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  • il y a 2 semaines
C'est un accident extrêmement rare. En mars dernier, deux avions de la Patrouille de France entraient en collision en plein vol. Un miraculé, Nicolas, l'un des deux pilotes, s'est éjecté quelques secondes avant que son avion ne s'écrase. Il raconte pour la première fois ce qu'il s'est passé dans RTL Matin.
Regardez Face à Fogiel du 16 septembre 2025.

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Transcription
00:01RTL Matin, Thomas Soto
00:02Il est 8h18, face à Fogiel, l'interview de Marc-Olivier Fogiel.
00:08C'était en mars dernier, deux Alphajets de la Patrouille de France entrés en collision en plein vol.
00:13C'était lors d'un entraînement.
00:14Les deux pilotes ont heureusement survécu grâce à une manœuvre d'éjection aussi rapide que risquée.
00:20Et ce matin, l'un de ces deux pilotes, Nicolas, a accepté de répondre à vos questions, Marc-Olivier.
00:24Bonjour Nicolas.
00:25Bonjour M. Fogiel.
00:27Ni vous, ni l'autre pilote, ni le passager, un frère d'armes, lui aussi pilote de chasse qui était avec vous,
00:34n'avait pris la parole depuis cet accident spectaculaire le 25 mars dernier.
00:38Ce matin, c'est donc la première fois que vous nous racontez ce que vous avez vécu.
00:42Aujourd'hui, vous vous sentez prêt à raconter cette collision ? Vous avez donc frôlé la mort, Nicolas ?
00:48Effectivement, après cinq mois écoulés, pour ma part en convalescence,
00:53c'est un moment qui me permet de parler avec vous, avec les auditeurs, un petit peu à tout le monde,
00:58cette effroyable ou peut-être même effroyable pour certaines aventures qui nous est arrivée,
01:03cet accident qui a conduit bien malheureusement à cette triple éjection,
01:07mais où tout le monde est là.
01:08Les trois frères d'armes sont là et on est content de pouvoir en témoigner.
01:12Alors vous allez nous raconter cette effroyable, comme vous dites, collision.
01:16Tout bascule ce 25 mars aux alentours de 15h30.
01:20Vous êtes dans votre cockpit et vous comprenez que vous allez entrer en collision dans le ciel
01:23avec l'un des cinq autres avions en entraînement.
01:26Qu'est-ce que vous comprenez exactement ?
01:29Vous voyez à ce moment-là qu'il y a un avion qui s'approche de vous dangereusement ?
01:34Eh bien justement, non.
01:35Il y a le premier effet, je dirais, qui est ressenti, c'est un peu la sidération,
01:40parce que je ne vois pas justement la collision arriver.
01:42La collision a lieu avec mon équipier intérieur droit,
01:46qui a arraché mon aile et l'arrière de l'avion.
01:49L'avion, là, que vous ne maîtrisez plus, il vole à quelle allure ?
01:53En l'occurrence, il ne vole plus, parce que je n'ai plus d'ailes.
01:55Il me manque aussi la partie arrière de l'avion.
01:57Donc l'image, c'est un peu un petit peu un fer à repasser.
02:00D'une vitesse de déplacement en mouvement, je me retrouve à chuter quasiment instantanément, verticalement.
02:05Donc c'est de l'ordre de 100 à 150 nœuds, donc un petit 300 km heure, on va dire.
02:10Donc je vois le sol s'approcher très vite.
02:12On ressent cette chute.
02:13Concrètement, c'est le bilan.
02:15L'avion ne vole plus.
02:17Les actions aux commandes que je produis n'ont aucun effet.
02:20Le bilan est fait.
02:21Je ne peux plus maîtriser mon avion.
02:23La solution, c'est s'extraire de l'avion.
02:26On décide, on fait le bilan, on tire une poignée pour s'éjecter ?
02:29Absolument.
02:30Sur les sièges éjectables dont sont équipés les Alphajets, nos machines,
02:35disposent d'une poignée qui est située entre les jambes, entre les cuisses.
02:40C'est une poignée qu'on vient tirer vers le haut, qui permet le déclenchement du dispositif.
02:45Et là, vous êtes propulsé sur votre siège à 65 mètres au-dessus de l'avion.
02:49Vous êtes ensuite libéré de votre siège et le parachute se déploie.
02:52Lorsque vous êtes éjecté, vous subissez une force de 20 G, 20 fois le poids de votre corps.
02:57La pression doit être énorme.
02:59Oui, oui, oui.
03:02Alors, pour le coup, on déroule les procédures, comme je vous l'ai dit.
03:05On s'entraîne à cette procédure d'éjection, mais on ne la réalise jamais en vrai.
03:08On s'entraîne à prendre les positions, à simuler l'appréhension de cette manette.
03:12Mais on ne simule jamais une éjection réelle, parce que, bien évidemment, c'est un choc.
03:18Un choc assez violent avec cette accélération dont vous venez de parler, de l'ordre de 15 mètres par seconde.
03:22Donc, ça monte très fort.
03:23C'est un moteur fusée qui vient déclencher et extraire le pilote et accompagner de son siège, bien évidemment.
