- il y a 14 heures
Dans l'objectif de réduire leur impact carbone, les industries fossiles misent sur des techniques de capture et de stockage de CO₂. Les projets se multiplient et les subventions publiques affluent mais ces technologies très coûteuses sont encore trop peu efficaces et présentent des risques.
Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre
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00:00Musique
00:00Aujourd'hui, les cimetières de CO2 racontées par
00:21Roland Séphirien, climatologue à Météo France.
00:24France Inter, la Terre au carré.
00:30Sur la petite île d'Oigarden, à l'ouest de la Norvège, un port d'un nouveau genre a vu le jour.
00:37Ces cuves d'acier dressées face à la mer du Nord ressemblent à celles d'un terminal méthanier.
00:41Mais ici, le gaz qu'on manipule n'alimente pas des moteurs, il retourne sous terre.
00:47Ce gaz, c'est du dioxyde de carbone capté dans les cheminées d'une vieille cimenterie,
00:51à Brévic, à près de 500 km de là.
00:54Refroidi à moins 26 degrés Celsius, liquéfié, puis embarqué sur un navire baptisé Norsen Pioneer,
01:01il a traversé la mer avant d'être pompé dans un pipeline sous-marin de 110 km.
01:07Au bout du voyage, à 2600 mètres de profondeur, se trouve un réservoir géologique appelé Aurora,
01:13une couche de roche poreuse, jadis remplie d'eau salée.
01:16Et c'est là que s'ouvre le tout premier cimetière de CO2 de la planète,
01:20un lieu où l'humanité tente d'enterrer ses excès,
01:24d'enfouir ce carbone qu'elle a trop longtemps laissé s'accumuler dans l'air.
01:28Le 25 août dernier, les entreprises Equinor Total Energy et Shell
01:32ont annoncé la première injection de CO2, 7500 tonnes,
01:37une quantité modeste mais symbolique.
01:39Pour la première fois, une chaîne complète de captures, transports et stockages de carbone
01:44fonctionnent à l'échelle industrielle.
01:46Ce projet, baptisé Northen Lights, marque le lancement du premier système commercial
01:50de transport transfrontalier de stockage sous-marin de carbone au monde.
01:55D'ici 2028, Northen Lights devrait pouvoir stocker jusqu'à 5 millions de tonnes de CO2 par an
02:01issus de Norvège, du Danemark, de Suède et des Pays-Bas.
02:04Pour la Commission européenne, ces cimetières de carbone sont indispensables, je cite,
02:09pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050.
02:11Mais leur détracteur y voit aussi un risque, celui de masquer la lenteur de la sortie des énergies fossiles
02:17sous un vernis technologique.
02:19Et c'est cette histoire que nous allons vous raconter.
02:21Au sud de la Norvège, cette usine a été construite pour recevoir du CO2 en provenance de toute l'Europe.
02:32Objectif, enfouir ce gaz à effet de serre sous l'océan.
02:36Coût de l'investissement, 760 millions de dollars, dont 80% financés par l'État norvégien.
02:41Le 25 août dernier, qu'est-ce qui a réellement été accompli en Norvège ?
02:48Je viens d'en parler dans ce papier de lancement.
02:50C'est un test symbolique ou c'est vraiment le démarrage d'une chaîne industrielle complète ?
02:55Les deux à la fois, c'est le symbole de la réalisation d'une promesse technologique
03:01qui était là depuis, discutée dans la sphère recherche et développement
03:05et dans la sphère de la recherche sur le climat depuis plusieurs décennies.
03:10Mais également aussi le démarrage factuel d'une première réalisation commerciale de capture
03:18qui est présentée comme une forme de service à des industries dures à décarboner
03:22qui visent à éliminer une partie de leurs émissions.
03:26Mais c'est une capture sous-marine.
03:28C'est ça qui est nouveau d'ailleurs ?
03:29Parce qu'on va voir qu'il y a d'autres projets qui existent déjà ailleurs dans le monde.
03:33Mais là, qu'est-ce qui fait vraiment la nouveauté de la Norvège ?
03:35La nouveauté, c'est réellement tout le processus qui va de la séquestration du carbone
03:41à la sortie d'une cimenterie.
03:44Il y a également aussi un dispositif, ce qu'indique Northern Light,
03:46c'est également une usine qui transforme des déchets en énergie.
03:50Donc c'est des secteurs industriels qui sont durs à décarboner.
03:54Avec tout le cheminement, donc le processus de compression et refroidissement du CO2
04:00qui est un gaz en fait, son transport à travers une flotte des navires
04:06et l'enfouissement dans un pipeline à plus de 2000 mètres de fond au-dessous de l'océan.
04:11Donc ce que vous venez de nous décrire, c'est le voyage de la molécule de CO2 en fait.
04:14Tout à fait.
04:15C'est tout le processus à l'œuvre là ?
04:16Tout à fait.
04:16En Norvège ?
04:17Tout à fait.
04:18Et donc je pense que c'est vraiment un acte très important
04:20parce qu'au final, quand on discute de cette technique d'élimination du carbone,
04:24en fait on est en train de faire le cheminement inverse
04:26de ce que l'industrie pétrolière a fait et a développé sur les 100 dernières années.
04:30Et donc là, on parle d'une prouesse technologique d'avoir développé
04:33une infrastructure similaire en moins de temps dans l'absolu.
04:38Donc c'est-à-dire qu'on avait l'habitude d'aller extraire des énergies fossiles.
04:43Oui.
04:43Et là, on va les remettre finalement dans le chausset.
04:45Voilà. En gros, si on récapitule ce qu'on savait faire avant,
04:50c'est-à-dire on prenait des carburants fossiles, que ce soit du pétrole, du charbon, du gaz
04:54ou d'autres types de carburants fossiles, on les brûlait.
