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Dans son édito du 10/12/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]
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00:00Alors, un mot d'abord sur cet entretien, qui est un entretien au sommet, c'est-à-dire entre Fogg et Sarkozy,
00:06qui se sont tant détestés, mais qui se sont aussi aimés, et qui aujourd'hui se retrouvent pour un entretien d'un genre très particulier.
00:12Donc, Fogg, c'est le mené, Sarkozy répond à bonne hauteur, donc ça vaut la peine d'être lu.
00:17Premier élément, de ce point de vue, Fogg est une richesse nationale aussi. Je ne peux m'empêcher de dire tout le bien que j'en pense.
00:24Qu'est-ce qu'on trouve dans cet entretien? D'abord, une méditation sur la prison, inévitablement.
00:28D'ailleurs, c'est le titre, journal d'un prisonnier. Une réflexion sur la classe politique, ce qu'elle est devenue.
00:32Sur la foi, c'est important. Et sur la France, peut-elle se redresser?
00:36Et plus particulièrement, que voit-on? Et là, c'est important presque de découper les différentes tranches de l'entretien,
00:41parce que l'ex-président de la République, Nicolas Sarkozy, cherche quand même à penser au-delà de sa situation personnelle.
00:48Il réfléchit notamment à la déchristianisation de la France.
00:52Il dit une France qui se déchristianise n'est plus elle-même.
00:55Et il dit une cité qui se coupe complètement de la transcendance, qui se coupe du sacré,
01:00qui se coupe dans le cadre de la France de sa religion historique,
01:03c'est une cité abîmée, c'est une cité blessée, c'est une cité qui peinera à se relever.
01:08Donc, réflexion non seulement sur la foi, mais sur la religion comme élément de structure sociale, de structure de l'identité.
01:15Deuxième réflexion, il médit, avec raison, je crois, sur l'égalitarisme.
01:21Il nous dit l'égalitarisme, puisqu'il fait le contraste des classes politiques.
01:24Il dit « On me reproche, moi, trop souvent, de rentrer dans une pièce et vouloir être vu. »
01:29Il dit « Oui, j'avais le souci de ma différence, j'avais le souci d'être éblouissant, dit-il,
01:32alors qu'aujourd'hui, on a la passion du conformisme. »
01:36Et il se demande « Est-ce qu'on doit véritablement, aujourd'hui, valoriser les petits égaux, E-accent-aigu-G-A-U-X,
01:42plutôt que les grands égaux, E-accent-aigu-G-O-S. »
01:44Bon, ça, c'est de moi, mais cela dit, je pense qu'il pourrait la dire.
01:47Donc, les petits égaux, ça, c'est le socialisme.
01:49Les grands égaux, ça, c'est la République la meilleure, peut-être.
01:53Il réfléchit, et c'est important, il réfléchit à la dimension physique.
01:55Ce n'est pas un détail.
01:57C'est un homme politique qui entre quelque part, qui ne s'impose pas naturellement,
02:00qui quémande l'attention sans l'obtenir, ne sera jamais rien du tout.
02:03Il le dit régulièrement.
02:04Mais c'est important.
02:05Et lui, qui n'est pas par ailleurs, il n'a pas la taille d'un Chirac,
02:07il n'a pas la taille d'un espèce...
02:09Ce n'est pas un joueur de football américain.
02:11Et pourtant, il rentre dans une pièce, il est remarqué.
02:13Donc ça, ça a construit son identité, et il en parle.
02:17Un autre élément, il dénonce, et l'on bascule dans la politique,
02:19la toute-puissance des juges.
02:21Il dit « La justice était une autorité, c'est devenu un pouvoir.
02:24De quel droit ce pouvoir réclame-t-il de ne jamais être contredit ?
02:27S'il y a pouvoir, il y a contre-pouvoir,
02:29il est possible, dit-il, de critiquer une décision de justice. »
02:33Donc il remet en question le dogme de la justice de droit divin.
