- il y a 2 jours
L'évolution de la production d'énergie est profondément liée à celle des inégalités sociales. Avec les effets du changement climatique, la raréfaction des ressources et la fragilisation des démocraties, un enjeu politique s'impose : qui contrôle l'énergie et pour quel projet de société ?
Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre
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00:00Aujourd'hui, de la vapeur au renouvelable, énergie, histoire d'un pouvoir, raconté par...
00:23Lucas Chancel, professeur d'économie à Sciences Po Paris.
00:27France Inter.
00:30La Terre au Carré.
00:33Mathieu Vidal.
00:34A la fin du XVIIIe siècle, dans le quartier de Soho à Birmingham,
00:38un entrepreneur anglais du nom de Matthew Bolton investit dans une invention qui va bouleverser le monde.
00:44Héritier et ingénieur, il s'associe à James Watt, un inventeur brillant mais en difficulté,
00:49pour perfectionner une machine capable de transformer la vapeur en mouvement.
00:54Ensemble, ils conçoivent les premières machines à vapeur vraiment efficaces,
00:57celles qui ouvriront la voie à la révolution industrielle.
01:00Nous sommes en 1776.
01:03Dans le même temps, Adam Smith publie la richesse des nations et les colonies américaines déclarent leur indépendance.
01:08L'économie, la technique et la politique s'entrelacent.
01:11Ce que Bolton comprend alors, c'est que l'énergie ne se réduit pas à une question de mécanique,
01:16qu'elle est une source de puissance au sens plein du terme, puissance productive, économique et politique.
01:22A partir de ce moment, contrôler l'énergie, c'est contrôler le monde.
01:26La vapeur, puis le charbon, le pétrole et l'électricité ne sont pas seulement des forces physiques,
01:31ce sont des instruments d'organisation sociale, des leviers de domination ou d'émancipation.
01:37L'histoire de l'énergie devient aussi une histoire du pouvoir.
01:41Deux siècles et demi plus tard, cette équation n'a pas changé.
01:43Les pistons de Birmingham ont laissé place aux algorithmes des géants du numérique et aux usines de batteries au lithium.
01:50La Chine détient la majeure partie des technologies solaires.
01:52Les Etats-Unis investissent massivement dans le nucléaire privé et les data centers,
01:57tandis que l'Europe hésite encore entre dépendance et souveraineté.
02:01Hier la vapeur, aujourd'hui l'électricité, demain peut-être l'hydrogène ou les photons du soleil.
02:06Chaque révolution énergétique redessine les hiérarchies sociales et les équilibres géopolitiques.
02:11Et c'est cette histoire que nous allons vous raconter.
02:19Bonjour Lucas Chancel.
02:21Bonjour.
02:21Vous publiez aux éditions du Seuil « Énergie et inégalité, une histoire politique ».
02:26C'est un livre dans lequel vous décrivez les liens étroits entre l'histoire énergétique et l'histoire sociale,
02:32dont vos travaux d'ailleurs portent.
02:34Comment cette scène de Birmingham à la fin du XVIIIe siècle avec Matthew Bolton et James Watt
02:40éclaire cette idée que la puissance énergétique, c'est aussi un pouvoir social et politique ?
02:46Les inégalités sont au cœur des problèmes écologiques contemporains.
02:51Et on ne peut pas comprendre les blocages actuels sans s'intéresser à cette histoire des liens complexes entre inégalités et énergie.
02:58Et donc le livre remonte le fil de l'histoire pour mieux comprendre comment sont structurés ces liens.
03:04Et Matthew Bolton, il a une phrase qui est assez formidable.
03:07Il dit, par rapport à sa machine à vapeur, « Je vends ce que le monde entier désire, la puissance ».
03:13Il parle de puissance mécanique qui est générée par la machine à vapeur,
03:16mais il parle aussi de puissance économique, sociale et politique que ceux qui détiennent cette machine à vapeur possèdent.
03:24Et ça, c'est une histoire, au fond, qui éclaire tout le reste.
03:28C'est une scène fondatrice de tout ce qui va se passer ensuite autour de l'énergie et jusqu'à aujourd'hui encore.
03:33C'est une scène qui est absolument fondatrice et qui nous permet de comprendre comment l'enjeu de la propriété de l'énergie,
03:39l'enjeu du contrôle de l'énergie est absolument central pour comprendre comment vont s'organiser les systèmes énergétiques
03:47et comment vont s'organiser les sociétés dans leur rapport à la matière, dans leur rapport aux consommations de ressources.
03:53Donc ce livre, il est fondé sur des données nouvelles et, en mon sens, sur une approche qui est originale,
03:58qui n'avait, à ma connaissance, pas encore été faite jusqu'ici,
04:02qui est de questionner les relations de contrôle et de propriété de l'énergie à travers l'histoire,
04:09donc dans la période actuelle, mais aussi au XIXe siècle, au XVIIIe siècle et même avant cela.
04:14Une histoire donc privée et publique, on va y revenir avec vous.
04:18Encore un mot là-dessus, pourquoi c'est important, Lucas Chancel, aujourd'hui,
04:20de remettre cette question de la propriété de l'énergie au cœur du débat démocratique dans ce contexte d'urgence climatique ?
04:27Moi, ce qui m'a vraiment surpris dans cette histoire, c'est à quel point l'énergie structure depuis toujours les inégalités sociales
04:33et quand une nouvelle source d'énergie apparaît, différents acteurs politiques, économiques vont entrer en conflit pour essayer d'en prendre le contrôle.
04:43Et aujourd'hui, c'est ça qui est en train d'arriver.
04:46Des nouveaux acteurs qui essaient de prendre le contrôle des technologies renouvelables, des technologies bas carbone,
04:51des acteurs de l'existant qui essaient de ne pas perdre ce contrôle.
04:55On parlait de Total tout à l'heure, avec des stratégies parfois illégales pour ne pas perdre ce contrôle,
04:59comme par exemple de la publicité mensongère.
05:02Et donc, pour comprendre les blocages actuels, on est obligé de refaire cette histoire de qui contrôle quoi, qui possède quoi
05:09et comment les choses ont pu s'organiser de différentes manières.
05:13Et ce que montre cet ouvrage, c'est vraiment qu'il y a une diversité des modes de contrôle, de propriété possibles à travers l'histoire
05:20et que les démocraties ont pu développer des modes de contrôle alternatifs.
05:25Est-ce que les débats autour de l'énergie aujourd'hui se résument trop souvent précisément à des querelles de chapelle
05:30entre les différentes technologies ?