04:58Et cette émission a été répartie dans le système climatique via le cycle global du carbone.
05:04Donc une partie stockée par les terres, une autre par les océans.
05:08Et donc là, en fait, on est en train de réinventer un processus qui fait l'inverse.
05:12C'est-à-dire qu'une fois qu'on le brûle, on le capture et on le réenfouit directement dans ce réservoir.
05:17Donc ça, c'est décrit très froidement, avec une impression que tout fonctionne très bien
05:21et que finalement, on renvoie à l'envoyeur ce qu'il avait puisé dans les entrailles de la Terre.
05:27Sauf que ce n'est pas si simple. On va en parler évidemment avec vous.
05:31À quoi sert exactement l'aquifère salin aurora dont je parlais tout à l'heure ?
05:35Et comment il garantit la stabilité du CO2 dans le temps, en fait ?
05:38Alors, il y a deux choses. Je ne vais pas partir dans des principes de thermodynamique compliqués.
05:43Mais en gros, ce qui rend le dioxyde de carbone, qui est un gaz à notre atmosphère terrestre,
05:49sur la zone dans laquelle l'humanité vit, c'est premièrement la température et deuxièmement la pression.
05:56Donc on le rend liquide en le compressant et en le tenant à des températures froides.
06:00Et en fait, le seul moyen de le garder sous cette forme liquide,
06:04c'est de le mettre très profondément au fond des océans, sous la croûte terrestre.
06:08Et ça permet de le garder sous cette forme liquide.
06:11Sachant que des tentatives vont exister de l'injecter sous forme liquide au niveau du sédiment marin.
06:16C'est des choses qui ont pu être faites par le passé.
06:19Le CO2 qu'on injecte sous forme dense, c'est ça ?
06:22Dans les entrailles de la Terre, ça fait l'objet d'un suivi ensuite ?
06:25Ou on le laisse tranquillement reposer ?
06:27C'est une vraie question, en fait, autour de la question de la capture,
06:31où l'acronyme anglophone, c'est CCS, donc Carbon Capture and Storage.
06:36Il y a deux axes.
06:38Il y a l'axe réglementaire, qui s'adosse d'une manière générale au protocole de l'ambre,
06:44qui a été amendée en 2009.
06:46Et l'autre point, c'est la question de ce qu'on appelle le MRV,
06:50donc c'est Monitoring, Rectification, Verification.
06:53Donc c'est ces instruments-là, aujourd'hui,
06:56sur lesquels la science est en train de poser un petit peu des concepts
07:00et des jalons scientifiques pour comment mettre en place ce genre de procédure,
07:03qui manque aujourd'hui, alors qu'on le voit,
07:06les industriels n'attendent pas.
07:07et ils déclenchent la première mise en place d'un service.
07:12Donc il n'y a pas du tout de principe de précaution sur cette réinjection de CO2,
07:17qui pourrait quand même, on peut l'imaginer,
07:20provoquer quelques changements au niveau de la pression, de la sismicité, non ?
07:24Alors, je ne vais pas m'engager sur la sismicité,
07:26parce que c'est loin de mon champ de thématique,
07:29mais si on devait rentrer sous la définition d'un principe de précaution,
07:35d'attendre des connaissances scientifiques robustes, objectives,
07:39sur les principes de monitoring et de vérification
07:43de comment ce CO2 injecté reste dans le réservoir salin au fur et à mesure du temps,
07:50en fait, on est loin de ça encore.
07:52Oui. Pourquoi ? Parce que les industriels n'ont pas le temps d'attendre,
07:54vu les enjeux financiers que ça représente ?
07:57Mais je pense que la question, c'est même nous, en tant que société,
08:00avons-nous le temps d'attendre face aux enjeux du changement climatique
08:03et la nécessité de décarboner notre société ?
08:05On va en parler évidemment, parce que c'est toutes ces questions éthiques aussi
08:07qui se posent autour de ce projet.
08:10Alors, pour rester un petit peu en Norvège,
08:12c'est la Norvège qui choisit d'y investir beaucoup d'argent public.
08:15Pourquoi d'ailleurs, selon vous ?
08:17Alors, je pense qu'il y a eu un monde avant l'accord de Paris
08:21et ce qui se passe depuis, en fait.
08:23En gros, il faut savoir qu'une grosse partie de l'industrie fossile,
08:28pétrolière, vit sous perfusion d'argent public.
08:34C'est largement documenté dans la littérature,
08:36de la littérature grise, des rapports d'État, etc.
08:39Au moment de l'accord de Paris, c'est les fameuses COP qui ont lieu toutes les années,
08:44s'est opérée en fait une forme de transformation de ce financement public.
08:48Donc, on le voit très bien en fait avec l'article 4 de l'accord de Paris
08:51qui prévoit en fait la réponse globale, c'est-à-dire un équilibre entre les sources et les puits anthropiques.
08:56Donc déjà, même si on ne parle pas de capture, on voit ce puits anthropique.
09:01Donc, qu'est-ce que c'est ?
09:02Ça va être défini plus tard.
09:03Donc, au moment du pacte de Glasgow, quasiment cinq ans plus tard,
09:06on a cette mise en place de l'arrêt ou des engagements petit à petit
09:10des financements publics inefficaces pour l'industrie des fossiles.
09:15Donc, qu'est-ce qu'est un financement ou une subvention efficace ?
09:19Et le dernier jalon, c'est réellement, on parle de ça au moment du bilan mondial
09:26qui a eu lieu aux Émirats Arabes Unis il y a quelques années.