02:38Il se désole aussi de l'émasculation du politique.
02:40Il dit « Le politique, autrefois, avait le pouvoir.
02:42Il pouvait transformer la société. »
02:44Aujourd'hui, le pouvoir, le président de la République,
02:45n'a plus le pouvoir.
02:46Donc on vote pour lui, c'est lui qui a la légitimité populaire,
02:50et il est dépossédé politiquement.
02:52Donc il dit « Il faudrait redonner du pouvoir au politique. »
02:56Ce n'est pas un détail.
02:57Il va plus loin, il nous dit « La France est peut-être aussi à la fin d'un cycle. »
03:02Et ça, c'est important.
03:03Il dit « À l'échelle de l'histoire, certains pays se transforment à coups de réformes et réformettes. »
03:08Il dit « La France a besoin quelquefois d'aller jusqu'au bout de ses institutions
03:11et de flirter avec la possibilité de l'abîme,
03:14avec la possibilité de la violence,
03:16avec la possibilité de l'effondrement ou du choc,
03:18pour peut-être se redresser si elle trouve les hommes,
03:21si elle trouve les mouvements, si elle trouve les partis capables de la porter. »
03:25Il pose la question « Que fera-t-il maintenant ? »
03:26parce que la première question d'entretien,
03:27Fogg dit « Bon, est-ce que vous vous présentez à la présidence pour laver votre honneur ? »
03:31Sarko, 2027 candidat.
03:33Et il répond « On se calme, on se calme. »
03:35Premièrement, c'est juridiquement impossible.
03:37Deuxièmement, je n'ai pas envie de refaire ce que j'ai déjà fait dans ma vie.
03:41Donc, je dois inventer un nouveau rôle
03:43à la hauteur de ce que je souhaite pour mon pays.
03:46Et quel est ce nouveau rôle peut-être ?
03:48Eh bien, c'est de baliser la légitimité de ce que certains appellent l'union des droites.
03:52Qu'est-ce qu'il fait par là ?
03:53Il parle notamment de Bardella.
03:55Et de Bardella, il dit « Il me fait penser à Chirac du temps du RPR. »
03:59En matière de nazi, on en est quand même loin.
04:02C'est que si Bardella, c'est Chirac,
04:04je ne sais pas sur quelle base on peut ensuite faire un front républicain,
04:07de l'antifascisme, de l'extrême droite, méchant, pas gentil.
04:10Donc, si on est dans cette logique,
04:12Sarkozy dit « Il est possible de rassembler des gens
04:16qui, pour l'instant, se frappent d'anathème
04:18et devraient pouvoir travailler ensemble. »
04:20Parenthèse, là, c'est moi qui ajoute.
04:22On dit souvent, dans la droite dite républicaine,
04:24« Nous croyons à l'union des électeurs, mais pas à l'union des appareils. »
04:27L'alliance entre le RPR et l'UDF, à l'époque, c'était quoi exactement ?
04:30L'histoire de la droite, c'est une histoire d'alliance d'appareils.
04:33Ça ne les a jamais dérangés, sauf apparemment aujourd'hui,
04:36lorsque leur appareil, dis-je, est minuscule, sans mauvais jeu de mots.
04:42Allons un peu plus loin dans cette direction du président Sarkozy.
04:45La France est-elle au seuil de l'explosion ?
04:48Et vous avez raison de m'y ramener parce que c'est le cœur de son propos.
04:51Nicolas Sarkozy nous dit fondamentalement
04:53« La situation est potentiellement catastrophique. »
04:55Il dit « Le changement de régime, nous y sommes peut-être. »
04:59Nous sommes au seuil.
05:00Nous sommes plein d'éléments converges pour qu'il y ait une explosion sociale aujourd'hui.
05:05Et on pourrait dire, et ça peut-être, moi je pense que les gens qui annoncent la catastrophe,
05:09peut-être qu'ils sont trop optimistes ici.
