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  • il y a 11 heures
L'assassinat de son frère Mehdi a provoqué une onde de choc et relancé le débat sur l'ampleur du narcotrafic en France. Un mois après le drame et à la veille d'un n ouveau déplacement d'Emmanuel Macron à Marseille, le militant écologiste contre le narcotrafic Amine Kessaci reprend la parole. Il est l'invité de RTL Matin. Amine Kessaci a publié "Marseille, essuie tes larmes, vivre et mourir en terre de narcotrafic" (éditions Le Bruit Du Monde).
Regardez L'invité RTL de 7h40 avec Thomas Sotto du 15 décembre 2025.

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Transcription
00:00Demain, François, il est 7h41.
00:02Thomas Soto, RTL Matin.
00:05Son frère, Mehdi Kessassi, a été exécuté il y a un mois à Marseille.
00:08Mais les balles qui ont tué ce gamin de 20 ans visent un autre cœur, le sien.
00:12Amine Kessassi, militant anti-narcotrafique engagé, militant écologiste aussi,
00:16que rien ne fera taire et qui, malgré la douleur, se tient debout et plus déterminé que jamais,
00:20il a invité d'RTL Matin. Bonjour et bienvenue vraiment sur RTL, Amine Kessassi.
00:24Bonjour, merci.
00:25C'était le 13 novembre, donc en plein jour, dans votre ville à Marseille.
00:28Votre frère Mehdi était assassiné parce que trop souvent, une actualité chasse l'autre
00:32et que l'on oublie beaucoup trop vite les victimes.
00:34J'ai voulu vous inviter ce matin et pour commencer, j'aimerais, si vous en êtes d'accord,
00:38que vous nous parliez en quelques mots, en quelques phrases de Mehdi.
00:41C'était qui, Mehdi ?
00:43Mehdi, mon petit frère, avait 20 ans.
00:45Il était mon petit frère de 2 ans.
00:49On avait 2 ans d'écart.
00:50Il avait passé le concours de gardien de la paix pour devenir policier.
00:53Un jeune qui suivait ses études, qui n'avait aucun problème,
00:57qui n'avait jamais, de près ou de loin, mis les pieds dans un commissariat,
01:01si ce n'est pour demander un formulaire pour en devenir policier.
01:05Et c'était le petit frère qui m'a rendu fier.
01:13Le pays entier, Amine Kessassi, a été marqué, touché par votre tristesse,
01:17par votre grande dignité, la vôtre, celle de votre maman, celle de votre père.
01:22Un mois après, comment allez-vous, Amine ?
01:24Comme quelqu'un qui a déjà perdu 2 frères.
01:29Brahim, votre grand frère, qui lui a été exécuté par Guénard Cotravian,
01:32qui était tombé du mauvais côté de la ligne, pour le coup.
01:34Tout à fait.
01:35Et mon petit frère Mehdi, qui, de façon injuste, de façon inexpliquée,
01:40de façon incompréhensible, a été assassiné le 13 novembre dernier,
01:44parce qu'il était coupable d'une seule chose, Mehdi,
01:49c'est d'être mon petit frère.
01:51C'est d'être le petit frère de quelqu'un qui s'est levé,
01:53non pas pour attaquer des gens, mais pour attaquer un système,
01:56qui s'est levé pour proposer une autre alternative,
01:59qui s'est levé pour proposer un autre horizon, une autre vie,
02:03à nos quartiers et aux jeunes de ces quartiers.
02:05Et c'est la seule culpabilité que mon frère Mehdi avait.
02:09Et vous, vous vous en voulez toujours de ce qui est arrivé à Mehdi ?
02:13Je pense que ça sera le combat de ma vie,
02:15de me battre contre cette culpabilité grandissante.
02:18C'est le combat de ma vie, de me battre contre cette culpabilité
02:21lorsque je prévois quelque chose, lorsque je planifie quelque chose,
02:25lorsque moi, qui suis quelqu'un de très souriant, me met à rire.
02:29La culpabilité m'envahit en me disant que je suis ici,
02:33et comment je suis ici en train de rire.
02:35Mais vous n'avez plus le droit de sourire, plus le droit de rire aujourd'hui ?
02:38La vie ne m'a pas laissé le choix, je pense.
02:41Mais pourtant, vous n'y êtes pour rien, vous le savez, Amine Kessassi.
02:44Vous êtes une victime, vous aussi.
02:46Est-ce que culpabiliser, ce n'est pas donner raison au tueur ?
02:49Non, je ne pense pas que c'est leur donner raison.
02:50Leur donner raison aurait été de se taire.
02:52Leur donner raison aurait été de me cacher.
02:54Aujourd'hui, je prends la parole.
