- il y a 2 jours
L'humain a progressivement investi les océans, le bruit ne cesse de croitre : trafic maritime, sonar civils et militaires, exploration sismique, chantiers en mer pour la construction de plateforme pétrolière ou de parcs éoliens. Tous ces bruits constituent une menace pour la faune marine.
Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre
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00:00Aujourd'hui, le grand vacarme de l'océan, raconté par
00:03Laurence Paoli, autrice d'essai de vulgarisation scientifique
00:06et Charlotte Curé, directrice de recherche en bioacoustique au CEREMA,
00:10UMR Acoustique Environnementale.
00:18Il nous appelle mammifères marins, mais il ne nous regarde pas vraiment.
00:24Il mesure, compte, balise, trace, mais il n'écoute pas.
00:27Depuis quelques temps, je perçois des sons que je ne comprends pas,
00:31des grondements artificiels, des impulsions sèches,
00:34des bourdonnements constants qui envahissent l'océan comme une fièvre invisible.
00:38Ce ne sont pas des chants, ce ne sont pas des signaux de vie,
00:41ce sont des bruits morts produits par des machines.
00:44Sonar, forage, cargo, radar, transbondeur,
00:47ils parlent de progrès, moi je n'entends que le vacarme.
00:50J'ai vu mes sœurs fuir après l'usage de vos sonars basse fréquence,
00:54vos expériences contrôlées, des frappes sonores déclenchant nos évitements,
00:58nos brusques départs, nos interruptions, de nous alimenter,
01:01et nous poussant parfois jusqu'à l'abandon des zones où nous sommes exposés.
01:05Comme si ces bruits étrangers pouvaient à nouveau nous affaiblir,
01:08effacer notre monde fréquence après fréquence.
01:11Ils masquent nos émissions sonores et nous impactent.
01:14J'ai entendu le chant d'un jeune mâle se briser sur un mur d'écho amplifié par votre vacarme.
01:19Parfois, un seul de vos bateaux suffit à réduire plus de la moitié de notre espace de communication,
01:25modifiant la structure et le rythme même de nos chants.
01:28J'ai ressenti ces vibrations sourdes si puissantes qu'elles ont fait trembler mes sacs laryngés,
01:34comme un tambour frappé de l'intérieur.
01:36Vous parlez de dérangement, c'est plus que cela, c'est un empêchement d'exister.
01:40Extrait du livre « Vos silences, nos mots, confidence d'une femelle baleine à bosse » de Nadege Gandilon.
02:10Les enregistrements effectués montrent que même distants de 500 mètres les uns des autres,
02:17les actions et déplacements des cachalots étaient concertés et synchrones,
02:21ce qui implique qu'ils communiquent entre eux.
02:23Que se disent-ils ?
02:25On n'en sait encore rien. Seule certitude.
02:28Les écoutes ont confirmé que les cachalots ont une intelligence collaborative fondée sur la communication sonore.
02:35Or, en temps ordinaire, on entend ça.
02:40Un vacarme dû au pâle, au moteur des navires et au sonar.
02:45Extrait de la chaîne YouTube « Slice Histoire », c'était en 2023.
02:49Laurence Paoli et Charlotte Curé, bonjour.
02:51Bonjour.
02:52Merci d'être avec nous aujourd'hui.
02:54Laurence Paoli, vous publiez chez Actes Sud, le champ perdu des baleines,
02:57quand la pollution sonore étouffe les voies de l'océan,
03:00dans lequel vous expliquez comment la pollution sonore issue des activités humaines
03:04bouleverse totalement l'équilibre des océans.
03:08Et vous évoquez, entre autres, le travail de Charlotte Curé, ici même.
03:11Comment est-ce que vous vous êtes rencontrée ?
03:12On s'est rencontrée grâce à Flore Samaran,
03:14qui est aussi une spécialiste des baleines, et surtout des baleines bleues,
03:17et qui a monté un colloque, qui organise un colloque qui s'appelle Serenade.
03:21Et Charlotte était évidemment une des invitées,
03:25puisque c'est une des grandes spécialistes des cétacés,
03:27puisqu'elle fait des playbacks, elle va vous raconter ça très bien.
03:31Donc du coup, j'ai eu la chance d'avoir Charlotte,
03:32et de pouvoir l'interviewer pour mon livre, et elle a accepté de me répondre.
03:35Charlotte Curé, des playbacks de baleines, qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
03:39Donc les playbacks, c'est une méthodologie pour essayer de comprendre ce que se disent les animaux.
03:46Donc en fait, le principe, c'est d'émettre un son,
03:49et de mesurer la réponse comportementale de l'animal,
03:52pour voir comment il répond à ce son.
03:54C'est aussi un peu ces techniques-là qu'on utilise pour évaluer l'impact d'un bruit
03:58dont on soupçonne qu'il pourrait perturber le comportement de l'animal.
04:00On diffuse ce bruit et on regarde le comportement.
04:03Et donc chez les oiseaux, les mammifères terrestres,
04:06c'est des expériences qui ont été pas mal développées dans la deuxième moitié du XXe,
04:10mais par manque de technologies efficaces, chez les cétacés, c'était très compliqué.
04:14Donc moi, je me suis vraiment focalisée sur essayer de monter ce type d'expérience
04:19chez les cétacés pour en apprendre plus sur l'importance des sons qu'ils émettent
04:23et puis l'impact des sons émis par l'homme dans les océans.
04:26Et donc vous plongez avec vos enregistrements ?
04:28Non, je ne plonge pas avec les enregistrements, je suis équipée d'outils, de matériel.
04:34Donc on a des hydrophones pour enregistrer les sons, qui sont des micros qu'on met dans l'eau.
04:38Et puis on a aussi une technique, l'ère du biologuing à la fin du XXe,
04:43avec toutes ces balises munies de capteurs qu'on fit sur les animaux de manière temporaire
04:47et qui permettent finalement de mesurer le comportement de manière continue des animaux,
04:52sans qu'on ait besoin de les approcher ni de les toucher.
04:54Donc on pose la balise et à partir de ce moment-là, ça enregistre leur comportement.
05:00On va en parler évidemment de ces résultats.
05:02Laurence Paoli, avec votre livre qui s'ouvre sur une prise de conscience, la vôtre,
05:07avec des scènes vécues à Tadoussac au Québec, en mer de Chine ou en Australie.
05:12Qu'est-ce qui vous a poussé à enquêter sur cette thématique de la pollution sonore ?
