- il y a 1 heure
Le dépassement des limites planétaires amène à une raréfaction des ressources naturelles nécessaires pour vivre, et une réduction des zones habitables sur la planète. Mais l’éclatement des conflits n’est pas lié de façon systémique aux problèmes environnementaux.
Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre
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00:00Musique
00:00Aujourd'hui, crise climatique et conflits mondiaux, les deux guerres du siècle, racontées par
00:22Marine de Gullien-Mauvébert, chercheuse sur les questions de sécurité climatique à l'IRSEM.
00:27Dominique Bourg, professeur honoraire à l'Université de Lausanne.
00:32France Inter, la Terre au carré, Mathieu Vidal.
00:39Depuis quelques années, une évidence s'impose aux chercheurs en sécurité internationale.
00:43Le changement climatique n'est plus seulement un défi environnemental, c'est un multiplicateur de menaces.
00:48Une note publiée en mai 2023 par l'Observatoire Défense et Climat montre comment les sécheresses prolongées,
00:54les canicules extrêmes, les tempêtes plus violentes ou l'élévation du niveau de la mer fragilisent les sociétés et attisent des tensions déjà présentes.
01:03En détériorant les écosystèmes dont dépendent des millions de personnes, ces dérèglements provoquent des crises alimentaires,
01:09déplacent des communautés entières, déstabilisent des états vulnérables et nourrissent des conflits locaux comme régionaux.
01:15Les zones où s'entrecroisent de fortes vulnérabilités climatiques et une instabilité politique du Sahel à la Corne de l'Afrique,
01:22du Moyen-Orient à certaines régions d'Asie du Sud-Est, sont particulièrement exposées à une montée des violences.
01:27Dans ces régions, la raréfaction de l'eau et des terres cultivables alimente des rivalités entre éleveurs et agriculteurs,
01:34la baisse des ressources halieutiques exacerbe les tensions entre pêcheurs
01:37et la dégradation des moyens de subsistance renforce l'emprise des groupes armés non étatiques
01:42qui instrumentalisent la détresse économique et sociale.
01:46A l'échelle internationale, la compétition autour des ressources transfrontalières comme les eaux du Nil
01:50montre comment un climat qui se réchauffe peut devenir un facteur de déstabilisation géopolitique majeure.
01:57Les experts des questions de défense et de climat parlent même d'un cercle vicieux.
02:01Les impacts climatiques fragilisent les populations, ce qui aggrave les tensions,
02:05lesquelles affaiblissent encore davantage la capacité des Etats à faire face aux dérèglements.
02:10C'est cette dynamique, la façon dont le climat exacerbe les conflits
02:13et comment les conflits en retour accroissent la vulnérabilité au climat
02:17que nous allons explorer aujourd'hui dans cette Terre au Carré.
02:25C'est une guerre le climat.
02:27C'est une menace majeure pour l'avenir de nos sociétés.
02:31C'est donc une économie de guerre.
02:32En économie de guerre, on fait du déficit.
02:34Parler d'orthodoxie financière face à de tels enjeux, c'est une absurdité totale.
02:39C'est-à-dire qu'on n'a pas été capable de trouver le mécanisme financier
02:44où on fait du déficit pour maintenant faire les investissements qu'il faut.
02:48La voix de Renan Dantec sur Public Sénat, c'était le 20 novembre au dernier.
02:53Dominique Bourg et Marine de Goullier-Mauvébert, bonjour.
02:56Bonjour.
02:57Bienvenue à tous les deux.
02:58Dominique Bourg, vous publiez Guerre et climat avec Jean-Vincent Hollindre
03:02chez Frémaux et Associés.
03:03C'est un livre qui montre comment les guerres contemporaines
03:05s'entrelacent avec la crise climatique.
03:08Et Marine de Goullier-Mauvébert, vous avez quant à vous travaillé en 2023
03:11sur cette note dont je parlais.
03:13Changement climatique et foyer de conflit dans le monde
03:15pour l'Observatoire Défense et Climat.
03:18Dans quel contexte d'ailleurs a été créé cet observatoire ?
03:20Je dirais qu'à l'échelle internationale, tout d'abord,
03:24il a été créé dans le contexte d'une appropriation progressive
03:27des questions climatiques par les institutions de sécurité,
03:32donc par les forces armées, différentes forces armées dans le monde,
03:35le Conseil de sécurité de l'ONU, l'OTAN.
03:38Donc voilà, depuis les années 90, on voit progresser ce phénomène
03:43que certains chercheurs désignent par le terme sécuritisation.
03:47Et donc cette appropriation de la question climatique par les forces armées,
03:52en France, elle s'est faite au tournant des années 2010
03:55avec des petits signaux qui sont arrivés.
03:58Et la création de cet observatoire en fait pleinement partie.
04:02Aujourd'hui, on a notamment ce qui s'est passé par la suite.
04:06Il y a eu notamment le ministère de la Défense français
04:08qui s'est doté d'une stratégie, un climat-défense,
04:11après avoir déjà fait une stratégie énergétique de défense.
04:14Donc voilà, on est vraiment dans cette tendance-là à l'intégration du climat dans la sécurité,
04:18même si les événements récents remettent en question ce processus.
04:23Dominique Bourg, est-ce que l'humanité est en train de mener simultanément deux guerres ?
04:27Une guerre contre la nature, mais aussi une guerre contre elle-même ?
04:30Apparemment oui, mais je dirais que justement par rapport à ce que vous avez dit dans l'introduction,
04:34le climat par rapport aux enjeux de violence, c'est deux choses.
04:39C'est d'un côté ce que vous avez rappelé, c'est-à-dire les événements extrêmes qui vont fragiliser les sociétés.
04:46Rappelons tout simplement, par exemple, toutes les plantes ferment leurs activités photosynthétiques
04:49entre 40 et 45 degrés.
04:52Et de manière générale, tous les extrêmes vont converger vers une difficulté accrue à produire notre alimentation sur Terre.
04:59Mais il y a l'autre volet qui est lié aussi bien sûr à la montée des eaux,
05:03en conséquence du dérèglement climatique.
05:05Mais tout simplement, si vous regardez la répartition de la population sur Terre dans l'histoire,
05:10on peut séparer une zone tempérée, une zone tropicale,
05:14eh bien la répartition de la plus grande densité n'a jamais changé.
05:18Or, précisément le dérèglement climatique, quand on va être entre 1,5 et 2 degrés,
05:22c'est-à-dire à partir de quelques années qui viennent,
05:25là vous avez des aires entières qui vont devenir difficilement habitables.