03:30Il y a un moteur fusée, vous dites.
03:31Mais donc, on ressent quoi ? J'imagine que les vertèbres se tassent.
03:35Ça doit être physiquement incroyable.
03:37Il y a deux choses.
03:38Il y a la sensation physique.
03:39On a du mal à garder la tête bien droite, puisque la pression est telle que ça nous fait baisser la tête.
03:44Les forces appliquées sur les cervicales, surtout le rachis, sont conséquentes, assez fortes.
03:49La deuxième sensation qu'on a, en tout cas pour ma part, on se voit s'extraire du cockpit.
03:53Et très, très rapidement, on voit le cockpit devenir tout petit.
03:56Donc, c'est à la fois des sensations visuelles, des sensations musculaires.
03:59Et on ressent cette forte pression.
04:00Et il y a aussi beaucoup de bruit, puisqu'il y a un dispositif pyrotechnique.
04:03Donc, c'est de la détonation, comme un coup de fusil, un coup de canon, on dit.
04:07Ce moment d'éjection, il est un peu particulier, parce que vous ne vous éjectez pas une fois, mais deux fois dans la procédure.
04:11Dans un premier temps, vous devez d'abord éjecter votre passager.
04:14L'avion continue à descendre, puis vous, c'est ça ?
04:16Oui, oui, c'est correct.
04:17Dans la procédure d'éjection, je suis commandant de bord.
04:19En tant que commandant de bord, je suis responsable de l'avis de mon passager.
04:21Et dans cette procédure, le passager doit sortir de l'avion en premier.
04:25Cette procédure, elle est assez simple.
04:26C'est une injonction, communication entre nous.
04:28Je leur donne, éjection, éjection, éjection.
04:31C'est une phase préparatoire.
04:32Le premier, éjection.
04:34Le deuxième éjection que je prononce, c'est pour que lui fasse l'action, le passager.
04:38Et ensuite, le troisième éjection, qu'il n'entend pas, bien évidemment, puisqu'il est déjà sorti.
04:42Normalement, c'est le moment où je tire ma poignée, à mon tour.
04:44En l'occurrence, cette injonction, je la répète une deuxième fois,
04:48puisque, pour ne rien vous cacher, il y a des bruits, on est projeté dans la cabine,
04:52il y a des sons, il y a une ambiance, vous l'imaginez, qui est très chaotique.
04:56Je n'entends pas ce coup de canon.
04:58On a parlé du siège éjectable qui a ce coup de canon.
05:01Je n'entends pas le coup de canon qui signifie qu'il est parti.
05:03Donc, je répète cette injonction une deuxième fois, jusqu'à entendre le coup de canon.
05:07C'est une dernière fois que là, je suis au moment où il faut aussi pour moi tirer.
05:11Et j'entends le coup de canon, je tire.
05:12Et là, je vois un peu toute ma vie défiler.
05:15C'est assez particulier, la sensation.
05:17Et puis là, une seconde après, il y a l'Algeco, que je vois arriver de loin,
05:21puisque je traverse un petit peu l'usine, entre les barres de fer, les silos.
05:25Je lis très bien ma trajectoire.
05:27Je suis dans un balancier où le parachute est en train de s'ouvrir.
05:30Il va falloir que je résiste au dernier choc, parce que ce n'est pas fini.
05:32Il faut atterrir.
05:33Ça prend combien de temps ?
05:34On comprend bien que le parachute s'ouvre tard, puisque vous êtes déjà très bas.
05:37Entre le moment où vous êtes éjecté et le moment où vous arrivez au sol,
05:40c'est combien de temps ?
05:41Une seconde et demie, deux secondes.
05:43Simplement deux secondes et vous vous écrasez, en gros ?
05:46Oui, absolument.
05:47L'éjection est si tardive, le temps que le parachute, que la coupole s'ouvre,
05:51puisque je suis éjecté à l'horizontale, elle se redresse, je me redresse.
05:54Et là, donc, vous mangez le sol.
05:56Et il se passe quoi quand vous êtes au sol ?
05:59Vous vous tordez de douleur ou ça va ?
06:00Écoutez, il y a probablement, vous savez, on dit souvent l'effet d'adrénaline,
06:04qui maintient un peu, mais je vous avoue que je n'ai pas plus mal que ça.
06:06Là, je me relève, j'enlève mon parachute, je me retourne, il y a l'avion en feu,
06:10la boule de feu qui est juste à côté de moi, des débris partout, c'est assez lunaire,
06:13c'est chaotique.
06:15Je touche mes membres, je n'ai pas de fracture, tout va bien, j'enlève mon casque tout doucement.
06:19Et puis une dame sort de l'Algeco, me demande si je veux une chaise.
06:22Je vois qu'elle est assez ébahie un petit peu par la scène.
06:26Et puis rapidement, ce n'est pas fini, il faut que je prévienne les secours.
06:29L'avion, il est en feu à côté de moi.
06:31En me retournant d'ailleurs, je vois deux copains sous voile qui dérivent,
06:35puisque je suis arrivé au sol bien avant eux, bien évidemment.
