- il y a 1 jour
De plus en plus de chercheurs, ingénieurs, cadres et étudiants des grandes écoles choisissent de quitter des carrières toutes tracées pour refuser de servir un système destructeur.
Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre
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00:00Musique
00:00Aujourd'hui, un appel à la désertion raconté par...
00:21Jeanne Mermet, ingénieure déserteuse, autrice et activiste.
00:24France Inter, la terre au carré.
00:30Mathieu Vida.
00:31J'ai voulu écrire comme on dégueule, comme parfois c'est le chaos dans ma tête et dans mon corps.
00:36Mais ça ne marche pas toujours comme ça.
00:38Il y a l'intellect, il y a la pensée, il y a les autres pensées, il y a le choix des mots.
00:43Il y a ce sentiment d'avoir à se justifier, d'être là à vous parler.
00:46Il y a ce besoin d'être approuvé, légitimé et l'envie de tout faire péter.
00:51L'envie d'écrire comme je parle, comme je m'enflamme, quand je m'embarque dans un pamphlet acide et caustique.
00:56Sauf que là, il y a un écran et ces mots à mettre les uns après les autres en émotion, en image et en réflexion, dans un ensemble cohérent, enivrant.
01:05Si seulement.
01:06Je veux vous parler de désertion, je veux vous parler de travail, je veux vous parler de classe sociale, je veux vous parler de pouvoir, je veux vous parler de choix,
01:15je veux parler de guerre, celle que je veux déserter, mais qui est là, où que je sois, et de celle sur les corps, celle qui les assigne à une place et qui les frappe, s'ils en dévient.
01:25Je veux parler d'injustice, de certaines que je vois, mais ne vis pas.
01:28Je veux parler de privilèges et de subversion, d'oppression et de résistance, de révolution.
01:34Et je suis qui pour parler de tout ça ?
01:36Le fruit de fils, de liens, de réseaux, une succession de rencontres, de discussions, de réflexions.
01:42Un jour, j'ai décidé de ne pas travailler, ou plutôt de faire exactement l'inverse de ce à quoi j'ai été formé, sans cadre professionnel.
01:50Parce que je fais partie de ces personnes qui ont le choix.
01:52Alors je me suis engagé dans plein de trucs, de groupes, de collectifs, d'activisme.
01:57Et j'ai fini par croiser le chemin de gens qui travaillent dans des maisons d'édition.
02:01Et qui se sont dit, tiens, ça serait bien de sortir un livre sur ce qu'il se passe là, la désertion des jeunes ingénieurs qui ne veulent plus participer.
02:10Il se passe quelque chose, non ?
02:12C'est certainement pas les seuls qui se sont dit ça, mais moi j'étais là, et puis j'ai dit oui.
02:15J'en suis de ces mouvements, et puis j'ai quelques trucs à dire, tout en me demandant à quoi ça sert d'écrire un livre.
02:27Bonjour Jeanne Mermet.
02:29Bonjour.
02:29Ces lignes sont extraites de l'introduction de votre livre « Désertons » publié au Lien qui libère et chez Wild Project.
02:36Est-ce que ça vous a servi d'écrire un livre, in fine ?
02:40La grande question.
02:41Est-ce que ça m'a servi ? Je pense que j'ai toujours vu cet exercice, un livre comme un outil.
02:50Un outil, oui c'est évidemment un outil pour expliquer sa pensée, pour diffuser des idées.
02:57Mais moi je vois ce livre comme un outil pour s'organiser, pour venir parler avec plein de gens différents, pour venir se poser des questions.
03:05Donc voilà, c'est pour ça que je parle, que je me pose la question à quoi ça sert, parce que je me suis posé cette question dès le départ.
03:13Voilà, donc pour moi c'est plutôt comme un outil, oui.
03:16C'est un manuel de combat carrément, cet ouvrage ?
03:18Ça pourrait.
03:19Parce qu'on parle de guerre, on va en parler avec vous dans un instant.
03:22Ancienne élève de l'école polytechnique et de l'université technique du Danemark, vous auriez pu suivre une voie royale dans l'ingénierie énergétique.
03:29Mais en 2019, vous avez quitté ce monde que vous avez jugé complice justement d'une guerre menée contre le vivant.
03:37Pourquoi d'abord cette volonté de vous situer socialement au début de votre livre, avant même de parler de désertion ?
03:43Alors pour moi c'était vraiment primordial de faire cet exercice-là, de se situer.
03:48Et donc j'ai voulu le faire d'une manière un peu assez, on va dire, personnelle dans ce premier chapitre qui est sorti un peu comme ça, de manière assez fleuve et vive.
04:01Pourquoi c'est important de se situer ?