05:30Celles qui étaient déjà difficilement habitables ne le seront plus.
05:32celles qui étaient habitables vont devenir difficilement habitables.
05:37Et alors ça, évidemment, ça rajoute une couche.
05:40Et à ça, on doit ajouter un phénomène auquel, jusqu'alors, l'humanité n'avait jamais été confrontée,
05:45c'est-à-dire une chaleur humide dangereuse continue,
05:48notamment sur les pourtours côtiers dans les terres tropicales et le piémont himalayen.
05:53Donc en fait, on a un changement total de la donne touchant l'habitabilité de la planète.
06:01Alors, il n'y a pas d'enclenchement mécanique vis-à-vis de la violence.
06:05Mais suivant la manière dont on va réagir à ces situations,
06:08effectivement, le déchaînement de violence est possible.
06:11On voit en tout cas des tensions qui sont accrues par les conditions environnementales.
06:15Marine de Guglielmo-Weber, ça c'est quelque chose qu'on note sur plusieurs points du globe précisément ?
06:21Alors, justement, comme l'expliquait Dominique, en fait, c'est le lien entre, d'une part,
06:26les changements climatiques et, d'autre part, l'émergence de conflits.
06:30Donc là, je parle vraiment de conflits armés.
06:32C'est un lien qui est extrêmement débattu et qui n'est pas admis de manière consensuelle
06:36dans la littérature académique aujourd'hui.
06:38Alors moi, je parlais de tensions avant même de parler de conflits.
06:41Là, j'évoquais des tensions, puisqu'on voit les tensions entre populations, par exemple.
06:45Alors, justement, en fait, ce qui est intéressant de voir,
06:48c'est qu'il n'y a pas de déterminisme environnemental,
06:51c'est-à-dire qu'une pénurie d'eau, par exemple, ne va pas mécaniquement entraîner une dispute,
06:57par exemple, entre des agriculteurs et des industriels sur une portion de territoire donné.
07:03Par contre, effectivement, comme le mentionnait Dominique,
07:06ce qui est extrêmement structurant, c'est les politiques publiques
07:09qui sont mises en place pour faire face à la pénurie d'une ressource.
07:13C'est-à-dire, est-ce que vous allez avoir des politiques publiques
07:16qui vont exacerber les inégalités d'accès, notamment,
07:20qui vont renforcer certaines tensions ethniques ou religieuses,
07:25ou est-ce que vous allez avoir des politiques publiques
07:27qui vont plutôt encourager la coopération ?
07:30Et effectivement, quand on regarde malheureusement l'état du monde aujourd'hui,
07:34alors, dans la plupart des bassins transfrontaliers, par exemple,
07:37des bassins de ressources hydriques,
07:39on a des mécanismes de coopération qui fonctionnent assez bien.
07:42Par contre, on constate effectivement, malheureusement,
07:46une sorte de repli nationaliste dans certaines régions
07:50qui ont tendance, ou même à l'intérieur même des États,
07:54des sortes de repli sur différents types de communautés
07:59qui, en fait, engagent des sortes d'escalades, finalement,
08:03et de compétitions pour la ressource.
08:06Mais le changement climatique, ça vient, en fait,
08:08catalyser, exacerber des tensions déjà existantes.
08:11Ça ne va pas venir créer, ex nihilo, une tension.
08:15Oui, j'ajouterais encore un argument, si vous voulez,
08:19pour bien montrer que ça n'est pas mécanique.
08:21Mais le fait que ça ne soit pas mécanique, ça ne veut pas dire non plus
08:23que ça ne peut pas se produire.
08:25Mais si vous regardez l'évolution, la théorie de l'évolution,
08:29et bien précisément, Kropotkin, qui s'est intéressé à des écosystèmes froids,
08:34avec, si vous voulez, une nature beaucoup plus dure,
08:36et bien dans de telles conditions, la compétition est extrêmement rare,
08:40et ce qu'on met en avant, c'est la coopération.
08:42En revanche, dans les écosystèmes chauds, où vous avez une prolixité de la nature,
08:47et bien là, au contraire, la compétition est beaucoup plus développée,
08:51parce que précisément, on ne risque pas la même chose.
08:54Donc, attention, la difficulté en elle-même n'est pas une raison mécanique
08:59pour nous conduire à un surcroît d'affrontement.
09:01Si l'humanité était intelligente, comme la nature, ça devrait plutôt donner le contraire.
09:05Donc, il n'y a pas de déterminisme.
09:06Il n'y a pas de déterminisme.
09:06Effectivement.
09:07Marine de Gouglet, Mauvébert, en quoi justement,
09:09d'une part, l'intensification des catastrophes naturelles,
09:12mais le changement environnemental global,
09:15sollicite déjà les armées françaises, par exemple,
09:18les forces armées françaises, dans leur fonctionnement quotidien.
09:20Comment ça se traduit, ça ?
09:21Alors, peut-être que, on va dire, la traduction la plus concrète,
09:26c'est une multiplication des sollicitations des forces armées
09:31pour des interventions de secours humanitaires lors de catastrophes naturelles.
09:36En fait, si on regarde la courbe des interventions de nos militaires français
09:40à la suite d'une catastrophe météo-climatique,
09:44elle monte.
09:46Et ça, ça soulève de véritables questions sur le rôle que doit remplir l'armée au XXIe siècle.
09:53Est-ce que ça signifie que nos forces armées françaises,
09:58qui ont plutôt un cœur de mission combattant à la base,
10:00c'est vraiment la culture de la guerre,
10:02est-ce qu'elles doivent s'accrocher à ce cœur de mission et dire
10:05« le secours aux populations, c'est la sécurité civile, c'est pas notre problème ? »
10:10Ou est-ce que ça doit mener justement à des réflexions
10:13pour une plus grande intégration des forces armées pour le secours aux populations ?
10:17Et ça, c'est une question structurante aujourd'hui.
10:19Mais on n'est que dans la réflexion ?
10:20On est déjà dans le passage à l'acte, dans certains cas ?
10:23De facto, en fait, quand vous avez des autorités locales,
10:28donc par exemple tout simplement une demande qui est émise de la part d'un préfet
10:33pour obtenir l'aide des militaires, les militaires y vont.
10:36Il n'y a pas de réflexion stratégique a priori pour ça.
10:39Maintenant, il faudrait effectivement prendre un temps de recul
10:42et se dire « ok, sur les 20 dernières années, en fait,
10:44on a été de plus en plus sollicité,
10:46ça doit être intégré plus fortement dans nos doctrines. »
10:48Et c'est le cas ou pas ?
10:49C'est encore en cours.