05:16Parce qu'en fait, j'ai toujours travaillé au muséum et puis après avec mon agence de com sur la mégaphone
05:22et la mégaphone terrestre plutôt, puis j'étais passionnée par la mégaphone marine.
05:26Et puis je nage énormément, mon père était corse et puis j'ai passé mon enfance un peu dans l'eau
05:30et j'avais beaucoup la tête sous l'eau et j'entendais beaucoup les bruits des bateaux
05:35et je me posais pas mal de questions sur justement cette interruption sonore systématique.
05:40Et puis j'ai pu passer des écrits dans mon travail,
05:43je n'avais pas le temps de m'y intéresser plus que ça, mais je les ai mis de côté.
05:45Et puis à un moment donné, je me suis dit, mais en fait, il y a un vrai, vrai sujet passionnant
05:48dont on entend peu parler et je l'ai proposé à l'éditeur Actes Sud qui m'a dit
05:53bingo, allez-y. Et là, j'ai commencé mon enquête, mais je n'imaginais pas une seconde
05:57à quel point ça allait être complexe et à quel point j'allais devoir me pencher
06:00sur des histoires d'algorithmes et de propagation du son qui pour moi était un véritable cauchemar.
06:04Parce que j'étais très naïvement sur la communication des mammifères marins,
06:08sur la beauté de la chose, sur les essais scientifiques, etc.
06:11Mais il y avait aussi la partie physique, mathématique qui était autre chose,
06:15mais bon, une fois qu'on l'a creusée, qui est passionnante aussi et qui explique beaucoup de choses.
06:18Donc vous avez mené l'enquête sur la cacophonie des océans ?
06:21Tout à fait. Mener l'enquête sur la cacophonie des océans, alors comment on en a pris conscience au départ
06:25et puis ensuite, qu'est-ce qu'on fait maintenant et puis quelles sont les solutions ?
06:28C'est ça qui m'intéresse en fait parce que c'est aussi une pollution passionnante
06:32parce que si elle s'arrête, les choses peuvent aller mieux.
06:34Ça, c'est le premier point. Très vite, contrairement à la pollution plastique ou des pollutions chimiques.
06:38Et puis ensuite, parce qu'il y a des solutions qui sont mises en œuvre actuellement
06:42et qui commencent à fonctionner.
06:43Et c'est vrai qu'on en parle peu d'ailleurs de cette pollution.
06:46On parle beaucoup de la pollution plastique, chimique, lumineuse, mais rarement de la pollution sonore des océans.
06:50Il y a un vrai retard de prise de conscience là-dessus ?
06:52Oui, parce que comme le disait Charlotte, c'est très compliqué en fait à mesure.
06:54On a mis énormément de temps à comprendre que les animaux marins, tous les animaux marins, parlaient en fait
06:59ou en tout cas utilisaient le son.
07:00Alors les eaux dont on sait, en tout cas, c'est assez à dents, c'était facile
07:04parce que quand ils sifflent à l'extérieur, on les entend.
07:06Mais si vous voulez, les grandes baleines, ça a été très compliqué parce qu'elles sont en enfraçon.
07:10Au fond, on ne perçoit rien.
07:11Et alors, les poissons, n'en parlons même pas.
07:13Et les volusques qui perçoivent le son pourtant,
07:16et les crustacés qui s'en servent aussi pour communiquer,
07:18même de façon beaucoup plus rudimentaire, on va dire, que les mammifères marins,
07:21se servent du son.
07:22Donc dans l'eau, c'est un sens absolument essentiel.
07:25Mais nous, on est très limité avec notre écoute.
07:27D'une part, le milieu est très différent.
07:28Et ensuite, nous, on va entre 20 et 20 000 Hertz.
07:31Et eux, ils sont largement en-dessus ou largement en-dessous.
07:33Donc c'était la part muette.
07:34D'ailleurs, Cousteau l'avait dit, la part muette du monde.
07:36Or, c'est une part extraordinairement bruyante.
07:39Et ils ont besoin de pouvoir s'entendre.
07:41Charlotte Curé, pour une scientifique comme vous,
07:43qu'est-ce que ça veut dire, écouter l'océan ?
07:46Donc écouter l'océan, c'est déjà décrire tous les types de sons qui peuvent exister.
07:51Alors, il y en a certains qu'on entend, nous, avec notre capacité auditive.
07:55Mais d'autres sons qu'on n'entend pas aussi.
07:57Comme parlait Laurence, il y a les infrasons qui est mis par les grosses baleines.
08:00Et puis, il y a aussi les ultrasons émis par des odontocètes qu'on n'entend pas.
08:05Des clics, des colocations qui vont vraiment dans des sons tellement aigus qu'on ne les entend pas.
08:11Donc il y a tout ce qui forme la biophonie, les sons émis par les animaux.
08:15Mais il y a aussi d'autres sons naturels qui constituent ce qu'on appelle la géophonie.
08:20Qui vont être avec, par exemple, des craquements émis dans l'eau, par les courants, la pluie.
08:26Et puis, il y aura aussi, après, s'ajoutent à ça, des sons qui vont être anthropiques.
08:31Donc, générés par l'activité humaine.
08:35Et donc ?
08:35Et donc, l'anthropophonie va s'ajouter au bruit naturel de la géophonie, de la biophonie.
08:42Charlotte Curie, vous nous avez apporté des enregistrements.
08:45Justement, j'étais en train de régler ça précisément avec Jérôme Prudhomme qui est à la réalisation.
08:49Pour qu'on entende aussi ce qui se passe directement dans l'eau, on va écouter le chant d'une baleine à bosse pour commencer.
08:55Ça se passe dans l'océan indien, selon les petites notes que vous nous avez données, sur une aire de reproduction.
09:02Et on va écouter tout de suite ce que ça donne.
09:03Ça, c'est très caractéristique d'une baleine à bosse, ce qu'on entend là, Charlotte Curie ?
09:23Oui, donc ça, c'est des chants supposés être émis par les mâles chez les baleines à bosse et qui sont émis pendant, ça peut être une heure, voire même un peu plus.
09:32Oui.
09:33À quelle occasion, dans quel contexte ? Alors, le mâle aimait ce type de son ?
09:37Oui, donc on pense que c'est pour séduire les femelles.
09:40Très sexy comme chant.
09:42Mais ça n'a pas été démontré encore.
09:45Et on espère que justement, avec les playbacks, on va pouvoir démontrer la fonction des chants.