09:29En fait, là directement, en gros, le but c'est de router des financements publics,
09:33des subventions pour les techniques bas carbone de transformation,
09:37donc renouvelables et y compris élimination du carbone et son stockage.
09:41Donc là, l'État norvégien soutient financièrement les infrastructures
09:45et puis les industriels qu'on citait tout à l'heure et qui nord Total Énergie Échelle,
09:49eux, ils assurent l'exploitation en fait, c'est ça ?
09:51Tout à fait.
09:51Est-ce que 7500 tonnes de carbone stockées, c'est beaucoup ou pas ?
09:56Ou c'est ridicule en fait par rapport à l'ampleur de ce qu'il faudrait mettre sous terre réellement ?
10:00Alors, si on prend l'équivalent du niveau d'émission par personne,
10:05en fait, si on devait rapporter ce niveau de stockage par rapport à taille d'une ville,
10:11ça serait une petite ville en France en fait.
10:13Donc, on parle de ça et ça ne représente même pas une seconde de nos émissions mondiales de carbone.
10:19Donc, en fait, c'est un premier jalon, c'est un premier cran,
10:22mais en fait, c'est très très faible et c'est loin de la cible qu'il faudrait atteindre.
10:26Et donc, toute la question, c'est est-ce qu'on va y arriver ?
10:28Mais encore une fois, c'est une étape fondatrice pour valider en tout cas la technologie.
10:32Et c'est le cas depuis le mois d'août dernier, relance effrayant.
10:36On va écouter un reportage qui va nous emmener au Canada.
10:39C'est un exemple de stockage de CO2 et c'était dans le journal de France 2 en 2009.
10:45L'immensité glacée du Saskatchewan, état de l'ouest canadien.
10:51Une terre magnifique et inhospitalière,
10:54et sous le bitume, le plus grand stockage de CO2 dans le monde.
10:58C'est du CO2 qui vient d'une usine de gazéification du charbon aux Etats-Unis.
11:05Dans le Saskatchewan, ce sont ces pierres souterraines qui sont gorgées de pétrole.
11:11Le fait d'y injecter du CO2 permet de pousser l'or noir vers la surface.
11:17Le CO2 prend alors la place du pétrole et le voilà séquestré pour des milliers d'années.
11:23Relance effrayant, l'exemple du Canada avec ces technologies de captage et de stockage du carbone
11:29qui ont l'air très récentes puisqu'on évoque ce qui se passe en Norvège cet été.
11:33Mais leur histoire est quand même un peu plus ancienne, la preuve là.
11:35Oui, le reportage parle d'une technique qui s'appelle Enhance Oil Recovery.
11:42Elle existe également sous l'acronyme Enhance Gas Recovery.
11:45En fait, le but c'est d'utiliser le CO2 capturé, par ailleurs en fait, comme fluide de travail
11:51pour aller récupérer du pétrole ou du gaz dans des réservoirs qui ont été grandement déplétés.
11:58Et en fait, c'est déjà des choses qui existaient auparavant.
12:01Donc là, c'est un cas particulier parce qu'on parle d'un grand, grand réservoir
12:04et d'une technique qui est déployée à très grande échelle.
12:08Mais au final, ce n'est pas si récent que ça.
12:11Et si on regarde, par exemple, ce qui s'est passé durant le mandat de Joe Biden,
12:15en fait, le 45Q était déjà là pour financer, en partie, donner des subventions au stockage.
12:23Donc c'était 35 dollars la tonne de CO2 capturé sous forme d'Enhance Oil Recovery,
12:29donc pour aller récupérer du pétrole, en fait.
12:32Et 50 dollars la tonne, c'était en fait un captage pérenne,
12:36comme ce qu'on vient de discuter avec le projet de North Onight.
12:38Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a plusieurs technologies qui sont à l'œuvre,
12:42entre un captage à la cheminée ou un captage direct dans l'air.
12:47Tout à fait.
12:47Donc il y a plusieurs techniques.
12:49Il y a plusieurs techniques.
12:51Le point essentiel, c'est de se dire, la technique dont on parle aujourd'hui,
12:55qui est déployée par North Onight, c'est-à-dire récupérer le CO2 à la sortie de l'usine,
13:00en fait, directement dans le pot d'échappement, si on peut dire ça comme ça,
13:04c'est la technique qui est, on va dire, la plus mature et qui est la moins énergivore,
13:08parce qu'en fait, on va capturer le CO2 là où il est fortement concentré,
13:12à la sortie d'un pipeline ou d'une cheminée de combustion.
13:16Directement sur le site industriel.
13:17Oui, directement sur le site.
13:19Donc là, on a des concentrations de CO2 qui sont de plusieurs dizaines de parties par million.
13:26Dans l'air, on parle de 400, 420 parties par million.
13:31Donc on est vraiment sur des ordres de grandeur différents.
13:34Et donc la capture directe dans l'air va devoir faire un effort supplémentaire,
13:39utiliser des matériaux différents, en fait.
13:41Donc ça, c'est une autre technologie ?
13:43C'est une autre technologie.
13:45Ou en tout cas, l'effort à faire, que ce soit énergétique en termes d'espace, etc.,
13:51pour les techniques de captation directe dans l'air, est différente.
13:55Et avec ça, en fait, on peut adosser également d'autres techniques,
13:58qui sont les techniques de bioénergie avec séquestration de carbone.
14:02Donc là, l'idée, c'est de prendre le même dispositif, par exemple,
14:05que Northern Lights à la sortie d'une cimenterie ou d'une centrale à énergie.
14:10En fait, à la place de brûler soit des déchets,
14:13soit directement le résidu de la combustion du ciment,
14:17d'aller brûler de la biomasse.
