- il y a 11 heures
La vidéo avait fait le tour du monde : une jeune femme enceinte, suspendue dans le vide, au 2e étage du Bataclan. Appelant à l'aide, un homme l'avait sauvé à bout de bras. 10 ans après les attentats, elle témoigne pour la première fois. Elle est accompagnée de Daniel Psenny, le journaliste qui a filmé la scène et qui a lui-même été blessé.
Regardez Face à Fogiel du 10 novembre 2025.
Regardez Face à Fogiel du 10 novembre 2025.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00C'est le matin, Thomas Soto.
00:04Il est 8h17, face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel.
00:08Deux invités avec vous ce matin, Marc-Olivier.
00:09D'abord Charlotte, c'est une rescapée du Bataclan.
00:13Et aussi Daniel Psény, journaliste, réalisateur du documentaire Vendredi Noir,
00:17coproduit par Première Ligne, qui lui aussi était au mauvais endroit,
00:20au mauvais moment, il y a dix ans.
00:22Bonjour Charlotte.
00:23Bonjour Marc-Olivier.
00:24En dix ans, vous n'avez jamais parlé dans les médias.
00:26Si aujourd'hui vous êtes notre invité sur RTL, c'est grâce à Daniel.
00:28Daniel Psény qui est à vos côtés, qui était journaliste au Monde.
00:31Bonjour Daniel Psény.
00:31Bonjour Marc-Olivier.
00:32C'est lui qui a réussi à remonter jusqu'à vous.
00:34Et c'est lui qui a filmé cette scène, qui a fait le tour du monde.
00:37Cette scène assez incroyable.
00:40Et qui a réalisé ce documentaire Vendredi Noir, dans lequel vous témoignez.
00:43Il sera diffusé mercredi sur LCP.
00:45Pour commencer, déjà pourquoi avoir attendu dix ans pour témoigner ?
00:48Le statut de victime, vous n'étiez pas très à l'aise avec ça ?
00:50Je ne pense pas que ça a un rapport avec le statut de victime,
00:53avec lequel je ne crois jamais été mal à l'aise.
00:55J'ai plus voulu vivre ça à mon rythme, en fait.
01:00Sans qu'on m'impose de parler trop tôt,
01:02de dévoiler des choses que je n'aurais pas forcément eu envie de dévoiler.
01:06Et je voulais, en tout cas, me laisser vivre les choses à ma manière
01:10et sous l'œil de personne, si ce n'est mes proches.
01:12Vous, Daniel, pour faire ce documentaire, qui passe mercredi sur LCP,
01:16vous avez eu du mal à la convaincre, Charlotte, qui est là ce matin, grâce à vous ?
01:18J'ai eu du mal parce qu'elle ne voulait pas parler, tout simplement.
01:21Elle s'est retirée de tout ce qui concernait le 13 novembre.
01:25J'étais dans une enquête journalistique, qui est mon métier,
01:28même si j'étais victime et reconnu comme victime.
01:31Mais ce qui m'intéressait, c'était de retrouver les gens qui étaient sur la vidéo,
01:34au moins les survivants, parce que malheureusement, il y a beaucoup de morts.
01:37J'ai commencé à chercher.
01:39On s'est rencontrés le 19 octobre 2021.
01:43C'était le jour où moi, j'ai témoigné au V13, au procès, donc.
01:47Et il y a son avocate, à l'époque, qui est venue me voir et en me disant
01:51« Écoutez, il y a Charlotte qui désire vous rencontrer. »
01:54Et on s'est rencontrés.
01:55C'est comme ça que la rencontre s'est faite et que vous avez raconté dans le documentaire
01:58ce que vous allez nous raconter ce matin.
01:5913 novembre 2015, on vous voit accroché à l'une des fenêtres du Bataclan,
02:02suspendu, vous crier « Je vais lâcher, je suis enceinte, je vous en supplie ».
02:06On a d'abord besoin de comprendre ce qui vous amène à cette fenêtre.
02:09Quand vous entendez les premiers tirs dans le Bataclan, vous comprenez ce qui se passe ?
02:12Je ne sais pas pourquoi, mais oui, je sens tout de suite que c'est un danger.
02:15Donc oui, j'ai tout de suite un réflexe de protection et de me mettre à terre.
02:20Vous voulez vous cacher d'abord dans une loge, puis dans les toilettes,
02:22puis dans un faux plafond, mais il n'est pas assez profond.
02:23Qu'est-ce qui vous amène à choisir la fenêtre comme issue pour survivre ?
02:27C'est la seule issue que j'ai aperçue.
02:29C'est-à-dire qu'en fait, c'est quelque chose qui mène sur l'extérieur du Bataclan.