09:52Et alors là, le monde sonore d'une baleine à bosse, par exemple, est-ce que c'est réellement ça ?
09:56Parce que là, on a vraiment le champ isolé, mais l'environnement réel, est-ce que c'est ça que cet animal entend ou pas ?
10:04Oui, donc là-bas, dans l'océan Indien, ça fait trois saisons qu'on y va en ce moment pour effectuer justement des enregistrements, des mesures, regarder l'impact des bruits de bateau.
10:15Et dans les océans, là, c'est une vraie discothèque de baleines.
10:19Il y a énormément de mâles.
10:21On voit que ça a une fonction. Les animaux ne vocalisent pas comme ça, juste pour rien.
10:27Donc on voit vraiment que c'est important.
10:29Laurence Paoli, comment vous avez rendu perceptible ce phénomène invisible de la pollution sonore dans votre ouvrage ?
10:35Comment on s'y prend exactement ?
10:36Comment j'ai fait pour... En fait, j'ai raconté les vies des chercheurs.
10:39C'est ça qui me passionnait. D'abord, j'ai raconté l'historique de la prise de conscience parce qu'elle est passionnante.
10:44Je salue au passage Jean-Paul Lagardère, qui a été un des premiers à tirer la sonnette d'alarme, lui, pour les crustacés et pour les poissons.
10:50À l'époque, il n'a pas été écouté du tout.
10:53Et puis ensuite, ce sont les échouages de baleines qui, petit à petit, ont fait qu'on s'est penché sur la chose en les disséquant.
10:59On s'est rendu compte, effectivement, très vite, plus ou moins vite, qu'il y avait des lésions dans le cerveau, dans la tête et puis dans l'appareil de TIF.
11:08Et puis, beaucoup plus tardivement, on s'est rendu compte qu'il y avait des bulles d'azote dans le sang et qu'elle faisait des accidents de décompression.
11:12Et que ces accidents de décompression étaient provoqués par des remontées brutales qu'elle ne gérait pas et qui, donc, les tuer.
11:20Ces remontées étaient provoquées par la peur, en fait, générée par le son.
11:24Donc, pour en revenir à votre question, j'ai travaillé sur cette historique et sur cette découverte.
11:29Puis ensuite, je suis allée à la rencontre de gens comme Charlotte qui m'ont expliqué leur travail.
11:33Parce que ça peut être tellement abstrait, comme vous dites.
11:36Et puis, en plus, il n'y a pas le son dans mon livre qu'il fallait bien que je raconte la vie de ces gens-là.
11:40Et j'ai découvert des profils extraordinairement différents.
11:43Charlotte, elle ne le dit pas.
11:45On ne le sait pas.
11:46Et d'ailleurs, ses collègues ne le savaient pas.
11:48Elle a été musicienne classique.
11:50Elle aurait pu être concertiste.
11:51C'était quoi votre instrument, d'ailleurs ?
11:52Le violon.
11:53Et ça vous a servi pour le chant des baleines, après ?
11:56Ça m'a servi au départ pour tout de suite avoir, on va dire, un petit peu l'intuition des bonnes hypothèses à émettre.
12:04Et puis, quand on regarde les sons sur des spectrogrammes, c'est vrai que tout de suite, je me suis dit, tiens, ça se lit un peu comme une partition.
12:11Donc, ça m'a parlé.
12:12Mais après, il y a eu quand même pas mal d'études en biologie.
12:16Et Gianni Pavan était aussi musicienne classique.
12:19Noémie, elle travaille plutôt du côté techno, je ne sais quoi, mais elle est aussi musicienne.
12:24Donc, ça donne une bonne sensibilité pour comprendre le langage des animaux marins.
12:28Et pour lire les sonogrammes.
12:29Oui.
12:30Charlotte Curé, comment on distingue un son naturel d'un son émis par les activités humaines, justement, dans l'océan ?
12:35Ça, vous arrivez à le reconnaître facilement ?
12:37Donc, oui, mais alors justement, il y a un gros travail là-dessus qui est de décrire, en fait, tous les types de sons des paysages sonores.
12:45Oui.
12:45Donc, il y en a maintenant qui ont été bien caractérisés, donc qu'on connaît bien.
12:49Et puis, alors, pour les animaux, c'est compliqué parce que des fois, on entend des sons, on ne sait pas d'où ça vient.
12:57Et comme les animaux marins sont très souvent, la plupart du temps, sous l'eau, donc invisibles pour nous,
13:03il faut aller essayer de savoir qui est produit tel son.
13:08Donc, ça, ça a été un grand travail de la découverte déjà de toute cette diversité sonore sous-marine.
13:13Et puis après, qui produit quoi ? Et dans quel contexte ? Et puis, ça sert à quoi ? Et mettre les bonnes hypothèses.
13:19Et c'est là que, justement, pouvoir voir le comportement et l'associer à des sons émis, ça, ça a été un gros, gros travail qui a été rendu possible
13:28avec ces fameuses balises qui permettent de mesurer le comportement et qui permettent d'écrire le répertoire vocal.
13:33Et puis, il y a aussi la problématique dont me reparlait Fabienne Delfour, en fait, qui est spécialiste, elle aussi, plutôt des dauphins,
13:39et qui me disait qu'en fait, ils n'ouvrent pas la gueule.
13:40Donc, vous avez un groupe, même à la surface, qui parle, vous ne savez jamais quel est celui qui parle.
13:45Donc, associer un comportement à un son qui sort, mais d'un groupe, c'est très compliqué.
13:49Pour les grandes baleines, je ne sais pas comment ça se passe, en fait.
13:51Non, c'est pareil. Je veux dire, il y a surtout les cétacés. La bouche ne va pas bouger du tout, voilà.
13:56Pendant qu'ils vocalisent. Donc, c'est des systèmes qui ont été bien décrits.
14:00Comment est-ce qu'on a pu transformer l'océan en salle des machines ? C'est ce que nous verrons dans un instant.
14:05Et puis, vous répondrez également aux messages et aux questions des auditeurs et auditrices qui arrivent sur la page de la Terre au Carré
14:10et nos réseaux sociaux, et vos messages vocaux.
14:12Car nous aussi, on peut entendre vos sons directement avec l'appli Radio France.
14:16Sous-titrage Société Radio-Canada
14:46Sous-titrage Société Radio-Canada
15:16C'est parti !
15:46Sous-titrage Société Radio-Canada
16:16C'est parti !
16:46Tina, c'était Pulp à l'instant !