05:32Parce que quand on parle d'énergie aujourd'hui, c'est ce qu'on entend dans les débats politiques.
05:35C'est pour ou contre le nucléaire, les énergies renouvelables et on fait notre beurre là-dessus finalement.
05:40Absolument, on parle beaucoup de technologies, de voitures diesel, voitures électriques, solaires, nucléaires, etc.
05:46De sobriété aussi.
05:47En mon sens, il y a une question encore plus fondamentale derrière tout ça, qui est qui contrôle quoi et qui possède quoi ?
05:54Et cette question de la propriété du contrôle va en fait déterminer tout le reste.
05:58Elle va déterminer notre rythme d'usage de l'énergie, à quel niveau est-ce qu'on va consommer la ressource.
06:07Elle va déterminer qui va capter la rente liée à l'énergie, donc va déterminer les inégalités économiques, les inégalités de richesse.
06:14Elle va déterminer plus généralement quel projet de société est-ce qu'on développe.
06:20Est-ce que c'est une vieille histoire, vieille comme le feu finalement, cette histoire d'énergie, Lucas Chancel ?
06:24Est-ce que déjà à la préhistoire finalement, on avait des enjeux de pouvoir autour de la flamme ?
06:28Alors oui, le livre commence il y a très longtemps avec un passage effectivement sur la découverte du feu qui montre qu'en réalité,
06:37dès l'apparition de cette nouvelle source d'énergie, la structuration des groupes humains va évoluer pour justement savoir qui va contrôler le feu, comment et tout ça.
06:47Ça va transformer la structure sociale.
06:50Et en fait, on va le voir encore une fois avec, à travers l'histoire, avec l'apparition des moulins plus tard, avec ensuite l'apparition du charbon, avec l'apparition du pétrole.
06:59Les moulins, c'est un exemple assez intéressant puisque au XIe siècle, les moulins vont se développer en France par exemple.
07:04C'est une nouvelle source d'énergie mécanique qui va se développer et tout de suite, les seigneurs vont essayer de capter la rente associée à cette source d'énergie avec le développement des banalités,
07:17donc des impôts sur l'usage du moulin.
07:19Et les seigneurs vont imposer à la population d'utiliser leurs propres, leurs moulins, les moulins des seigneurs plutôt que d'autres moulins.
07:28Donc là, on voit déjà comment la propriété de ce que j'appelle le capital énergétique est absolument essentielle pour comprendre les relations de pouvoir en société.
07:37Pourquoi vous partez des distinctions entre l'énergie primaire, l'énergie finale, l'énergie utile et le service énergétique rendu ? Qu'est-ce que ça raconte tout ça ?
07:47Alors, ce qui compte pour nous au quotidien, c'est vraiment le service énergétique rendu.
07:52C'est quel niveau de chaleur je vais ressentir chez moi, c'est à quelle vitesse je vais pouvoir me déplacer d'un point A à un point B.
08:02Et ce qu'il faut voir, c'est que le système énergétique fossile est très inefficace.
08:06C'est-à-dire qu'il va utiliser beaucoup d'énergie primaire pour un service énergétique rendu qui n'est pas toujours exceptionnel.
08:13Donc il y a une grosse perte, une grosse inefficacité de l'usage des fossiles.
08:17Et c'est l'un des grands problèmes de ce système énergétique fossile.
08:21C'est l'un des grands enjeux du passage à d'autres sources d'énergie.
08:24C'est de réduire ces inefficacités-là en réduisant notre consommation de matière globale.
08:30Pour l'instant, au niveau global, on n'y arrive pas.
08:33Maintenant, ce qui est intéressant, c'est que si on regarde à une échelle un petit peu plus régionale ou nationale,
08:39on voit que certains pays ont déjà commencé à réduire leur consommation d'énergie primaire.
08:45Justement, c'est intéressant de faire un peu de statistiques, ce qui est votre cas finalement quand on s'intéresse aux ordres de grandeur.
08:51Qu'est-ce qui nous apprenne sur ces ordres de grandeur, sur la répartition mondiale de l'énergie justement, entre les différents pays ?
08:57Parce que c'est assez vertigineux quand on regarde les résultats.
09:00C'est une manière de s'intéresser aux inégalités énergétiques au niveau mondial.
09:06C'est les inégalités de consommation d'énergie.
09:07Et donc, si on utilise une unité assez courante, qui est le kilowattheure, celle qu'on a sur nos factures d'énergie,
09:16par jour et par personne, un humain moyen va consommer environ 70 kilowattheures.
09:20Un humain moyen ?
09:21Un humain moyen.
09:22On est sur une moyenne.
09:23D'ailleurs, ces moyennes, il y a d'énormes inégalités.
09:26Un Américain moyen, sa consommation quotidienne va être plutôt de l'ordre de 200 kilowattheures.
09:32Alors qu'un Indien, sa consommation moyenne va être plutôt de l'ordre de 20 kilowattheures par jour et par personne.
09:39Et donc là, on a un rapport de 1 à 10 entre l'Américain moyen et l'Indien moyen.
09:42Et bien sûr, aux États-Unis comme en Inde, au-delà de ça, vous avez des inégalités entre personnes et entre individus.
09:49Donc, on est dans un monde qui est inégalitaire et ça va se traduire en inégalités de consommation d'énergie et en inégalités de pollution.
09:56Et en impact, évidemment, sur le réchauffement climatique, par exemple.
10:00Par exemple, les 10% les plus émetteurs en gaz à effet de serre émettent plus de la moitié des émissions mondiales de CO2.
10:07C'est des chiffres qui sont issus d'autres travaux, de travaux antérieurs.
10:10Mais on voit bien ici cette inégalité profonde dans la consommation et dans la pollution.
10:14Mais ce que le livre, pardonnez-moi, interroge, c'est vraiment comment est-ce qu'on en arrive là ?
10:21Comment est-ce qu'on produit des systèmes énergétiques qui génèrent ce niveau-là d'inégalités ?
10:26Et la question fondamentale, encore une fois, c'est celle de la propriété et du contrôle
10:30et de comment est-ce que les débats démocratiques peuvent aboutir sur une forme d'organisation de l'énergie
10:36ou sur une autre forme d'organisation de l'énergie.
10:39Pourquoi dire qu'il n'y a jamais eu de vraie transition énergétique, mais plutôt un empilement en fait ?
10:44Donc ça, c'est la thèse de Jean-Baptiste Fressoz dans son livre, Sans Transition,
10:50où il montre deux choses.
10:51Au niveau mondial, c'est cet empilement des sources d'énergie les unes sur les autres.
