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  • il y a 2 jours
Le carbone et la température sont l’avers et le revers d’une même médaille : le changement climatique. Le premier, sous forme gazeuse, constitue sa source principale - à condition d’inclure les autres gaz à effet de serre, convertis à leur tour en équivalent CO2. La seconde, consolidée en moyenne globale, n’est qu’une expression parmi d’autres de ses effets, au même titre que les événements extrêmes ou la montée des eaux.

Autrement dit, derrière chaque dixième de degré supplémentaire se cache une accumulation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. C’est la raison pour laquelle atténuation - du changement climatique - rime avec décarbonation - de nos modes de vie. Et qu’aucun pays, aucune entreprise ni aucun individu, ne peut prétendre réduire suffisamment ses émissions de CO2 sans avoir recours, d’une manière ou d’une autre, à la comptabilité carbone pour mesurer l’efficacité de ses actions.

Cette série en trois épisodes revient, avec le Président du Shift Project et inventeur du bilan carbone Jean-Marc Jancovici, sur trois aspects de cette quantification. D’abord en retraçant le parcours et la consolidation de la norme internationale ISO – fortement inspirée de la méthode française du bilan carbone - qui encadre aujourd’hui la grande majorité des inventaires. Ensuite en appliquant la méthode de calcul de l’empreinte carbone à la France, pour mesurer l’ampleur et la répartition des différents postes d’émissions. Enfin en recontextualisant ces données dans leurs environnements diplomatique, économique et même géologique, afin de déterminer les leviers les plus efficaces à actionner pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles.

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Transcription
00:00Bien qu'exprimé en degrés, le changement climatique est intimement lié au carbone.
00:22Car le réchauffement est un phénomène physique, directement piloté par l'accumulation de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
00:27Il faut que les émissions planétaires baissent de 5% par an actuellement, si on veut tenir l'objectif de 2 degrés.
00:36Sachant que l'objectif 1,5 il déborde, malheureusement.
00:38Pour réduire suffisamment, il faut agir.
00:40Nous, nous n'avons plus le choix.
00:41Pour agir efficacement, il faut mesurer.
00:44The emissions gap is not an abstract notion.
00:47Et pour mesurer l'efficacité de nos actions, on a désormais recours à la comptabilité carbone.
00:52Toute la question étant de savoir qu'est-ce qu'on compte et pourquoi on le compte.
00:57Depuis le début des années 2000, l'empreinte carbone de la France diminue.
01:05Mais elle diminue d'abord trop lentement par rapport à nos objectifs,
01:08et surtout plus lentement que nos émissions domestiques,
01:11donc celles qui ont lieu sur notre territoire,
01:13puisqu'environ la moitié de notre empreinte carbone provient désormais de nos importations.
01:17On importe de plus en plus d'émissions, on va dire, qui ont eu lieu ailleurs
01:19et qui sont contenues dans les produits et services fabriqués à l'étranger.
01:22Pour autant, selon que l'on privilégie l'approche par territoire ou celle par la consommation,
01:27ça ne change pas radicalement la part de la France dans les émissions mondiales,
01:30qui se situe bien autour de 1%.
01:32Et même si ça peut paraître dérisoire, ça reste déjà au-dessus du 0,8%
01:37que représente la part de la population française dans la population mondiale.
01:41L'empreinte carbone moyenne par personne sur Terre, c'est 7 tonnes et demie.
01:44En France, on est à 10, un peu au-dessus de 10.
01:46Donc ça veut dire qu'on est au-dessus de la moyenne,
01:49pas considérablement au-dessus, mais au-dessus de la moyenne.
01:51Et en fait, c'est très fortement en fonction des revenus.
01:54Quand vous dépensez beaucoup, vous achetez beaucoup de billets d'avion,
01:57vous achetez des plus gros frigos, vous avez des plus grandes maisons.
01:59Et donc globalement, l'empreinte carbone par habitant, elle augmente avec les revenus.
02:03Tout dépend en fait de ce qu'on choisit d'observer,
02:05car si on élargit à l'Europe, on arrive déjà à environ 7-8% des émissions mondiales.