17:02Mathieu Vidard
17:07La Terre au Carré
17:11En Nouvelle-Zélande, au Japon ou au Cap Vert, des dizaines de cétacés se sont échoués ces dernières années sur les côtes.
17:19Des échouages mystérieux, mais dont l'une des causes pourrait être la pollution sonore des océans.
17:27En règle générale, l'activité humaine produit du bruit, beaucoup de bruit.
17:32Parmi les causes possibles, il y a par exemple la circulation des cargos, depuis les années 80, le commerce maritime a triplé et aujourd'hui, plus de 60 000 navires sillonnent les mers du globe.
17:42Extrait d'une vidéo du monde en 2020, Laurence Paoli, Charlotte Curé, nos invités à l'occasion de la publication de ce livre, Le champ perdu des baleines, quand la pollution sonore étouffe les voies de l'océan, c'est chez Actes Sud.
17:54Alors justement, Laurence Paoli, si on peut comparer la mer à une sorte de laboratoire du bruit humain, quelles sont les principales sources du bruit sous-marin ?
18:03Il y en avait quelques-unes qui étaient évoquées dans cet extrait.
18:06En fait, vous avez deux principales sources, vous avez ce qu'on appelle les sons impulsifs, et ça c'est plutôt les sonars, le battage de pieux lorsqu'on construit des éoliennes, et puis la prospection sismique, et puis par exemple les travaux portuaires.
18:19Et puis vous avez les sons continus, qui ont été découverts un peu plus tard, entre guillemets, dont les effets négatifs ont été découverts plus tard, c'est le trafic maritime.
18:27Le trafic maritime, alors les sons impulsifs vont affoler les animaux, leur faire peur, les blesser, les faire fuir, mais le trafic maritime va créer un brouhaha continu qui va masquer leur communication,
18:38c'est-à-dire qu'ils ne vont plus s'entendre parler, qui va créer un stress chronique, et qui va petit à petit vider l'océan de leurs sons.
18:45En fait, donc si vous voulez, quand vous avez ces deux types de sons qui s'additionnent, ça fait quand même un univers sonore extrêmement anxiogène pour l'ensemble de la faune marine.
18:53Charlotte Curé, physiologiquement, qu'est-ce qui se passe alors chez l'animal qui est soumis à ces bruits qui ne font pas partie naturellement de son environnement ?
19:01Oui, alors en fait, il y a deux types d'effets qui ont été montrés, il y a des impacts physiologiques, donc par exemple, si la source sonore est trop forte, que l'animal est à proximité,
19:11ça peut endommager son système auditif, donc le rendre soit sourd temporairement ou de manière irréversible, ou bien vraiment casser ce système,
19:19donc là, s'il devient sourd, il ne survit pas.
19:20Et puis donc, ça peut provoquer des peurs paniques, donc des animaux qui se désorientent et qui finissent effectivement par s'échouer,
19:29et donc là, c'est plutôt dans la catégorie effet néfaste sur le comportement.
19:34Donc des fois, il y a eu des autopsies de fait ne démontrant pas de problème avec l'autopsie particulier,
19:41et donc là, on a fortement soupçonné qu'il y avait peut-être quelque chose qui se passait au niveau du comportement,
19:47qu'entraînaient l'échouage, mais le lien de cause à effet de ces échouages était compliqué.
19:52On essayait de relier ça avec des coïncidences de sons émis dans le temps, dans l'espace, avec ces échouages en masse,
19:59mais ça a été très compliqué de pouvoir démontrer vraiment que c'était dû à ça.
20:03Est-ce qu'il y a des poches de silence encore aujourd'hui dans l'océan ?
20:06C'est finalement très difficile d'échapper au bruit des activités humaines.
20:10Je pense que c'est très difficile d'échapper au bruit.
20:13Maintenant, il reste quand même des zones sans bruit.
20:16Il y a des populations justement un peu naïves qui sont très intéressantes à étudier,
20:21parce que justement, elles ne sont pas par exemple habituées au bruit, ou elles n'ont pas encore réagi à ça.
20:26Mais je pense là, au pôle Nord, il y a les glaces qui fondent, il va y avoir des nouvelles routes maritimes,
20:33mais il y a des espèces là-bas qui n'ont jamais été encore soumises à une exposition comme ça, chronique du bruit,
20:38et comment vont-elles réagir ?
20:40En général, ce sont des populations qui sont ultra sensibles.
20:43Laurence Paoli, ce bruit omniprésent, c'est un vrai symptôme de notre civilisation quand même ?
20:47Tout à fait, mais c'est un symptôme, je dirais encore une fois, c'est un symptôme, certes,
20:53mais c'est un symptôme qui est dû au fait qu'on ne s'est pas rendu compte.
20:57On est arrivé sur la surface des eaux en se disant, youpla boum, et on n'a pas du tout cherché à amoindrir le bruit qu'on faisait,
21:05parce qu'on ne voyait pas l'intérêt de l'amoindrir, puisqu'on n'avait pas conscience que les animaux en dessous avaient besoin du son pour survivre,
21:10et qu'on les gênait quotidiennement.
21:11Maintenant qu'on a pris cette conscience-là, et qu'on le sait,
21:15il y a quand même des tas de mesures qui commencent à être prises, d'incitations, on va dire, indirectes,
21:20et qui sont des mesures qui fonctionnent quand même pas mal,
21:23tant au niveau du trafic maritime, que des essais militaires, que de la prospection sismique, etc.
21:28Où vous avez maintenant ce qu'on appelle des guidelines,
21:30où on demande aux gens de ne pas dépasser certains seuils, de faire monter le son progressivement,
21:33de repérer s'il y a des mammifères marins à proximité ou pas, pour ne pas démarrer les travaux à ce moment-là.
21:39Et puis vous avez des incitations maintenant obligatoires, mais indirectes,
21:42qui sont qu'en fait on demande à tous les navires de se décarboner,
21:44mais en fait en leur demandant ça, on leur demande de nettoyer plus leur coque,
21:49d'avoir une glisse bien meilleure, d'utiliser des voiles, de ceci, de cela,
21:55et de régler leur hélice, toutes choses qui vont diminuer le bruit de fait.
22:00Donc en fait c'est un symptôme, mais c'est un symptôme d'après moi qui va aller en s'amoindrissant.
22:05Est-ce que les éoliennes offshore, qu'on associe évidemment à la transition verte,
22:08posent aussi des problèmes, Charlotte Curé ?
