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  • il y a 5 mois
Le carbone et la température sont l’avers et le revers d’une même médaille : le changement climatique. Le premier, sous forme gazeuse, constitue sa source principale - à condition d’inclure les autres gaz à effet de serre, convertis à leur tour en équivalent CO2. La seconde, consolidée en moyenne globale, n’est qu’une expression parmi d’autres de ses effets, au même titre que les événements extrêmes ou la montée des eaux.

Autrement dit, derrière chaque dixième de degré supplémentaire se cache une accumulation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. C’est la raison pour laquelle atténuation - du changement climatique - rime avec décarbonation - de nos modes de vie. Et qu’aucun pays, aucune entreprise ni aucun individu, ne peut prétendre réduire suffisamment ses émissions de CO2 sans avoir recours, d’une manière ou d’une autre, à la comptabilité carbone pour mesurer l’efficacité de ses actions.

Cette série en trois épisodes revient, avec le Président du Shift Project et inventeur du bilan carbone Jean-Marc Jancovici, sur trois aspects de cette quantification. D’abord en retraçant le parcours et la consolidation de la norme internationale ISO – fortement inspirée de la méthode française du bilan carbone - qui encadre aujourd’hui la grande majorité des inventaires. Ensuite en appliquant la méthode de calcul de l’empreinte carbone à la France, pour mesurer l’ampleur et la répartition des différents postes d’émissions. Enfin en recontextualisant ces données dans leurs environnements diplomatique, économique et même géologique, afin de déterminer les leviers les plus efficaces à actionner pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles.

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Transcription
00:00Bien qu'exprimé en degrés, le changement climatique est intimement lié au carbone.
00:22Car le réchauffement est un phénomène physique,
00:24directement piloté par l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
00:27Il faut que les émissions planétaires baissent de 5% par an actuellement,
00:31si on veut tenir l'objectif de 2 degrés.
00:36Sachant que l'objectif 1,5 il déborde, malheureusement.
00:38Pour réduire suffisamment, il faut agir.
00:40Nous, nous n'avons plus le choix.
00:41Pour agir efficacement, il faut mesurer.
00:44The emissions gap is not an abstract notion.
00:47Et pour mesurer l'efficacité de nos actions, on a désormais recours à la comptabilité carbone.
00:52Toute la question étant de savoir qu'est-ce qu'on compte et pourquoi on le compte.
00:57En 1992, la communauté internationale s'est accordée sur un principe plutôt sensé
01:07qui consiste à demander aux États de se limiter aux émissions qui ont lieu sur leur propre sol.
01:12Dans le cadre de la Convention climat, on s'est limité aux émissions territoriales par pays
01:17parce que c'est les émissions sur lesquelles les pays peuvent rendre leurs engagements.
01:19On considère alors qu'un pays ne peut s'engager que sur les émissions dont il a la maîtrise.
01:24Et ceci dans la droite ligne du vieux principe de non-ingérence
01:28qui consacre la souveraineté des États sur leur territoire.
01:31Si vous avez par exemple un investissement étranger dans un site en France
01:34qui est soumis par exemple à la directive Céveso,
01:36ce n'est pas parce que le propriétaire est étranger que vous allez échapper à la directive.
01:39Ce n'est pas parce que l'investissement est étranger que vous échappez aux droits du travail français.
01:42Il s'agit donc d'une convention sur laquelle les pays se sont accordés
01:46pour à la fois rendre l'action plus efficace et rester fidèle aux traditions diplomatiques.
01:51Mais sur le plan conceptuel, voire même sur le plan de la justice climatique,
01:55cette approche reste assez limitante dans un monde où les échanges sont mondialisés.
01:59Ce qui a ouvert la voie à d'autres méthodes de calcul,
02:02parmi lesquelles la célèbre empreinte carbone,
02:04qui dépasse le territoire d'un pays pour se concentrer sur l'impact de sa consommation.