04:02Parce qu'il y a quand même un message dans mon livre qui est celui de comprendre les différentes classes sociales,
04:10de comprendre les différents systèmes d'oppression, de domination dans lesquels on évolue, dans lesquels notre société est construite.
04:19Et pour moi il est important de se situer pour justement voir dans nos actions quelles actions vont pouvoir vraiment provoquer du changement
04:28ou est-ce que des actions parfois vont pouvoir finalement maintenir le statut quo ?
04:33Parce que quand on ne voit pas justement ces classes, ces systèmes, on va peut-être se penser à agir pour l'intérêt général
04:40et finalement on va se retrouver à agir pour l'intérêt d'une certaine classe.
04:44Et c'est quoi votre milieu alors pour bien le comprendre et bien le servir ?
04:48Moi je viens d'un milieu, j'ai grandi dans un milieu aisé, de classe moyenne ou supérieure on va dire,
04:53avec un père ingénieur et une mère psychologue.
04:55J'ai jamais eu à me soucier de la sécurité financière de ma famille, j'ai eu accès à des activités culturelles, sportives.
05:07Voilà, donc c'est tous ces privilèges-là dont j'ai bénéficié, j'ai pu me rendre compte,
05:14mais a posteriori que c'était des privilèges parce que souvent quand on bénéficie de privilèges
05:18ou quand on va dire qu'on est du côté plus des dominations, on ne se rend pas forcément compte de ces positions.
05:25Et on ne déserte pas de la même manière.
05:28Voilà c'est ça, et on n'a pas les mêmes choix qui nous sont accessibles.
05:32Et c'est pour ça que j'ai voulu donc écrire dans ce livre, essayer de creuser, je me suis posé cette question-là,
05:37mais quelle est ma classe, suis-je bourgeoise ou suis-je prolétaire ?
05:40Est-ce qu'il n'y a que ces deux grands blocs dans la société de classe ?
05:43Est-ce que ce n'est pas beaucoup plus compliqué que ça ?
05:45Est-ce qu'il n'y a pas toutes les questions de genre, de racisme, de classe qui s'entremêlent ?
05:51Comment on fait pour comprendre d'où on est issu, de quoi on est issu ?
05:54Donc c'est pour ça que j'ai voulu creuser un peu aussi l'histoire de ma famille en faisant ce dialogue avec ma grand-mère.
05:59On parlera de votre grand-mère tout à l'heure.
06:02Durant vos études, à quel moment, Jeanne Mermet, la crise écologique a cessé finalement d'être une sorte d'abstraction
06:10pour devenir pour vous en tout cas un vrai conflit intérieur ?
06:13Alors ça s'est passé plutôt à la toute fin de mes études.
06:17C'est la dernière année de mes études où j'étais au Danemark, dans un master spécialisé sur les énergies renouvelables
06:26et notamment la gestion et le développement des réseaux électriques pour la transition énergétique.
06:32Alors avant ça, la crise écologique était présente et c'est pour ça que je me suis orientée vers les énergies renouvelables
06:38mais c'était dans une réflexion assez superficielle, on va dire, qui était celle assez facile et techniciste de se dire
06:46il y a un problème de réchauffement climatique, ce problème il est causé par les émissions carbone
06:50donc il faut faire des énergies décarbonées, donc faisons des énergies renouvelables.
06:55Voilà, c'était un peu plutôt...
06:56Et on a trouvé la solution au problème.
06:58Ça s'arrêtait un peu là et donc je suis allée au Danemark pour me spécialiser là-dedans
07:03et durant cette dernière année d'études j'ai pu en même temps m'investir dans des groupes d'activisme climatique au Danemark
07:11et donc aussi me former à ces enjeux-là en dehors de mes études
07:17et donc mettre un peu en relief ce que j'apprenais, la manière dont on a de solutionner entre guillemets ce problème climatique
07:23et de le problématiser déjà puis de vouloir le solutionner, les problèmes climatiques
07:28et la manière dont je comprenais qu'il y avait quand même tout un tas de choses que je n'avais pas appris au cours de mes études.
07:35C'est une petite dissonance qui a commencé à émerger à ce moment-là ?
07:38C'est ça.
07:39C'est ça cette dissonance, elle a commencé à grandir parce que du coup je modélisais les solutions,
07:45c'est-à-dire rajouter des énergies renouvelables et différentes technologies sur le réseau électrique
07:51pour permettre l'intégration massive d'énergie décarbonée sur ce réseau.
07:56Et en même temps j'apprenais que ces énergies décarbonées, elles impliquent d'utiliser une quantité énorme de minerais, de métaux
08:06et dont les conditions d'extraction se font de manière absolument pas écologique
08:11et même avec des désastres, des dégâts humains considérables.