22:11Donc il y a plusieurs phases, en fait, il y a la phase de construction déjà des éoliennes,
22:15qui ne produit pas du tout le même type de bruit que la phase de fonctionnement,
22:18puis après arrive la phase de démantèlement aussi.
22:21Donc je dirais que pendant la phase d'implantation d'un parc éolien,
22:26si on utilise du battage de pieux, ça dépend, c'est des éoliennes implantées,
22:30ça on sait que ça produit des sons, comme tu disais, impulsifs, très très forts.
22:36Donc il y a des mesures qui sont prises de temps en temps,
22:40de mettre des rideaux de bulle en fait, qui atténuent un petit peu le son,
22:43et donc l'empêchent de se propager, d'avoir des effets sur la faune.
22:47Mais après, une des éoliennes en fonctionnement, en fait, on connaît très peu aujourd'hui les effets,
22:53il y a beaucoup de recherches là qui sont...
22:54Mais on peut quand même essayer d'avoir des technologies plus silencieuses, Laurence Paoli ?
22:59Comme disait Charlotte, vous avez en fait, tout le monde travaille là-dessus,
23:03on essaye d'atténuer le son au maximum, les rideaux de bulle effectivement marchent très bien,
23:06on est en train de passer aux éoliennes flottantes, qui vont demander effectivement,
23:09qui vont faire moins de bruit...
23:11Parce qu'elles seront construites à l'extérieur ?
23:12À l'extérieur, et puis on ne va pas faire ce fameux battage de pieux terrible,
23:15pour les arrimer dans le fond des océans.
23:18Donc on a bien conscience de ça, et on essaye quand même, voilà.
23:20Mais comme disait Charlotte, la vraie problématique, c'est que pour l'instant,
23:23nos champs d'éoliennes, ils sont assez petits.
23:24Or, on est obligé d'aller concevoir des champs d'éoliennes qui vont être énormes,
23:28et on sait qu'une éolienne actuellement en activité ne pose pas vraiment de problème au fond de l'eau,
23:33mais une éolienne, dix éoliennes, cent éoliennes, qu'est-ce que ça va faire ?
23:36Donc là, pour l'instant, on est dans un inconnu total.
23:39Et puis, on parle beaucoup des mammifères marins, beaucoup des poissons,
23:42mais les mollusques, il y a très peu d'études, ou quasiment pas dessus.
23:45Donc par exemple, si j'ai deux secondes, je vous parle du recrutement larvère des coquilles Saint-Jacques,
23:50on sait par exemple que pour elles, le battage de pieux, c'est une catastrophe,
23:53et le vibrofonçage en est une autre, parce que ça fosse complètement l'écho.
23:57Elles se fixent en fait, en écoutant, à leur façon, un écho favorable pour aller se poser.
24:02Et quand elles ne peuvent pas l'entendre, elles s'épuisent, elles s'étiolent,
24:05elles se posent n'importe où, au dernier moment, elles meurent.
24:07Et quand il y a du vibrofonçage, elles ont un bruit charmant qui leur plaît,
24:10et elles vont se poser beaucoup trop vite, n'importe où aussi.
24:12Donc il y a plein de choses qu'il faut encore étudier.
24:15Charlotte Curé, on va écouter une orque spécialisée, s'il vous plaît, dans la consommation de haran.
24:20C'est vous qui nous avez livré cet enregistrement.
24:25Enregistré en Norvège.
24:29Alors à quoi vous voyez que ce chant correspond précisément à une appétence pour le haran ?
24:34C'est parce que vous avez vu la scène en fait ?
24:37Alors, juste là, en fait, c'est une orque qui se nourrit de mammifères marins.
24:43Ah, c'est l'autre son alors ?
24:44Très bien.
24:45Donc, c'est le deuxième son.
24:48On ne vous aurait pas contredite.
24:49Merci.
24:50Donc là, c'est le son de l'orque qui se nourrit de mammifères marins.
24:53Tout à fait.
24:53Très bien.
24:53Ça, c'est l'orque qui se nourrit de mammifères marins.
24:56Et donc, émet des cris.
24:57Moins de clics que l'orque qui se nourrit de haran.
25:00Et parce qu'il y a plusieurs formes d'orques, en fait.
25:04Et elles se différencient par leur spécialisation dans un type de proie ou quelques types de proies.
25:09Et elles ont des sons particuliers.
25:11Donc, on arrive, voilà, en faisant des analyses acoustiques, à voir qu'elles présentent des petites différences.
25:16L'orque étant le prédateur au sommet de la chaîne alimentaire des écosystèmes marins,
25:21on se dit que c'est une espèce quand même importante.
25:22Il en existe plusieurs formes.
25:23Certaines orques sont prédatrices des autres cétacés, des baleines.
25:28Alors, l'idée, c'était de savoir, est-ce que les baleines sont capables de faire la différence entre les différentes formes d'orques,
25:34celles qui vont ne poser aucun problème, voire même leur indiquer la présence de poissons de haran dans telle zone.
25:41Ou alors, des orques qui vont potentiellement s'attaquer à elles ou à leurs petits.
25:46Et donc, elles, il va falloir mieux les éviter.
25:49C'est un exemple d'utilisation d'expériences de playback que j'avais fait,
25:55où j'avais diffusé les deux types de sons d'orques à des baleines qui étaient munies de balises.
26:00Et on avait montré qu'elles étaient bien capables de discriminer les deux types d'orques,
26:05puisque les orques se nourrissant de haran, elles étaient attirées à la source sonore
26:09et elles essayaient d'explorer pour trouver du poisson, du haran.
26:13Alors que la réponse aux orques potentiellement prédatrices, c'était la fuite directive, vraiment.
26:20Donc ça, c'était en Norvège, enregistré en Norvège.
26:22Ça, c'était en Norvège, oui, exactement.
26:24Laurence Paoli, est-ce que vous avez rencontré beaucoup de marins ou d'ingénieurs
26:28qui sont conscients aujourd'hui du problème de la pollution sonore marine ?
26:31Oui, il y a beaucoup de marins, beaucoup d'ingénieurs, beaucoup d'armateurs
26:35qui sont conscients de cette problématique et qui la prennent en compte.
26:39Et c'est ça qui est passionnant dans cette communauté qui travaille justement
26:41sur le son sous-marin et sur la pollution sonore, c'est qu'elle est extraordinairement vaste.
26:47Alors vous avez des gens comme Charlotte spécialisés des cétacés,
26:50mais vous avez des gens comme Eric Parmentier qui sont des spécialistes des poissons,
26:53mais vous avez effectivement des ingénieurs, des physiciens, des mathématiciens, des armateurs.