02:08L'empreinte carbone, c'est toutes les émissions dont le pays dépend
02:12pour vivre comme il vit.
02:13Ça veut dire que c'est à la fois les émissions domestiques,
02:15si je prends l'exemple de la France,
02:17les émissions françaises qui ont servi à faire des produits et services
02:19dont les Français bénéficient.
02:21Mais à cela, je rajoute les émissions indiennes, chinoises, brésiliennes,
02:25argentines, américaines et italiennes, et j'en passe les meilleures,
02:28qui auront également servi à faire des produits et services que les Français consomment.
02:31Donc dès que vous achetez un truc made in ailleurs,
02:33en fait, on a en France bénéficié des émissions qui ont été faites par un autre pays.
02:37Et donc le principe de l'empreinte carbone,
02:39c'est que vous rapatriez dans un même total
02:40les émissions qui ont lieu en France
02:42et qui servent à faire des produits et services
02:44qui vont alimenter la consommation finale des Français.
02:47Et vous ajoutez à ça les émissions ayant pris place hors de France
02:50qui ont également servi à faire les produits et services
02:52alimentant la consommation finale des Français.
02:59L'empreinte carbone offre une image plus complète
03:01de l'impact climatique de notre mode de vie.
03:04Elle révèle que la consommation française reste fortement carbonée
03:07et que les efforts pour réduire les émissions doivent passer par une transformation
03:11de nos habitudes collectives, mais aussi individuelles.
03:13L'empreinte carbone, je le redis, c'est toutes les émissions qui permettent à quelqu'un
03:17de vivre comme il vit. Une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit qu'il avait nécessairement
03:21la maîtrise sur la façon de baisser toutes ses émissions.
03:24Il y a une partie sur laquelle il a la maîtrise et une partie sur laquelle il n'a pas la maîtrise.
03:27Dans les actes de consommation, il y en a qui sont plus ou moins contraints, on va dire.
03:32Ça peut être contraint par des réalités physiques.
03:35Vous avez trouvé un boulot à 25 km de votre domicile, il faut pouvoir y aller.
03:38Mais vous avez quand même le choix pour aller à votre boulot,
03:41de prendre, si vous allez en voiture, une petite ou une grosse voiture.
03:43Ça, c'est quand même dans votre libre-arbitre.
03:45Or, l'empreinte carbone par habitant, centrée donc sur la consommation des individus,
03:50attribue l'entière responsabilité des émissions à l'usager final,
03:53créant d'une certaine façon une nouvelle injustice qui consiste à imputer,
03:57en tout cas moralement, une responsabilité à des actions
04:00sur lesquelles les ménages n'ont qu'une maîtrise partielle.
04:03Il y a en gros une moitié que vous pouvez faire vous,
04:06ça dépend vraiment de vos propres décisions, à technostructure constante, j'ai envie de dire.
04:10Changer votre régime alimentaire, ça dépend de vous.
04:13Si vous décidez de manger un peu moins de beefsteak et un peu plus de pois chiches,
04:16après, vous ne pouvez pas en avoir envie.
04:17Mais ça, c'est un autre problème.
04:18Mais je veux dire, ça dépend totalement de vous.
04:19Et ça ne nécessite pas d'investissement.
04:21Après, vous avez des choix qui dépendent de vous et qui nécessitent des investissements.
04:23Par exemple, changer de chauffage dans un logement dont vous êtes propriétaire,
04:26vous pouvez éventuellement avoir une limite sur les moyens d'investissement.
04:29Mais ça dépend totalement de vous.
04:31Et puis maintenant, pour les alternatives, en coût complet,
04:33c'est-à-dire si vous regardez en coût complet sur la durée,
04:34c'est à peu près dans les mêmes zones de prix que le mode fossile.
04:37Et puis, il y a des trucs qui ne dépendent pas de vous.
04:39Le chauffage de l'école ou vos enfants, ça, ça ne dépend pas de vous.
04:41Donc, ce qu'on dit, c'est qu'il y a une responsabilité partagée dans cette histoire.