10:51C'est une réflexion en cours.
10:53Très bien.
10:53Dominique Bourg, vous décrivez une bellicisation du monde moderne
10:56avec un retour justement aux logiques impériales.
11:00Comment cette dynamique finalement,
11:01elle se conjugue aussi avec les crises environnementales aujourd'hui ?
11:05Alors moi, j'avais mis l'hypothèse que lorsque Poutine,
11:08le 24 février 2022, a envahi l'Ukraine,
11:13qu'il y avait une espèce d'anticipation de son côté
11:15d'un désordre climatique à venir.
11:18C'est-à-dire l'ordre international va voler en éclats
11:20« ok, je suis le premier, j'en profite et j'y vais ».
11:23Alors ça, ça suppose que vous ayez, de la part de ce pays,
11:26une culture impériale.
11:28Vous vous souvenez, un petit enfant,
11:30c'est plutôt Poutine qui pose un petit gamin à la question
11:33« quelles sont les frontières de l'Empire ? »
11:35Et alors le gamin hésite et lui répond « bah non,
11:37un empire n'a pas de frontières ».
11:39Et effectivement, la Russie, depuis le duché de Moscou,
11:43elle s'est quand même passablement agrandie
11:44pour atteindre une superficie complètement dingue.
11:47En termes de superficie, c'est le premier pays au monde,
11:49une superficie qu'elle n'arrive plus à gérer,
11:52mais elle est vraiment dans une culture de violence.
11:56Mais comment le climat est anticipé de la part de Poutine ?
11:58Je ne comprends pas bien ce que vous nous dites là.
11:59Il est anticipé parce que s'il voulait,
12:01il pensait que le climat allait mettre sous tension
12:04l'ordre international, le droit international, etc.
12:09que c'est quelque chose qui allait s'effriter.
12:11Donc de toute façon, c'est parti pour que je puisse avoir les mains libres
12:16et j'y vais avant tous les autres.
12:18Bon, mais c'était une interprétation.
12:19Je n'ai pas forcément une argumentation très forte.
12:22Mais en revanche, ce que je peux vous dire,
12:24c'est que la culture de la guerre dans les élites
12:27et dans le peuple russe, elle est extrêmement développée.
12:29J'aime bien donner cet exemple.
12:31Je ne sais plus si c'est fin 2022 ou début 2023,
12:36mais vous avez un politiste de haut vol russe
12:38qui s'appelle Sergei Karaganov,
12:41qui écrit un article pour inciter le Kremlin
12:44à vitrifier une ou plusieurs villes européennes
12:47pour leur donner une leçon.
12:49Quand vous écoutez les médias russes,
12:52la banalisation de la violence,
12:54le fait qu'il faille tuer des Ukrainiens en masse,
12:56qu'il faille tuer des enfants,
12:57les personnes âgées, qu'il faille n'avoir aucune pitié
13:00et qu'il faille vitrifier d'ailleurs des villes européennes.
13:03Ça veut dire quoi, vitrifier ?
13:04Eh bien, bombarder de manière nucléaire, thermonucléaire.
13:09Soyons clairs dans les termes.
13:10Oui, alors c'est vraiment vitrifier.
13:11Il ne vous reste plus que la surface.
13:13Et ça, c'est quelque chose qui, pour nous,
13:16est complètement hallucinant.
13:18Mais on ne peut pas comprendre ce qui se passe de ce côté-là
13:21si on n'a pas à l'esprit cette culture
13:24qui ne cesse de se renforcer,
13:26qui est, comment dire, diffusée à grand renfort de médias
13:31et qui manifestement a vraiment modelé la population.
13:35C'est-à-dire, la guerre est une évidence à telle enseigne
13:37que chaque mois, Poutine tue sur le terrain ukrainien
13:40entre 20 et 25 000 personnes.
13:43Qui s'en plaint de ce côté-là ?
13:45On va écouter la voix du chef d'état-major des armées
13:50devant les maires de France le 18 novembre dernier.
13:53Il s'appelle Fabien Mondon.
13:54Ce sont des propos qui ont marqué beaucoup la population française
13:58puisque vous parlez de bellicisation du monde moderne.
14:00On va écouter justement ses propos tout de suite.
14:03Ce qu'il nous manque, c'est la force d'âme
14:05pour accepter de nous faire mal
14:08pour protéger ce que l'on est.
14:10Si notre pays flanche
14:11parce qu'il n'est pas prêt à accepter
14:14de perdre ses enfants,
14:16parce qu'il faut dire les choses,
14:17de souffrir économiquement
14:18parce que les priorités iront
14:20à de la production de défense, par exemple.
14:22Si on n'est pas prêt à ça,
14:24alors on est en risque.
14:25La France a toujours démontré sa force d'âme
14:27dans les moments difficiles.
14:29Donc moi, j'ai donné aux armées
14:30un objectif qui est d'être prêt dans 3 à 4 ans.
14:33Mais j'ai besoin que la nation soit prête
14:35à soutenir cet effort si on devait le faire.
14:3818 novembre dernier, Fabien Mondon,
14:40un discours sans détour
14:41du chef d'état-major des armées
14:43sur la situation internationale qui se dégrade.
14:46Est-ce que ça veut dire qu'il faut,
14:48Marine de Gouillet-Mauvébert,
14:50ambiancer la population aujourd'hui
14:52dans cette idée de la guerre ?
14:54C'est une question compliquée.
14:57Évidemment, on a aujourd'hui une situation
15:00en Europe qui est extrêmement préoccupante
15:02et je pense que ça rendrait service à personne
15:05que de, on va dire, se mettre des œillères
15:08sur des éventualités géopolitiques
15:10qui aujourd'hui nous effraient.
15:13Ceci dit, la question qu'on peut se poser aujourd'hui,
15:18c'est, on va dire, l'ampleur,
15:22on va dire plutôt la place qu'occupe aujourd'hui
15:24cet horizon militaire et de défense
15:26dans notre débat public
15:28et dans les questions qui nous semblent importantes
15:31sur le plan sécuritaire,
15:32avec cette problématique qu'on voit bien
15:36quand on travaille sur les questions
15:37de sécurité climatique aujourd'hui,
15:39que tout un pan, en fait,
15:40de ce qu'on peut considérer comme
15:41la sécurité de notre société,
15:43de notre population,
15:44est aujourd'hui complètement éclipsé.