02:56Ma culpabilité, je ne veux pas en faire état sur place publique,
03:01mais ma culpabilité, c'est quelque chose qui fait partie de mon deuil aujourd'hui.
03:05Bien sûr, je n'ai pas appuyé sur cette gâchette.
03:07Bien sûr que si j'avais pu donner ma vie et faire en sorte d'être là ce jour-là,
03:11d'être sur ce rond-point, de me prendre ces balles pour les éviter à mon petit frère
03:15qui n'avait rien fait, je l'aurais fait sans hésiter, bien évidemment.
03:18Vous pensez qu'ils se sont trompés, qu'ils vous ont confondus ou pas ?
03:21L'enquête le dira.
03:23Mon petit frère, je l'avais prévenu, je lui avais dit de faire attention.
03:26Je lui avais dit que des gens malintentionnés étaient à mes recherches.
03:29Et en lui disant de faire attention, il me disait qu'on ne se ressemblait pas
03:32parce qu'il était beaucoup plus mince que moi.
03:35Donc aujourd'hui, est-ce qu'ils m'ont confondu ?
03:36Est-ce que c'était pour me faire passer le message ?
03:39Mais j'estime que ce n'est plus faire passer un message.
03:41Lorsqu'on note l'avis à quelqu'un, ce n'est plus faire passer un message.
03:43Ce n'est pas un crime d'avertissement, c'est un crime de barbare.
03:46Parce que l'irrémédiable est commis.
03:48Il n'y a pas de retour en arrière une fois que votre frère a été tué.
03:51Quelques jours après la mort de Mehdi, vous avez publié une tribune dans Le Monde
03:55dans laquelle vous écriviez « Non, je ne me tairai pas ».
03:58Mais les jours qui ont suivi Amine Kessassi,
04:01quand vous étiez seul face à votre peine pendant ces nuits qu'on imaginait angoissantes,
04:07est-ce que vous n'êtes pas demandé si tout cela valait vraiment la chandelle ?
04:11Bien sûr que c'est une question que je me pose.
04:12Bien sûr que c'est une question qui fait partie désormais de ma vie.
04:16Mais lorsque ces moments de doute m'emparent,
04:20je vois, j'entends toutes ces mères qui ont perdu des enfants,
04:23toutes ces mères me dire « Amine, tu es notre force, il ne faut pas que tu tombes ».
04:27Je vois ma mère se lever chaque matin,
04:30habiller son visage d'un sourire pour nous montrer
04:32que malgré tout, elle tient et qu'elle est debout.
04:36Je vois toutes ces familles de victimes qui sont déjà passées,
04:41parfois par plusieurs fois, parfois une seule fois, par ces drames.
04:45Elle vous a dit quoi quand vous vous dites ce matin « Je vais reprendre la parole,
04:48je vais me ré-exposer ».
04:49Si je me suis exprimé les semaines qui ont suivi le décès de mon frère,
04:54c'est parce que ma mère est venue me lever.
04:56C'est parce que ma mère est venue me secouer en me disant « Amine,
04:58ton combat il est noble, ton combat il est juste,
05:00et tu dois pour Mehdi aujourd'hui prendre la parole.
05:02Tu t'es battu pendant cinq ans après la mort d'Ebraïm,
05:05tu as porté un combat.
05:06Aujourd'hui, ton combat il change d'angle,
05:08ton combat il prend un drame supplémentaire.
05:10Mais dans « Marseille, essuie tes larmes »,
05:12vous parliez du livre que j'avais publié.
05:15Je l'ai écrit « La mort nargue nos quartiers ».
05:18La mort, elle vient devant nous avec cette armée de fantômes
05:20avec laquelle j'avance et je marche,
05:22pour nous narguer, pour venir appeler les nôtres.
05:25Et c'est en ça que je pense que notre parole
05:28est aujourd'hui une des plus grandes garanties de survie pour nous.
05:31En tout cas, vous ne renoncerez pas,
05:33c'est ce qu'on entend ce matin.
05:34Vous êtes impressionnant Amine Kessassi, je vous le dis,
05:36mais vous ne renoncerez pas ?
05:38Mais renoncer après quoi ?
05:39Après qu'on ait retrouvé mon grand frère Brahim
05:41brûlé dans le coffre d'une voiture ?
05:43Après que Mehdi, mon petit frère innocent,
05:46qui n'a rien fait, a été assassiné à ma place ?
05:48Après ça, moi je devrais renoncer et déposer les armes ?
05:51Aujourd'hui, plus que jamais, je dois armer mon combat,
05:53plus que jamais je dois forcer les institutions
05:57à aller encore plus vite, à aller encore plus loin.