14:19Donc en fait, ces deux techniques, la capture directe dans l'air,
14:23donc DAC, et celle liée à la bioénergie,
14:26sont deux techniques qu'on retrouve dans des scénarios évalués par le GIEC,
14:31sur du plus long terme, sachant que la CCS est, on va dire, la pierre angulaire
14:35qui permet, en fait, le déploiement de ce genre de techniques sur le long terme.
14:38Donc CCS, c'est les cheminées, justement,
14:40qui puissent directement sur les sites industriels.
14:42Tout à fait.
14:43On va voir, puisqu'on a posé un petit peu le décor de ces technologies,
14:46si c'est vraiment une bonne solution pour le climat,
14:48parce que c'est ça, évidemment, qui est important,
14:49avec quel coût et quel risque.
14:51Tout à fait.
14:51Et puis, Roland Seferian, vous répondrez aux messages qui arrivent pour vous
14:55sur la page de La Terre au Carré et sur nos réseaux sociaux,
14:57et puis vos messages vocaux sur l'application Radio France.
14:59Sous-titrage Société Radio-Canada
15:29Sous-titrage Société Radio-Canada
18:12et près de 800 ans d'émissions de gaz carbonique.
18:16Un espoir formidable.
18:17Voilà les promesses du stockage de CO2.
18:20Ça c'était en 2001 sur France 2.
18:22Roland Séferian, vous qui êtes climatologue à Météo France.
18:26Alors justement, où en est notre pays dans ce domaine ?
18:29Est-ce qu'il y a du gaz carbonique stocké par exemple dans le sous-sol du bassin parisien
18:33depuis ce reportage très prometteur ?
18:36Alors à ma connaissance, la seule structure qui est en activité, c'est Cryocap qui est en Normandie
18:43et qui stocke 0,1 million de tonnes de CO2 par an.
18:49Donc je ne sais pas si le dispositif parisien dont le reportage parle a vu vraiment le jour.
18:58En fait, l'histoire de la CC1 en France est une histoire compliquée.
19:02parce qu'elle dépend en fait des niveaux d'investissement des industriels sur ces questions-là.
19:06Donc CCS pour ceux qui nous retrouvent à l'instant ?
19:08La capture et la séquestration du carbone, désolé.
19:11Donc il y a eu des phases de développement comme au niveau des années 2000.
19:18Puis des phases de retrait où en gros on jugeait que ce n'était pas forcément intéressant.
19:22En fait tout ça est quand même sous perfusion de la question du prix du carbone.
19:25Donc lorsque le prix du carbone augmente, c'est une technique qui devient rentable
19:28parce qu'on peut bénéficier des crédits carbone.
19:30Et puis inversement, quand le coût du carbone diminue, ce genre de technique est très largement...
19:35Donc c'est comme à la bourse en fait, c'est ça ?
19:37Il y a une forme de réponse aux subventions en fait.
19:41Et la tonne de carbone, captée et stockée, ça coûte combien ?
19:45Alors avec un dispositif de capture et de séquestration, on est sur 100 dollars la tonne de CO2.
19:52En moyenne, selon les infrastructures évidemment.
19:54Tout à fait.
19:55Ça reste très cher en fait ?
19:57Ça reste très cher.
19:58Par rapport au fait d'éviter les émissions dès le départ ?
20:00Tout à fait.
20:01Tout à fait.
20:02Non, non, c'est en fait, c'est une technique de remédiation
20:05qui en fait est là pour éliminer des émissions.
20:09Donc le GIEC est très clair en fait.
20:11Le Groupement International d'Experts sur le Climat
20:14dit que ce genre de technique est une technique utile
20:19pour les industries qui sont dures à décarboner.
20:22Donc cimenterie, industrie chimique, industrie de l'énergie et également,
20:28mais en aucun cas, un remplacement d'un effort à réduire les émissions à la source.
20:32C'est ça.
20:33Donc il ne faut pas se méprendre sur le message et la question.
20:37Ce n'est pas une façon d'excluer totalement cette géoingénierie,
20:41mais ça ne restera jamais aussi efficace que d'arrêter d'émettre du carbone
20:46dès le départ à la source.
20:47Tout à fait.
20:47Alors je me permets de vous corriger sur ce point-là.
20:50Alors en France, on a l'habitude de traiter le terme,
20:53ce type de technologie comme de la géoingénierie,
20:56mais c'est largement débattu parce qu'au final,
20:58les CCS, c'est vraiment la pierre angulaire d'un portefeuille de solutions
21:04pour décarboner de l'industrie.
21:06Donc en tant que telle, elle n'est pas considérée comme de la géoingénierie.
21:09C'est d'ailleurs des choses qu'on peut retrouver dans les rapports de l'Académie des sciences
21:13ou même du Haut conseil pour le climat.
21:14Mais en fait, c'est la porte d'entrée à d'autres techniques.
21:17Donc tout à l'heure, vous avez parlé de la DAC,
21:19j'ai parlé de la capture de carbone adossée à de la bioénergie.
21:24Ça, ça pourrait rentrer dans une famille...
21:27L'appellation géoingénierie.
21:30Et quand on parle de cimetière de CO2,
21:32d'ailleurs ce terme qu'on a employé aussi pour le titre de cette émission,
21:35est-ce que l'image est juste relancée fériant pour vous ?
21:38Alors, c'est quelque part poétique.
21:44Parce qu'il s'agit bien d'aller enterrer du carbone
21:47pour l'empêcher de revenir dans l'atmosphère.
21:48Tout à fait, tout à fait.
21:49Donc littéralement, c'est réellement un cimetière de CO2.
21:52Après, est-ce que je présenterais ça comme un cimetière ?
21:56Je ne sais pas.
21:56Oui. En tout cas, le terme est plutôt facile à utiliser
21:59pour faire comprendre un petit peu de quoi on parle.