08:15Donc là vous réalisez que finalement cet extractivisme ne sera jamais en tout cas la solution écologique et sociale ?
08:23Voilà, et donc je réalise qu'on est déjà dans un monde basé sur l'extractivisme
08:28et que cette transition énergétique que je modélise, elle va devoir encore plus renforcer ces dépendances-là
08:33et que la manière dont c'est organisé c'est par l'accaparement des ressources,
08:38par un système global, économique et colonial d'approvisionnement de matières premières.
08:46Et donc voilà, pour moi à ce moment-là on ne remet pas du tout en question ça dans ce que je modélise, dans mes études.
08:51Donc j'étais aussi assistante de recherche en même temps, je travaillais dans le labo où je faisais mon projet de fin d'études.
08:59Et donc c'est à ce moment-là que j'essayais moi un peu de problématiser ça,
09:04mais j'avais beaucoup de mal parce que c'est un peu des gros tabous, on se convainc que c'est ça les solutions.
09:10Mais on a vraiment du mal à aller chercher vraiment quels sont les prérequis socio-économiques
09:15pour l'implémentation de cette transition, de l'apport de nouvelles technologies, etc.
09:21Donc voilà, là j'ai eu besoin de faire une coupure pour pouvoir vraiment prendre du recul par rapport à tout ça
09:27et comprendre mieux de quoi il en retourne.
09:30On est en quelle année là précisément ?
09:31À ce moment-là, on est en 2018-2019, donc la dernière année, oui c'est ça.
09:37Et avant votre propre désertion, un événement, enfin après votre propre désertion,
09:43un événement a marqué toute une génération d'ingénieurs, celui du discours des agros qui bifurquent.
09:47Là on est en 2022 et on va écouter un extrait.
09:50Les diplômés de 2022 sont aujourd'hui réunis une dernière fois après 3 ou 4 années à Agro-ParisTech.
09:56Et nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d'être fiers et méritantes d'obtenir ce diplôme
10:00à l'issue d'une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours.
10:04Nous ne nous considérons pas comme les talents d'une planète soutenable.
10:08Nous ne croyons ni au développement durable, ni à la croissance verte, ni à la transition écologique,
10:13une expression qui sous-entend que la société pourra devenir soutenable
10:17sans qu'on se débarrasse de l'ordre social dominant.
10:19Ne perdons pas notre temps.
10:21Et surtout, ne laissons pas filer cette énergie qui boue quelque part en nous.
10:24Désertons avant d'être coincés par des obligations financières.
10:27Voilà 2022, ces agros qui bifurquent.
10:30Vous vous parlez de désertion, on parle de bifurcation.
10:32Est-ce qu'on parle de la même chose, a priori, ou pas ?
10:34Alors, ça, pas forcément.
10:37D'ailleurs, ils parlent quand même de désertion.
10:40En fait, je me rappelle à ce moment-là,
10:44moi j'avais déjà un peu rencontré des gens avec qui on a commencé à s'organiser sur ces questions-là.
10:48En fait, on s'est rencontrés dans les luttes, dans des camps militants, antinucléaires,
10:52un peu à droite à gauche, les luttes écologistes et sociales.
10:55Et donc, on a commencé à se poser ces questions.
10:58Tiens, c'est marrant, on a fait ces études scientifiques ou d'ingénieurs.
11:02Et là, on remet un peu ça en question.
11:04Et on se retrouve un peu dans le camp opposé, on va dire, au projet qu'on aurait pu mener dans notre métier.
11:10Et voilà, donc on a voulu un peu réfléchir à cette question-là.
11:14C'est quoi le rôle des ingénieurs ?
11:16Qu'est-ce que ces métiers font, en fait, au-delà de l'image qu'on en a,
11:20un peu de bienfaiteurs et d'apporteurs du progrès social ?
11:24Mais quand ces jeunes-là font ces discours, qui ont été très médiatisés à l'époque,
11:27on avait vraiment l'impression de voir un mouvement apparaître.
11:30Vous, vous ressentez quoi, en fait, jeunes mères-mères, quand on l'a ?
11:33À ce moment-là, nous, c'est vrai que ça a été étonnant,
11:38ce buzz, en fait, qu'il y a eu à la suite de ce discours.
11:42Je pense que, moi, j'ai trouvé leur discours rafraîchissant par leur radicalité,
11:48parce qu'il y a eu d'autres discours avant.
11:51Il y en a eu quelques-uns dans les années qui ont précédé,
11:53qui peut-être étaient un peu plus consensuels,
11:55qui disaient moins les gros mots, voilà, croissance verte, ordre social dominant.
11:59C'est fort quand même pour des gens qui sont justement formés à maintenir cet ordre social dominant.