26:58Et tout ce petit monde travaille ensemble de concert.
27:01Vous avez des associations comme IFO que je salue,
27:03qui depuis très très longtemps se bat contre le biais sous-marin
27:06pour porter cette problématique à l'attention du grand public.
27:09Et tout ce petit monde travaille ensemble,
27:12parce que chacun a une réponse partielle en fait à cette problématique.
27:15Et donc il faut bien cumuler toutes ces informations pour arriver à trouver des solutions.
27:20Et effectivement, ce que je trouve génial dans cette histoire,
27:24c'est que d'abord les gens collaborent,
27:25et ensuite les solutions font appel aux interdictions associées à cela,
27:29comme d'habitude, mais aussi à la créativité humaine.
27:31C'est-à-dire qu'il faut trouver de nouvelles solutions techniques, technologiques,
27:34pour faire moins de bruit.
27:36Ça c'est génial.
27:36Sauf que pour l'instant, ce n'est pas magique.
27:38Il y a encore beaucoup, beaucoup de bruit dans les océans.
27:39Il y a encore, et ça va durer un certain temps.
27:41On va parler des solutions dans un instant.
27:42Charlotte Curé, la pandémie de 2020,
27:44ça a été un grand moment d'écoute j'imagine pour les chercheurs.
27:47Oui.
27:47Vous avez observé des choses que vous n'aviez pas entendues auparavant ?
27:50Oui, effectivement, dans plein d'endroits où on a pu avoir une surveillance acoustique,
27:55il y a eu une musique qui s'est réveillée sous l'océan.
27:58C'est vrai ?
27:59Oui, donc plein de sons qu'on n'entendait plus et qui sont de nouveau apparus.
28:05Et ça, c'est la première fois que vous entendiez des séquences comme ça ?
28:09Oui, à ce point-là, sans effectivement masquage.
28:13Parce que même nous, en tant que scientifiques,
28:15quand on enregistre des espèces,
28:17le fait qu'il y ait du bruit humain aussi autour,
28:19c'est embêtant.
28:21Ça pollue un peu nos enregistrements aussi.
28:23Donc là, c'est vrai que c'était vraiment super de pouvoir voir que
28:28quand le bruit s'arrête, la faune reprend sa place d'un point de vue acoustique.
28:32Vous avez la prospection sismique que vous entendez à des milliers de kilomètres, en fait.
28:35Oui.
28:36Qui vous pourriez la vie aussi.
28:36Oui, c'est arrivé que par hasard, sur des enregistrements,
28:39on est, tiens, sonar militaire, tiens, voilà.
28:42Et qui venaient de milliers de kilomètres plus loin ?
28:44Oui, qui venaient, on ne sait pas où, en fait.
28:46On n'est pas capable de le dire.
28:47C'est là qu'il faudrait parler du SOFAR.
28:48Est-ce que c'était le canal SOFAR ?
28:49Le fameux canal SOFAR qui transfère les ondes en basse fréquence
28:54à des milliers de kilomètres, en fait.
28:55Et c'est assez extraordinaire.
28:56Donc c'est génial pour les baleines qui l'utilisent pour parler à des milliers de kilomètres.
29:00Mais c'est moins bien pour la propagation du son humain
29:02qui se balade aussi dans ce canal.
29:03Est-ce qu'il est possible de faire taire ce vacarme ?
29:06Et comment ?
29:06On en parle dans un instant, juste après Zahout Sagazan.
29:09Est-ce que tu vas bien sur France Inter ?
29:11Je ne sais plus qui j'aime, si c'est toi ou ton souvenir.
29:18J'ai tendance à ne retenir que le bon côté des choses.
29:22Dis-moi, elle s'était belle ces choses-là, suis-je la seule à penser à ça ?
29:26Est-ce que tu penses encore à moi ?
29:29Est-ce que tu vas bien ?
29:31Je t'aime encore, est-ce que tu vas bien ?
29:43Je ne sais plus si même, tu mérites encore mes mots.
30:00Je crois que les tiens n'étaient pas ce qu'on nommerait de beau.
30:04Et si les tiens n'étaient plus, si tu ne parlais plus de moi,
30:08Est-ce que tu penses encore à moi ?
30:11Est-ce que tu vas bien ?
30:13Je t'aime encore, est-ce que tu vas bien ?
30:31Sous-titrage MFP.
31:01Sous-titrage MFP.
31:31Ici, nous écoutons principalement les herbiers marins et les laminaires.
31:36Ce sont des pouponnières, les petits poissons et les petites larves y grandissent.
31:40Elles protègent de l'érosion, produisent de l'oxygène, stockent du carbone et jouent de nombreux rôles importants dans les écosystèmes.
31:47Et le trafic maritime nuit à la communication des animaux.
31:53C'est comme si vous viviez à côté d'une autoroute ou d'une route très fréquentée et que les voitures passaient tout le temps.
31:59C'est ennuyeux.
32:00La voix de Lucia Di Loriaux de l'Université de Perpignan dans une vidéo d'Euronews en 2023.
32:08Laurence Paoli, Charlotte Curé, nos invitées pour la sortie de ce livre.
32:11Le champ perdu des baleines.
32:13Quand la pollution sonore étouffe les voies des océans.
32:16C'est chez Actes Sud.
32:17Charlotte Curé, on en a parlé un petit peu tout à l'heure.
32:19Quelles sont les solutions les plus efficaces aujourd'hui pour réduire le bruit sous-marin ?
32:24Oui, donc en fonction du type de bruit émis, on ne va pas avoir les mêmes types de solutions.
32:29Mais déjà, il y a éviter des zones sensibles où on sait qu'il y a des espèces, par exemple, plus vulnérables que d'autres.
32:36Donc éviter de faire du bruit dans ces zones-là ou dans des moments, des périodes de l'année où on sait qu'elles vont être là.
32:42Pour les bruits très très forts, très impulsifs, comme le battage de pieux, on le disait tout à l'heure,
32:47on peut mettre des rideaux de bulles autour qui permettent d'atténuer le son.
32:51Et puis tout ce qui concerne le bruit continu du trafic maritime, par exemple.
32:55Donc là, il y a vraiment un gros travail en ce moment qui est en train d'être fait.
32:59Sur la réduction de la vitesse, Laurence Paoli, c'est ça ? Sur les navires ?
33:02Alors oui, oui.