22:02De quoi on parle, tout à fait.
22:03À l'échelle mondiale, quel est le poids réel du captage et du stockage
22:05face aux émissions globales de gaz à effet de serre ?
22:08Alors, la question, c'est de resituer, on va dire,
22:12l'équivalent d'une cinquantaine de dispositifs déployés.
22:16Ça correspond à 50 millions de tonnes de CO2 captées et séquestrées par an.
22:22Et on en émet plus d'une quarantaine de milliards.
22:26Donc en fait, on parle de plusieurs ordres de grandeur.
22:28D'accord. Donc in fine, on capture combien en pourcentage ?
22:32C'est rien du tout en fait.
22:34C'est rien du tout.
22:35Ce n'est même pas une seconde des émissions mondiales
22:37de ce que l'humanité est capable d'émettre.
22:39Moi, j'ai 0,1% des émissions mondiales qui sont capturées
22:43par rapport justement à ce qu'on en voit réellement.
22:450,1, 0,3 selon la manière dont on estime.
22:48Mais encore une fois, pour revenir à ce dont on a discuté
22:50juste avant le break, en gros, la question du MRV,
22:56donc Monitoring, Verification et Rectification,
22:58d'un mesure où ce n'est pas en place,
23:00même les estimations de réellement combien a été capturé
23:03et séquestré de manière efficace,
23:05et en plus sur le long terme, reste en fait une vraie question.
23:08Donc même ces chiffres, c'est potentiellement ce chiffre-là,
23:110,01%, soit potentiellement moins.
23:14Donc ça veut dire que c'est encore totalement dérisoire face au volume,
23:17à compenser réellement, et à ce qu'on en voit régulièrement ?
23:20Pour reprendre un vocable plutôt technologique, en fait, on n'est pas à l'échelle.
23:24Oui.
23:25Pourquoi certains chercheurs parlent d'un outil limité mais vital ?
23:28Est-ce que ça rejoint ce que vous nous disiez, ce sujet du GIEC ?
23:30Exactement, en fait, on a besoin de cette technologie pour décarboner des industries
23:37dont on aura toujours besoin, en fait, la cimenterie, l'industrie chimique
23:41et d'autres industries lourdes.
23:45En fait, on aura besoin de cette technique,
23:46mais en fait, la disponibilité de cette technique d'élimination du CO2
23:51et de cette séquestration, en fait, dépend de notre capacité
23:54à évaluer le volume des émissions duradécarbonées.
23:58En fait, ce travail-là n'a pas été fait de manière fine et objective,
24:03et donc il y a un véritable enjeu scientifique là-dedans.
24:05Alors, vous n'êtes pas géologue,
24:06mais quand même, sur la question des risques associés à ce type de stockage sous terre,
24:11qu'est-ce qu'on peut dire aujourd'hui des connaissances à ce sujet ?
24:14Alors, tout à fait, je ne suis pas géologue.
24:17Néanmoins, j'ai potassé avant cette interview.
24:22Donc, il y a plusieurs types d'impacts.
24:25Déjà, on peut juste rappeler les impacts ou la mesure de ce qu'implique le stockage.
24:31Parce qu'en fait, on parle de deux choses.
24:32On parle d'un dispositif qui va absorber le CO2, le séquestrer et puis l'enfouir.
24:38Donc, en fait, c'est deux techniques un petit peu séparées sur des sites.
24:41Donc, la technique de captation va demander potentiellement de l'eau, des entrants chimiques.
24:48Donc, en fait, ce genre de fabrication, ça suggère une mise en place d'une industrie lourde.
24:54Donc, déjà, ça suggère également des impacts.
24:56Donc, ce n'est pas neutre du tout ?
24:58Pas neutre du tout et des impacts qui restent en fait à quantifier.
25:01Parce qu'en fait, on n'a pas de mesure d'un cycle de vie complet,
25:04des impacts complets du cycle de vie de ces techniques.
25:07Et le stockage ?
25:07Et le stockage, en fait.
25:08Donc, il y a des questions de permanence du stock.
25:10Donc, qu'est-ce qui se passe s'il y a des fuites ?
25:13Il y a des risques de pollution des nappes, donc d'acidification des nappes.
25:16Parce que le CO2 est un acide dans l'eau.
25:18Donc, ça va rendre ces nappes corrosives.
25:21Donc, il y a cette question-là.
25:23Et la question de la fuite.
25:24Et donc, qu'est-ce qui se passe si jamais un réservoir comme celui d'Aurora viendrait à fuir ?
25:29Donc, en Norvège.
25:29En Norvège, tout à fait.
25:31Viendra à fuir.
25:32Et donc, il y aurait une quantité de CO2 très concentrée qui rejoindrait le fond de l'océan.
25:36Qui est en fait un espace protégé si on en suit les documentations de l'UNESCO.
25:43Et donc, ça viendrait corroder un espace qui est encore aujourd'hui relativement préservé des impacts du changement climatique et de l'acidification des océans.
25:51Donc, il y a des scénarios qui sont effectués là-dessus, sur une fuite possible de CO2 comme ça dans le fond marin ?
25:57Dans la littérature scientifique, il faut remonter loin.
25:59En fait, il y a eu des tentatives dans des protocoles expérimentaux qui ont réalisé en fait une estimation de ces risques d'acidification si on venait à injecter ce CO2 liquifié directement sur le substrat marin.
26:13Donc, on ne parle pas de la même chose aujourd'hui.
26:15Donc, en gros, il y a encore de la recherche qu'il y a à faire pour évaluer les impacts de ce type de technique.
26:21Donc, il y a plein de choses à faire en fait.