10:55Charbon, on n'en est jamais vraiment sorti au niveau mondial.
10:58On va rajouter du pétrole, on va rajouter du gaz par-dessus et tout ça, ça s'empile.
11:02Et l'autre thèse du travail de Jean-Baptiste Fressoz, c'est la symbiose entre ces sources d'énergie.
11:07Pour produire du charbon, on a aussi besoin de bois.
11:10Et pour produire du pétrole, pour utiliser le pétrole, en fait, on va aussi utiliser du charbon.
11:14Maintenant, ce que je montre, c'est que tout ça est absolument vrai au niveau mondial.
11:19Maintenant, si on regarde au niveau national, on voit des pays comme la Suède, comme l'Angleterre,
11:24qui ont assez substantiellement réduit notamment leur consommation de charbon.
11:29Donc ils arrêtent d'empiler finalement les différentes sources d'énergie.
11:32Ils ont arrêté d'empiler les différentes sources d'énergie.
11:34Il faudra encore des actions radicales, extrêmement fortes,
11:40pour que ces pays-là arrivent à réduire totalement leurs émissions de gaz à effet de serre.
11:45Donc il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a pas encore des efforts radicaux à fournir.
11:47C'est absolument fondamentaux et radicaux.
11:50Mais on voit des évolutions très significatives des mix énergétiques.
11:54Et je pense que c'est important de regarder les choses aux différentes échelles.
11:57Donc certains pays sont capables de ruptures rapides finalement,
12:00avec les sources d'énergie qui précèdent ?
12:03Pour moi, c'est la bonne nouvelle de cette histoire énergétique.
12:06On voit des ruptures à la fois du point de vue des systèmes électriques,
12:11des systèmes énergétiques,
12:13mais aussi du point de vue de qui contrôle quoi.
12:16Et donc sur ces deux dimensions, le XXe siècle est un siècle de ruptures.
12:20Par exemple, en 1946,
12:23les Français vont décider de mettre l'essentiel de leur système énergétique sur le contrôle public.
12:28Les Anglais vont faire la même chose.
12:30Les Anglais vont décider, à la fin des années 80, de faire le mouvement inverse.
12:34Les Français décident de poursuivre dans un contrôle largement public de l'énergie,
12:39avec une petite dose de privatisation, mais ça reste largement public.
12:41Les Suédois, dans les années 70, décident de développer un système de production de chaleur
12:47municipal public.
12:49D'autres pays vont faire d'autres choix.
12:50Donc là, on voit des ruptures très importantes,
12:53pas uniquement sur les technologies en jeu,
12:55nucléaire versus gaz,
12:56ou réseau de chaleur en Suède versus utilisation du pétrole pour se chauffer,
13:01mais sur qui va organiser tout ça,
13:03qui va contrôler tout ça,
13:05qui va décider des tarifs aux usagers,
13:07qui va encore une fois capter la rente,
13:09et qui va décider de combien on doit consommer.
13:11Donc ce que vous nous dites, c'est qu'on doit vraiment appréhender cette question de l'énergie
13:15comme un fait social et politique.
13:17Absolument, l'énergie est trop souvent abordée sous sa dimension technique,
13:23et on oublie cette dimension sociale et politique
13:26qui, en réalité, nous permet de mieux comprendre tout ce qui se passe,
13:30de mieux comprendre les points de blocage,
13:32et peut-être aussi de sortir de certaines oppositions,
13:35on en parlait tout à l'heure,
13:36source d'énergie, contrôle de source d'énergie,
13:38pour repenser une question de souveraineté,
13:41une question de contrôle démocratique,
13:43et une question de, encore une fois,
13:45véritable choix de société.
13:46Et à l'heure des tensions géopolitiques,
13:48évidemment, il y a des enjeux majeurs
13:50sur ces questions autour de souveraineté.
13:53Encore un mot sur les inégalités climatiques
13:56et les inégalités énergétiques,
13:57parce que vous liez les deux étroitement,
14:01Lucas Chancel.
14:02Ces deux dimensions-là, elles sont inséparables, selon vous ?
14:04Oui, les inégalités énergétiques induisent des inégalités climatiques,
14:11et on l'a vu sur la question des pollutions,
14:14mais aussi sur...
14:16ça permet de comprendre pourquoi est-ce qu'on met tant de temps
14:18à sortir des énergies fossiles,
14:20c'est-à-dire que les inégalités climatiques,
14:22c'est aussi qui est touché par les dégâts liés au changement climatique.
14:26Et ce que je montre dans le livre,
14:29c'est à quel point l'inégalité est extrême
14:32du point de vue des impacts,
14:34des effets du changement climatique.
14:36Les populations les plus pauvres
14:37sont celles qui sont les plus touchées,
14:39mais qui ont le moins de capacité d'action.
14:41Les populations les plus riches
14:42sont celles qui sont relativement moins touchées,
14:45et sont pourtant celles qui ont le plus de capacité d'action.
14:49Lucas Chancel, vous êtes notre invité avec cet ouvrage
14:51« Énergie et inégalités ».
14:52Et c'est aux éditions du Seuil, une histoire politique.
14:55Et on vous retrouve dans un instant
14:57pour poursuivre la discussion avec vos messages
14:58sur franceinter.fr.
14:59Sous-titrage Société Radio-Canada
15:29Sous-titrage Société Radio-Canada
16:29Sous-titrage Société Radio-Canada
16:59Sous-titrage Société Radio-Canada
17:29Sous-titrage Société Radio-Canada
18:01Sous-titrage Société Radio-Canada
18:03La parution au journal officiel mettait fin à plusieurs mois de polémiques
18:06qui avaient fait la une de la presse de la presse de l'époque.
18:08Aujourd'hui, 40 ans après, le bilan du service public EDF-GDF est positif.
18:13Voilà, 40 ans, c'était un anniversaire, donc en 1986 sur FR3 Toulouse, autour de la nationalisation
18:19d'EDF.
18:20Lucas Chancel, vous qui publiez « Énergie et inégalités », une histoire politique.
18:24Justement, convoquer l'histoire, c'est intéressant pour comprendre la question de la propriété,
18:28du contrôle, des inégalités autour de l'énergie.
18:31Et cette histoire française d'EDF, quand même, de la nationalisation, qui a marqué
18:34les esprits.
18:36Oui, pour les contemporains de Marcel Paul, la période actuelle est une forme d'utopie.
18:44C'est-à-dire qu'ils se sont battus pour avoir un système énergétique nationalisé
18:48sous contrôle public.