02:10Mais surtout, si on regarde toutes les émissions produites depuis 1850,
02:14puisqu'après tout, elles ont tout autant d'importance dans le réchauffement actuel,
02:17on arrive à environ un quart des émissions mondiales.
02:20En fait, tout ça est pour partie conventionnelle.
02:23Ce qui compte, c'est de montrer l'exemple,
02:24et il faut qu'il y ait de plus en plus de gens qui montrent l'exemple.
02:26Parce que c'est comme ça qu'on fonctionne, on est des animaux mimétiques.
02:28Et du reste, le seul pari qui a une chance de se réaliser,
02:30c'est de dire, on s'y met sans attendre les autres,
02:33parce que de toute façon, avec le temps, comme notre espèce est une espèce mimétique,
02:36on va bien finir par trouver des gens qui vont finir par nous imiter.
02:38Ce que l'expérience montre qui se passe.
02:40En Europe, nous n'avons plus vraiment d'excuses pour ne pas nous extraire
02:44de notre dépendance aux énergies fossiles.
02:47Et quand bien même ces efforts réduiraient de façon conjoncturelle
02:49pour des motifs économiques ou idéologiques,
02:52il paraît désormais impossible d'inverser la tendance.
02:55De toute façon, en Europe, nous sommes déjà dans la seringue
02:57en ce qui concerne la baisse de l'approvisionnement fossile.
03:00C'est-à-dire quand bien même on dirait qu'on s'en fout du climat,
03:02il n'est plus possible en Europe aujourd'hui
03:04de faire repartir la consommation d'énergie fossile à la hausse.
03:07Il n'est même pas possible de la maintenir constante très longtemps encore.
03:10Parce que dans cette histoire,
03:11et bien que les forces économiques et la volonté politique puissent beaucoup,
03:15elles butent sur une réalité physique,
03:17l'épuisement des ressources géologiques.
03:19Le pétrole a passé son maximum de production dans le monde en 2018, à date.
03:24Et en ce qui concerne le pétrole dit conventionnel,
03:26c'est-à-dire celui qui exclut le pétrole de schiste américain
03:29et les sables bitumineux canadiens,
03:30le maximum était même 2008.
03:32En fait, depuis 2007, plus précisément,
03:33la consommation de pétrole en Europe baisse.
03:36Et ce n'est pas parce qu'il y a eu un tournant climatique en Europe en 2005 ou 2006.
03:40C'est juste parce qu'on est depuis cette époque
03:42dans une situation dans laquelle on en a de moins en moins chaque année,
03:45tout simplement parce qu'il y en a de moins en moins disponible pour nous.
03:47À ça, il faut rajouter que le gaz en Europe
03:50est également contraint à la baisse depuis 2005.
03:52En 2005, la mer du Nord a passé son pic de production de gaz
03:55et à ce moment-là, elle représentait 55% de la consommation européenne.
04:00Au moment où la mer du Nord passe son pic,
04:01la consommation européenne de gaz s'est brutalement arrêtée d'augmenter
04:04et quelques années après, elle a commencé à décliner.
04:07Et on a beau tenter de compenser cette baisse à l'échelle régionale
04:10par de l'importation,
04:11il y a là encore une réalité physique implacable
04:14qui limite les échanges de matière.
04:16En fait, le gaz étant gazeux,
04:17eh bien, il se transporte mal
04:18parce qu'il a une très faible densité énergétique par unité de volume,
04:21sauf si vous le comprimez à des pressions très élevées
04:23mais auquel cas vous avez besoin de beaucoup d'énergie
04:25ou si vous le liquéfiez, auquel cas vous avez besoin d'encore plus d'énergie.
04:28Donc la déperdition énergétique liée au transport de gaz
04:31est beaucoup plus élevée que celle liée au transport de pétrole
04:33et ça explique pourquoi le gaz voyage peu sur de très grandes distances.
04:37Et c'est sans parler du charbon qui décline en Europe depuis les années 80
04:40à cause notamment de l'épuisement des mines
04:42et de la concurrence du gaz et du pétrole.
04:45Et là, c'est pareil, compenser par des importations,
04:47c'est pas simple
04:47parce que le charbon, c'est pondéreux et c'est solide
04:50et donc la logistique du charbon, c'est compliqué de la faire
04:53sauf si vous avez une mine desservie par un train
04:56qui vous amène ça près d'un port
04:57et que vous faites le transport international par bateau.