02:33Pour moi, dans ma tête, on n'est que premier balcon,
02:36et je me dis que finalement, c'est l'équivalent d'un premier étage,
02:40et qu'en me suspendant, je rapprocherai mon corps du sol,
02:44et que le delta ne serait pas énorme, mais que je pourrais sauter comme ça.
02:50Et le delta est énorme, donc vous appelez à l'aide,
02:52vous voyez des gens qui courent dans tous les sens,
02:54mais aussi des gens au sol qui ne bougent pas.
02:55Et là, vous criez donc la fameuse phrase qu'on entend,
02:58« Je suis enceinte », et dans le documentaire de Daniel,
02:59vous dites que vous culpabilisez de mettre ça en avant.
03:02Pourquoi, Charlotte ?
03:03C'est ce que je ressens quand je dis que je suis enceinte,
03:05et c'est ça qui crée ce trouble et qui me fait culpabiliser,
03:08c'est que les gens qui ne peuvent littéralement pas m'aider,
03:13c'est parce que si elles le faisaient, c'était au risque de leur vie.
03:17Sébastien, le héros, votre héros, est au-dessus, lui aussi,
03:21et quasi dans le vide, c'est lui qui va avoir cette force surhumaine,
03:25de vous ramener à l'intérieur, mais dans le danger.
03:29Ce moment-là, vous vous souvenez précisément,
03:30quand vous voyez Sébastien au-dessus,
03:32et qu'il vous tire, et qu'il arrive à vous ramener dans le Bataclan ?
03:35J'ai vraiment le souvenir du moment où il revient à l'intérieur,
03:40il ré-enjambe cette balustrade, il me tend sa main.
03:44En fait, ça se passe relativement vite, finalement.
03:46Je ré-enjambe cette balustrade et je me retrouve à l'intérieur,
03:48à côté de lui, assez vite.
03:49Votre regard ?
03:50Oui.
03:51Ça, j'imagine qu'il est marqué à vie,
03:53l'échange que vous avez avec lui à ce moment-là,
03:55les yeux dans les yeux.
03:57Oui.
03:57On ne se regarde pas avec le regard de la peur,
04:00ou de la panique, ou de la sidération.
04:02On se regarde avec un regard de profonde humanité.
04:08Il y a des sourires qui se dessinent sur nos lèvres,
04:09alors qu'on est vraiment dans un moment tragique.
04:12Parce qu'à l'intérieur, les terroristes sont toujours là,
04:13on va y venir, et ça tire de partout.
04:15Et donc, il vous ramène, parce que si vous lâchiez,
04:17vous vous faisiez très mal,
04:18mais il vous ramène, évidemment, dans le danger.
04:20Voilà.
04:20Et donc, c'est un moment de flottement,
04:22et il y a un moment, je ne sais pas pourquoi,
04:23où on sort brusquement de ce moment un peu suspendu,
04:27et où on se resépare.
04:29Vous, Daniel, vous êtes à l'extérieur,
04:31vous filmez, vous avez été blessé aussi.
04:33Ce moment que vous captez,
04:34vous vous rendez compte que c'est un moment pour l'histoire ?
04:36Vu ce qui se passe sous mes yeux, sous mes fenêtres,
04:39je sens instinctivement que c'est un moment grave.
04:42Et par réflexe journalistique,
04:43je commence à filmer en disant
04:45« ça sera une preuve, on ne sait jamais ».
04:47Il y a des cris dans la vidéo,
04:49la bande-son est absolument terrible,
04:51et on voit des gens par terre,
04:53en train de mourir,
04:54et c'est deux personnages suspendus dans le vide,
04:57sans savoir ce qui va arriver.
04:59Dans le vide, elle ne l'est plus là-haut, au Bataclan.
05:01Vous êtes enfermée avec d'autres,
05:03dans une sorte de loge.
05:04Combien de temps ça dure,
05:05avant de pouvoir sortir,
05:07et que l'assaut soit fait ?
05:08Ça dépend, le temps qui se passe dans ma tête,
05:10ou le vrai temps.
05:12Je me retrouve dans un local technique,
05:14et on est une quinzaine de personnes,
05:16on y restera jusqu'à l'intervention de la BRI.
05:20Ça doit être de l'ordre de deux heures et demie d'attente,
05:23puisque c'est le temps de la prise d'otage.
05:26Vous vous teniez les uns les autres,
05:27là aussi, par la main ?
05:29Oui, dans le silence,
05:30parce qu'il n'y a aucun mot qui se sont échangés,
05:31évidemment, entre nous,
05:34mais dans les silences,
05:35on n'était pas seuls.
05:37Et dix ans après, qu'est-ce qu'il vous reste ?
05:38Il vous reste le moment sur le balcon,
05:40ou l'ensemble de la soirée ?
05:43C'est un tout,
05:44je n'ai pas un moment qui me revient plus que d'autre.