33:04Ce serait une solution en tout cas.
33:05C'est une solution, mais pas pour tous les navires.
33:07C'est surtout une solution pour les collisions qui posent un vrai problème.
33:10Il y a 20 000 baleines qui sont tuées chaque année à cause des collisions.
33:13Et effectivement, la réduction de vitesse pourrait aider.
33:15Et d'autres solutions ?
33:18Oui, alors là, je rebondis un petit peu sur cette problématique qui est très complexe.
33:22Pourquoi ? Parce que d'une part, les navires sont préoccupants parce que leur bruit va impacter les espèces.
33:28Mais d'autre part, s'ils deviennent trop silencieux, est-ce qu'on ne va pas augmenter le risque de collision avec les baleines ?
33:33Puisque les bateaux silencieux, elles ne l'entendent plus arriver.
33:38Donc c'est très compliqué.
33:38En ce moment, on est face à cette problématique.
33:40On rend les bateaux de plus en plus silencieux.
33:44Mais du coup, finalement, est-ce que ça va améliorer les choses d'un point de vue impact ?
33:48Donc il faudrait quoi ? Des dispositifs d'alerte quasiment ?
33:51Comme des klaxons pour animaux marins ?
33:53Alors là encore, c'est double problématique.
33:55Puisque ça, ça a été une idée, pourquoi pas du type pinger, c'est-à-dire une sorte d'alerte qu'on met par exemple sur la coque des bateaux pour essayer d'avertir les baleines.
34:08Mais encore une fois, on arrive dans la problématique du bruit.
34:11C'est-à-dire qu'ajouter du bruit au bruit déjà existant, est-ce que finalement on ne va pas continuer d'être dans un problème sans fin ?
34:20Donc là, dans les recherches actuelles, je travaille beaucoup sur développer des méthodes qui auront très peu d'empreintes dans l'environnement sonore des espèces,
34:28notamment par l'utilisation de sons naturels plutôt que des sons synthétiques.
34:31C'est-à-dire ?
34:32Par exemple, des sons émis par les espèces elles-mêmes, ou des sons émis par d'autres espèces, dont on sait maintenant, avec les résultats de la recherche fondamentale,
34:40qu'ils vont avoir un potentiel effet attractif ou répulsif.
34:43Mais que finalement, la signification de ces sons va peut-être avoir un peu plus d'effet sur les animaux qu'un simple klaxon qu'on émettrait.
34:51Mais ça veut dire qu'il faudrait, dans tous les océans du monde, mettre ces dispositifs pour que les animaux puissent être protégés ?
34:58Donc là, c'est exploratoire, et je ne pense pas qu'il y ait une méthode qui va convenir, universelle, qui va convenir à toutes les espèces, à tous les contextes,
35:06à toutes les applications, parce qu'elles sont nombreuses.
35:08Il y a des prises accidentelles dans les filles jet-pêches, des prédations, collisions, plein de problématiques.
35:15Donc oui, non, ça va...
35:18Non mais c'est super intéressant ça.
35:19Laurence Paoli ?
35:20La nouvelle méthodologie explorée par Charlotte, elle est super intéressante.
35:25Non, je suis comme elle, il y a plein de solutions.
35:27Encore une fois, je reviens sur les guidelines, c'est-à-dire que l'Organisation Maritime Internationale a vraiment sorti des recommandations très précises,
35:34maintenant, pour les bateaux, en disant, écoutez, voilà, il y a plein de choses à faire.
35:38Il y a des équipements embarqués, well alert, des choses comme ça, qui sont vraiment très bien,
35:44et qui permettent d'avertir lorsqu'on repère un mammifère marin.
35:48Réduire la vitesse, c'est très bien dans certains cas aussi, parce qu'en fait, les mysticettes, les plus grosses baleines, en fin de compte,
35:52ont du mal à bouger vite, et quand elles sont à la surface, si le bateau va trop vite, elles se prennent.
35:57Voilà, il faut leur laisser le temps de partir.
36:00Il y a toutes ces recherches sur l'atténuation du bruit, lorsque le marteau tape, met un coussin,
36:06les fameux redout de boule, on revient dessus.
36:07Il y a plein, plein de choses à explorer.
36:09Allez, avant de passer aux questions des auditeurs et auditrices,
36:11on va écouter le globicéphale noir, là aussi enregistré en Norvège.
36:15Alors pardon, mais c'est quoi un globicéphale exactement ? C'est un dauphin ?
36:21Donc globicéphale noir, ça ressemble un peu au béluga qui est tout blanc, mais lui, il est tout noir.
36:25Donc plus petit qu'un dauphin ?
36:27Non, non, non, il est assez grand. Il fait à peu près la taille du norque, en fait.
36:31Ah oui, d'accord, oui, donc c'est carrément très grand.
36:33Parce que le béluga, c'est un petit animal.
36:34Oui, le béluga, il est un petit peu plus petit.
36:38Donc là, qu'est-ce qu'il fait ce globicéphale noir de Norvège ?
36:41Tout à fait, donc les globicéphales noires, c'est des eaux d'ontocettes,
36:44ils vivent en grands groupes et ils vocalisent énormément.
36:47Ils sont très bavards et ils ont une cohésion sociale qui est très très importante, très forte.
36:52Donc ils ont besoin de vocaliser beaucoup pour...
36:54Ils sont bavards.
36:55Tout à fait.
36:55Allez, on passe aux questions.
37:01Et une question intéressante de Brice qui demande si les nouvelles générations d'animaux marins
37:05qui grandissent avec tous ces bruits s'adaptent.
37:08Que cette adaptation soit bénéfique ou pas d'ailleurs pour les espèces.
37:11En fait, il y a des animaux qui peuvent s'adapter.
37:15Les poissons, par exemple, ne peuvent pas s'adapter.
37:17Les coquillages ou les mollusques ne vont pas s'adapter.
37:19Ou en tout cas, à ce qu'on sait jusqu'au jour d'aujourd'hui, n'arrivent pas à s'adapter.
37:24Les mammifères marins arrivent à s'adapter dans une certaine mesure.
37:28Et là, je passe la parole à Charlotte qui va pouvoir vous dire comment.
37:30Oui, encore une fois, on ne peut pas faire une réponse qui va être valable sur toutes les espèces.
37:36Donc, peut-être que certaines espèces vont arriver à s'adapter...
37:40En chantant plus haut, plus bas, en chantant différemment.
37:43Par exemple, en s'enlevant des fréquences du bruit.
