- il y a 6 jours
François Pachet, cofondateur d'Imagine All The People et Ynosound, était l'invité de François Sorel dans Tech & Co, la quotidienne, spéciale "La Nuit de l'IA", ce mardi 18 novembre. Il s'est penché sur la capacité de l'IA à créer de la musique en générant des mélodies, des harmonies, sur BFM Business. Retrouvez l'émission du lundi au jeudi et réécoutez-la en podcast.
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00:00– François Paché nous a rejoint sur le plateau de la nuit de l'IA, bonsoir François.
00:09– Bonsoir.
00:10– Vous êtes cofondateur d'Imagine All the People et de Innocent,
00:14votre ancien directeur du Spotify Creator Technology Research Lab.
00:20Et en 2017 par exemple, vous avez créé un single avec Stromae
00:24qui a été réalisé en partie grâce à l'IA.
00:26– En 2018, un album, un double album.
00:29– Un double album.
00:30– Entièrement fait avec de l'IA, en effet, pas par de l'IA,
00:34par des musiciens qui ont utilisé de l'IA.
00:37– Mais en 2018, quand on disait, tiens, cette chanson est créée par l'IA,
00:40c'était quoi en fait ?
00:41C'était des instruments qui étaient générés par l'IA ?
00:44C'était quoi ? Qu'est-ce que ça voulait dire ?
00:46– Il y avait deux choses.
00:47Vous savez, la musique c'est différent des images et du texte
00:51parce que la musique a toujours deux dimensions.
00:52Il y a la dimension qu'on appelle du publishing, la partition si vous voulez,
00:56avec les paroles, les accords, la mélodie simplifiée.
00:59qui d'ailleurs appartient au label en édition.
01:02Et puis il y a le recording, l'enregistrement audio, ce qu'on entend.
01:05Et donc les IA qu'on a utilisés à l'époque, c'était une IA qui faisait un petit peu les deux.
01:08Enfin, qui faisait de la génération de partitions, de chansons,
01:11et ensuite qui réalisait ces partitions avec des audios.
01:15Donc il y avait deux IA en fait.
01:17Et c'est d'ailleurs étonnant parce qu'aujourd'hui, il n'y a plus qu'une seule IA dans les IA d'aujourd'hui.
01:22– Qui est générative ?
01:24– C'était déjà le mot générative.
01:25– Elle n'était pas générative à l'époque ?
01:26– L'IA générative, elle existe depuis 1956 au moins.
01:30Les chaînes de Markov, c'est de l'IA générative.
01:32Donc elle n'est pas plus générative, simplement le mot s'est imposé.
01:36Mais ce qui est intéressant, je crois, de noter,
01:39c'est qu'aujourd'hui, les IA génératives en musique,
01:41elles font en fait la même chose qu'avec les images et le texte,
01:44elles génèrent directement le résultat sans passer par la case partition, si vous voulez.
01:51Ce qu'on appelle les systèmes end-to-end, c'est-à-dire qu'on a un prompt à un côté,
01:54et à la sortie, on a le titre tout mixé, tout cuit, multitrack, etc.
01:59Or, donc ça donne des résultats spectaculaires, on va en parler,
02:03mais ça ne passe pas par la case conception.
02:05En général, un musicien, quand il fait de la musique, quand il crée de la musique,
02:08il a une idée en tête, il crée une partition si c'est de la musique classique,
02:11bon, pas en pop, pas forcément, et ensuite, il la réalise, il y a deux étapes.
02:15Quand vous êtes architecte, vous faites un plan de la maison,
02:17et quand le plan est fini, vous appelez des ouvriers,
02:20et vous ne vous appelez pas les ouvriers si le plan n'est pas fini.
02:23Or, aujourd'hui, les IA génératives, elles fonctionnent sans plan,
02:26c'est-à-dire qu'elles vont directement fabriquer l'objet final,
02:29ce qui donne un résultat spectaculaire, mais aussi problématique pour cette raison.
02:33Alors, on va écouter un extrait d'une chanson,
02:36qui s'appelle, en fait, le groupe s'appelle Breaking Rust,
02:39et ce groupe est numéro un en ce moment aux Etats-Unis,
02:42donc ce n'est pas quelque chose d'anodin,
02:43ce n'est pas un truc un peu nébuleux,
02:46c'est de la country,
02:48ils sont numéro un dans la catégorie country aux US.
02:50Écoutons juste quelques notes,
02:52pour qu'on se rende compte, en fait, de la qualité de ce que c'est,
02:55aujourd'hui, une musique générée par l'IA.