26:23Parce que les risques sont faibles mais pas nuls évidemment.
26:26Oui.
26:26Ça veut dire qu'il faut vérifier les couches rocheuses.
26:29La pression, on en parlait un petit peu tout à l'heure.
26:32Et donc, surveiller d'éventuelles fuites aussi autour de ces technologies.
26:36Tout à fait.
26:37Moi, mon ressenti depuis, en tant que scientifique, mais également auteur ayant participé à l'élaboration des rapports du GIEC,
26:44j'ai l'impression que sur la question des solutions, en fait, on a un besoin de science qui est en fait colossal pour guider l'action publique,
26:51guider également les partenaires industriels parce qu'en fait, toutes les actions sont bonnes à prendre.
26:57Et j'ai l'impression qu'une manière générale, sur cette question-là, des acteurs vont plus vite que ce que la science est capable d'aller.
27:04Oui.
27:04Et donc, des normes aussi à prendre.
27:06Tout à fait.
27:06Pour pouvoir sécuriser ces installations.
27:09Tout à fait.
27:09Parce qu'il n'y a pas de normes aujourd'hui très strictes encore là-dessus ?
27:12Il n'y a pas de normes très strictes.
27:14Il y a des protocoles.
27:15Donc, par exemple, si on reprend les recommandations du Haut Conseil pour le Climat, édité en 2023,
27:20justement sur la question de la captation,
27:22une des recommandations, c'était de signer le protocole de l'ombre qui a été amendé en 2009,
27:27qui traite cette question du stockage de carbone offshore,
27:30donc dans les sédiments ou dans le sol substrat marin,
27:34et donc d'arriver à un certain nombre de signatures pour que ce protocole devienne contraignant et engage des formes de responsabilité.
27:42Donc aujourd'hui, en fait, il y a tellement peu de signatures qu'on est très loin d'une forme de mise en responsabilité des industriels ou des États qui déploient ce genre de technique-là.
27:53Donc, il y a un vide quand même autour de ces questions qui est assez hallucinant quand même, non ?
27:57Alors, vide, je n'irai pas aussi loin que ça,
28:01parce qu'en fait, c'est des techniques qui sont largement discutées au sein des conférences des partis,
28:07en particulier depuis l'accord de Paris.
28:10Oui, mais sur les enjeux de sécurisation.
28:11Donc, voilà. Et ce qui manque, en fait, c'est le côté réglementaire.
28:14Oui, mais ce n'est pas rien.
28:15Oui, oui, tout à fait, tout à fait. Non, non, mais ce n'est pas rien, mais ce n'est pas comme si, en fait, ça sortait de nulle part.
28:20En fait, c'est là, depuis un moment, les premières tentatives d'inclure de la capture de carbone dans les scénarios évalués par le GIEC
28:30datent du quatrième rapport, donc en gros aux alentours des années 2000-2007.
28:36Le GIEC a édité un rapport spécial sur la capture de carbone et la séquestration en 2005.
28:41Donc, en fait, dans la science, c'est quand même là, depuis un moment, la question, c'est comment la société civile s'accapare du sujet.
28:47C'est ce que j'allais vous dire. Est-ce que, par exemple, la population norvégienne, elle est très informée sur ce qui se passe en ce moment dans ces eaux ?
28:54Alors, je pense, si on fait un pas de côté, je pense qu'en France, on est iconoclaste sur ce sujet-là,
28:59parce qu'au final, on en parle peu dans les grands médias,
29:03alors qu'il y a des structures, des structures comme l'association des émissions négatives,
29:08on a des structures qui poussent, en fait, qui soutiennent les industriels pour déployer ce genre de technique.
29:14Et, à contrario, dans d'autres pays, par exemple en Allemagne, dans les pays scandinaves, etc.,
29:19qui ont un petit peu plus cette culture, à dire, de débattre le sujet technologique au-delà des principes éthiques et des principes ronds,
29:29en gros, ils discutent plus largement de ce genre de choses.
29:31Donc, pour répondre à ma question, en Norvège, on débat de ces sujets-là ?
29:35En tout cas, ce sujet-là est traité au même niveau que ce qui était traité, la capture de carbone, aux Etats-Unis,
29:42il y a plus de dix ans, dans le Times, en fait.
29:46Roland Seferriand, est-ce qu'il faut tout miser sur le stockage ou diversifier les solutions ?
29:49On va en parler avec vous dans un instant, et puis vous répondrez également aux messages qui arrivent pour vous
29:53sur la Terre au Carré, sur notre site, et vos messages locaux sur l'application Radio France.
29:58A tout de suite !
33:08qui va engendrer de nouveaux problèmes, qui vont engendrer de nouvelles solutions,
33:13qui vont engendrer de nouveaux problèmes, qui vont engendrer de nouvelles solutions.
33:17Je ne voudrais pas être méchante avec les ingénieurs,
33:19mais c'est quand même typiquement une vision d'ingénieur qui dit
33:23un problème, une solution, un problème, une solution.
33:27L'économiste Hélène Tordjman qui évoquait la pensée du philosophe Jacques Ellul
33:31dans un podcast de France Culture diffusé cet été.
33:34On parle de ces cimetières de CO2 avec vous, Roland Séferian.
33:37Vous êtes climatologue à Météo France.
33:39Qu'est-ce que vous pensez de cette idée d'auto-accroissement de la technique de Jacques Ellul ?
33:43C'est typiquement ce qu'on a tendance à appeler le hasard moral.
33:48C'est une forme de fuite en avant au lieu de résoudre le problème à la base.
33:56Ici, en l'occurrence, réduire nos émissions de CO2.
33:59On trouve un palliatif, une remédiation technique
34:03pour éviter de faire et d'implémenter les mesures nécessaires.
