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  • il y a 21 heures
Stéphanie Roy reçoit Jean-Paul Bordes, ancien directeur de L’Association de coordination technique agricole (ACTA), agronome indépendant et auteur de L’agriculture pourra-t-elle s’adapter au changement climatique ?

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Transcription
00:00Bonjour à tous. Un accord sera-t-il trouvé à échelle européenne sur les nouvelles techniques génomiques ?
00:11Un trilogue est en cours entre Commission européenne, Parlement européen et Conseil de l'Union européenne.
00:17Il se poursuit et cela nous incite à nous interroger sur les enjeux autour de ces fameuses NGT.
00:23Et pour en parler aujourd'hui, j'ai le plaisir de recevoir Jean-Paul Borde. Bonjour.
00:26Bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous. Vous êtes ancien directeur de l'ACTA, l'Association de coordination technique agricole, agronome indépendant et auteur.
00:35Vous avez d'ailleurs récemment publié un ouvrage intitulé « L'agriculture pourra-t-elle s'adapter aux changements climatiques ? »
00:42Comment appréhendez-vous ces questions autour de l'amélioration génétique des plantes ?
00:47Alors, l'amélioration génétique des plantes fait partie intégrante du progrès dont a bénéficié l'agriculture en général depuis plus d'un siècle.
00:57Ça a commencé par des moyens très simples de croisement entre plantes.
01:01Ces techniques se sont développées, se sont modernisées.
01:05Et aujourd'hui, c'est un levier très important de progrès pour les agriculteurs.
01:09Alors, c'est très intéressant parce que par la génétique, on peut toucher à plusieurs aspects.
01:14On peut toucher à la production, au rendement. On peut toucher à la résistance aux bioagresseurs.
01:20Et ça, c'est important. On peut toucher aussi à la résilience par rapport à certains accidents climatiques.
01:26Et là, on voit le lien avec le changement climatique.
01:28On peut toucher aussi à la qualité.
01:30Donc, en fait, le levier génétique, c'est un levier qui a plusieurs facettes, plusieurs potentialités.
01:36Et l'avantage pour l'agriculteur, c'est que c'est une innovation encapsulée.
01:42C'est-à-dire que l'agriculteur n'a pas de mode d'emploi très spécifique.
01:47Il sème sa variété et il bénéficie du progrès que l'on a réalisé au travers de la sélection génétique.
01:53Donc, le levier génétique est nécessaire pour permettre à l'agriculteur de s'adapter.
02:00Est-ce qu'il suffit en lui-même ?
02:01Oui. Alors, il est absolument nécessaire.
02:03Notamment, si on regarde les enjeux autour du changement climatique,
02:09on ne peut pas travailler aujourd'hui dans un nouveau climat avec des variétés actuelles.
02:15C'est comme si on allait travailler avec les variétés dont on dispose en Afrique du Nord.
02:20Ça ne serait pas adapté.
02:21Et donc, c'est un levier indispensable.
02:24Et il est aussi très prometteur.
02:26C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de progrès qui ont été faits, notamment sur la résistance aux bioagresseurs.
02:31Et il y a aussi pas mal de promesses sur différents caractères.
02:37Alors, il ne sera pas suffisant.
02:39C'est-à-dire que la génétique ne pourra pas tout faire.
02:43Il faudra le coupler avec d'autres choses.
02:45Alors, par exemple, quelque chose qui va se développer, c'est l'utilisation de l'aide à la décision.
02:51Parce que le climat est changeant.
02:54Il n'y a pas deux années qui se ressemblent.
02:56Il n'y a pas deux semaines qui se ressemblent.
02:59Et donc, ça veut dire que la réaction de la plante à ces variations de climat ne sont pas les mêmes.
03:05Et tout le jeu de l'agriculteur, c'est de pouvoir adapter ces techniques culturelles à ces changements.
03:11Et donc, l'aide à la décision, par exemple, est un bon partenaire du progrès génétique.
03:16Parce que ça permet de mieux valoriser le potentiel génétique d'une variété en adaptant de manière pertinente ces pratiques.
03:24Notons peut-être aussi, si je comprends bien ce que vous me dites, que le levier génétique, ça répond à tous les enjeux de dérèglement climatique.
03:30Et ça peut aussi être une réponse environnementale, puisque ça peut permettre aussi d'utiliser moins de produits phytosanitaires.
03:38Absolument. Et là, on voit bien l'effet multilevier du progrès génétique.
03:45Ça répond à beaucoup de choses.
03:46Et ça répond aussi, et ça a beaucoup répondu, à la question de la résistance ou la résilience par rapport aux bioagresseurs.
03:55Alors que ce soit les maladies, les ravageurs, les virus aussi.
04:02Un petit peu moins les adventices, qui elles, bon, sont encore très peu dépendantes de l'aspect génétique de la culture principale.
04:09Quoique, il y a quand même des recherches là-dessus qui peuvent être intéressantes.
04:13Alors, est-ce que vous auriez quelques exemples concrets, pour illustrer un peu vos propos, de ces améliorations génétiques des plantes ?
04:21Alors, il y en a beaucoup. On est obligé de prendre quelques exemples très particuliers.
04:28Il y a sur le piétinverse, par exemple, c'est une maladie des céréales, du blé en particulier.
04:33C'est une maladie qui touche le blé, les pieds de blé.
04:37Et donc, en cours de culture, les tiges sont fragilisées et se couchent.
04:42Donc, le grain ne se remplit pas bien et c'est des pertes de rendement qui peuvent être très élevées.
04:47Les sélectionneurs ont trouvé des gènes de résistance dans des variétés exotiques de blé.