02:57Alors, bon, quand on l'écoute comme ça,
03:20on n'a pas un casque, on l'écoute dans une ambiance,
03:23on se dit, bon, c'est cool, c'est de la musique country sympa,
03:27voilà, qui ressemble à beaucoup de musique country,
03:29mais voilà, cette chanson a été numéro un.
03:32Elle a une petite histoire,
03:33parce qu'elle a été faite quand même par un musicien, je crois,
03:35donc ce n'est pas un prompt de quelqu'un
03:38qui était en dehors du métier,
03:41qui a dit, fais-moi une musique country sympa,
03:43avec tel rythme,
03:44et quel type de parole,
03:45mais quand on écoute cette chanson,
03:46j'ai pris le temps de l'écouter,
03:47on est quand même bluffés.
03:48On est bluffés parce que c'est spectaculaire
03:51de penser que c'est un algorithme
03:52qui a fait ça tout seul.
03:53Et qu'il n'y a pas de musicien,
03:55il n'y a pas de chanteur.
03:55Il n'y a pas de musicien.
03:56On n'est pas bouleversés par la musique.
03:58C'est de la bonne musique.
03:59Oui, mais excusez-moi, j'ai envie de vous dire,
04:00il y a plein de titres qui sont faits par des humains
04:02qui ne nous bouleversent pas.
04:04Mais vous m'avez coupé,
04:05j'ai exactement ce que je voulais vous dire.
04:08Je trouve qu'il y a un truc très intéressant
04:09à comprendre avec ces IA,
04:11et d'ailleurs, on parle de musique,
04:12mais c'est exactement la même chose
04:13pour tous les autres domaines
04:14que vous abordez aujourd'hui,
04:15pour le texte, pour les images, etc.
04:18C'est que l'IA ne se nourrit pas des œuvres,
04:21comme c'est beaucoup dit,
04:22peut-être on l'invoquera,
04:22le problème des œuvres et des droits.
04:24L'IA se nourrit de ce que les œuvres ont en commun.
04:27C'est très différent.
04:28Or, pourquoi l'IA marche si bien aujourd'hui,
04:31l'IA générative ?
04:31Elle marche si bien parce qu'elle est entraînée
04:33sur d'énormes quantités de données
04:34qui sont très similaires les unes aux autres.
04:37C'est très important de comprendre ça,
04:39parce que si on avait moins de données
04:41et de données beaucoup plus, disons, inventives,
04:44différentes, l'IA marcherait beaucoup moins bien.
04:46Et donc, c'est un paradoxe qui est intéressant,
04:48c'est une sorte de malédiction de l'IA.
04:49C'est-à-dire qu'en fait,
04:51comme on fait de la musique
04:52qui se rassemble beaucoup,
04:53pas de gamme, je n'ai pas envie de dire ça,
04:55mais en tout cas, la musique d'ascenseur,
04:58voilà.
04:58Alors là, vous prenez des risques.
04:59Non, je suis vache quand même.
05:01Non, mais de la musique, on va dire,
05:03du tout-vement.
05:04Cagiole musique, quoi,
05:06du truc qu'on écoute comme ça,
05:07de manière assez rapide, facile.
05:09Eh bien, l'IA est à l'aise
05:10pour reproduire la même chose.
05:11Oui, c'est pas la même chose,
05:13c'est de l'imitation stylistique.
05:14Oui, c'est de l'imitation stylistique.
05:14C'est pas la même chose,
05:15il n'y a pas de plagiat,
05:16enfin, je crois pas, que je sache.
05:17Mais donc, c'est spectaculaire
05:19et je ne suis pas là
05:20pour dénigrer ces technologies
05:22qui sont, moi, je suis informaticien,
05:23qui sont très impressionnantes.
05:25Mais je vais vous donner un exemple
05:26de ce que ça fait pas,
05:27en tout cas, pas encore.
05:28C'est, pour moi, une bonne chanson,
05:31c'est pas simplement une chanson
05:32qui est populaire,
05:33comme les chansons de Taylor Swift,
05:34qui font des milliards de streams.
05:36C'est une chanson
05:37qui est reprise
05:37par d'autres musiciens.
05:39Parce qu'ils trouvent
05:39que la chanson est tellement bonne
05:40qu'ils veulent garder
05:41l'essence de la chanson
05:42et puis la refaire autrement.
05:43Et qu'ils vont la réinventer
05:44avec leur personnalité.
05:44Totalement différent.
05:45Ça, ça n'existe pas,
05:46que je sache.
