étaient
40:32le vers le ciel,
40:33encombrés d'étoiles,
40:34d'où,
40:35elle le savait
40:35d'une manière étrange,
40:37avec une certitude
40:38dépassant la simple
40:39connaissance des mortels,
40:41quelque chose
40:41allait descendre vers elle.
40:43Comme cela
40:43était descendu,
40:45il y avait des éons,
40:46pour faire de ces femmes,
40:47nues et brunes,
40:48les créatures sans âme
40:49qu'elles étaient à présent.
40:50Au début,
40:53très haut dans le ciel,
40:54elle aperçut
40:55un point noir
40:56parmi les étoiles.
40:58Ce point grandit,
40:59grossit,
41:01cela se rapprochait,
41:02cela se gonfla,
41:04prit l'apparence
41:05d'une chauve-souris.
41:07Cela grandissait toujours
41:08sans que sa forme
41:09change pour autant,
41:11du moins pas
41:12dans des proportions notables.
41:14Cela planait
41:15au-dessus d'elle,
41:15au sein des étoiles,
41:17tombait droit vers la Terre
41:18en déployant ses ailes,
41:20recouvrait Livia
41:21de son ombre.
41:22Autour d'elle,
41:24le champ montait
41:25et s'enflait,
41:26se transformait
41:27en un péant triomphal,
41:29vibrant d'une joie impie.
41:32C'était le salut au Dieu
41:33qui venait prendre
41:33cette nouvelle victime
41:34sacrifiant son honneur,
41:36aussi fraîche qu'une fleur
41:37dans la rosée de l'aube.
41:40À présent,
41:40l'entité était exactement
41:41au-dessus de Livia.
41:43Son âme frémit
41:44et se glaça
41:45à la vue de la créature.
41:47Ses ailes ressemblaient
41:48à celles d'une chauve-souris.
41:50Son corps
41:51et le visage nébuleux
41:52qui la fixaient
41:53ne ressemblaient
41:53à rien qui exista
41:54sur la Terre,
41:56dans la mer
41:56ou dans le ciel.
41:58Elle comprit
41:59qu'elle contemplait
41:59l'horreur ultime,
42:01une souillure cosmique
42:02venue des gouffres
42:03de l'espace,
42:04aussi noire que la nuit,
42:05comme n'aurait jamais
42:06pu en concevoir
42:07même les rêves
42:07les plus délirants
42:08d'un homme frappé
42:09de déraison.
42:11Brisant
42:12les liens invisibles
42:13qui la réduisaient
42:13au silence,
42:14elle poussa
42:15un cri effroyable.
42:17À un grondement sourd
42:18et menaçant
42:19lui répondit.
42:20Elle entendit
42:20le martèlement
42:21de parts rapides
42:22sur le sol.
42:23Il se produisit
42:24tout autour
42:24le tourbillon
42:25d'eau impétueuse.
42:27Les fleurs blanches
42:27s'agitèrent furieusement.
42:29Les femmes
42:30à la peau brune
42:30disparurent.
42:32Au-dessus d'elles,
42:33planait la grande
42:34ombre ténébreuse.
42:36Elle aperçut
42:36se précipiter vers elle
42:37une grande citouette blanche
42:39dont les plumes
42:40ont doyé
42:40sous les étoiles.
42:41Conan !
42:43Ce cri s'échappa
42:44involontairement
42:44de ses lèvres.
42:45Avec un hurlement
42:47féroce et inarticulé,
42:49le barbare bondit
42:50dans les airs,
42:51frappant vers le ciel.
42:52Son épée flamboya
42:53sous la dueur
42:54des étoiles.
42:56Les grandes ailes noires
42:57se levèrent
42:58et retombèrent.
42:59Livia,
43:00rendue muette
43:01par l'horreur,
43:02vit l'ombre noire
43:03recouvrir
43:03et envelopper
43:04le cimérien.