04:54Et ils se sont aperçus que ces variétés-là étaient peu sensibles ou insensibles à cette maladie.
04:59Et par croisement, ils ont obtenu des variétés qui sont cultivées aujourd'hui.
05:04Et on peut dire aujourd'hui que, depuis une dizaine d'années, on ne traite plus cette maladie.
05:09C'est-à-dire qu'on n'utilise plus de fongicides pour traiter contre cette maladie.
05:14Et ça, c'est un progrès considérable.
05:15On pourrait, par exemple, citer le cas des mosaïques, les viroses.
05:20On pourrait citer le cas de la cécidomie des fleurs de blé, par exemple.
05:25La cécidomie, c'est quoi ?
05:27Alors, la cécidomie des fleurs de blé, c'est une toute petite mouche
05:30qui vient pondre le soir dans les fleurs de blé, de céréales.
05:36Et ensuite, les larves se développent, elles sont toutes petites dans le grain, elles le mangent.
05:41Donc ça fait des pertes de rendement qui sont assez fortes.
05:45Et le problème, c'est que c'est très difficile à traiter.
05:48Parce qu'il faudrait mettre un insecticide le soir, quand il fait beau, qu'on voit les mouches.
05:53Enfin, c'est assez compliqué. L'efficacité n'est pas très bonne.
05:56Et là, tout le travail qui a été fait sur la connaissance du génome de la plante
06:01a permis d'identifier des gènes de résistance.
06:05Les sélectionneurs l'ont introduit dans certaines variétés.
06:08Et ce qui fait que dans les régions où, aujourd'hui, on craint ce ravageur,
06:11on cultive des variétés tolérantes et on ne fait plus de traitement vis-à-vis de cette maladie.
06:16On pourrait citer aussi le cas de la jaunisse analysante de l'orge.
06:20Sur l'orge, il y a un gros problème.
06:22C'est la sensibilité de cette espèce à un puceron pendant l'automne qui, lui, est vecteur d'un virus.
06:29Et donc, en piquant la plante, il injecte un virus.
06:32Et ce virus a des effets absolument délétères sur la plante.
06:35C'est des pertes de rendement qui peuvent aller au-delà de 50%.
06:38Et donc, jusqu'à présent, il n'y avait qu'une solution.
06:41C'est d'appliquer des insecticides, parfois 1, 2, 3,
06:45pendant la période automnale.
06:47Et bien, depuis qu'on a découvert cette tolérance sur certaines variétés d'orge,
06:52on ne traite plus ces variétés pendant l'hiver.
06:55Voilà des progrès génétiques très importants
06:59qui ont permis de réduire ou de ne plus utiliser certains produits phytosanitaires
07:05avec le même résultat.
07:07C'est très clair.
07:08Alors, on l'a compris, cette action d'amélioration du gène de la plante,
07:13ce n'est pas nouveau.
07:15Les NGT, où est-ce qu'elles se positionnent dans tout cela, dans l'équation ?
07:18En quoi c'est innovant ?
07:19Alors, les NGT s'inscrivent dans la continuité du progrès qui a été fait
07:24sur les technologies de sélection.
07:27Il fallait plus de 10 ans pour sélectionner une nouvelle variété de blé.
07:32Aujourd'hui, on est plutôt entre 8 et 10.
07:34Et il faut avoir conscience que les variétés que l'on sélectionne aujourd'hui
07:40ne seront disponibles que dans 8 à 10 ans.
07:43Donc, les NGT, par le fait qu'elles permettent d'être plus précises sur le génome
07:50et puis sur l'introduction ou l'activation de certains gènes,
07:55permettent très rapidement d'avoir un résultat.
07:58Alors, évidemment, il faut encore faire des tests au champ, etc.
08:00Mais ça raccourcit quand même le délai d'obtention.
08:03Ça, c'est très intéressant parce qu'on est dans un climat accéléré.
08:08Ce climat échangeant, le climat qu'on aura dans 10 ans,
08:11ne sera plus celui que l'on a aujourd'hui.
08:13Et donc, il faut anticiper les constantes climatiques qu'on va avoir
08:17et avoir des moyens de sélection qui vont permettre aussi d'accélérer et de raccourcir ces délais.
08:23Alors, ça, c'est un avantage, mais il n'y a pas que ça.
08:26Il y a aussi le fait que c'est des méthodes qui permettent d'être plus précises.
08:31Quand on a connaissance du gène, on peut l'intégrer plus facilement dans une plante, dans une descendance.
08:40Et ça permet aussi de diminuer les coûts.
08:43Ça aussi, c'est très important parce que pour sélectionner une nouvelle variété,
08:46il faut du temps, c'est des coûts énormes.
08:49Ces technologies, finalement, sont à la portée de beaucoup de laboratoires.
08:55Et donc, ça peut permettre d'aller plus vite et moins cher.
08:59Et ça, c'est intéressant parce que sur le plan de l'agroécologie,
09:03il y a quand même un modèle économique qui fait que la recherche sur les nouvelles variétés
09:09s'alimente aussi de la vente de ces nouvelles variétés.
09:12Et si on veut développer certaines espèces qui sont peu représentées en surface,
09:18c'est très difficile parce qu'un sélectionneur ne va pas investir un gros programme de recherche
09:24sans avoir l'assurance d'avoir un retour sur investissement.
09:28Avec ces technologies, ça remet un peu les choses, ça repose les choses différemment
09:35parce que ça peut permettre d'envisager de l'amélioration sur des plantes
09:39qui n'avaient pas un fort retour, on va dire, économique,
09:43mais qui pourraient être, sur le plan agroécologique, très intéressantes demain.
09:47C'est très clair. Merci beaucoup, Jean-Paul Borde.
09:49Merci à vous.
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