05:47Je n'ai pas encore entendu
05:48de chansons faites par IA
05:50qui soient reprises
05:51par des êtres humains.
05:53Tellement elles seraient bonnes.
05:54Les Beatles,
05:55bon, on parle toujours des Beatles,
05:57ils ont été énormément repris.
05:59Mais c'était dans les années 60.
06:00Aujourd'hui, Taylor Swift
06:02est très populaire
06:03et a très peu de reprises.
06:04Et ce qui se passe,
06:06c'est qu'il y a une amélioration
06:08incroyable de la qualité
06:09des chansons.
06:10On l'a entendu même
06:11avec des haut-parleurs
06:12pas forcément extraordinaires.
06:15Donc la production,
06:16c'est extraordinaire.
06:16La composition...
06:17Ça fait plaisir à l'ingénieur du son.
06:18Oui, bravo.
06:19Mais la composition,
06:21ce n'est pas terrible.
06:22Et c'est à l'image
06:22des compositions
06:23qui ont été utilisées
06:24pour l'entraînement.
06:25Mais le fait que cette chanson
06:26soit numéro un des charts,
06:28c'est qu'elle rencontre
06:30une adhésion du public.
06:31Il y a des gens
06:32qui l'ont téléchargée,
06:33qui l'ont écoutée,
06:33etc.
06:34Ce n'est pas un peu inquiétant.
06:36Ça veut dire que demain,
06:37finalement,
06:37un gars un peu fort
06:39en marketing musical
06:40et qui arrive,
06:41tout comme vous d'ailleurs,
06:42peut-être à sentir
06:43les mélodies,
06:44etc.,
06:45peut-être qu'il pourrait faire
06:46enchaîner tube sur tube.
06:47Il pourrait,
06:48mais vous savez très bien
06:49que la popularité,
06:51ce n'est pas l'importance.
06:52Il peut y avoir...
06:52Quelque chose peut être
06:53très populaire
06:53et pas du tout important
06:55et inversement.
06:56Donc là,
06:56il ne faut pas confondre
06:57la popularité
06:58qui en effet est liée
06:59à des problèmes de marketing,
07:00d'air du temps,
07:01de choses qu'on ne comprend
07:02pas très bien
07:03avec l'importance significative
07:05d'un nouveau morceau.
07:06Il y a des artistes
07:06très importants
07:07qui ne sont pas forcément
07:08très écoutés
07:09mais qui vont marquer
07:10ou qui marquent
07:11l'histoire de la musique.
07:12Et dans les médias,
07:13vous savez ça.
07:13Vous savez bien
07:14que la popularité,
07:15c'est un indice
07:16mais ce n'est pas le seul.
07:17Or, aujourd'hui,
07:18les bases d'entraînement,
07:19et ça encore,
07:20c'est vrai pour tous les domaines,
07:22prennent des objets
07:23totalement indifférenciés.
07:24Ils sont entraînés
07:25sur tous les morceaux.
07:25Alors, il y a des morceaux
07:26importants, intéressants
07:27et puis il y en a beaucoup,
07:28la plupart,
07:29qui ne le sont pas.
07:30Comment voyez-vous
07:30l'industrie de la musique
07:31dans 10 ans ?
07:31Est-ce que vous arrivez
07:32à vous projeter,
07:33François Paché,
07:34à imaginer ?
07:35Il y aura autant de chanteurs,
07:36il y aura autant de musiciens,
07:37il y aura autant de labels,
07:38il y aura autant de producteurs.
07:39Il faut savoir
07:40qu'il n'y a jamais eu
07:41autant de musiciens
07:42et de morceaux
07:43qu'aujourd'hui.
07:44Et ce n'est pas du tout
07:44à cause de l'unigrasse à l'IA.
07:46On a dans les catalogues
07:48des boîtes de streaming
07:49environ 100 millions de titres,
07:51ce qui est gigantesque,
07:51et tous les jours
07:52autour de 100 000 nouveaux titres.
07:54Combien générés par l'IA
07:56sur les 100 000 ?
07:56Ça, c'est notre problème.
07:57Mais déjà,
07:57il y en avait avant l'IA.
07:59Donc, je ne pense pas
08:00qu'il y en aura plus.
08:01Moi, je ne sais pas
08:02ce qui va arriver.
08:02Ce que j'espère,
08:03c'est qu'il va y avoir
08:04des nouvelles IA,
08:05des nouveaux algorithmes,
08:06parce qu'il faut aussi dire
08:06que tous les invités
08:08qui viennent ici
08:09parlent du même algorithme,
08:11les modèles de diffusion
08:12ou les transformeurs.