05:10Ceux qui annoncent la catastrophe se trompent quelquefois.
05:13Je crois que la catastrophe, c'est maintenant.
05:15On peut toujours devenir la Somalie, on peut toujours devenir l'Éthiopie,
05:18on peut toujours devenir un pays sous la guerre civile permanente
05:21où les gens s'égorgent et se matraquent à temps plein.
05:23Mais laissons de côté ces scénarios.
05:25Est-ce qu'on peut dire qu'aujourd'hui, la situation est objectivement,
05:29si ce n'est pas catastrophique, à tout le moins au seuil de la catastrophe ?
05:32Je donne une série d'éléments.
05:33Dégradation des finances publiques, perte de souveraineté,
05:36effacement de l'identité, submersion migratoire,
05:39délinquance conquérante quotidienne, extension de la censure,
05:42retour d'une gauche robespierriste.
05:45Donc à partir de Nicolas Sarkozy qui nous dit que ça pourrait très mal aller
05:47si on cherche à comprendre la situation présente,
05:50tous les facteurs objectifs laissent croire que nous sommes effectivement
05:54au seuil d'un moment de bascule dans l'abîme.
05:57Et la bascule dans l'abîme, et là c'est peut-être là où il y a une forme
06:00d'optimisme relatif chez lui. Il nous dit que la France ne se relève
06:04que lorsqu'elle est au seuil de l'abîme.
06:06En fait, les Français ne sont pas des Anglais, heureusement d'ailleurs,
06:08qui se réformeraient comme ça tranquillement,
06:11avec une espèce de roi un peu zozo qui traîne au sommet de l'État.
06:14Non, les Français ont besoin quelquefois de l'expérience,
06:17de la possibilité que tout s'effondre pour être capable de se redresser.
06:20Et là, on pourrait faire la comparaison.
06:21Il l'a fait lui-même. 1958, aujourd'hui.
06:24Il dit « 1958, la Vème République n'a pas une naissance parfaitement virginale.
06:29Il rappelle les origines, la guerre d'Algérie,
06:31la possibilité qu'elle se transpose en conflit armé sur le territoire national,
06:35en France, en Hexagone, au nord de la Méditerranée.
06:37Et c'est cette possibilité de violence, cette possibilité d'effondrement
06:40qui a amené la France au redressement que l'on connaît avec le général de Gaulle.
06:44Eh bien, est-ce qu'aujourd'hui, ça a pris quatre ans, si je peux me permettre,
06:47j'ajoute un élément, ça a quand même pris, ça s'est pas fait immédiatement.
06:50De Gaulle arrive, il est contesté, quand il décide d'imposer l'élection du président de la République
06:55au suffrage universel, l'ensemble des institutions dit que le général est anticonstitutionnel.
07:00L'ensemble des institutions dit que c'est illégitime, vous ne pouvez pas faire ça.
07:04Et le général dit « je vais le faire quand même ».
07:06Et le fait est qu'il a le fait, et ça réussit, ça fonctionne,
07:09et il réussit à installer durablement la Vème République.
07:12Alors, est-ce qu'on est dans un moment historiquement semblable aujourd'hui ?
07:15La réponse est peut-être et probablement oui.
07:17Pourquoi ? Eh bien, violence, insécurité, je l'ai dit,
07:23submersion migratoire, c'est la France même en son cœur historique qui est menacée aujourd'hui.
07:28Devant cette menace, la question est,
07:31est-ce qu'il y aura un autre moment de vérité comme 58 à 62 ?
07:34Et là, je reviens au référendum, je n'en parlais pas pour rien.
07:37On le sait, la droite nationale dit « si nous arrivons aux affaires,
07:39demain ou après-demain, nous ferons un référendum ».