43:06Le souffle de l'homme
43:07devint rauque
43:07et oppressé.
43:09Il marchait
43:09sur les fleurs blanches,
43:10les piétinant,
43:12les écrasant,
43:13les enfonçant
43:14dans la terre battue.
43:15L'impact déchirant
43:16de ses coups
43:17se répercutait
43:18dans la nuit.
43:19Il était secoué
43:20d'avant en arrière,
43:21comme un rat
43:22pris entre les mâchoires
43:22d'un chien.
43:24Le sol était
43:25claboussé d'écarlates.
43:26Le sang se mêlait
43:27aux pétales blancs,
43:28épars,
43:29formant comme un tapis.
43:31Aux yeux de la jeune fille,
43:33cette bataille
43:33démoniaque
43:34ressemblait à un cauchemar.
43:35Elle vit la créature
43:36aux ailes noires
43:36chancelée
43:37et faiblir dans les airs.
43:38Il y eut
43:38un battement sourd
43:39d'ailes mutilées.
43:41Le monstre
43:41se dégagea brutalement
43:42et prit son essor.
43:44Bientôt,
43:45il se confondait
43:46avec les étoiles
43:47et disparaissait
43:48en leur sein.
43:49Son vainqueur titubait,
43:51pris de vertige,
43:52jambes écartées.
43:54Il leva vers le ciel
43:55des yeux haïgards,
43:56étonnés par sa victoire,
43:58prêts à poursuivre
43:58l'horrible combat
43:59s'il le fallait.
44:01Un instant plus tard,
44:02Conan s'approchait
44:03de l'autel,
44:04pantelant
44:05et perdant du sang
44:06à chaque pas.
44:08Sa robuste poitrine
44:09se soulevait,
44:10luisante de sueur.
44:12Le sang ruisselait
44:13sur ses bras,
44:14coulant de ses blessures
44:15aux coues
44:16et aux épaules.
44:18Il toucha la jeune femme
44:19et le charme
44:19qui la retenait captive
44:20fut brisé.
44:22Elle se redressa
44:23sur son séant
44:23et se glissa
44:25au pied de l'autel,
44:26fuyant le contact
44:27de sa main.
44:28Il s'appuya
44:29contre la pierre,
44:30abaissant les yeux
44:31vers Livia
44:31tandis qu'elle se recrugillait
44:33à ses pieds.
44:35« Des hommes
44:35t'ont vu quitter le village,
44:37cramponnés
44:37à l'encolure
44:37d'un cheval,
44:38dit-il.
44:39J'ai sui tes traces
44:40dès que cela m'a été possible
44:42et retrouvé
44:43ta piste.
44:44Pourtant,
44:44cela gare était facile
44:45à la lueur des torches.
44:47Je suis arrivé
44:48à l'endroit
44:48d'où ton cheval
44:49t'avait jeté à terre.
44:51À ce moment,
44:52les torches
44:52avaient entièrement brûlé
44:53et l'herbe
44:54n'avait pas conservé
44:55l'empreinte
44:55de tes pieds nus.
44:57Pourtant,
44:57j'ai compris
44:57que tu étais descendu
44:58dans la vallée.
44:59Il ne pouvait en être
45:00autrement.
45:00Mes hommes
45:02ont refusé
45:03de m'accompagner.
45:04Je suis venu seul,
45:05à pied.
45:06Quelle est cette
45:06vallée de démons ?
45:07Quelle était
45:08cette créature ?
45:09Un dieu,
45:10chuchucha-t-elle.
45:12Les noirs
45:12m'en avaient parlé.
45:14Un dieu venu
45:14de très loin
45:15et d'il y a
45:15très longtemps.
45:17Un démon
45:18des ténèbres extérieures,
45:20grogna-t-il.
45:21Oh,
45:21cela n'a rien
45:22d'extraordinaire.