06:37Donc je les vois traverser le ciel, je me dis, au moins il y a deux parachutes et deux survivants.
06:41Et puis moi, je dois prévenir pour leur dire que je suis sain et sauf, au sol, à tel endroit, dans une usine.
06:46La dame m'explique où je suis et puis les secours arrivent.
06:49Un type qui s'éjecte, qui s'écrase, elle voit un extraterrestre en fait.
06:54Oui, j'ai l'impression qu'elle est un petit peu...
06:56Alors, je ne le ressens pas tout de suite, mais encore une fois, en revivant la scène,
06:59je me dis, cette dame-là, quand elle sort, qu'elle voit et tous les bruits qu'elle a pu entendre,
07:03je pense qu'elle a dû se dire, ouh là là, qu'est-ce qui se passe ?
07:06Encore aujourd'hui, vous allez nous raconter, vous êtes en convalescence à Marseille,
07:10parce qu'à l'atterrissage, ça se passe mal.
07:12Le côté gauche de votre corps tape un algéco et il y a des dégâts.
07:16Oui, il y a eu cette phase d'atterrissage qui est assez douloureuse.
07:20Il m'a valu une petite blessure, blessure conséquente, je dirais même aux genoux notamment.
07:24Le ménisque est touché, les ligaments de votre genou gauche sont rompus,
07:27la convalescence et la galère commencent.
07:29Vous vous décrivez comme un survivant ?
07:30Oui, oui, un survivant, un miraculé.
07:32L'issue de l'accident aurait pu être bien plus tragique.
07:35Mon principal souci à l'atterrissage était de peut-être savoir et comprendre ce qui s'était passé,
07:39parce que je n'avais vraiment pas conscience qu'il y avait eu collision avec mon coéquipier.
07:43Il y avait peut-être d'autres avions, enfin je ne savais vraiment pas,
07:46et puis je ne savais pas s'il y avait d'autres victimes.
07:48Voilà, la mort qui rode autour de tout ça.
07:50On se dit, finalement je suis là, on a déroulé cette procédure.
07:53J'ai réussi également à amener l'extraction de mon passager.
07:55Aucun blessé, tout le monde a rejoint sa famille.
07:58C'est peut-être la plus belle chose et c'est extraordinaire.
08:00On savoure encore plus le plaisir de la vie.
08:03Les images de la collision sont sur RTL.fr, évidemment vous les avez revues ces images ?
08:07Oui, bien sûr.
08:08Et ça vous fait quoi ?
08:09Le premier visionnage permet peut-être de mettre des images sur ce qu'on n'a pas compris.
08:14Après, ça fait partie malheureusement d'une vie aéronautique.
08:18Il y a des accidents, on en est protagoniste ou spectateur.
08:21Maintenant, il faut aller de l'avant et c'est aussi ce dont on fait tous preuve, notamment l'unité.
08:25Moi-même, c'est cette résilience, dans une situation de traumatisme, de savoir se relever,
08:30mobiliser les ressources qui sont nécessaires à aller de l'avant, replanifier le futur.
08:35Vous ne pouvez pas nous en dire plus sur les raisons de l'accident puisqu'elles sont établies par les enquêtes en cours,
08:39mais vous refaites le match en permanence pour essayer de comprendre.
08:41C'est ça, j'imagine que vous avez été entendu et vous voulez savoir véritablement ce qui s'est passé.
08:45Oui, absolument, c'est important. Vous en doutez bien, un tel accident, plutôt rare, c'est souvent multifactoriel.
08:51Le but de l'enquête sera de déterminer toutes les causes possibles.
08:55L'expliquer, c'est surtout pour, peut-être, et c'est bien le plus important, en tirer des leçons, savoir pourquoi et que ça serve.
09:01Vous rêvez de revoler, vous qui avez 3700 heures de vol à votre actif, dont 1330 sur Alphajet.
09:06Vous n'êtes pas un débutant, bien au contraire. Vous voyez repartir en vol ?
09:11Ah ben oui, et bien sûr. Et ma convalescence approche de sa fin. Donc j'ai hâte de retrouver une aptitude,
09:18puisque bien évidemment l'aptitude au vol, l'aptitude physique, elle est suspendue le temps de la convalescence.
09:22C'est ce qu'on prend naturellement. Et de nouveau reçu par un expert militaire, un docteur militaire,
09:28j'espère pouvoir retrouver cette aptitude et bien évidemment remonter dans un allure.
09:32Et vos proches ne vous disent pas, t'as frôlé la mort une fois, pas deux, on passe à autre chose ?
09:36Oui, probablement. Probablement qu'ils me le disent, peut-être que je ne l'entends pas.
09:41Donc vous, c'est votre vie, vous remontrez dans un avion, ça c'est sûr, aux commandes d'un avion, vous avez même hâte.
09:47Oui, absolument.
09:48Merci beaucoup Nicolas de nous avoir fait partager ce moment assez incroyable.
09:52Vous étiez aux côtés d'Etienne Baudu, le correspondant d'RTL à Marseille pour la liaison technique.
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