18:50Et en réalité, à l'époque, ce futur-là n'était pas écrit.
18:54Ça a été extrêmement violent.
18:55Ces combats ont été très compliqués.
18:57Ça a été très conflictuel.
18:59Le patronat n'en voulait pas.
19:01Pourquoi ?
19:02Parce que c'est une question de...
19:05Ils pensaient qu'il s'agissait d'expropriation.
19:08Le fait de passer sous contrôle public des entreprises privées, mais n'en parlons pas.
19:15Le ministère des Finances disait « Il n'y a plus d'argent.
19:17Il n'y a plus un rond.
19:18On ne peut pas y arriver.
19:19On ne peut pas le faire.
19:20Il faut voir que les indicateurs sont, en 1946, bien pires qu'ils ne le sont aujourd'hui,
19:25en 2025.
19:26Donc c'est intéressant de garder ça en mémoire aussi.
19:27Il faut absolument garder ça en mémoire.
19:29Au début du XXe siècle, le système électrique français, c'est un système qui est largement
19:35privé.
19:36C'est des groupes industriels, parfois possédés par des grandes banques privées, qui vont
19:40posséder le système électrique.
19:44Les courants socialistes, les courants syndicalistes et les courants municipalistes souhaiteraient
19:51placer cette énergie sous contrôle public.
19:54C'est ce que j'appelle socialisation.
19:56Dans le livre, il y a plusieurs formes possibles.
19:58Gestion nationale, gestion régionale, gestion municipale, etc.
20:02Les Gaullistes vont se rallier à ce projet, notamment dans le cadre du CNR, Conseil national
20:07de la résistance.
20:08Il s'agit de passer la production d'énergie française sous contrôle public et national.
20:13Et on y arrive en 1946.
20:14Mais encore une fois, l'histoire n'est pas simple.
20:16Et ça, ça nous montre que des transferts assez radicaux de propriétés sont possibles.
20:24Ça nous montre aussi qu'aujourd'hui, il faut absolument se poser cette question-là
20:30parce que de nouvelles formes d'énergie arrivent.
20:33De nouveaux acteurs.
20:34De nouveaux acteurs arrivent, avec notamment les GAFAM.
20:37Donc les géants de la tech américaine qui sont en train d'investir des milliards, voire
20:43des centaines de milliards de dollars pour produire de l'électricité bas carbone, nucléaire,
20:49pour leur centre de données.
20:50Donc de la privatiser.
20:51Et en réalité de la privatiser, de préempter cette électricité-là.
20:58On a aussi de nouvelles sources d'énergie, donc des producteurs d'éoliens, de batteries.
21:03Il faut aussi se poser la question de qui produit ces technologies-là.
21:06Or, aujourd'hui, il me semble qu'on se pose assez peu cette question-là
21:10qui, pourtant, a rythmé les débats politiques du XXe siècle.
21:14Et on l'a vu avec Marcel Paul.
21:15Lucas Chancel, est-ce que ces épisodes de nationalisation d'après-guerre,
21:19donc en France comme au Royaume-Uni d'ailleurs,
21:21ont été conçus comme des outils de justice sociale ?
21:24Est-ce que c'était ça aussi l'idée au départ ?
21:26Absolument. Il y a deux enjeux fondamentaux.
21:28Il y a un enjeu de planification économique et industrielle.
21:32À l'époque, reconstruction.
21:33Aujourd'hui, on a aussi des enjeux de planification massifs.
21:37Et l'autre enjeu, c'est la justice sociale.
21:39L'autre enjeu, c'est vraiment qui capte la rente.
21:42Puisqu'en 1946, on nationalise GDF-GDF.
21:45Il y a aussi la nationalisation de charbonnage de France.
21:47Ça, c'est le charbon.
21:48Les Anglais vont faire à peu près la même chose.
21:50Et au début du XXe siècle,
21:52les parlementaires britanniques ou français disent
21:54« Mais est-ce que c'est normal que les mines de charbon,
21:57alors contrôlées par le secteur privé,
21:59bénéficient à une poignée de propriétaires des mines ? »
22:03Et quand on regarde les débats parlementaires à la Chambre des communes britanniques,
22:08eh bien, vous avez des parlementaires qui disent
22:09« Mais ce charbon, il n'a pas été placé là pour servir les intérêts de 4000 britanniques. »
22:15Donc, millions de personnes vont devoir utiliser charbon privatisé.
22:18Et finalement, tout ça, ça débouche sur des nationalisations
22:21qui ont pour but de réduire les inégalités sociales
22:26et aussi de réduire les inégalités de pouvoir en société.
22:29Parce que ceux qui vont posséder cette énergie
22:31peuvent finalement acquérir des pouvoirs économiques,
22:34mais aussi politiques extrêmement importants.
22:36Et c'est de ça dont ont peur les législateurs.
22:39Aux Etats-Unis, l'exemple de Roosevelt avec son New Deal est aussi assez fascinant.
22:42Lui, il se méfie vraiment des producteurs d'énergie privée.
22:46Il dénonce leur trait maléfique.
22:47Donc là, on est dans les années 30, 40.
22:49Années 30, années 40.
22:51Et donc, tout ça va aboutir à la nationalisation,
22:53notamment de la Tennessee Valley Authority,
22:57qui existe encore aujourd'hui
22:58et qui produit encore de l'électricité aujourd'hui
23:01dans huit États américains.
23:03Roosevelt ne va pas arriver à nationaliser totalement
23:06le secteur énergétique américain.
23:08Mais ce qu'il va faire, c'est qu'il va aussi permettre aux communes américaines
23:12de prendre possession de certains actifs.
23:16Il va permettre aussi à des coopératives.
23:17Donc là, on voit aussi une possibilité de panachage
23:19des formes de contrôle dans une logique de démocratie sociale partagée.
23:23C'est ça.
23:24Il y a la question aussi des conditions de travail
23:25qui est très intéressante au cœur de ces nationalisations
23:28parce qu'on voit que les régimes publics
23:29ont réussi souvent à réduire la précarité
23:32et la sécurité des travailleurs,
23:35contrairement aux logiques de rentabilité pure du privé.
23:39On voit ça aussi en Inde.
23:40Donc, l'ouvrage s'intéresse à différentes régions du monde.
23:43On a parlé de l'Europe des États-Unis,
23:44mais j'essaie aussi de regarder ce qui se passe en Asie,
23:47notamment en Inde, en Chine également,
23:49pour montrer justement la variété, la diversité,
23:52mais aussi parfois des grandes tendances qu'on observe.