45:23Ils sont aux aguets,
45:24aussi nombreux
45:25que des mouches,
45:26à proximité
45:27de la ceinture
45:28de lumière
45:28qui entoure ce monde.
45:29J'ai entendu
45:31les sages
45:31de Zamora
45:32discuter à leurs propos.
45:34Certains trouvent
45:35leur chemin
45:35jusqu'à la terre.
45:37Ce faisant,
45:38ils doivent revêtir
45:39une forme de chair
45:40et de sang.
45:41Un homme comme moi,
45:43armé d'une épée
45:43et de taille
45:44à affronter
45:45n'importe quel adversaire
45:46infernal ou humain.
45:48Je ne crains pas
45:48les crocs et les griffes.
45:50Viens,
45:51mes hommes m'attendent
45:52à l'entrée de la vallée.
45:54Elle était accroupie
45:55à ses pieds,
45:56immobile,
45:57incapable de trouver
45:58ses mots
45:58pendant qu'il
45:59lui adressait
45:59un regard sombre,
46:01puis elle parla.
46:02C'est toi
46:03que je fuyais.
46:04J'avais prévu
46:04de te duper.
46:06Je n'avais aucune
46:06intention
46:07de tenir la promesse
46:08que je t'avais faite.
46:10Je t'appartenais
46:11selon le marché
46:11conclu entre nous.
46:13Pourtant,
46:14je comptais bien
46:14t'échapper
46:15si cela m'était possible.
46:17Punis-moi ta guise.
46:19Il secoua
46:20la sueur
46:21et le sang
46:21de ses cheveux,
46:22puis rengaina son épée.
46:24Relève-toi,
46:25rommela-t-il.
46:26C'était un marché
46:27déloyal.
46:28Je ne regrette pas
46:29ce chien noir
46:30de bas-juge
46:31et tu n'es pas
46:32une catin
46:32que l'on achète
46:33ou que l'on vend.
46:35Les coutumes
46:35des hommes varient
46:36selon les pays.
46:38Néanmoins,
46:38un homme n'est pas obligé
46:39de se comporter
46:40en porc
46:40où qu'il se trouve.
46:42J'avais réfléchi
46:43à la question
46:43et compris ceci.
46:46En t'obligeant
46:46à respecter ton accord,
46:48je me comporterai
46:49exactement
46:49comme si je te prenais
46:50de force.
46:52De plus,
46:53tu n'es pas assez forte
46:54pour ce pays.
46:55Tu es une enfant
46:56des villes,
46:56des livres
46:57et des mœurs civilisées.
46:59Ce n'est aucunement
47:00de ta faute,
47:01mais tu mourrais rapidement
47:02si tu vivais
47:03la vie que je mène.
47:05Je vais te conduire
47:05jusqu'à la frontière
47:06stygienne.
47:07Les stygiens
47:08te ramèneront
47:09chez toi
47:09en Ophir.
47:11Elle leva les yeux
47:12et le regarda fixement
47:13comme si elle avait
47:14mal compris.
47:16Chez moi ?
47:17répéta-t-elle
47:18machinalement.
47:19Chez moi ?
47:20En Ophir ?
47:21Revoir les miens ?
47:23Retrouver les villes ?
47:24Les tours ?
47:25La paix ?
47:26Ma maison ?
47:28Soudain,
47:29des larmes jaillirent
47:30de ses yeux.
47:31S'affalant,
47:32elle serra dans ses bras
47:33les genoux du Cibérien.
47:35« Rome ! »
47:36« Allons, jeune fille ! »
47:37rogna Conan,
47:38embarrassée.
47:39« Ne fais pas ça ! »
47:41« Tu imagines peut-être
47:42que je te fais une faveur
47:43en te chassant
47:43de ce pays
47:44à coups de pied ? »
47:45« Ne t'ai-je pas expliqué
47:46que tu n'étais pas
47:47une femme convenable
47:48pour le chef de guerre
47:49des Bamulas ? »
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