34:08Hasard ou aléa morale, en fait ? C'est quoi l'expression qui est employée ?
34:12Désolé du vocable anglais, mais oui, en français, ça serait aléa morale.
34:18Aléa morale, voilà.
34:19Donc c'est ça que certains acteurs, finalement, se croient protégés par la technologie ?
34:22Tout à fait. Après, je pense que j'aimerais faire un pas de côté sur cette question-là
34:27parce que c'est un véritable sujet qui est présent dans notre communauté, en fait,
34:33parce qu'au final, la science du climat, c'est une science associée à la technologie aussi.
34:37Donc il faut remonter, par exemple, au rapport de l'UNEP de 2019.
34:42Donc il y a celui de 2025 qui est sorti il y a quelques jours.
34:44Donc celui de 2019 traite la question de la numérisation et de l'impact de la numérisation,
34:51de la digitalisation sur le climat.
34:53Et donc, ils ont fait un travail de fond, les auteurs de ce rapport,
34:56et en gros, ils ont comparé l'empreinte environnementale d'un smartphone,
35:01qui est une rupture technologique,
35:03versus toutes les autres technologies que le smartphone remplace.
35:07C'est-à-dire le Minitel, une imprimante, un appareil photo, un téléphone, etc.,
35:11qui étaient des dispositifs qui étaient principalement construits en plastique,
35:13qui avaient une empreinte environnementale, un cycle de vie,
35:16qui étaient branchés de manière permanente sur le courant.
35:20Et donc, ils arrivent à cette solution,
35:22c'est que si jamais le dispositif technologique est bien pensé
35:26et répond à de multiples usages en vue d'une rationalisation et d'une bonne utilisation,
35:32en fait, il peut y avoir un enjeu, une rupture,
35:34qui peut être bénéfique d'un changement technologique.
35:37Mais avec ça, il y a tous ces garde-fous qui sont présents, en fait,
35:41sur comment la technologie peut être accompagnée des changements de comportement et d'usage.
35:47Sauf qu'on voit que les technologies naissent sans cesse.
35:51L'IA en est un bon exemple.
35:53Et on voit l'empreinte carbone de l'IA aujourd'hui,
35:55qui est assez sidérante quand même.
35:57Oui, oui, tout à fait.
35:58Mais on pourrait même parler de ce sujet-là sur d'autres technologies,
36:04y compris des technologies de la transition énergétique.
36:07Donc, au final, la question de l'IA moral est présente partout,
36:12sur toute forme de technologies, même des technologies plus anciennes, en fait,
36:16sur la manière dont on les utilise et les garde-fous qu'on va poser autour de ces technologies.
36:22Roland Séferian, qu'est-ce que vous répondez à ceux qui dénoncent un greenwashing
36:26autour de cette idée de captage de carbone ?
36:28Alors, je pense que le terme, personnellement, le terme greenwashing, je le trouve dur.
36:36Ou en tout cas, la question, je m'adosse en fait à l'état des connaissances,
36:42avec le meilleur consensus scientifique qu'on a dans les derniers rapports du GEC.
36:47En fait, ce genre de technologie est inévitable si on souhaite atteindre la neutralité carbone.
36:51neutralité carbone qui est, en fait, la contrainte géophysique ultime,
36:56la contrainte climatique ultime pour stabiliser le climat.
37:00Donc, ce qu'on souhaite...
37:01C'est-à-dire que même si on abaissait suffisamment nos émissions de gaz à effet de serre,
37:06on ne pourrait pas se passer de ces technologies pour arriver à la neutralité carbone ?
37:10Pour des secteurs durs à décarboner, qui sont en fait principalement liés à de la combustion.
37:18Donc, ce que vous disiez tout à l'heure, des cimenteries, par exemple.
37:21Voilà, tous ces secteurs industriels ont besoin d'être décarbonés,
37:25pour lesquels des dispositifs comme celui de Northern Lights
37:28peuvent arriver à fournir une solution.
37:32Mais c'est juste une option parmi tant d'autres.
37:35On peut très bien citer d'autres solutions, comme des solutions basées sur la nature,
37:39la reforestation, de l'agriculture orientée climat,
37:42qui sont d'autres technologies.
37:44Est-ce que la France pourra exporter son CO2 vers la mer du Nord d'ici la fin de la décennie, par exemple ?
37:49Est-ce que c'est un des projets aussi ?
37:50Alors, c'est des choses qui sont en cours d'être discutées.
37:54Et pour reprendre ce que j'ai mentionné au début de l'émission,
37:57ce dont on parle, en fait, avec la question de la séquestration,
38:00c'est de remettre en place, d'une manière différente, avec d'autres approches,
38:05ce que l'industrie pétrolière a mis en place sur les 100 dernières années.
38:08Donc, on parle de CO2 ducs, de réservoirs de stockage pour le transport.
38:14Donc là, par exemple, c'est l'Espagne qui a fourni le tanker
38:17qui va servir à stocker le CO2 avant qu'il soit injecté dans le pipeline
38:20pour le dispositif de Northern Lights.
38:23Donc, en fait, on parle de ces choses-là.
38:25Et donc, forcément, ça demande des ressources,
38:29ça demande de l'ingénierie et ça demande du temps.
38:32Il y a le projet CO2 Highway Europe qui relierait les sites français au stockage norvégien.
38:37Tout à fait.
38:37Donc, ça, c'est ce projet qui est dans les cartons et qui pourrait changer la donne ?
38:41Alors, changer la donne, je ne sais pas.