23:56Et Jarwal Nehru, premier ministre
23:58lors de l'indépendance indienne,
24:00au début, il ne va pas nationaliser les mines,
24:02mais au bout de quelques années,
24:03il se rend compte que pour réduire ces inégalités,
24:06pour améliorer les conditions de travail dans les mines,
24:08il va être obligé de passer par cette nationalisation.
24:11Lucas Chancel, l'exemple français du nucléaire,
24:13il est important évidemment dans cette histoire de l'énergie.
24:15On va en parler avec vous dans un instant.
24:17Et pour illustrer ce sujet,
24:191971, on se retrouve avec cet archive de l'ORTF
24:22devant les grilles de la centrale nucléaire de Fessenheim, en Alsace.
24:25Derrière cette clôture,
24:26cette clôture du site de Fessenheim,
24:28l'on va entreprendre très prochainement
24:30la construction d'une première centrale
24:33qui sera suivie dans quelques années
24:35d'une seconde centrale à eau pressurisée
24:39qui mettront à la disposition des usagers français
24:42une puissance installée de 850 000 kW chacune.
24:46Le nom de Fessenheim est celui d'un site,
24:50mais c'est aussi le nom d'une bataille
24:52qui, des années durant, a opposé
24:55les tenants de différents types de centrales nucléaires.
25:00Lucas Chancel est intéressant de cette archive
25:02à plusieurs titres.
25:03D'abord parce que ça raconte aussi l'histoire
25:05d'une stratégie publique dont on peut dire
25:07qu'elle a été réussie avec le nucléaire en France ou pas ?
25:10Oui, moi je pense qu'on soit pour ou contre l'atome aujourd'hui.
25:12Je pense qu'il faut reconnaître
25:14qu'il y a une rupture qui est amorcée
25:17et c'est une rupture qui est politique.
25:19C'est vraiment un choix de planification industrielle majeure
25:22qui est issu d'une décision de politique publique.
25:26C'est extrêmement important.
25:27Et quelle planification ?
25:28Parce que ça a engagé la France sur des décisions.
25:30Et quelle planification ?
25:31Et qui met en œuvre des écoles d'ingénieurs,
25:35qui met en œuvre différentes agences de l'État,
25:38qui met en œuvre toute une diversité d'opérateurs
25:42et d'industries.
25:45Et encore une fois, on aurait pu faire des choix différents.
25:48C'est-à-dire qu'aux États-Unis,
25:49le secteur nucléaire est largement privé.
25:52En France, on a choisi d'avoir un actif public
25:56en partie financé par de l'épargne privée.
25:59C'est-à-dire qu'on va financer le programme nucléaire français
26:01en s'endettant sur les marchés,
26:03notamment les épargnants américains,
26:06l'État s'endette, EDF s'endette,
26:08pour financer un actif public.
26:11Là encore une fois, c'est important.
26:12Et puis dans un contexte financier peu favorable.
26:14C'est l'après-guerre, vous le disiez tout à l'heure.
26:16Dans un contexte financier qui n'est pas toujours très favorable.
26:18Et donc cette histoire-là,
26:20qui est une histoire de planification publique,
26:22je pense qu'en réalité, c'est vraiment à ça
26:24que sont attachés les Français.
26:28Peut-être encore davantage que la question de l'atome ou pas l'atome.
26:31Derrière, c'est cette histoire nationale, finalement,
26:33cette histoire de souveraineté énergétique,
26:36de mise en marche de différentes composantes de la société française
26:39pour aboutir à une transformation assez radicale du secteur électrique.
26:44Et je pense que ce qui a été fait à un moment donné de notre histoire,
26:47en fait, on peut le faire sur d'autres sources d'énergie.
26:50On peut le faire sur d'autres filières industrielles.
26:52Et ça, c'est la bonne nouvelle de l'histoire de l'énergie
26:55dans la deuxième partie du XXe siècle, en mon sens.
26:57Est-ce que cette histoire nucléaire française,
26:59c'est aussi ce qui nous a permis de faire face,
27:02par exemple, à la crise énergétique russe ces derniers temps ?
27:05Alors, en partie.
27:07Mais en réalité, comme on sait,
27:09on est encore très dépendant du pétrole.
27:12On est en partie dépendant du gaz.
27:13Et on est dépendant du pétrole pour notre mobilité.
27:15Donc, en réalité, cette histoire de la crise russe,
27:18elle nous montre aussi à quel point
27:20l'espèce de cécité que les Européens ont pu avoir
27:24dans le fait de signer des contrats
27:26avec des infrastructures,
27:28mais surtout de la ressource naturelle
27:31qui est issue de pays comme la Russie,
27:34il y a une incohérence absolue
27:37quand on parle de souveraineté et de transition énergétique.
27:39Et on en a payé les frais depuis 2022.
27:43Lucas Chancel, il y avait encore un point intéressant
27:45dans l'archive qu'on a entendu,
27:46c'est la bataille de Fessenheim,
27:47la bataille des acteurs,
27:48la lutte entre les acteurs du nucléaire.
27:50Elle a été féroce, cette lutte, à l'époque ?
27:52Oui, absolument.
27:54Ça a été une lutte importante.
27:57Mais encore une fois, ce qu'il faut montrer ici,
28:00c'est à quel point la rupture s'opère
28:04et puis en quelques décennies,
28:06en deux décennies seulement,
28:08le secteur électrique français est totalement chamboulé,
28:11totalement transformé.
28:13D'autres pays ont fait d'autres choix,
28:14je parle des Américains,
28:15mais les Suédois,
28:18avec le développement de réseaux de chaleur urbains
28:21pour remplacer des chaudières au fioul,
28:25les Suédois décident de donner la main aux communes
28:28qui vont développer ces réseaux de chaleur
28:30qui vont être alimentés ensuite par des biodéchets,
28:33par la réutilisation de chaleur,
28:34par du bois énergie,
28:36dont on pourrait discuter des bienfaits ou des méfaits environnementaux.
28:39Mais là aussi, il y a des choix politiques
28:41qui vont transformer assez radicalement ces secteurs énergétiques.
28:44Et ça me semble tout à fait important dans la période actuelle
28:46où des fois, on se dit, mais finalement,
28:48finalement, on ne peut pas faire grand-chose,
28:50finalement, on ne va pas y arriver.
28:51En réalité, il suffit de regarder 40 ans en arrière
28:53pour voir la radicalité de certains choix.
28:55Et c'est l'objet de votre livre aussi,
28:57de nous donner ces lunettes-là pour voir la situation un peu autrement.