15:46Et justement, notre enjeu
15:47de la sécurité climatique
15:48et plus généralement de la durabilité,
15:51c'est-à-dire de la capacité de nos sociétés
15:53à durer sur le temps long
15:55dans un contexte tout à la fois
15:57difficile sur le plan environnemental
15:59et sur le plan géopolitique,
16:01c'est une question absolument essentielle
16:02qui aujourd'hui, malheureusement,
16:04est très peu traitée.
16:06Justement, Dominique Bourg,
16:07on voit comment ces quelques phrases
16:09seulement ont marqué la population
16:11la semaine dernière.
16:13Pourquoi un tel discours
16:14n'est jamais prononcé
16:15concernant le climat ou la biodiversité
16:17de la part de celles et ceux
16:18qui sont aux commandes du pays
16:20pour justement réveiller
16:21un petit peu les esprits
16:22ou préparer les esprits
16:24à cette guerre aussi, finalement ?
16:27Alors oui, on peut parler
16:28d'une guerre contre la nature.
16:30Alors pas contre la nature, mais...
16:32Non, mais attendez, justement,
16:33il y a bien les deux.
16:34Il y a une guerre des hommes
16:36les uns contre les autres,
16:38mais il y a une guerre
16:39que conduit une partie de l'humanité
16:40à la nature.
16:42Elle est absolument revendiquée
16:43par les élites de la tech américaine.
16:45Quand on vous dit
16:46qu'on va aller sur Mars,
16:47on va tuer la planète Terre,
16:51on va la rendre invivable
16:52et quelques élites
16:54iront sur Mars,
16:55ce qui est une absurdité
16:56parce que, comme vous le savez,
16:57la masse de Mars est insuffisante
16:58pour y maintenir une atmosphère
16:59analogue à la nôtre
17:00puis pour la fabriquer.
17:02Bonjour les dégâts !
17:03Donc, mais voilà.
17:04Mais en même temps,
17:05si vous voulez,
17:06il y a une espèce d'entre-là,
17:07entre la destructivité
17:10qu'on porte les uns
17:11avec les autres
17:12et puis la destructivité
17:14dont on fait preuve
17:15par rapport aux écosystèmes
17:17qui nous font vivre.
17:18Dans un livre précédent,
17:19Dévastation,
17:20à la question du mal aujourd'hui,
17:21c'était vraiment au cœur
17:22montrer comment,
17:23si vous voulez,
17:24une guerre,
17:25c'est une...
17:25Alors, même si je sais très bien
17:26que les théoriciens,
17:27c'est un des différents
17:29avec mon collègue Jean-Vincent
17:30dans le livre publié
17:31chez Frémeaux,
17:32eh bien,
17:32si vous voulez,
17:33dans la théorie classique,
17:35hops, etc.,
17:36la guerre et le crime
17:37sont deux choses séparées.
17:38Non, une guerre,
17:40ça se prépare,
17:40c'est ce que je vous ai dit
17:41en Russie.
17:42Vous avez une préparation
17:43à la guerre.
17:44Je viens de faire un absus
17:45en parlant des Etats-Unis,
17:46mais vous vous souvenez très bien
17:47que Trump a renommé
17:49le ministère de la Défense
17:51le ministère de la Guerre
17:52et qu'il parle
17:54d'invasion du Canada,
17:55qu'il parle de Panama,
17:56qu'il parle du Groenland.
17:58Ça nous concerne
17:59au premier chef
18:00et qu'il a commencé
18:01une déstabilisation
18:02du Groenland
18:02du même type
18:04que celle que Poutine
18:04peut faire ailleurs.
18:07Vous avez une guerre hybride
18:08qui est en cours.
18:09Nous sommes nous désignés
18:11comme un ennemi
18:11dans cette guerre hybride
18:12et on va prendre
18:13un bon spécialiste
18:15de la culture fasciste,
18:16on va prendre Karl Schmitt.
18:17Schmitt vous dit
18:18évidemment
18:18quand vous êtes désignés
18:20par un dictateur
18:21comme un ennemi,
18:21on ne vous demande pas
18:22votre avis.
18:23Et c'est exactement
18:24ce qui peut se passer
18:25pour nous.
18:25Donc on peut avoir
18:27une lecture,
18:28si vous voulez,
18:29de politique intérieure,
18:31franchement,
18:32pas très élaborée
18:33intellectuellement,
18:34soit on fait un lien
18:35entre la politique intérieure
18:36et la géopolitique.
18:38Oui, on est dans
18:38une situation
18:39relativement périlleuse
18:41où encore une fois
18:41ces deux menaces
18:42s'entrelacent.
18:44Les deux menaces
18:44qui portent sur la planète,
18:46d'un côté c'est le consumérisme
18:47et de l'autre
18:48c'est la guerre thermonucléaire.
18:51Dans les deux cas,
18:52vous détruisez
18:53les capacités
18:54de la Terre
18:55à supporter
18:57et à faire
18:58que la vie puisse
18:59s'y épanouir.
18:59C'est quand même énorme.
19:00Le consumérisme
19:01ou carrément le capitalisme ?
19:03Ça va avec.
19:04Il n'y a pas de consumérisme
19:05sans capitalisme.
19:06Oui, mais justement
19:06c'est une partie
19:07du capitalisme finalement.
19:08Oui, le capitalisme
19:11ne vit que s'il y a
19:11du consumérisme.
19:13Marine de Gouguil-Mauvébert.
19:15Peut-être justement
19:16pour réagir là-dessus,
19:17je parlais un peu plus tôt
19:18du processus
19:19de sécurisation,
19:20c'est-à-dire
19:20un terme par lequel
19:22on désigne
19:23l'appropriation du climat
19:24par les institutions
19:25traditionnelles
19:26de sécurité.
19:26Ce processus
19:28il est marqué
19:29par un paradoxe
19:30qui je pense
19:31nous permet
19:32d'expliquer
19:32ce qui se passe aujourd'hui.
19:33Ce paradoxe
19:34c'est qu'on prend le climat,
19:36on en fait un objet
19:37de sécurité-défense,
19:38c'est la survie
19:39des populations
19:39qui est en jeu,
19:40c'est la sécurité
19:41de notre nation.
19:42Ceci dit,
19:43on ne peut pas aller
19:43au bout de ce processus
19:44puisque aller au bout
19:46de ce processus
19:46ça veut dire
19:47remettre en question
19:48le système de production
19:50et de consommation
19:50sur lequel nos sociétés
19:53sont fondées
19:54et dont dépendent
19:54nos institutions
19:55de défense
19:56et notamment
19:56leur dépendance
19:57aux hydrocarbures
19:58est assez structurante.