07:42Nous savons que tout l'appareil d'État, le conseil constitutionnel,
07:47les théologiens qui se prennent pour des juristes,
07:49tous ces gens disent « ce référendum sera anticonstitutionnel, sera illégal ».
07:53Et font tout pour verrouiller en ce moment les institutions,
07:57pour empêcher que ce référendum n'advienne.
07:59Eh bien, si on prend le scénario 1958-62, le retour du général de Gaulle,
08:03on pourrait se dire que, imaginons que la droite nationale,
08:07quel que soit son candidat, quel que soit son chef,
08:09fait le référendum contre les institutions qui se prennent pour l'État de droit,
08:14c'est un moment de vérité équivalent à cette séquence-là.
08:18C'est un moment où on en appelle au peuple,
08:19et Sarkozy dit « il faut restaurer la souveraineté nationale ».
08:22Mais le peuple qui s'est fait déposséder de la souveraineté,
08:25par les oligarchies, par la nomenclatura, par les élites,
08:28les gens qui ont confisqué la souveraineté ne la laisseront pas reprendre comme ça facilement.
08:32Donc, on peut s'attendre à un choc.
08:34Je ne le souhaite évidemment pas.
08:35Je déteste toute forme de choc qui pourrait aboutir à la violence.
08:40Mais lui-même dit « il y aura ce moment de vérité »
08:42et probablement que ce sera effectivement la trame de fond des prochaines années.
08:46Est-ce qu'il n'y a pas un autre scénario plus violent, moins optimiste ?
08:52Vous avez raison, parce que j'étais optimiste en disant
08:53« un choc au sommet de l'État, un choc en délégitimité,
08:56la refondation de la République dans l'esprit gaullien ».
08:58Il y a le scénario moins optimiste, en effet.
09:00Et il l'évoque. On a aujourd'hui une nouvelle gauche robespierriste,
09:03comme le dit Fogg souvent, une gauche violente.
09:06Hier soir, Gauthier Lebrêtre en parlait dans son émission.
09:09Donc, une gauche qui croit que la vérité de la politique, c'est la violence.
09:13Eh bien, il est possible.
09:14Imaginons que Jean-Luc Mélenchon arrive au deuxième tour.
09:16Imaginons qu'il soit battu.
09:18Imaginons que la gauche radicale décide de descendre dans la rue,
09:20de lancer ses troupes dans la rue, de lancer ses milices dans la rue,
09:23de tout faire pour en appeler au soudèvement des quartiers.
09:25Oui, c'est un scénario moins optimiste.
09:27Il faut le prendre au sérieux,
09:29la possibilité d'une extension généralisée de la violence.
09:33On doit s'en désoler.
09:34On doit savoir que c'est possible pour faire en sorte que cela n'arrive pas.
09:37Mais revenons à Sarkozy un instant, et je terminerai sur cela.
09:40Il nous dit qu'il n'y aura pas de redressement, de renaissance,
09:44si cette renaissance est strictement politique.
09:46Il nous dit que toute cité a une part spirituelle.
09:49Toute cité a une dimension verticale, presque, on pourrait dire le mot religieux,
09:53pour peu qu'on ne le comprenne pas mal.
09:54Toute cité a une dimension sacrale.
09:56Et nous sommes hantés peut-être aujourd'hui par une culture de mort.
09:59Comment tient la société aujourd'hui?
10:00Ça, c'est moi qui ajoute.
10:01Par la pharmacopée, par les séries télévisées qu'on peut regarder 12 heures de suite
10:06sans jamais sortir de chez soi,
10:08par une espèce d'alimentation dégueulasse qui tient les populations sous hypnose.
10:11À travers cela, on a des sociétés qui, aujourd'hui, sont au seuil de l'affaissement,
10:15mais le redressement est possible s'il n'est pas que politique,
10:18s'il a une charge spirituelle, identitaire, autrement dit.
10:22De ce point de vue, Nicolas Sarkozy est peut-être un optimiste.
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