05:00Pour résumer, qu'on le veuille ou non,
05:01aucune des énergies fossiles n'échappe à sa condition géologique.
05:05Et il est à peu près certain qu'aucune politique publique
05:08ne tentera de contrer leur déclin structurel en France et en Europe.
05:11Nous, même si on ne représente que 1% des émissions en France,
05:14de toute façon, nos émissions vont continuer à baisser
05:16de façon subie si on ne le gère pas.
05:19Et moi, je suis partisan de le gérer plutôt que de le subir.
05:22Une fois qu'on a compris qu'on n'avait plus vraiment le choix,
05:24il reste à traiter la question du comment.
05:26Sortir de la dépendance énergétique, c'est compliqué
05:28parce que les combustibles fossiles ont tout fait
05:31dans le monde qui nous entoure.
05:33En fait, rien de ce qui constitue aujourd'hui notre confort moderne
05:36n'a pu voir le jour avant la première révolution industrielle
05:39il y a un peu plus de 200 ans.
05:40Le transport mécanisé de masse n'existait pas.
05:42Les grands logements vastes pour tout le monde,
05:44aujourd'hui, il y a 40 mètres carrés habitables en moyenne
05:46par personne en France.
05:47Chauffer l'hiver et éventuellement refroidir l'été n'existait pas.
05:50La médecine moderne n'existait pas.
05:52La profusion d'objets qu'on peut s'acheter aujourd'hui,
05:54on peut s'acheter un milliard d'objets différents en France.
05:57Eh bien, ça, c'est le produit des combustibles fossiles
05:59qui ont aussi fait la fin des tâches pénibles
06:01puisque les machines travaillent à notre place,
06:03qui ont fait l'urbanisation parce qu'on n'avait plus besoin
06:05de personnes dans les campagnes où on a remplacé les gens
06:07par des tracteurs, des engrais, des phytosanitaires,
06:09et des silos et des camions.
06:10C'est en partie pour ça que le monde peine tant à se décarboner,
06:15car ça implique de préserver un maximum de tout ce qui nous entoure
06:18en se débarrassant de ce qui a permis de le créer.
06:21C'est beaucoup plus compliqué que l'idée simple et naïve
06:23qui est on va faire plein d'éoliennes et on sera débarrassé du problème.
06:26Et au Ship Project, l'ambition que nous avons,
06:28c'est de prendre les problèmes un par un.
06:30Qu'est-ce qu'on fait pour la mobilité ?
06:31Qu'est-ce qu'on fait pour le fret ?
06:32Qu'est-ce qu'on fait pour la façon dont on se soigne ?
06:34Qu'est-ce qu'on fait pour la façon dont on se divertit ?
06:36Qu'est-ce qu'on fait pour le sport ?
06:37Qu'est-ce qu'on fait pour le textile ?
06:38Qu'est-ce qu'on fait pour le logement ?
06:40Et on essaye de regarder ce que ça veut dire pour ces secteurs-là
06:44de se décarboner pour de vrai.
06:45Ça revient au final à envisager les différentes activités
06:48comme des processus physiques agissant dans un monde fini
06:51et en plein réchauffement.
06:52Au sens où ces activités consomment des ressources naturelles
06:55qui sont limitées et émettent des gaz à effet de serre
06:58qui doivent diminuer.
06:59Et donc le plan de transformation de l'économie française
07:01qu'on avait mis en route lors des dernières présidentielles
07:03et qu'on veut remettre au goût du jour pour les prochaines.
07:06C'est pour ça qu'on fait une collecte
07:08pour nous donner plus de moyens
07:09pour couvrir plus de sujets
07:10parce qu'on est dans une forme de course contre la montre
07:12et donc on ne peut pas attendre 25 ans
07:14avant d'avoir fini notre boulot.
07:15Cet argent va nous servir à regarder plein de choses,
07:17prendre le problème sous plein d'angles
07:19pour derrière faire des propositions
07:20sur la façon dont on pourrait avancer
07:22pour décarboner l'ensemble du pays.
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