20:00Et donc je pense
20:00que c'est vraiment ça
20:01qui explique la raison
20:02pour laquelle aujourd'hui
20:03on n'arrive pas
20:04à aller au bout
20:04et à la première urgence
20:06militaire finalement
20:07ce discours de sécurité
20:09sur le climat
20:09s'effondre
20:10puisqu'on ne peut pas
20:11le faire aboutir.
20:12Justement,
20:13on voit que l'Europe
20:14est capable de mobiliser
20:15des centaines de milliards
20:16quand il s'agit justement
20:17de reconstruire sa défense.
20:20Or,
20:20l'argent qui serait nécessaire
20:21aussi pour la crise climatique
20:22on n'arrive pas
20:23à la réunir.
20:24Donc ça raconte quoi
20:25c'est Dominique Bourg aujourd'hui ?
20:26Ça raconte une espèce
20:27de bivu
20:28et de très courte vue
20:30parce que si vous voulez
20:31le dérèglement climatique
20:36va poser très très rapidement
20:40des énormes problèmes
20:41à la chose militaire.
20:43Déjà premièrement,
20:44il faut savoir
20:45que la montée de la chaleur
20:48a des effets
20:49sur nos esprits.
20:50Vous avez dû recevoir
20:50dans l'émission
20:51Christian Clot
20:52qui avec ses expériences
20:53a bien montré ça.
20:54notamment avec la montée
20:55de la chaleur
20:56nos facultés
20:57d'empathie diminuent.
20:58Alors, bon,
20:59ça n'empêche pas
21:01que pour le moment
21:02elles sont très basses
21:03dans un pays plutôt froid.
21:05Oui, déjà.
21:05La Russie et chez nous
21:06elles ne sont pas très élevées.
21:07La violence augmente partout.
21:08Et ça, c'est pour moi
21:09vraiment un symptôme énorme.
21:11Encore une fois,
21:11je vous le dis,
21:12avant une guerre,
21:14pensez par exemple
21:14au Ruban Blanc,
21:15le film Le Ruban Blanc
21:17où on voyait comment
21:17avant la première guerre mondiale
21:18dans un village
21:19montait la violence.
21:21Et ensuite, vous avez les travaux
21:22de l'historien Moss
21:23qui montrait comment
21:24la brutalisation des sociétés
21:26durant la première guerre mondiale
21:27avait en quelque sorte
21:28induit un niveau de violence
21:30extrêmement élevé
21:31dans la société
21:31qui avait préparé
21:33la seconde guerre mondiale.
21:34Donc, vous ne pouvez pas
21:35faire la différence
21:36entre le crime,
21:37le crime environnemental
21:39et le crime de guerre.
21:40Les trois se tiennent.
21:42Simplement,
21:43si on ne...
21:44Si vous voulez...
21:45Évidemment,
21:46la guerre thermonucléaire,
21:47c'est la fin.
21:48C'est l'hiver nucléaire.
21:49Il n'y a plus d'humanité.
21:51Mais en plus de se dire
21:53que non,
21:53le climat n'a aucune importance
21:55maintenant,
21:56la seule chose qui compte,
21:57c'est la guerre,
21:58ce n'est pas très malin
21:59parce qu'une guerre
22:01sur une planète
22:02exsante comme la nôtre,
22:04entre guillemets,
22:05ne devrait pas être menée.
22:06Mais bon,
22:06si elle doit se mener,
22:07elle ne se mènera
22:08probablement pas
22:09de la même manière.
22:10Si vous avez des ressources
22:11à l'arrière
22:12qui sont fragilisées,
22:13si vous avez
22:15des vagues de chaleur
22:16qui vont faire
22:16que vous ne tenez pas
22:17dans un char d'assaut,
22:18que vous allez avoir
22:19de problèmes d'armes
22:20qui vont s'enrayer,
22:21etc.,
22:21c'est des choses
22:22si vous ne les avez pas
22:23anticipées à l'avance.
22:24Alors,
22:24ce n'est pas à moi de dire ça
22:25parce que ce n'est pas du tout
22:25mon rôle.
22:26Mais enfin,
22:26en tout cas,
22:26de ce côté-là
22:27du champ de bataille,
22:29si j'ose dire,
22:29on devrait regarder
22:30ces choses-là.
22:31On va écouter justement
22:32l'extrait d'un sujet
22:34autour de la dissuasion nucléaire
22:36pour comprendre
22:37comment justement
22:38les changements environnementaux
22:40affectent aussi
22:41la défense.
22:41Je ne sais pas
22:42que j'allais vous dire ça un jour,
22:43mais je vous parle aujourd'hui
22:43depuis un sous-marin.
22:44Et oui,
22:45car le changement climatique
22:46a un impact
22:46sur la dissuasion nucléaire.
22:48Et cette dissuasion nucléaire,
22:49elle est rendue possible
22:50depuis un sous-marin nucléaire
22:51lanceur d'engin.
22:52Le sous-marin va plonger
22:53entre 200 et 1000 mètres
22:55de profondeur.
22:56C'est une zone
22:56qu'on appelle la thermocline.
22:57Dans cette zone,
22:58la températion va varier rapidement.
23:00Il va avoir un effet
23:01sur la propagation du son.
23:02En fait,
23:02le son va être dévié,
23:03va se propagager en courbe
23:04ou va être emprisonné.
23:05Et du coup,
23:06le son émis par le sous-marin
23:07va être dilué
23:08dans les sons ambiants.
23:09L'impact du changement climatique
23:10dans tout ça,
23:11c'est que l'augmentation
23:12de la température
23:12de l'océan notamment
23:13va faire varier
23:14cette thermocline.
23:15Notamment dans le cas
23:16où on aurait des canicules marines,
23:17on va retrouver des températures
23:18plus élevées de l'eau,
23:19plus proches de la surface.
23:20Je ne sais pas vous,
23:20mais du coup,
23:21moi je trouve ça assez incroyable
23:22qu'il existe un lien
23:22entre la dissuasion nucléaire
23:23et le changement climatique.
23:24Voilà,
23:25il s'appelle Monsieur l'ingénieur,
23:26il a un compte Instagram
23:27sur lequel il nous donnait
23:29cet exemple-là,
23:30marine de Gouglier-Mauvébert,
23:31qui est assez étonnant d'ailleurs.
23:33Oui,
23:33mais en fait,
23:34ce qui est intéressant,
23:35c'est que le sujet
23:37effectivement qui est
23:37le plus investi
23:38par les forces armées
23:39aujourd'hui en lien
23:40avec le changement climatique,
23:41c'est comment est-ce
23:42que ça impacte
23:43dès aujourd'hui
23:44et comment est-ce
23:45que ça va impacter
23:46nos capacités militaires,
23:48nos équipements.