29:00Lucas Chancel, autre sujet intéressant,
29:02celui des barrages hydroélectriques français.
29:04On en parle avec cet archive de 1948
29:05sur le barrage de Génissia, construit sur le Rhône.
29:08En construisant sur le Rhône le barrage de Génissia,
29:13comme en poursuivant le vaste programme d'équipements hydroélectriques
29:16qu'elle s'est tracé,
29:17la France a pris des assurances sur l'avenir.
29:21En inaugurant ce grandiose ouvrage
29:23et en félicitant ses constructeurs,
29:25M. Lacoste, ministre de la Production industrielle,
29:27a marqué l'importance nationale du gigantesque monument
29:31qui couvrira les usines désaffectées de Belgarde
29:33et animera par cinq turbines,
29:35cinq alternateurs capables de fournir
29:371,6 milliard de kilowattheures,
29:41c'est-à-dire plus du dixième de la production hydroélectrique française.
29:45En opérant la mise en eau du plus formidable barrage
29:47de l'Europe occidentale,
29:48M. Lacoste a pu dire
29:50« Dans Génissia, nous voyons un signe indiscutable
29:52de la renaissance de la France ».
29:54Voilà la grande éloquence des actus françaises en 1948.
29:57Lucas Chancel, sur la question des barrages hydroélectriques français,
30:01une assurance sur l'avenir certes,
30:02mais à quel prix quand même ?
30:03Les barrages, c'est effectivement un patrimoine national.
30:07Et un patrimoine public,
30:09et le patrimoine public, c'est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.
30:14Ces barrages sont donc propriétés de l'État,
30:16ce sont souvent des concessions EDF
30:18ou de la compagnie nationale du Rhône.
30:20Alors, il y a eu un coût pour les produire,
30:25mais aujourd'hui, ces barrages...
30:26Et un coût environnemental aussi.
30:28Pour ça que je dis à quel prix aussi.
30:29Donc, un coût environnemental et un coût économique,
30:33aujourd'hui, ils sont là, ces barrages.
30:34Quelles que soient les conditions dans lesquelles ils ont été faits,
30:38et en réalité, les marges de manœuvre pourront construire davantage,
30:41il n'y en a pas énormément.
30:42Donc, la question qui se pose, et finalement, en fait,
30:44l'urgence de la situation-là, c'est...
30:46Qu'est-ce qui va advenir de ces barrages ?
30:48Donc, qui ont été faits à un coût qui a été élevé,
30:50du point de vue environnemental.
30:52Est-ce qu'ils sont mis en concurrence ?
30:54Est-ce qu'ils sont potentiellement privatisés ?
30:56Ou est-ce qu'ils sont maintenus sous contrôle public ?
30:58Et cette discussion-là,
31:00elle aurait dû avoir lieu, en réalité,
31:01dans les semaines qui viennent au Parlement.
31:03On ne sait pas ce qu'il en sera.
31:06Mais la Commission européenne
31:07demande à la France de les mettre en concurrence.
31:10Avec un risque potentiel
31:12de privatisation de ces barrages.
31:14Donc là, encore une fois,
31:15il y a, derrière ces questions d'apparence technique,
31:18il y a un vrai enjeu politique.
31:20Il y a un vrai enjeu, encore une fois,
31:21de choix de société dont on devrait tous débattre aujourd'hui.
31:24Parce qu'il y a, en fait, différentes options possibles.
31:27On pourrait imaginer que,
31:29d'ici quelques années, voire décennies,
31:32finalement, un Elon Musk rachète
31:35une partie des barrages français.
31:37Ou alors, on peut décider de maintenir
31:39ces barrages sous contrôle public.
31:40Mais là encore,
31:41encore faut-il pouvoir en être conscient
31:43et pouvoir en débattre.
31:45Quel pourcentage d'électricité française
31:46issue des barrages hydroélectriques,
31:48d'ailleurs, aujourd'hui ?
31:4910-15%.
31:50C'est ça.
31:51On verra, justement,
31:52vous parlez d'Elon Musk.
31:52Qui seront les acteurs de l'énergie de demain ?
31:55Sujet central pour nos démocraties, également.
31:58Et vous répondrez aux messages et aux questions
31:59qui arrivent pour vous
32:00sur la page de la Terre au Carré.
32:01Lucas Chancel.
32:02Laisse tomber la pluie, petit.
32:04Pas assez de soif ni d'appétit.
32:06Tu vaux que d'alpha, ça a doux ce bruit.
32:09Tellement de galères téléphonées.
32:11À force de les voir venir,
32:13je fais les tonner.
32:15Le bonheur, c'est pas le cul,
32:16ni les thunes.
32:17Le manque d'amour fait de nous des sujets d'études.
32:20Je relève tous les défis.
32:21Terre, plate, fusée, typhus.
32:23Info diffuse.
32:24L'usine d'à côté privatise l'eau.
32:27Cause des maladies chroniques
32:28et on oublie tout à Noël.
32:31Ce soir, il pleut, qu'est-ce que t'es belle ?
32:33Mets ton pyjama, on sort pas de l'hôtel.
32:38Je suis juste un super héros
32:40devant une supérette
32:43qui refait le monde autour d'une cigarette magique.
32:49Tout est magique, tout est magique.
32:55Quand tu sais confier tes secrets à un pied,
32:58Noël.
33:09Bad boy avance, boost close.
33:11Ceux qui n'ont rien fait ne parlent jamais bien de ceux qui font les choses.
33:15Pas de seconde à perdre, laisse-moi kiff et tranquille.
33:18Trop de causes défendues me font siffler.
33:20Donner son avis, tout le monde s'y met.
33:23L'art est difficile, les postes font 6 mètres.
33:25Quand on pourrait se taire.
33:28À l'heure où je te parle, une bombe est larguée quelque part.
33:31Si 30 likes valent une vie, clique pour la planète.
33:34Ramasse les paillettes, rien dans l'assiette.
33:36Je suis né au bord du désert.
33:38Un jour de pluie, il y a ce qui t'inspire.
33:40Est-ce que le sort te réserve ?
33:42J'ai juste eu le temps de teindre à pute à mes goûts.
33:49Et 9 mois après, je marche sur des goûts.
33:55J'entends du long doison que l'on prête à tous ces poètes.
34:06Je suis juste un super héros devant une super-être.
34:11Qui refait le monde autour d'une petite galette magique.
34:17Tout est magique.
34:20Oxman Puccino avec Thurie, c'était magique.
34:23France Inter
34:25La terre au carré
34:28Mathieu Vidard
34:31Ce que vous voyez ici, c'est le site de Northvolt, en cours de construction.