05:46Et ce moment où je suis suspendue à la fenêtre,
05:49je n'ai pas le souvenir,
05:49quand j'ai revu la vidéo,
05:51que je l'ai vue avec le son,
05:52j'ai réalisé que moi,
05:53dans mes souvenirs,
05:54je n'avais pas entendu tout ça.
05:56Alors justement,
05:56cette vidéo,
05:57vous avez accepté de la regarder
05:58dans le documentaire de Daniel,
05:59avant,
06:00jamais,
06:01vous ne vouliez pas ?
06:01Non.
06:02Quand il vous le fait regarder,
06:03la vidéo,
06:03dans son intégralité,
06:04pas celle qui avait été publiée
06:06sur les réseaux sociaux,
06:07on vous voit prendre votre respiration,
06:09un grand souffle.
06:10Ça a été compliqué de la revoir,
06:11cette vidéo ?
06:12Oui.
06:12Je ne savais pas qu'il allait me proposer
06:13de la voir.
06:15Je crois que j'ai accepté,
06:17parce que ça fait partie
06:18du processus
06:20que j'ai mis en route
06:22en acceptant
06:23de participer au documentaire.
06:24C'est-à-dire qu'il fallait aller au bout
06:28un peu
06:28de ce processus-là,
06:31accepter de la regarder,
06:32c'était aussi,
06:33quelque part,
06:35accepter de la mettre
06:35un peu à distance,
06:37en choisissant le moment
06:38et les conditions
06:39dans lesquelles j'allais
06:41m'y exposer.
06:42Sébastien,
06:43celui qui vous a sauvé,
06:44vous l'avez retrouvé
06:45un mois après les attentats
06:46grâce à un message
06:46de votre compagnon
06:47publié sur un site.
06:49Les retrouvailles,
06:49comment ça s'est passé ?
06:50J'ai pu m'entretenir
06:51au téléphone avec lui,
06:53lui dire merci,
06:54savoir qu'il était vivant.
06:56C'est qui pour vous
06:56aujourd'hui Sébastien ?
06:58C'est quelqu'un
06:59qui aura marqué ma vie
07:01à tout jamais,
07:02que je porterai toujours
07:03en moi,
07:04enfin il y aura toujours
07:04une part de lui en moi.
07:06Quelqu'un que je porte en moi
07:07pour une femme enceinte
07:08qui était sur un balcon,
07:09les mots ont un sens,
07:10une femme enceinte
07:11qui a donc accouché
07:12forcément d'une petite fille.
07:13Vous lui racontez quoi
07:14de cette histoire
07:14à cette grande fille
07:15aujourd'hui ?
07:16Il ne fallait pas,
07:17et ce n'était pas d'ailleurs
07:17mon intention,
07:18que ce soit un secret.
07:19Parce qu'il ne fallait pas
07:20que ce soit une révélation ensuite.
07:21Donc elle,
07:21elle peut en parler
07:22à ses copines par exemple.
07:23Alors maintenant,
07:24qu'elle est plus grande
07:25et qu'elle,
07:26je pense,
07:27est un peu plus en âge
07:28d'appréhender
07:28vraiment ce qui s'est passé,
07:30oui.
07:31Vous,
07:32ces dix ans,
07:32ils se sont passés comment ?
07:33Vous avez eu besoin
07:33de changer complètement de vie ?
07:35Ça s'est passé comment
07:35ces dix ans pour vous ?
07:37Déjà,
07:37j'ai eu un enfant en fait.
07:38Enfin juste ça,
07:39ça a été un changement radical de vie.
07:42Et je pense que ça m'a vachement aidée
07:43en fait dans ma reconstruction
07:44puisque j'ai eu
07:45un second bouleversement de la vie
07:47qui m'a amené vers autre chose.
07:49Vous aviez une sorte
07:49de culpabilité du rescapé
07:51comme on dit souvent ?
07:52Je pense que oui.
07:52Une culpabilité du rescapé,
07:54c'était plus
07:54y trouver du sens,
07:56c'est peine perdue.
07:57Et pourquoi est-ce que
07:59moi,
07:59j'ai survécu
08:00et pas d'autres,
08:02y donner du sens ?
08:02Je n'ai pas cherché
08:03à le faire deux secondes.
08:04Mais vous avez eu besoin
08:05de partir très loin ?
08:06Changer de vie ?
08:07Oui,
08:07j'ai eu besoin
08:08de donner du sens
08:08à cette vie
08:10qu'on m'avait laissée.
08:13Et donc oui,
08:13j'ai eu besoin
08:14de me dire
08:15il faut en profiter.
08:16On est partis voyager
08:18très longtemps.