23:49Et donc effectivement,
23:50on le voit,
23:50il y a plein de sujets
23:51pour la marine,
23:52liés tout à la fois
23:53à l'acidification des océans,
23:56à des changements
23:57de biodiversité.
23:58Il y a des sujets
23:59pour nos capacités aériennes
24:01parce qu'en fait,
24:02les perturbations atmosphériques
24:04et notamment la hausse
24:06de la température de l'air
24:08interfèrent avec les capacités
24:10de décollage.
24:11On a des problèmes
24:12sur tous les équipements
24:13qui utilisent des batteries.
24:16Donc comment est-ce
24:16qu'on fait fonctionner
24:17ces équipements
24:18dans des contextes
24:19de très forte chaleur ?
24:22Donc vraiment,
24:22tout ce volet-là
24:23de l'équipement,
24:24de la mobilité militaire,
24:26ça fait le sujet
24:27de travaux assez aboutis.
24:31Et puis,
24:31il y a aussi,
24:32parce qu'il ne faut pas
24:32l'oublier,
24:33le soldat.
24:34En fait,
24:34comment est-ce que
24:35le soldat gère
24:36des températures
24:38de plus en plus extrêmes,
24:39donc un contexte
24:40psychologiquement
24:41de plus en plus difficile,
24:43une exposition
24:44à de plus en plus
24:45de maladies,
24:46parce qu'avec le phénomène
24:47de tropicalisation
24:48et la diffusion
24:51de nouvelles maladies
24:53de nouvelles maladies
24:53à vecteurs ?
24:54Il y a ces enjeux-là.
24:57Donc vraiment,
24:58on a des forces armées
24:59qui aujourd'hui,
25:00sur tous les pans,
25:01sur toutes leurs composantes,
25:02en fait,
25:03sont vulnérabilisées
25:04et leurs capacités
25:06sont fragilisées
25:06par les changements climatiques.
25:08Dominique Bourg.
25:08Oui, ça je crois
25:08que c'est très important.
25:10C'est-à-dire que d'un côté,
25:11la guerre,
25:12si j'ose dire,
25:13complète,
25:14pourrait parachever
25:15les dégradations civiles,
25:17mais le climat,
25:19en rendant de toute façon
25:20de manière générale
25:20les conditions civiles
25:22très difficiles,
25:23aubert aussi
25:24la capacité
25:25à faire la guerre.
25:26Donc si on avait ça en face,
25:27on devrait se dire
25:28que c'est effectivement
25:28la dernière des choses à faire.
25:30Or, je vous l'ai dit,
25:31on n'en décidera pas forcément.
25:33Guerre et climat,
25:34c'est le thème
25:35de la Terre au Carré aujourd'hui.
25:36On attend bien sûr
25:36vos messages,
25:37vos questions
25:37pour nos invités.
25:39Juste après Florence,
25:40un de la machine,
25:40c'est Kraken.
25:41Bon après-midi avec nous.
25:42Sous-titrage Société Radio-Canada
25:46Sous-titrage Société Radio-Canada
26:50Sous-titrage Société Radio-Canada
27:50Sous-titrage Société Radio-Canada
28:20Sous-titrage Société Radio-Canada
28:50Sous-titrage Société Radio-Canada
28:51France Inter.
28:52France Inter.
28:53La Terre au Carré.
28:55La Terre au Carré.
28:56Mathieu Vidard.
28:58« 30% des Syriens vivait en dessous du seuil de pauvreté
29:02et le taux de chômage.
29:03Et le taux de chômage était compris entre 20 et 25%.
29:05Les jeunes étant six fois plus au chômage que les adultes.
29:09Enfin, toujours en 2011, une sécheresse touchait le pays depuis cinq ans.
29:13Les prix s'envolaient et 1,5 million de personnes avaient rejoint les périphéries des villes.
29:18On l'aura compris, en cette année 2011, toutes les conditions sont réunies pour une explosion sociale.
29:24Une explosion sociale qui va se transformer en guerre civile, puis en guerre confessionnelle pour finalement s'internationaliser.
29:30C'était sur Arte en 2011, le dessous des cartes avec l'exemple de la Syrie.
29:34On parle de la crise climatique et des conflits mondiaux.
29:37Cet après-midi avec Marine de Guglielmo-Weber, chercheuse au sein du département armement et économie de défense.
29:43Et le philosophe Dominique Bourg.
29:45Vous publiez Dominique Bourg avec Jean-Vincent Hollindre.
29:47« Guerre et climat », c'est aux éditions Frémeaux et Associés.
29:51Marine de Guglielmo-Weber, cet exemple de la Syrie.
29:54Le changement climatique comme multiplicateur de menaces, avec justement une dynamique qui profite aussi à des groupes armés non étatiques.
30:03Est-ce qu'il y a beaucoup d'exemples dans le monde comme ça ?
30:05Alors, beaucoup, il n'y en a pas forcément.
30:08Alors déjà, pour le cas de la Syrie, ce qui est intéressant, c'est de rappeler qu'encore une fois,
30:12ce qui a mené à la guerre civile, c'est d'abord et avant tout des défaillances d'ordre sociopolitique et économique.
30:19Bien sûr, par rapport à la question alimentaire, un déficit de politique d'atténuation et d'adaptation liée aux impacts des changements climatiques.
30:29Donc, encore une fois, le lien entre, d'une part, l'impact du changement climatique sur les productions agricoles
30:36et d'autre part, l'émergence d'une guerre civile, il est à nuancer ou en tout cas, il n'est pas direct.
30:42Après, en ce qui concerne vraiment l'instrumentalisation, on va dire, de l'insécurité alimentaire ou l'insécurité hydrique
30:51par des groupes, on va dire, terroristes, il y a quelques cas de figure, mais ils sont très peu nombreux.
30:58Le cas de figure qui est le plus étudié, c'est le cas de Boko Haram, donc dans la région du lac Tchad.
31:03Ce qui est assez intéressant, c'est que Boko Haram a pour l'habitude, notamment, d'une part, de profiter d'un contexte de forte paupérisation
31:18pour recruter en échange, on va dire, d'une certaine sécurité financière qui est de plus en plus menacée par les déséquilibres climatiques locaux
31:28et d'autre part, de monnayer l'accès à l'eau. Il y a eu même des cas de figure où Boko Haram avait délibérément empoisonné
31:35certaines sources d'eau pour les populations locales pour faire pression, vraiment, directement sur la population
31:40et donc, soit les pousser à rejoindre leur organisation, soit les intimider.