05:59Aujourd'hui encore, je dois, avec l'association Conscience,
06:03être debout pour accompagner ces familles de victimes.
06:05Et ça, je pense que c'est la plus grande évidence
06:08qui me traverse en ce moment.
06:11Mais vous n'avez pas peur ?
06:12Vous êtes très menacé ?
06:14Vous n'avez pas peur ?
06:17La peur, c'est quelque chose qui est compliqué à la fois,
06:20parce que dire qu'on n'a pas peur, ce n'est pas vrai.
06:22Moi, depuis le 18 août, lorsque j'ai appris que j'étais menacé,
06:25placé sous protection policière quelques semaines plus tard,
06:28une peur m'a envahi, non pas une peur pour moi de perdre la vie,
06:33une peur pour mes proches, de me dire que le chagrin que je vais leur laisser...
06:37Pour vous, elles seraient légitimes ?
06:39Tout à fait, mais je ne l'ai pas senti.
06:41J'ai senti de la peur pour mes proches, j'ai senti de la peur pour ma mère,
06:44j'ai senti de la peur pour s'il devait m'arriver quelque chose,
06:46comment mes proches réagiraient, comment mes proches pourraient tenir face à cela.
06:52Aujourd'hui, il y a des policiers qui assurent ma protection
06:56et à qui d'ailleurs, je veux dire, toute ma reconnaissance,
06:59à qui d'ailleurs, je veux dire, tout mon respect,
07:01puisque ces gens-là ont choisi de se lever malgré la menace.
07:04Moi, c'est le combat qui fait partie de ma vie,
07:05c'est quelque chose que la vie ne m'a pas laissé,
07:07ou la vie ne m'a pas laissé les choix,
07:09mais ces hommes se sont levés en se disant, on va aller protéger ce jeune.
07:12Et donc, à ces personnes, je veux dire, toute ma reconnaissance.
07:14À quoi ressemble votre quotidien, votre vie depuis un mois ?
07:18Vous y avez caché, vous y avez terré, vous voulez encore voir vos copains ?
07:21Caché jamais.
07:22Mon grand frère Brahim m'a toujours appris, on ne se cache jamais.
07:25La menace est face à nous, on se tient debout, on avance.
07:28Mon frère Brahim s'était fait tirer dessus une première fois,
07:30il avait reçu huit balles, il a survécu à ces huit balles,
07:33il a été assassiné quelques mois plus tard,
07:35mais pendant ce laps de temps, pendant ces quelques mois,
07:38il se tenait debout, il a avancé, il a fait ses choses,
07:41mais Brahim m'a toujours dit qu'il fallait qu'on se tienne debout, la tête haute.
07:45Ça, c'est les mamans aussi qui me l'ont appris, les mamans des quartiers.
07:47C'est ma mère qui m'a appris que face à toutes les épreuves du monde,
07:51on devait se tenir debout.
07:52Notre seule arme, à nous, habitants des quartiers populaires,
07:55c'est notre dignité.
07:56Et la dignité, ça, je pense qu'il ne faut jamais la perdre.
07:59Amine Kessassi, est-ce qu'au fond de vous, vous pensez qu'ils vous auront ?
08:02Lorsque nous avons marché pour rendre hommage à Mehdi,
08:10et d'ailleurs, je veux dire encore mes remerciements et ma force
08:14à toutes ces personnes qui se sont levées,
08:16à ces plus de 10 000 Français qui se sont levés partout en France,
08:20qui se sont levés sur l'entièreté du territoire,
08:22qu'ils aient des étiquettes politiques ou pas,
08:25qu'elles soient de droite, de gauche, peu importe.
08:28Je veux dire à toutes ces personnes qui ont pris conscience
08:30le 13 novembre, qui ont pris conscience le jour de la marche,
08:34de l'importance de ce combat, de la hauteur de ce combat,
08:37de la fragilité de ce combat.
08:39Je veux dire à ces personnes qu'elles ont garanti la survie de mon combat,
08:43que ces personnes ont fait que ces personnes réussissent ou pas à m'avoir.
08:49Aujourd'hui, la lutte va durer, la lutte va vivre,
08:53la lutte va être portée par des gens,
08:55et ça, je pense que c'est garantir une certaine immortalité.
08:58Amin Kessassi, à propos de cette marche du 22 novembre,
09:02on a entendu une petite polémique,
09:04il n'y avait pas beaucoup de stars,
09:05pas beaucoup d'artistes, de people, de grandes signatures marseillaises,
09:08ça a été souligné, c'est un mauvais procès qu'on leur fait,
09:10ou ils auraient dû être là ?