12:05Voilà, donc c'est peut-être dans la radicalité et dans le...
12:08se placer, encore une fois, la question de se situer
12:11et se placer au centre de cette critique qui a fait que ça a suscité tant de réactions.
12:17Donc, ouais, voilà, il y a la bifurcation.
12:19Donc, il y avait un peu, justement, ces tensions entre le mot « déserté »
12:23qui, pour nous, signifiait peut-être un refus plus politique
12:27de vraiment se détacher de ce rôle de complice.
12:30Il y a « bifurqué » qui est peut-être un peu plus...
12:33Bon, ben, on compose, on change de métier, on change de parcours,
12:36on essaye d'aller voir d'autres sélecteurs, je ne sais pas, il y a un peu...
12:39On peut essayer de, justement, définir un peu mieux ces termes.
12:42Mais « déserté », ça renvoie à la guerre.
12:45Voilà, c'est ça.
12:46C'était vraiment, et c'est intéressant, on va pouvoir en reparler,
12:49mais justement de cette question de la guerre,
12:50parce que c'était vraiment, je pense, pour cette portée politique forte
12:54qu'on a utilisé ce mot et de dire « on refuse la guerre aux vivants ».
12:58Et donc, moi, en écrivant ce livre, j'ai voulu essayer de comprendre
13:01« alors, quelle est cette guerre ? Qu'est-ce qu'on déserte ? »
13:04Ou « après, qu'est-ce qu'on veut déserter ? »
13:07Pourquoi on parle de « guerre aux vivants » comme si c'était une métaphore,
13:10alors qu'en fait, en travaillant sur cette question-là,
13:12je me suis rendu compte que « guerre aux vivants » et « guerre militaire »,
13:15en fait, c'est la même chose.
13:17Et notamment sur la question de transition énergétique et d'extractivisme.
13:21Donc la guerre, c'est quand même un peu la condition et la cause
13:23de la guerre aux vivants et des destructions écologiques.
13:27On va en parler avec vous dans un instant.
13:29Une fois le geste posé, il reste à comprendre ce que l'on quitte vraiment,
13:32ce qui a été aussi votre cas.
13:33On va voir que la désertion suppose aussi d'interroger pas mal de choses autour de soi.
13:38On en parle avec vous, Jeanne Mermet, dans un instant.
13:40Et puis vous réagirez également aux messages et aux réactions
13:43de nos amis auditeurs et auditrices qui nous rejoignent
13:45sur la page de l'Atérocarré, sur franceinter.fr,
13:47sur nos réseaux sociaux,
13:49avec vos notes vocales sur l'application Radio France.
13:51Louise, tu connais, tu ne connais pas, la voie ferrée, les soeurs d'Enamara,
14:10les histoires de ma cousine, la foire aux chiens,
14:20la T813, la piscine de Louise, tu ne connais rien.
14:24Louise, tu connais, tu ne connais pas,
14:46les volets fermés, les lettres d'Anna,
14:55la lenteur de ma grand-mère, dans les escaliers,
15:03le Tarn et Garonne, la lumière.
15:05Louise, tu ne connais pas l'été.
15:08Louise, tu connais,
15:29à chaque fois,
15:33je suis étonné,
15:34que tu ne connaisses pas.
15:40Le cimetière de Bretonnel,
15:43pourtant t'étais là,
15:47tu as chanté
15:48Livre d'Hôtel,
15:51tout un été comme ça,
15:53tout un été comme ça.
15:59Tout un été comme ça.
16:04C'est une déclaration d'amour à Madonna,
16:25à Tchicone, c'était Vincent Delerme.
16:27Je pourrais préciser que la raison
16:37pour laquelle au début j'ai interrompu mon activité
16:39de recherche, c'était parce que je me rendais compte
16:42qu'il y avait des choses,
16:43des problèmes si urgents à résoudre
16:45concernant la crise de survie
16:47que ça me semblait de la folie
16:49de gaspiller des forces
16:52à faire de la recherche scientifique.
16:53La voix du mathématicien Alexandre Grotendik,
16:57auquel on a consacré d'ailleurs une émission
16:59la semaine dernière,
17:00c'était lors d'une conférence en janvier 72
17:02au CERN de Genève.
17:04Jeanne Mermet,
17:05vous qui êtes notre invitée
17:06avec cet ouvrage
17:07« Désertons »
17:08publié au lien Kilibert et Wild Project,
17:11est-ce que vous vous sentez une héritière
17:13de Grotendik ?
17:15On pourrait, oui, je pourrais.
17:17C'est quand même intéressant
17:20de rappeler que même si ce mot
17:23« désertion »,
17:24la désertion a fait beaucoup de bruit
17:25de manière très récente,
17:27c'est quand même un héritage,
17:30on est quand même, je pense,
17:31un héritage d'un mouvement
17:32qui est assez ancien
17:33et puis des soldats qui refusaient
17:35d'aller à la guerre,
17:36il y en a toujours eu.