04:45C'est-à-dire, ni on ne peut dire, moi, j'attends passivement que la société règle le problème pour moi,
04:49ni on ne peut dire, tout doit reposer sur les épaules du consommateur
04:52et il n'y a rien qui ne dépend de la société.
04:54On est dans un entre-deux avec le curseur qui penche un peu plus d'un côté,
04:57un peu plus de l'autre en fonction du sujet.
04:58La volonté individuelle peut faire beaucoup,
05:02mais elle ne suffirait donc pas à faire baisser les émissions autant qu'il le faudrait.
05:07Et un autre moyen de se rendre compte de l'importance des choix collectifs,
05:10donc de la volonté politique,
05:12revient à disséquer l'empreinte carbone française,
05:14composée de cinq postes qui ont quasiment la même importance.
05:17Si je prends l'empreinte carbone moyenne, en France,
05:20c'est à peu près 10 tonnes équivalent en CO2.
05:21Là-dedans, le premier poste qui va représenter quasiment un quart,
05:24c'est les transports.
05:25En gros, c'est 80 voitures, 20 avions et le reste, on ne très peu.
05:28Donc vous avez le logement.
05:29Dans le logement, vous avez le fait de faire construire.
05:31Quand vous faites construire votre logement,
05:33c'est plusieurs dizaines de tonnes de CO2 qui sont émises d'un seul coup.
05:35Vous avez ensuite son chauffage et éventuellement sa climatisation.
05:38Un troisième poste après, ça va être la nourriture,
05:40où là, on va dire les produits animaux, c'est plus de la moitié.
05:42Et le deuxième poste, c'est les poissons, les sodas, les alcools, le vin, etc.
05:47Après, vous avez un poste qui concerne les achats, tout ce qu'on achète.
05:50Les vêtements, les brosses à dents, les tables, les chaises,
05:54l'électronique évidemment, voilà.
05:56Et ça, ça fait un petit quart.
05:57Et enfin, vous avez un dernier poste qui représente les services publics.
06:00Donc ça, c'est aussi des choses dont vous bénéficiez.
06:02Simplement, vous le payez au travers de vos impôts.
06:03Et donc là-dedans, vous allez trouver l'enseignement secondaire,
06:05les universités, l'armée et le système de soins.
06:09Si on prend un peu de recul, depuis les années 90,
06:12la trajectoire de l'empreinte carbone de la France
06:14évolue différemment de celle des émissions domestiques.
06:17L'empreinte carbone par personne, elle a augmenté jusqu'au milieu des années 2000.
06:22Et depuis le milieu des années 2000, elle diminue très légèrement.
06:24Mais elle a diminué moins vite que les émissions domestiques.
06:28Ça reflète les dynamiques à l'œuvre dans la production et la consommation,
06:31et notamment le rôle des délocalisations.
06:33La raison pour laquelle l'empreinte carbone n'a pas baissé aussi vite que les émissions domestiques,
06:37c'est qu'il y a un effet de report.
06:38On importe de plus en plus d'émissions, on va dire,
06:40qui ont eu lieu ailleurs et qui sont contenues dans les produits et services fabriqués à l'étranger.
06:43Et tout ceci illustre des changements radicaux dans la comparaison entre pays,
06:47selon que l'on privilégie l'approche par territoire ou celle par la consommation,
06:51mais aussi et surtout selon qu'on les considère par pays ou qu'on les ramène par habitant.
06:56La Chine, c'est 30% des émissions mondiales, d'accord ?
06:58Mais si je descends au niveau de bassins de population qui sont d'une taille comparable à celle de la France,
07:03par paquet de 70 millions de Chinois,
07:06les émissions sont aussi de 1% des émissions mondiales.
07:09Donc est-ce qu'il faut que la Chine s'occupe des émissions ?
07:10Puisque par paquet de 70 millions, c'est 1% seulement.
07:13Sous-titrage Société Radio-Canada
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