31:48Et donc ça, c'est potentiellement un phénomène qui va aller s'accroissant si les pressions sur les ressources élémentaires s'accroient.
31:57La question de la ressource en eau, par exemple, Dominique Bourg, elle est intéressante parce qu'en France aussi,
32:01des sécheresses prolongées, on voit que l'accès à l'eau est un débat éminemment important aujourd'hui.
32:07Est-ce que notre pays pourrait connaître aussi de très fortes tensions, voire des conflits entre populations liés précisément à cette ressource ?
32:15Alors, de manière générale, le dérèglement climatique, c'est la voie close jusqu'à la perron, c'est-à-dire que vous avez plus d'évaporation,
32:20il y a plus d'eau, mais beaucoup plus mal répartie, donc avec des pluies karchères, c'est-à-dire au moins 100 mm à l'heure.
32:28On a vu ça à Valence en novembre dernier, c'était 762 mm en quelques heures, ça déstructure.
32:33Alors là, les voitures arrivaient au bas de la ville, mais...
32:36Mais c'est aussi des effets du réchauffement climatique.
32:37Oui, alors ça, c'est la loi que vous disiez que la perron, c'est ça.
32:40L'élévation de la température d'un degré, c'est 7% d'humidité relative de l'air en plus.
32:45Et en même temps, comme c'est très très mal réparti, ça s'accompagne d'un devenir aride.
32:50On s'attend à ce que 41% des terres habitables soient dans un avenir proche, aride.
32:55Et notamment, tout ce qui est la rive nord de la Méditerranée va être extrêmement affecté, ça, et donc effectivement aussi la France.
33:02Et on voit très bien ces dernières années qu'on a un régime des pluies en France qui a notamment changé.
33:06Donc, des tensions sur cette ressource en France, oui, c'est tout à fait possible.
33:10Et d'ailleurs, les méga-baciles sont faites pour ça.
33:12Elles sont faites pour réserver l'eau à une petite minorité, notamment de producteurs de maïs.
33:17Sauf que Marine de Gouguil-Movemberg nous disait tout à l'heure, ça n'engendre pas forcément non plus des conflits.
33:22Ça dépend comment c'est géré, évidemment.
33:24La pénurie d'eau, beaucoup de peuples ont su la gérer depuis des millénaires.
33:27C'est ce que je vous ai dit.
33:29C'est-à-dire qu'encore une fois, il n'y a aucune causalité mécanique.
33:32Donc, ça va dépendre de l'attitude des gens.
33:36Et plus vous avez en face des gens qui sont pronds à collaborer, qui font preuve d'intelligence et d'empathie,
33:42moins les difficultés débouchent sur des conflits violents.
33:46Mais quand elles débouchent sur des conflits violents, il n'y a pas de gagnants au bout du compte.
33:49Marine de Gouguil-Movemberg.
33:50Oui, et justement, l'exemple des mégapassines est vraiment très éclairant.
33:56Parce qu'en fait, ce qui produit du conflit, ce n'est pas tant la réréfaction de la ressource
34:00que la stratégie d'accaparement de la ressource par certains acteurs.
34:05Et en fait, on pourrait dire même qu'il y a deux grands types de causes qui mènent à un conflit pour la ressource.
34:12Il y a d'une part les stratégies d'accaparement, qui forcément mènent à une dynamique compétitive.
34:18Mais d'autre part, aussi des stratégies d'instrumentalisation des questions de ressources
34:23pour légitimer des conflits qui sont de toute autre nature.
34:27Donc, je pense typiquement aux stratégies d'hydrohégémonie chinoise
34:32pour alimenter, encore une fois, un conflit avec l'Inde, fondé sur de tout autre motif.
34:42Donc, vraiment, il y a ces deux cas de figure qu'il faut garder en tête.
34:45Mais la cause initiale, ce n'est pas la pénurie.
34:48C'est vraiment ce que les acteurs politiques en font.
34:51Est-ce que les points de basculement climatique, Dominique Bourg,
34:54sont en train de remodeler considérablement, précisément, les équilibres géopolitiques de la planète aujourd'hui ?
35:00Certainement. En faisant disparaître les territoires, on ne peut pas s'attendre à moins.
35:05Et n'oubliez pas que là, on est très proche des 1,5 degrés le plus que les températures...
35:10Enfin, la référence 1850-1900.
35:12L'an dernier, on a même eu presque 1,6 degrés.
35:15On sera dans 2-3 ans sur une moyenne sur 10 ans d'1,5 degrés.
35:18Quand on passe d'1,5 degrés à 2 degrés,
35:21d'une part, les événements extrêmes dont nous sommes partis au début de l'émission
35:24vont voir leur intensité et leur violence doubler.
35:28Et par ailleurs, effectivement, il y a tout un tas d'air sur terre.
35:30Et ça développe le problème de la chaleur humide.
35:33Et donc, il y a tout un tas d'air géographique immense sur terre
35:36dont l'habitabilité va être vraiment terriblement affectée.
35:39Donc, penser qu'il n'y aura pas de conséquences géopolitiques
35:42d'un tel champ de mouvements, ça ne serait pas très sérieux.
35:44Tout ça, ça veut dire que ça joue, Marine de Guglielmo-Weber,
35:47sur la technologie, la finance, la sécurité alimentaire,
35:50l'énergie, les déplacements de population.
35:53Donc, ce sont différentes façons d'être exposées directement, précisément, à ces changements.
35:57Oui, complètement. Et d'ailleurs, vous parlez des déplacements de population.
36:02Là aussi, c'est intéressant pour revenir à notre question, finalement, de cadrage sécuritaire.
36:07Nos déplacements de population climatique, aujourd'hui, alors, depuis Cancun, depuis 2010,
36:12on considère que le déplacement, c'est une stratégie d'adaptation.
36:15C'est-à-dire que c'est quelque chose que la population peut faire,
36:17à la fois pour assurer sa propre survie face au changement climatique,
36:21mais aussi pour contribuer à l'adaptation du territoire d'origine.
36:24Parce que, si on réduit la pression démographique, on va aussi favoriser les stratégies locales.
36:30Donc, on a ce cadrage-là qui est issu des discussions internationales sur le climat.
36:37Cependant, aujourd'hui, notre cadrage dominant en Europe par rapport aux déplacements en contexte climatique,
36:42c'est un cadrage sécuritaire, encore une fois, avec l'idée d'une menace,
36:46et notamment le fantasme de migrations massives qui ne sont pas du tout fondées, en fait, sur une littérature académique réelle.