17:38Mais concernant la science
17:40et justement cette question
17:41de politiser la science
17:43et de sortir un peu
17:45de cette prétendue neutralité,
17:47ce n'est pas nouveau.
17:48Et c'est vrai qu'Alexandre Grotendik
17:49l'a bien dit,
17:51qu'une technologie soit une menace
17:54à la survie de la planète
17:56et de l'humanité,
17:57c'est une situation qui est de règle,
17:59ce n'est pas une exception.
18:01Et voilà, aujourd'hui,
18:02c'est un peu tout l'enjeu
18:03de se dire comment déserter
18:06dans le sens de ne pas nuire,
18:10refuser de nuire,
18:10refuser de fabriquer des violences.
18:12Pour moi, cette déserté,
18:13ce n'est pas juste partir,
18:15c'est une question
18:16qui devrait se poser collectivement
18:19à partir de la science,
18:21à partir de la recherche,
18:22dans les universités,
18:23dans les industries,
18:25de comment on peut s'organiser
18:27pour refuser de fabriquer
18:28ces violences.
18:28Mais d'abord,
18:30il faut les visibiliser.
18:31Le problème, aujourd'hui,
18:33avec la fabrique de la guerre,
18:34c'est qu'elle est invisible
18:35et elle se déguise,
18:36souvent derrière d'autres applications,
18:38civiles, plutôt à valeur sociale
18:40ou écologique.
18:41Et donc, il y a un réel enjeu
18:44à venir lever le voile
18:46sur la fabrique de la guerre
18:47et la participation de la science
18:49et des techniques
18:49à la fabrication de violences
18:51écologiques, sociales et d'armes.
18:54Cette action, justement,
18:55de désertion,
18:56Jeanne Mermet,
18:57est-ce que quand vous regardez
18:58votre propre parcours,
18:59quand vous revenez là-dessus,
19:01est-ce que vous avez le sentiment
19:02que ça a été facile à faire ?
19:03Est-ce qu'il y a eu vraiment
19:04un déclic
19:04et vous ne vous êtes posé
19:06aucune question ?
19:07Ou est-ce qu'au contraire,
19:08le processus a été
19:09plutôt assez long ?
19:11J'ai l'impression
19:12qu'il a été facile
19:14sur le moment
19:15et qu'il devient
19:16un peu de plus en plus difficile.
19:18Aujourd'hui ?
19:19On peut dire ça.
19:20C'est vrai ?
19:20Je pense que sur le moment,
19:23j'étais très certaine
19:25d'avoir besoin
19:26de cette rupture
19:27assez radicale.
19:28Et là,
19:28c'est ma propre expérience.
19:30Évidemment,
19:30tout le monde va avoir
19:31différentes contraintes
19:33et différents parcours
19:34et différents chemins.
19:36C'est des cheminements
19:36personnels aussi
19:37qui se font.
19:38se politiser,
19:40découvrir des choses,
19:40se déconstruire,
19:41comprendre le monde,
19:42ça ne se fait pas
19:43comme ça,
19:43en claquant des doigts.
19:45C'est sûr.
19:45Donc moi,
19:46à ce moment-là,
19:46j'avais l'impression
19:47de ne plus rien comprendre.
19:49Donc il fallait vraiment
19:49que j'aille ailleurs
19:50pour vraiment
19:52m'ouvrir à d'autres mondes,
19:54comprendre les choses
19:55d'un autre point de vue,
19:56etc.
19:57Pourquoi vous dites
19:57que c'est plus difficile aujourd'hui ?
19:59Parce que,
19:59comme je le dis,
20:01je les vois qu'à un moment
20:02dans le livre,
20:03c'est marrant d'avoir un peu...
20:04Donc j'ai voulu quitter
20:05une dissonance
20:06qui était celle
20:07d'exercer un métier
20:09qui allait à l'encontre
20:09de ce que je pense nécessaire
20:12de faire aujourd'hui
20:12dans le monde.
20:13Et donc plus j'essaye...
20:15Je n'ai pas déserté
20:16complètement les thématiques
20:17de l'énergie,
20:18de la guerre,
20:19etc.
20:20Et plus j'essaye
20:20de comprendre...
20:22Moi,
20:22je me suis tournée un peu,
20:23j'ai fait un peu
20:24mes recherches personnelles
20:25sur les sciences
20:27des systèmes complexes,
20:28pourquoi on est
20:28dans une trajectoire
20:29qui a l'air lancée
20:30à toute vitesse
20:31et impossible,
20:33de laquelle il est très dur
20:34de dévier,
20:35de sortir
20:35de la trajectoire sociétale.