34:39Elena est née ici, dans le Nordland suédois.
34:43Une région sauvage, très peu peuplée et en plein bouleversement.
34:47Ici, au milieu de la Thunra Arctique, une immense usine est sortie de terre.
34:52Elle produit des batteries électriques.
34:55Notre ville est devenue le centre de la transition verte en Europe.
34:59Et ça, c'était le bon temps.
35:00En 2024, Arte, sur cet Eldorado énergétique de la Suède, Lucas Chancel, vous qui publiez
35:05énergie, inégalité, une histoire politique, parce que Northvolt, cette usine de batteries électriques, a déposé le bilan en mars.
35:12Ce qui constitue même la plus grande faillite de l'histoire industrielle suédoise moderne.
35:17Pourquoi les États européens ont peiné à soutenir leur propre champion industriel comme Northvolt ?
35:23Je pense qu'il y a une forme de cécité.
35:26Et moi, je suis assez sidéré, en réalité, qu'on ait laissé un tel acteur industriel...
35:31Aux mains des Américains, en l'occurrence.
35:33...péréquité et se faire racheter par une start-up américaine du nom de Litten.
35:37Donc là, vous avez la plus grande usine européenne de batteries qui passe sous pavillon privé américain.
35:43Il y a vraiment un momentum européen en matière de souveraineté énergétique.
35:48Il y a une course contre la monde qui est lancée.
35:50Northvolt, c'est un peu l'exemple du fait que si les États ne viennent pas au secours de ces industries au moment où elles en ont besoin,
35:58eh bien, elles se casseront la figure.
36:00Elles peuvent être rachetées, morcelées, rachetées par les Américains, par les Chinois, ou par des capitaux privés qui viennent d'autres pays.
36:07Surtout que ces mêmes acteurs européens ont investi dans cette usine au départ.
36:11Donc, ils sont perdants sur toute la ligne.
36:12Ils sont perdants sur toute la ligne.
36:14Et il y a visiblement des erreurs de choix stratégiques, de choix de production industrielle de la part de Northvolt.
36:24Mais en réalité, quand les Européens ont construit Airbus sous impulsion publique, avec des financements publics, des prises de partitions publiques,
36:32ça a été très difficile au début.
36:34On a été proche de l'échec industriel.
36:37Mais les puissances publiques ont visé à 20 ou à 30 ans.
36:41Et c'est ce qu'on n'a pas fait avec Northvolt.
36:43Et c'est ce qu'on va devoir faire dans les mois ou les années qui viennent avec les producteurs d'éoliennes européens,
36:50qui peuvent aussi se faire ratiboiser par la concurrence, notamment chinoise.
36:55Donc, ces questions-là vont se reposer encore et encore dans les mois et les années qui viennent,
37:00si les puissances publiques ne sont pas capables de venir en aide à ces acteurs,
37:05notamment via de l'injection de fonds propres, des prises de participation,
37:09comme ça a été le cas avec Airbus il y a 40 ans,
37:13eh bien, il y a un risque de vassalisation énergétique de l'Union européenne.
37:17Alors qu'il y a des enjeux évidemment très très importants, de démocratie aussi,
37:22et cette incapacité, vous le sentez aujourd'hui, à écrire un plan de vol, j'allais dire,
37:26puisque vous parliez d'Airbus,
37:27qu'il soit clairement établi, une feuille de route pour l'Europe, pour son indépendance ?
37:32Oui, je pense qu'encore une fois, il y a eu le rapport Draghi il y a quelques années,
37:38qui nous dit, bon voilà, il va falloir investir énormément pour la transition au quai de non-tacte.
37:45De un, on ne le fait pas, mais de deux, le problème de ce rapport Draghi,
37:48c'est qu'au final, il ne pose pas la question de la propriété et du contrôle,
37:52qui est vraiment le fil rouge de cet ouvrage.
37:54Et qui doit investir ?
37:57Et qui doit être aux commandes de ces actifs ?
38:01Et ce que j'essaie de montrer, c'est qu'on peut avoir une propriété publique nationale,
38:05on peut avoir une propriété de plusieurs Etats européens qui se mettent ensemble,
38:08on peut avoir des communes qui contrôlent l'énergie des régions,
38:13et donc quand on parle de contrôle public,
38:16en réalité, on n'est pas obligé de tout mettre dans les mains d'un seul acteur,
38:19on peut avoir un panachage, c'est important de déconcentrer les pouvoirs,
38:23à toutes les échelles du territoire,
38:24mais ce qu'on voit, c'est que quand c'est des acteurs privés,
38:27en réalité, c'est aussi plus difficile de mettre en place des politiques de planification,
38:32c'est aussi plus difficile de programmer une sobriété énergétique,
38:35et donc tous ces enjeux multisectoriels,
38:38ces enjeux qui nous demandent de penser complexe,
38:42en réalité, on y arrive quand même un petit peu mieux
38:44quand c'est la puissance publique qui nous permet de viser à 20 ou à 30 ans.
38:48C'est-à-dire que là, on est capable de dépenser énormément d'argent,
38:50d'investir pour la défense militaire,
38:52et on est incapable de le faire véritablement à l'échelle de l'Europe pour l'indépendance énergétique ?
38:57Encore une fois, il y a une forme de cécité.
39:00La France va bénéficier de taux d'intérêt favorables,
39:05grâce à l'Union Européenne, pour investir dans sa défense.
39:08Mais en réalité, la transition énergétique, la décarbonation,
39:11c'est une question fondamentale de sécurité pour les Européens.
39:15C'est une question fondamentale de santé publique.
39:19A qui appartiendront les sources d'énergie ?
39:22Justement, à qui appartiendra ce pouvoir dans les années qui viennent ?
39:25Vous avez parlé des GAFAM, c'est clairement ce qui se dessine à l'horizon, Lucas Chancel ?
39:29Alors, Elon Musk a un plan très clair pour le futur de l'énergie.
39:33J'invite tous ceux qui sont intéressés à aller voir en ligne le master plan numéro 4 de Tesla,
39:38qui est fait d'intelligence artificielle, de batteries électriques, etc.
39:41La démocratie n'existe pas dans le plan, la sobriété non plus.
39:45Bill Gates a un autre plan.
39:47En réalité, là, on est sur des signaux faibles,
39:50mais ça peut devenir une réalité assez vite.
39:52Attention, évidemment, avec tous ces enjeux de démocratie
39:55et beaucoup d'acteurs qui ne sont pas du tout favorables en Europe,
39:58comme l'Est ou l'Ouest, on a de quoi faire.