08:19Moi j'avais besoin
08:19et mon compagnon aussi
08:21parce que du coup
08:22il l'a vécu évidemment
08:23conjointement avec moi.
08:25On a eu besoin
08:26de retrouver
08:26des humains
08:28gentils et chouettes.
08:29Et en fait,
08:29on a eu besoin
08:30de voyager un peu partout
08:32et d'aller rencontrer
08:33des gens
08:34pas de la même culture,
08:35pas de la même langue,
08:37se reconnecter
08:37avec l'être humain.
08:39Pour conclure,
08:40il y a ce documentaire
08:41qui passe
08:41donc mercredi.
08:42Il y a aussi
08:43des tas de fictions
08:44certaines où vous êtes représentée.
08:46Ça vous inspire quoi
08:47d'être représentée
08:48dans des fictions
08:49où vous n'avez même pas
08:50été consultée en fait
08:51et que votre histoire
08:52est racontée,
08:52j'allais dire,
08:53malgré vous.
08:55C'est quelque chose
08:55que j'ai appris
08:56juste avant la diffusion
08:59de cette série.
09:02Des vivants donc
09:03sur France Télé.
09:03Voilà.
09:05Ça m'a vraiment bouleversée
09:06avec ce documentaire
09:08et la démarche de Daniel.
09:10Il m'a laissé le choix.
09:11J'ai choisi de parler.
09:12C'était une manière
09:13de me réapproprier
09:14aussi un petit peu
09:15le récit.
09:17Et du coup,
09:17quand j'ai appris
09:17que j'avais été incarnée
09:19mais sans qu'on m'en ait parlé
09:21et qu'on m'ait consulté
09:23et qu'on m'ait demandé
09:23en fait,
09:24ça a finalement eu
09:25un effet positif
09:26parce que ça m'a permis
09:28de renforcer
09:29la conviction
09:30que j'avais
09:31que c'était une bonne décision
09:32que j'avais prise
09:33de parler dans ce documentaire.
09:35Que c'était ce documentaire,
09:36c'est un peu comme
09:36une boîte temporelle.
09:38J'ai déposé mon récit.
09:39Si un jour,
09:41ma fille veut savoir
09:42quel était
09:43le récit qu'on faisait
09:45sa mère dix ans après,
09:46il sera là.
09:47Dix ans après,
09:47je peux dire
09:48que vous allez bien, Charlotte ?
09:49Oui, on peut dire
09:49que globalement,
09:51vu ce qui s'est passé,
09:52ça va,
09:53que je suis dans un état stable.
09:54Vous retournez
09:55dans des salles de concert ?
09:56Alors ?
09:57Vous qui travaillez
09:58dans la musique ?
09:58Oui.
09:59Non, je ne retourne pas
10:00dans des salles de concert.
10:03Non.
10:03Des festivals,
10:04comme je travaille
10:05sur certains festivals.
10:06Parce que c'est en plein air ?
10:07C'est en plein air.
10:08J'ai des accès techniques,
10:10donc je me sens un peu protégée.
10:11Ça, j'y arrive un peu plus.
10:12Concert, malheureusement, non.
10:14Et dans la vie de tous les jours,
10:14vous avez d'autres handicaps
10:15comme ceux-là ?
10:16Les transports en commun,
10:17en heure de pointe.
10:18Quand il y a beaucoup de monde,
10:19ça, j'ai du mal.
10:21Donc, je suis souvent en retard.
10:24Je dois prendre
10:24beaucoup d'avance
10:25ou je prends mon vélo
10:26ou je vis en courant
10:27comme aujourd'hui.
10:28Comme ce matin sur RTL.
10:29C'est pour ça
10:30que vous êtes venu en jogging.
10:31C'est pour ça.
10:32C'est pour ça, en courant.
10:34C'est entre autres pour ça.
10:35Oui, oui, exactement.
10:36Merci d'avoir témoigné
10:37ce matin sur RTL
10:38et dans le documentaire
10:38de Daniel Vendredi Noir,
10:40documentaire diffusé
10:40le 12 novembre à 20h40
10:42sur LCP.
10:43Merci, Daniel Séni.
10:43C'est produit par Première Ligne
10:45qui est une société de production
10:46qui prend des risques aussi.
10:48Merci à tous les deux.
10:49Merci.
10:49Merci à vous.
10:50Et je dirais même
10:51merci à tous les trois,
10:51Marc-Olivier,
10:52puisqu'on vous retrouvera.
10:52Merci.
10:53Merci.
10:54Merci.
10:55Merci.
10:56Merci.
Recommandations
48:55
|
À suivre
53:09
10:50
9:02
9:43
10:13
11:24
10:05
10:10
0:50
1:41
0:30
9:39
33:11
10:40
9:54
2:19
0:56
0:37
11:05
Écris le tout premier commentaire