08:14Il n'y a que deux algorithmes.
08:15Donc, ces algorithmes
08:16travaillent de manière
08:17totalement indifférenciée.
08:19Et ils n'ont pas en eux
08:20les ingrédients
08:21qu'il faudrait qu'ils aient
08:23pour faire des choses
08:23vraiment créatives
08:24pour une bonne raison.
08:25C'est qu'on ne sait pas
08:26ce que ça veut dire
08:27être créatif, en fait.
08:28Donc, il y a un mystère,
08:29si vous voulez,
08:29qui reste entier.
08:30Comment on fait
08:31une bonne chanson ?
08:32Je veux dire,
08:32personne ne le sait
08:33et pas plus aujourd'hui
08:34qu'il y a dix ans.
08:35Est-ce que l'IA
08:35ne peut pas deviner
08:36justement les accords
08:38qui marchent bien ?
08:39Non.
08:40Parce que les accords
08:41qui marchent bien
08:41n'existent pas.
08:42OK.
08:43Non, mais par exemple,
08:44c'est vrai qu'on pourrait
08:46très bien imaginer
08:47que l'IA scanne
08:48les mille chansons
08:49les plus populaires au monde
08:51et qu'elles s'en inspirent
08:53pour faire quelque chose
08:54dont on sait
08:55que ça sera banquée belle.
08:56Vous voyez ce que je veux dire ?
08:56Populaire ne veut pas dire
08:58intéressant.
08:59Oui, mais il y a le business
08:59derrière tout ça.
09:00Oui, oui.
09:00Non, mais qu'il y ait des choses
09:01qui deviennent populaires.
09:02Oui, certainement.
09:03Ce n'est pas pour ça
09:03que ça va modifier
09:04l'histoire de la musique
09:05ou ça va impacter,
09:06disons, cette histoire
09:07avec des choses révolutionnaires.
09:09Moi, j'attends,
09:09et je pense qu'on va attendre
09:10très longtemps,
09:11une chanson faite par l'IA
09:12qui soit reprise
09:13par les êtres humains
09:14tellement elle est bonne.
09:15Et ça, ce n'est pas arrivé.
09:16Ça, ça serait quand même
09:17assez fort.
09:18Dernière question,
09:20la rémunération des artistes.
09:21On voit que Le Monde,
09:22par exemple,
09:22a passé un accord,
09:23on l'écoutait il y a
09:24quelques secondes
09:24avec Chagipiti.
09:26On voit que Universal
09:27est en train, justement,
09:28de passer des accords
09:30avec des systèmes
09:31qui génèrent de la musique.
09:32On est obligé
09:33de passer par là,
09:33aujourd'hui ?
09:34Ah ben oui.
09:35Si vous voulez,
09:35en Europe,
09:36on a une attitude
09:37très défensive.
09:38On a fait passer
09:39le AI Act,
09:40la loi sur l'IA
09:41qui est très défensive.
09:42Il va pour réguler l'IA.
09:43Voilà.
09:44Et en fait,
09:45cette loi,
09:45je suis désolé de le dire,
09:47elle n'a pas beaucoup d'impact
09:48parce que ce qui se passe,
09:49c'est qu'en fait,
09:49il y a des deals,
09:50des accords
09:50qui sont faits entre les entours.
09:52Vous parlez de Universal
09:53avec Oudio, par exemple.
09:54Il y en aura,
09:55à mon avis,
09:55certainement d'autres
09:56avec les autres gros labels
09:57et les autres fournisseurs d'IA.
09:59Et ces deals se font,
10:00si vous voulez,
10:01indépendamment des lois.
10:02On a un peu trop tendance
10:03en France
10:04à réguler,
10:05à empêcher,
10:06à contraindre,
10:07à limiter
10:07avant de réfléchir.
10:10Bon,
10:10on est comme ça.
10:11C'est comme ça.
10:11Il faut vivre avec.
10:12Merci beaucoup François
10:13de passer par le plateau
10:14de la nuit de l'IA.
10:15Merci beaucoup.
10:16Vous pouvez rester avec nous.
10:17On va avoir de la pub.
10:18Il n'y a pas de problème.
10:20Vous êtes cofondateur
10:20d'Imagine All the People
10:22et InuSand
10:23et ancien directeur
10:24du Spotify,
10:24créateur de technologies
10:25with Search Lab.
10:26Non, il n'y a pas de pub.
10:27Donc vous pouvez y aller.
10:27Je me suis trompé.
10:28Sous-titrage Société Radio-Canada
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