38:43Parce qu'au final, ce qui est, si on s'appuie en gros sur les textes,
38:47donc par exemple, on parle de la stratégie nationale bas carbone
38:49qui est en gros ce que le gouvernement prévoit de faire en termes de réduction de nos émissions,
38:55en fait, on parle d'une dizaine de millions de tonnes capturées d'ici 2030
39:02et un petit peu plus, une trentaine à l'horizon 2050.
39:08Donc, en fait, on parle de très peu.
39:10Donc, est-ce que ça a changé la donne par rapport aux émissions de la France
39:12qui sont de l'ordre de 400, 500 millions de tonnes pour les émissions territoriales ?
39:16Si on exclut l'empreinte, c'est-à-dire toutes les émissions importées de l'extérieur,
39:19en fait, on est vraiment à un ordre de grandeur inférieur à nos émissions territoriales.
39:23En tout cas, Roland, ce qu'il faut imaginer, c'est une sorte d'autoroute transfrontalière du carbone, quand même, hein ?
39:28Tout à fait.
39:28Si ces projets se mettent en place entre la France, par exemple, et la Norvège,
39:32donc ça pose aussi un peu la question de la dépendance vis-à-vis des sites de stockage norvégien,
39:37donc on serait dépendant.
39:38Tout à fait.
39:38Donc, ce que j'ai l'habitude de dire quand on m'intéresse sur ces questions-là,
39:41sur la question des solutions, en fait, c'est de se dire,
39:43aujourd'hui, on est déjà dans une situation d'inégalité géophysique, en fait.
39:47On a des pays qui émettent, c'est la première source d'inégalité.
39:51Il y a des pays qui vivent les impacts du changement climatique.
39:54Et donc, si on rajoute la strate des solutions, et notamment des solutions liées au stockage,
39:58en fait, on rajoute une autre strate d'inégalité géophysique,
40:01parce qu'au final, il y a des régions du monde qui sont plus pronds à stocker,
40:05par exemple, le Canada, la mer du Nord, par rapport à la France,
40:09qui a peu de réservoirs de stockage.
40:11Et donc, on voit qu'il y a une relation, une dimension géopolitique
40:15qui se met en place dans la question des solutions face au changement climatique.
40:18Allez, on va passer aux questions des auditeurs et auditrices.
40:21Pour vous, Roland Séferian.
40:26On va commencer avec un message vocal, celui de Gilles.
40:30Bonjour, la Terre au Carré.
40:31Combien de gigatonnes de CO2 faudrait-il enfouir par an
40:36pour obtenir la neutralité carbone ?
40:41Voilà, à vous de répondre, Roland Séferian.
40:43Petit calcul mental.
40:44On peut faire un calcul mental où je peux vous donner les chiffres tels quels.
40:49Donc, en gros, si on reprend les quatre scénarios archétypes
40:52qu'on a évalués dans le rapport 1.5 du GIEC,
40:55qui date de 2018 et dont les chiffres sont toujours d'actualité,
41:00en fait, on regarde ces quatre scénarios qui déploient la capture dans tous les cas.
41:06Et donc, on est sur une barre, une gamme de valeurs
41:10entre 500 et 1 000 milliards de tonnes de CO2
41:15capturées en 2100 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré.
41:21Lorsqu'on regarde le nombre d'années, donc on parle de 80 ans,
41:25on est sur un flux de l'ordre de 15 milliards de tonnes par an.
41:29François demande, est-ce qu'il serait plus judicieux d'extraire le CO2 des océans
41:32plutôt que de l'atmosphère, le CO2 étant plus concentré en mer ?
41:36Alors, le CO2 est effectivement beaucoup plus concentré en mer,
41:39mais il est concentré sous des formes différentes, des formes ioniques.
41:42Donc, on a les ions carbonates, les ions bicarbonates, etc.,
41:44qui sont associées à l'eau.
41:46Donc, effectivement, il existe des technologies qui visent à retirer ce CO2
41:49directement de l'eau.
41:52Donc, ça s'apparente à la technique de DAC qu'on a évoquée tout à l'heure.
41:56Mais, en fait, casser ces molécules, ou en tout cas les retirer de l'eau,
42:00en fait, demande des infrastructures qui sont, en fait, conséquentes
42:03et potentiellement beaucoup plus coûteuses.
42:04Nils nous dit que les meilleurs pièges à CO2 sont les tourbières,
42:073% des sols, 30% du stockage.
42:09Les enjeux de protection des tourbières sont donc plus importants, dit-il,
42:13que le stockage mécanique.
42:15Alors, c'est un bon point.
42:17C'est un bon point.
42:18En fait, j'ai évoqué tout à l'heure les solutions basées sur la nature,
42:20qui sont des solutions également de préservation,
42:22de protection, on va dire, de cet effet de service écosystémique
42:27que la nature nous rend, c'est-à-dire qu'il y a 25%, 25 à 30% de nos émissions
42:32qui sont absorbées par la biosphère terrestre.
42:35Les tourbières participent à ça.
42:37Et donc, en protégeant, en évitant de rendre ces écosystèmes vulnérables
42:43au changement climatique, on préserve ce service écosystémique.
42:49Donc, effectivement, c'est très important.
42:51Et c'est beaucoup moins coûteux aussi en investissement.
42:54Et c'est bon pour la biodiversité.
42:56Merci beaucoup, Roland Seferian, de nous parler de ces cimetières de CO2
42:59aujourd'hui au micro de la Terre au Carré.
43:03Et merci à Emma Bouvier qui a préparé ce dossier,
43:06Maxime Goudard qui nous a accompagnés à la technique,
43:09Achille Aknin et Ludovic Asselot à la vidéo,
43:11et Mathias Volant qui réalisait cette émission.
43:13Lucie Sarfati pour la coordination et la programmation de la Terre au Carré
43:16dans un instant à faire sensible.
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