36:54Dominique Bourg, avant de passer aux questions des auditeurs et auditrices,
36:56ce terme de migration climatique, on entend maintenant dans la bouche de politiciens français,
37:01je pense à Gabriel Attal, qui l'a employé.
37:03Qu'est-ce que ça dit aussi, ça, ce spectre de la migration climatique ?
37:06Se servir, finalement, du climat aussi ?
37:08Oui, alors là, franchement, c'est se servir du climat à des fins sécuritaires, en fait, politiciennes.
37:14Déjà, les migrations climatiques, beaucoup de migrations vont se faire à l'intérieur des continents.
37:19Il y a une population très pauvre qui va sans doute,
37:23il y a probablement des gens qui se laisseront mourir, qui ne migreront pas.
37:28Donc, c'est un jeu assez, assez complexe,
37:30mais d'imaginer qu'il y a je ne sais pas combien de millions qui vont déferler sur la rive nord de la Méditerranée,
37:37et ça relève du fantasme.
37:40Allez, on passe aux questions.
37:45Avec ce premier message d'Alan, qui nous écrit ceci,
37:48« Je suis un ancien paracommando, et je crois qu'on a le temps, dit-il, de préparer la paix.
37:53Comment peut-on défendre le vivant tout en défendant la guerre ? »
37:57Est-ce que vous voulez commenter ce message ?
37:59Préparer la paix, c'est pas mal, ça ?
38:02C'est intéressant de savoir que c'est un commando.
38:05Il faut savoir que la guerre tout court ne fera jamais qu'accentuer la guerre qu'on mène contre la nature.
38:11Donc, éviter la guerre de façon générale, c'est la meilleure des choses qu'on doit faire.
38:16Le problème, comme je vous l'ai dit, c'est qu'on n'en décide pas seul.
38:19Ça se décide à deux.
38:21Et donc, vous avez aujourd'hui une situation où on a une Europe qui est coincée entre deux forces politiques
38:28qui mettent en avant la guerre.
38:31Et quand Trump met en avant la paix, c'est d'une façon telle que c'est franchement plutôt guerrier.
38:36Donc, on peut espérer que le genre humain n'ira pas à cette extrémité.
38:41Mais il est clair qu'à la fois, on est bien contraint d'organiser sa défense et de se défendre.
38:46Et d'autre part, il n'y a aucune illusion à avoir sur le fait que la guerre anticipe les malheurs futurs de l'humanité.
38:53Marine de Gauglier, Mauvébert, défendre le vivant tout en défendant la guerre, dit Alain dans ce message.
38:58Je pense que ce qui est intéressant aussi, c'est peut-être de décentrer notre regard de la guerre purement conventionnelle
39:03et de garder en tête le fait que ça fait maintenant quelques années qu'on est déjà dans une guerre hybride avec la Russie
39:11avec des cyberattaques très fréquentes, avec une guerre informationnelle très forte
39:18et notamment une volonté très marquée de semer le désordre en interne au sein de notre population.
39:26Et donc il faut bien garder en compte le fait que notre résilience ne passe pas seulement par la défense conventionnelle
39:33mais aussi par un travail sur la cohésion interne.
39:37Et ça, ça passe aussi par la préservation de notre environnement commun.
39:40Charles nous dit en parallèle des génocides en Palestine ou au Congo,
39:43pourquoi ne parle-t-on pas d'écocide sur les champs d'Olivier ou dans les mines de métaux, Dominique Bourg ?
39:48L'écocide, c'est un vrai sujet juridique. Il y a une vraie progression.
39:52La CPI a admis qu'elle devait intégrer les questions environnementales.
39:57Alors il y a plusieurs manières d'entendre l'écocide,
40:00mais ça reste une arme juridique à développer qui est extrêmement importante.
40:05Alors cela dit, ce qui se passe avec les effets du consumérisme et des menaces de guerre de l'autre côté,
40:13c'est quand même une espèce d'écocide générale.
40:15Patrice nous dit, l'ONU pourrait avoir une forme d'intervention pour empêcher des conflits liés au dérèglement climatique,
40:21notamment sur l'accès à l'eau en faisant des propositions constructives.
40:24Qu'en pensez-vous, Marine de Guglielmo-Weber ?
40:26Alors effectivement, c'est une perspective intéressante.
40:29Le risque, quand on prend les choses à l'échelle globale, internationale,
40:32c'est assez vite de se retrouver dans une forme d'inertie,
40:34qu'on connaît bien maintenant les COP défilants d'année en année.
40:39Et en fait, peut-être qu'un outil intéressant, et d'ailleurs c'est un outil qui est déployé,
40:43mais peut-être pas assez fortement,
40:46c'est tout simplement les démarches d'hydrodiplomatie à l'échelle très locale ou régionale,
40:51avec des coopérations autour de la gestion des bassins transfrontaliers.
40:56Et peut-être qu'encourager plus généralement des coopérations à l'échelle régionale
41:00pourrait en partie secouer un peu l'inertie internationale.
41:05L'hydrodiplomatie, on découvre ce mot.
41:07C'est intéressant. Je dirais qu'il faut que les COP, notamment les COP climat,
41:10c'est un frein à la folie climatique.
41:13Heureusement qu'elles sont là.
41:14Pour ceux qui critiquent et qui doutent de leur intérêt.
41:16Mais voilà, même si on est loin du compte.
41:18En revanche, si on regarde la COP, je crois que c'était la COP 15 sur la biodiversité,
41:21Kulming, Montréal, il y avait quand même l'affirmation
41:23selon laquelle on devait réserver 30% des territoires
41:27à une protection forte de la nature et des écosystèmes.
41:31Et ça, ça serait notre garantie de survie.
41:34Mais vous imaginez à quel point on en est loin.
41:36En France, c'est 0,6% du territoire qui est sous protection forte.
41:40En Allemagne, c'est déjà 2%.
41:41Mais c'est sans doute le pays où c'est la part la plus importante.
41:44Merci beaucoup à tous les deux.
41:45Dominique Bourge renvoie sur cet ouvrage que vous publiez
41:47avec Jean-Vincent Hollindre qui s'appelle
41:49« Guerre et climat ».
41:50Tout simplement, c'est aux éditions Frémeaux et Associés.
41:53Merci à tous les deux d'être venus à ce micro.
41:55Merci à Lucie Lejour de Moali qui a préparé ce dossier.
41:57Loïc Frapsos à la technique.
41:58Gaspard Guy Bourget à la vidéo.
42:01Lucie Sarfati pour la coordination de cette émission.
42:04Bonjour Stéphanie Duncan, à demain.
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