20:37Et donc j'ai l'impression
20:39que parfois,
20:40plus on va essayer
20:40de comprendre,
20:41plus on va se rendre compte
20:42que c'est dur quand même.
20:44Et on est dans des verrous
20:46et dans des niveaux
20:49de violence
20:49quand même
20:50assez énormes
20:52aujourd'hui dans le monde
20:52et on en dépend.
20:54Et c'est là
20:54que c'est de plus...
20:55Ça peut être difficile
20:56de savoir
20:57où se mettre,
20:58à quoi je peux moi
20:59aujourd'hui apporter
21:00mes connaissances,
21:02mes compétences,
21:03mon énergie.
21:04c'est là
21:05que c'est peut-être
21:05un peu dur
21:06et peut-être
21:06que ce parcours
21:08il est intéressant
21:11mais en même temps
21:12compliqué
21:12parce que
21:13à partir de
21:14ce gros pas de côté,
21:17maintenant je cherche
21:19à me mettre
21:20là où...
21:21Mais en même temps,
21:22il faut le redire,
21:23c'est aussi une chance,
21:24c'est en même temps
21:25compliqué
21:25mais en même temps
21:25une chance
21:26et un privilège
21:28cette possibilité
21:30d'explorer
21:31d'avoir pu dévier
21:34à un moment
21:34de cette trajectoire
21:35et aujourd'hui
21:36maintenant
21:36c'est comment
21:37je repolise
21:39comment je trouve
21:42où être
21:44voilà
21:45où se mettre
21:46tout simplement
21:46Mais de la difficulté
21:48de quitter
21:48ce que vous disiez
21:49tout à l'heure
21:49la voie royale
21:50celle vraiment
21:51qui était prédéfinie
21:52pour vous
21:52en tant qu'ingénieur
21:53et de reconstruire
21:54à côté quelque chose
21:55qui vous donne aussi
21:57du sens à vous
21:58j'imagine
21:58Oui, il y a toujours
22:00cette histoire de sens
22:01mais voilà
22:02en même temps
22:02je pense que
22:05cette question du sens
22:06que ce soit du travail
22:08ou de la place
22:10juste la place
22:11qu'on a dans la société
22:12qui est quand même
22:12principalement aujourd'hui
22:14pour la plupart des gens
22:15déterminés par le travail
22:16qu'on va exercer
22:16elle se pose
22:17à tous les endroits
22:18et je pense que
22:19à partir de ce
22:20mouvement de désertion
22:22en tout cas
22:22on va dire d'abord
22:23phénomène de
22:24personnes issues
22:25de grandes écoles
22:25qui décident de déserter
22:27de quitter leur métier
22:27je pense que c'est
22:28aussi l'occasion
22:29et c'est ce que
22:29j'ai voulu faire
22:30en terminant ce livre
22:31avec le travail
22:32comme champ de bataille
22:32c'est aussi l'occasion
22:33de dire
22:34mais quel est le sens
22:35du travail
22:36aujourd'hui en général
22:37combien de personnes
22:38peuvent prétendre
22:39trouver du sens
22:41à ce qu'elles font
22:43toute la journée
22:44et ne pas en plus
22:46en subir de préjudices
22:47qu'ils soient physiques
22:48ou moraux
22:49voilà
22:50c'est peut-être
22:50la question aujourd'hui
22:51qu'il faut se poser
22:52à l'échelle de la société
22:53pourquoi on travaille
22:54à quoi ça sert
22:55et à quoi on aimerait
22:56mettre notre temps
22:58en général
22:58Jeanne Mermet
22:59pourquoi vous avez choisi
23:00d'adresser ce livre
23:01à votre grand-mère ?
23:03qu'est-ce qu'elle faisait
23:04votre grand-mère ?
23:05ma grand-mère était
23:05institutrice
23:06dans les montagnes
23:09du Jura
23:09donc j'ai voulu
23:12lui adresser
23:13un chapitre
23:14en imaginant
23:15un dialogue
23:15entre elle et moi
23:16parce que
23:16qu'est-ce qu'elle symbolise
23:17au fond votre grand-mère ?