40:01On va passer tout de suite aux questions des auditeurs et auditrices.
40:07Et Lucas Chancel, je vous propose d'écouter ce premier message vocal
40:10de Claude.
40:11Bonjour Latéro Carré, merci pour vos émissions.
40:14Claude, de Trélazé à côté d'Angers,
40:17question à votre interlocuteur.
40:20Que pense-t-il du gouffre financier de l'énergie nucléaire
40:22et surtout des déchets nucléaires dont on ne sait pas traiter
40:27et notamment du démantèlement de toutes les centrales nucléaires ?
40:31Merci.
40:32Merci Claude pour votre message.
40:34Ça aussi, c'est le coût de l'indépendance et le coût du nucléaire.
40:37Oui, c'est l'une des sources d'énergie dont la courbe des coûts augmente
40:43alors que si vous regardez l'éolien, si vous regardez le solaire,
40:47les coûts sont en baisse.
40:48Donc là, il y a un réel enjeu quand on pense le futur de l'énergie
40:51à regarder ces courbes de coûts différentes.
40:54Ça montre encore une fois que là, il y a un besoin fondamental de planification publique.
41:01Et pour revenir sur ce qu'on disait tout à l'heure,
41:05je pense que la société française, elle est fracturée sur la question du nucléaire.
41:10Mais je pense qu'elle se retrouve potentiellement sur l'histoire de planification industrielle qu'il y a derrière.
41:17Mais il y a aussi la question écologique comme l'indiquait Claude sur la gestion des déchets.
41:20Absolument. Et la question écologique, ça nous invite à penser
41:24que nucléariser totalement le continent européen pour faire la transition écologique,
41:28c'est probablement pas très écologique.
41:31Donc en réalité, si vous regardez un petit peu ailleurs en Europe,
41:34il y a peu d'acteurs qui se disent qu'on va nucléariser tout le continent.
41:37Non, il faut réduire et il faut développer des alternatives.
41:41Donc le mix énergétique.
41:42Absolument.
41:42Françoise nous dit ceci, nationaliser, c'est pas toujours la panacée.
41:46Comment éviter que ce soit les citoyens qui paient la facture si EDF se termine en fiasco ?
41:51Oui. Alors, nationaliser, moi c'est plus la socialisation que je trouve intéressante.
41:57Donc on peut avoir des régimes municipales, il y en a dans certaines villes.
42:00On peut imaginer une gestion régionale.
42:02Il y a aussi des coopératives d'énergie qui se développent dans certains pays.
42:05J'ai parlé des Etats-Unis, il y a aussi l'Allemagne, il y a aussi l'Espagne.
42:09Il y en a quelques-unes en France.
42:10Mais au final, si vous voulez, la puissance publique, elle a tout intérêt à ce que ces énergéticiens fassent les bons choix.
42:21Donc, quelque part, on est un petit peu condamné à réussir nos choix d'investissement.
42:28Et la meilleure manière de les réussir, c'est d'en parler au grand jour.
42:32C'est d'avoir des débats qui sont ouverts, c'est d'avoir des débats qui sont transparents.
42:36Or, aujourd'hui, on est encore largement sur des questions qui sont souvent traitées derrière des portes closes.
42:43Il faut ouvrir ces discussions-là.
42:45Pierre Laurent nous dit, en lisant Jérémy Rifkin,
42:46on a l'impression que c'est le type d'énergie dominant qui a déterminé les formes de pouvoir politique.
42:51Fin de la feudalité avec le charbon vers l'Etat-nation, internationalisation avec le pétrole.
42:55Les résistances aux renouvelables ne sont-elles pas dues ?
42:57Demande Pierre Laurent.
42:58A la résistance des pouvoirs qui tiennent sur les structures énergétiques actuelles ?
43:02Si, en partie.
43:03Donc ça, c'est les conflits entre le monde d'hier et le monde à venir.
43:08Maintenant, ce que ce livre montre, c'est qu'il y aura plusieurs manières d'organiser les renouvelables.
43:14On peut avoir des formes d'organisation plutôt démocratiques.
43:19Mais on peut aussi avoir des renouvelables, des d'immenses champs d'éoliennes et de renouvelables
43:23qui sont propriétés et contrôlés par des acteurs qui ne sont pas particulièrement favorables,
43:28qui ne sont pas particulièrement démocratiques.
43:29Je pense à la Chine, je pense aux GAFAM.
43:32Mais l'histoire de l'énergie nous montre qu'on n'est pas condamné à ces deux alternatives
43:37et on peut développer de nouvelles formes de propriétés publiques participatives de l'énergie.
43:42Il suffit de regarder quelques dizaines d'années en arrière.
43:44Donc c'est ça la grande idée de votre livre.
43:45C'est de défendre une transition écologique fondée sur la démocratie.
43:51Une réappropriation collective de cette question de l'énergie.
43:54Une dernière question d'actualité, Lucas Chancel.
43:57Le tribunal, on l'entendait dans les infos judiciaires de Paris,
43:59a en partie condamné aujourd'hui Total Énergie pour pratiques commerciales trompeuses
44:03concernant ces allégations climatiques.
44:05Quand Total dit qu'on est acteur majeur de la transition énergétique,
44:08on vise la neutralité carbone en 2050,
44:10le tribunal leur a donné en partie raison aux associations
44:14qui avaient porté plainte contre Total Énergie.
44:17Qu'est-ce que ça vous inspire cette condamnation ?
44:19Moi ce qui me frappe, c'est que c'est que la première fois,
44:21alors que la recherche le montre depuis un moment,
44:25qu'il y a une stratégie délibérée de ces acteurs de tromper les usagers.
44:28Et là on voit vraiment l'importance de la mobilisation citoyenne,
44:31l'importance encore une fois des contre-pouvoirs,
44:33pour contraindre ces acteurs à changer de pratique.
44:36C'est un jugement inédit effectivement.
44:39Merci beaucoup à vous Lucas Chancel,
44:41cette question de l'énergie est passionnante telle que vous la traitez.
44:43Énergie et inégalité, je renvoie sur ce livre,
44:46une histoire politique, c'est aux éditions du Seuil,
44:49dans la collection Éco-Histoire.
44:50Merci d'être venu nous en parler.
44:52Et merci à Emma Bougier qui a préparé aujourd'hui ce dossier,
44:57Cédric Dialo qui était à la technique,
44:59Jérôme Boulet qui réalisait cette terre au carré,
45:01et Lucie Sarfati qui signait la coordination et la programmation.
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