09:12Sur leur responsabilité, elles, qu'ils étaient là ou pas,
09:15moi ce jour-là, je n'étais pas là pour voir qui était là,
09:17j'étais là pour marcher pour mon petit frère.
09:19Je veux dire d'ailleurs que, sur le coup,
09:21je n'avais pas vu la vague de personnes,
09:23je pensais qu'il y avait uniquement les personnes qui étaient devant moi,
09:25c'est après la marche que j'ai vu toutes ces photos,
09:28l'émotion de me retrouver sur ce rond-point a été si forte
09:31que ma concentration n'était pas là.
09:36Néanmoins, ces personnes pourront venir se défendre
09:38et expliquer pourquoi elles n'étaient pas là,
09:40et à chacun sa responsabilité,
09:41mais moi je ne suis personne aujourd'hui pour dire
09:43je te blâme parce que tu n'es pas venu,
09:45ou je te blâme parce que tu es venu.
09:46Parce qu'on s'en prend au monde du rap, au monde du foot,
09:48ce qui est un peu facile,
09:50il n'y a pas de signature littéraire non plus ?
09:51Tout à fait, ma vraie question, c'est les littéraires.
09:54Lorsqu'on a et qu'on vit des attaques dans ce pays,
09:58on est tout le temps les premiers à se lever
10:00et à exprimer notre soutien,
10:02notre attachement à la liberté d'expression,
10:04et je veux dire que le 13 novembre,
10:06en quelque sorte,
10:06c'est la liberté d'expression qui a été attaquée.
10:09Cet assassinat qui survient quelques mois
10:11après la parution de mon livre
10:12vient expliquer que
10:15lorsque des gens vont s'exprimer sur ce sujet,
10:17lorsque des gens vont prendre la plume,
10:19lorsque des habitants des quartiers
10:20vont se lever d'une façon littéraire
10:22contre le narcotrafic,
10:24leur vie sera menacée,
10:25leur vie sera en danger,
10:26et donc le monde littéraire
10:28devrait davantage se saisir de cette question.
10:30Amine Kessassi,
10:31demain Emmanuel Macron se rendra à Marseille.
10:33Ce week-end, on a bien vu
10:34que ce n'était pas un sujet marseillais,
10:35le narcotrafic.
10:35On a vu à Dijon un collège
10:37qui a été brûlé.
10:38On voit bien que rien ne les arrête.
10:40Vous allez le rencontrer,
10:41Emmanuel Macron,
10:42vous y serez à Marseille demain ?
10:43J'ai déjà eu l'occasion
10:45de rencontrer le président de la République
10:47à quelques reprises depuis.
10:49J'ai échangé avec lui.
10:51Il connaît ma position.
10:52Je trouve très bien
10:52que demain,
10:53il puisse venir à Marseille.
10:55Je trouve très bien
10:55qu'il rencontre,
10:57et c'est d'ailleurs
10:58la demande que j'en ai faite,
11:00de demander à rencontrer
11:02les personnes
11:03qui n'ont pas l'habitude d'exprimer.
11:04Quelles sont les visites ?
11:05Je pense sincèrement
11:06qu'elles sont utiles.
11:07Je pense que le président
11:08ne doit pas venir,
11:09et d'ailleurs,
11:10c'est ce qu'il m'a dit
11:11lorsqu'on s'est vus,
11:13ne doit pas venir
11:14avec un plan.
11:14C'est ce que je lui avais dit
11:15en 2021
11:16lorsque je l'avais rencontré
11:17la première fois à Marseille,
11:18de ne pas venir avec un plan
11:19dans un avion ou dans un train,
11:20mais de construire ce plan à Marseille
11:22avec les gens qui vivent sur place,
11:23avec les élus locaux,
11:24et je pense que c'est
11:25ce qu'il vient faire.
11:26Merci beaucoup Amine Kessassi.
11:28J'aimerais lire quelques mots
11:29pour finir de votre livre
11:30Marseille et suiter l'arme,
11:31vivre et mourir
11:32en termes de narcotrafic
11:33publié aux éditions
11:34Le Bruit du Monde.
11:35Vous parliez après
11:36la mort de Mehdi,
11:37votre grand frère.
11:38Ma colère n'est pas moins grande
11:39parce qu'après toi
11:40les morts ont continué.
11:41Les familles ont continué
11:42à aller identifier
11:43les corps à la morgue.
11:44Les cimetières ont continué
11:45à se remplir normalement.
11:47Rien ne change
11:47à part les saisons
11:49et le prénom des victimes.
11:50Merci d'être
11:51ce que vous êtes
11:52Amine Kessassi.
11:53Merci de votre combat.
11:54On vous soutient
11:55et si vous nous le permettez,
11:57embrassez.
11:57Merci d'avoir regardé cette vidéo !
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