23:18voilà
23:18elle a élevé
23:22ses quatre enfants
23:22ses quatre fils
23:23toutes seules
23:24elle était issue
23:25d'un milieu
23:26plutôt d'ouvriers
23:27artisans
23:27donc des montagnes
23:28du Jura
23:28et pour elle
23:29c'était fondamental
23:30que ses enfants
23:31fassent ces études-là
23:32accèdent à une situation
23:35comme elle le disait
23:35il faut avoir une situation
23:37et donc
23:38progressent socialement
23:39voilà
23:39donc j'ai voulu
23:41parler de ça
23:42dans ce livre
23:43parce que c'est
23:44le choix que j'ai fait
23:45après
23:46de ne pas exercer
23:47le métier d'ingénieur
23:48j'ai pas eu le temps
23:49de pouvoir
23:50de lui en parler
23:51et de pouvoir
23:52échanger avec elle
23:52sur cette autre forme
23:54d'engagement
23:54que j'ai choisi
23:55en dehors du travail
23:56ou en tout cas
23:56dans une autre manière
23:58de travailler
23:58et voilà
24:00je trouvais intéressant
24:01à travers ce dialogue
24:02dessiner un peu
24:03des lignes de crête
24:04peut-être de différences
24:05de compréhension
24:06entre les générations
24:08où le travail est au centre
24:09mais en même temps
24:09il y a d'autres manières
24:10de s'activer
24:12et où
24:13comment elle a vécu
24:14interrogé
24:14comment elle
24:15elle a vu
24:15dans un siècle
24:17de vie
24:17le monde
24:18changer
24:19à partir
24:19de sa vie
24:20à elle
24:21dans les montagnes
24:22du Jura
24:22et de cette génération
24:24qui était basée
24:25sur beaucoup
24:25enfin qui croyait
24:26énormément
24:27à la méritocratie
24:27républicaine
24:28voilà exactement
24:28il y a tout le mythe
24:29de la méritocratie
24:31derrière
24:31où elle était
24:32institutrice
24:32elle croyait
24:33en l'école républicaine
24:35l'égalité des chances
24:36et voilà
24:39et finalement
24:39après
24:40moi par mes recherches
24:41et par
24:41avoir compris
24:42quelle était
24:43cette école
24:44de laquelle je sortais
24:45polytechnique
24:46et qu'est-ce que ça représente
24:47dans un système
24:48scolaire
24:49élitiste
24:50qui reproduit
24:51en fait des inégalités
24:52depuis
24:54depuis l'école
24:55qu'est-ce que ça veut dire
24:57en fait
24:58de
24:58voilà
24:59cette école
25:00la méritocratie
25:01qu'est-ce que c'est
25:02qu'est-ce que c'est
25:03que ce mythe là
25:04du progrès social
25:05du progrès
25:06de la méritocratie
25:08etc
25:08Jeanne Mermet
25:09votre livre
25:09est traversé
25:11par la question
25:11du genre
25:12parce que déserter
25:13c'est aussi
25:13se libérer
25:14du monde des hommes
25:15il y avait de ça
25:17aussi
25:18j'ai pas énormément
25:19creusé cette question
25:20je pense que c'est peut-être
25:21encore en chemin
25:24et ça va me prendre
25:25un peu du temps
25:26mais je pense que
25:26bah oui
25:27quand on
25:27quand on sort
25:28d'une école d'ingénieurs
25:29où il y a 15%
25:31de femmes
25:32en effet
25:33on se plie
25:35un peu
25:35on est dans des rapports
25:37de domination
25:38qui sont omniprésents
25:40comment dire
25:41moi j'ai l'impression
25:42que je me suis plus
25:43intégrée
25:45et pliée
25:46peut-être
25:46à un contexte
25:49plus masculin
25:51masculiniste
25:52j'en sais rien
25:52et que j'ai plus
25:53mis des œillères
25:54et me suis adaptée
25:56quoi
25:57voilà
25:57et ça c'est
25:58je pense que c'est une question
25:59que j'ai pas encore
26:01bien abordée
26:02et que
26:02ça viendra
26:04mais oui
26:04et aussi à ce moment-là
26:06on n'en parlait pas beaucoup
26:07on n'en parlait pas beaucoup
26:08en fait
26:08c'est un peu après
26:09quelques années après
26:10qu'il y a eu beaucoup
26:10de témoignages
26:12sur le sexisme
26:13sur les agressions
26:14sur les violences sexuelles
26:16dans les écoles d'ingénieurs
26:17et voilà
26:17donc il faut continuer aussi
26:18à invisibiliser tout ça
26:19vous parlez beaucoup
26:20de la colère
26:21également
26:21dans cet ouvrage
26:22la bonne colère
26:24si j'ose dire
26:25ça peut devenir aussi
26:26une énergie politique
26:28dont on peut se servir
26:28est-ce que c'est votre cas
26:29aujourd'hui ?
26:30qu'est-ce que c'est
26:31la bonne colère ?
26:32mais justement
26:33savoir comment la transformer
26:34oui je pense que
26:37la colère est nécessaire
26:39enfin elle n'est pas nécessaire
26:40elle est juste là
26:41c'est comme les violences
26:42je veux dire
26:43elles sont là
26:43et il y a des violences
26:45acceptables
26:45des violences non acceptables
26:47des violences invisibles
26:49normales
26:50et des violences
26:50auxquelles on réagit fortement
26:52et aujourd'hui
26:53je pense que
26:55on a le droit d'être en colère
26:57les gens ont le droit
26:59d'être en colère
26:59et ensuite
27:01c'est comment
27:02on change
27:03cette colère
27:03en action
27:04et comment
27:04justement
27:05on se retrouve aussi
27:07parce que pour moi
27:08le collectif
27:09il aide justement
27:10à dépasser
27:11à transformer
27:13cette colère
27:14en action
27:15justement
27:15puisque vous parlez
27:16du collectif
27:17est-ce que vous avez le sentiment
27:19qu'il y a une sorte
27:19de communauté
27:20qui est en train de naître
27:21depuis ces dernières années
27:22avec d'autres déserteurs
27:24et quel regard
27:25vous portez
27:26sur
27:26vos camarades
27:28je pense que
27:29c'est plus
27:29c'est une communauté
27:30c'est peut-être
27:31tout un réseau
27:32qui prend différentes formes
27:34je dirais
27:35c'est tout un réseau
27:36de gens
27:37qui veulent faire
27:38des sciences et techniques
27:39engagés
27:39et dont la désertion
27:42enfin ces gestes
27:43de désertion
27:43dans le sens
27:45quitter un métier
27:45fait partie
27:46mais il y a
27:47énormément de gens
27:48qui sont chercheurs
27:50enseignants-chercheurs
27:50ou bien
27:51qui travaillent
27:52dans les industries
27:54etc
27:54qui cherchent
27:55à justement
27:56faire du collectif
27:57à politiser
27:58à voir
27:59à se situer
28:00justement
28:01et à comprendre
28:01qu'est-ce qu'il est
28:03elle perpétue
28:03comme système
28:05comme inégalité
28:06etc
28:06et du coup
28:07je pense que
28:07ce réseau
28:08il faut continuer
28:08de l'animer
28:09de le relier
28:10et de se poser
28:12la question
28:12de comment déserter
28:13collectivement
28:14dans le sens
28:14de se refuser
28:14de nuire
28:15je vous demandais
28:16d'ailleurs hors antenne
28:16s'il y avait
28:17une littérature
28:18scientifique
28:18sur le phénomène
28:19est-ce qu'on arrive
28:20à le quantifier
28:20aujourd'hui
28:21est-ce que
28:21les sciences humaines
28:22font ce travail-là
28:23c'est compliqué
28:24pour l'instant
28:24d'estimer
28:25en tout cas
28:25ce phénomène
28:27de la désertion
28:27au sein des écoles
28:28il me semble
28:28qu'il n'y a pas
28:29forcément d'études
28:30qui quantifient
28:31alors justement
28:32appel aux auditeuristes
28:33à peut-être
28:35des SHS
28:37à venir faire
28:39une étude
28:39sur le sujet
28:40moi ce que j'avais trouvé
28:41c'était plutôt
28:41des sondages
28:42des entreprises
28:43ou des grandes écoles
28:44qui essayent de comprendre
28:45où est-ce que
28:45veulent aller les élèves
28:47quels sont les critères
28:48pour le choix
28:49d'un métier
28:50des élèves
28:50donc c'était plutôt
28:51il n'y a pas vraiment
28:52de phénomène massif
28:53de désertion
28:53mais plutôt
28:54on ne va pas vouloir
28:55aller bosser
28:56pour des industries
28:56polluantes
28:57etc.
28:58après les industries
29:00polluantes
29:01sont assez fortes
29:01pour formuler
29:02à travers
29:04des fois
29:04la RSE
29:05à travers
29:05leur communication
29:06et beaucoup
29:06de greenwashing
29:07parenthèse
29:08totale
29:08a été jugée
29:09pour greenwashing
29:10récemment
29:11donc voilà
29:11il y a 15 jours
29:12notifié
29:13donc c'est parfois
29:13difficile d'aller
29:14au-delà de cette com
29:15ensuite il y a plus
29:16des statistiques
29:17générales
29:17sur le rapport
29:18au travail
29:19les démissions
29:19par génération
29:20mais voilà
29:20je ne sais pas
29:21si ce phénomène
29:22a été exactement
29:23quantifié
29:24en termes
29:25de gens
29:26qui sortent
29:26de grandes écoles
29:27désertons
29:28Jeanne Mermet
29:28c'est votre ouvrage
29:29on en parle
29:29à nouveau
29:30dans la troisième
29:31partie de cette émission
29:32et puis vous répondrez
29:32aux messages
29:33aux témoignages
29:33peut-être aussi
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