37:46Donc, en chantant un peu plus aiguë, par exemple.
37:48Ou bien en répétant.
37:51Ou bien en vocalisant plus fort.
37:54Mais encore une fois, ça va avoir un petit peu un coût énergétique pour les animaux.
37:58Et quelquefois, ça marche.
38:00Quelquefois, ça ne marche pas.
38:01Mais c'est pareil pour les animaux terrestres soumis à la pollution sonore.
38:04Mais il y en a beaucoup qui se taisent maintenant, en fait.
38:05C'est ce qu'on repère.
38:06Allez, on va écouter le message sonore de Sylvie.
38:09Bonjour, la Terre au Carré.
38:10Est-ce que les câbles électroniques qui transportent l'Internet
38:14et qui sont déposés au fond des océans
38:16perturbent la communication des êtres marins ?
38:20Merci beaucoup.
38:21Voilà, même question d'Erwan sur les câbles sous-marins.
38:24Et les communications.
38:26Là, je n'ai pas vraiment de réponse.
38:28C'est plutôt la pose des câbles.
38:29Voilà, ou si on doit les enterrer.
38:31En fait, c'est toujours la même chose.
38:32C'est à partir du moment où il y a des chantiers qui font du bruit.
38:35Mais une fois que les câbles sont posés,
38:36je ne pense pas que ça perturbe la communication des animaux marins,
38:40à part si c'est des ondes électromagnétiques.
38:43En fait, on ne sait pas encore.
38:45Mais il y a des travaux qui vont être réalisés là-dessus.
38:48Il y a eu des appels à projets.
38:50Ça, c'est des choses qu'il faut vérifier exactement.
38:51Parce qu'il peut y avoir des vibrations à émettre aussi
38:53qui dérangent les animaux.
38:54Charlotte Curie, une question pour vous d'Arnaud.
38:56Lors de la diffusion de vos playbacks, dont vous nous parliez tout à l'heure,
38:59comment s'assurer que ces derniers n'aient pas un effet délétère sur les animaux étudiés ?
39:02Oui, donc question très importante.
39:05Donc tous les protocoles, justement, sont réfléchis pour qu'on n'ait pas d'impact nocif sur les animaux.
39:13En plus, on veut regarder leur réponse comportementale.
39:16Donc on ne veut pas interférer avec leur comportement.
39:18Donc on prend toutes les précautions nécessaires aussi pour que ça ne les perturbe pas.
39:23Enfin, le moins possible.
39:25Évidemment, quand on regarde l'effet perturbateur d'un son,
39:28on est obligé d'émettre ce son.
39:29Mais encore une fois, on ne se met jamais dans des conditions qui vont être létales
39:33ou qui vont mettre l'animal en danger, on va dire.
39:38Donc c'est votre réponse.
39:39Tout va bien.
39:40En tout cas, c'est une des préoccupations des chercheurs.
39:42Oui, et puis le design du protocole est vraiment réfléchi.
39:45Enfin, ce n'est pas comme ça, on diffuse un son, c'est vraiment à une certaine distance,
39:49on ne s'approche pas des animaux.
39:50On vérifie la sensibilité animale de l'espèce, la sensibilité auditive
39:54pour être sûr qu'il va entendre ce son,
39:56mais sûr aussi qu'il ne va pas être gêné par un son qui pourrait être trop fort pour lui.
40:01Donc oui, tout est bien réglementé.
40:03Lucien demande que dire de tous ces scooters des mers avec leurs allers-retours incessants.
40:06N'y a-t-il aucune réglementation, Laurence Paoli ?
40:08Si, ça commence.
40:09Je pense que de toute façon, indépendamment des animaux marins,
40:11ça pourrait tellement l'avis des gens qui sont sur les côtes
40:13parce que oui, je pense que ça va être réglementé de plus en plus.
40:15Il y a eu quelques interdictions dernièrement.
40:18Et effectivement, je pense que c'est un cauchemar pour les animaux marins.
40:22Alors, c'est près des côtes en général,
40:24mais oui, oui, ça serait bien que ce soit régulé, vraiment, vraiment, vraiment.
40:28Et qu'en est-il justement de la sensibilisation du grand public sur ces questions-là ?
40:31Le bouquin, mon livre est fait pour ça,
40:34c'est-à-dire vraiment donner la parole aux chercheurs
40:36et expliquer ce qui se passe,
40:38expliquer qu'en plus, ça paraît être un problème très loin,
40:40mais pas tant que ça.
40:42Je pars toujours du postulat que quand on a l'information,
40:44on peut toujours en faire quelque chose.
40:46On peut modifier très légèrement son comportement.
40:49Peut-être que quand on est navigateur,
40:50on va plus utiliser sa voile que son moteur.
40:52Peut-être que quand on aime faire du scooter de mer,
40:54on va maintenant réfléchir à son utilisation.
40:56Et puis peut-être, simplement en regardant la mer,
40:58on va se dire qu'effectivement, il y a un monde sonore incroyable
41:00et que c'est intéressant de l'étudier.
41:02Et puis là, il faudrait dégager des fonds de plus en plus
41:06pour pouvoir étudier ce monde marin extraordinaire
41:08dont on connaît très peu, en fait.
41:09Et ça, ça serait merveilleux.
41:11Charlotte Curé ?
41:12Oui, puis il y a aussi se mettre d'accord entre pays
41:14parce que c'est vrai que dans les océans,
41:15il n'y a pas de frontières.
41:16Les animaux voyagent dans l'océan.
41:20Et donc c'est très important d'avoir des accords
41:23à l'échelle internationale.
41:25Si on met en place des mesures qu'on les met juste chez nous,
41:28ça ne va servir à rien.
41:30Pascal nous parle d'une série Playback.
41:32Le Playback sous-marin me fait penser à l'exception.
41:35C'est une série Extrapolation sur Apple TV
41:37qui parle des conséquences du dérèglement climatique.
41:39Je ne sais pas si vous l'avez vu dans un épisode
41:41d'une société leurre, la dernière baleine vivante sur Terre
41:44avec un enregistrement d'un congénère.
41:47Triste histoire, en tout cas, Charlotte Curé.
41:49Je ne l'ai pas vue.
41:50Non, je ne l'ai pas vue non plus.
41:51Mais c'est vrai qu'elle se parle toujours à travers ce fameux canal
41:54et qu'elle se réponde.
41:55Et qu'effectivement, le son pour elle est fondamental.
41:58Et c'est comme ça que ces immenses baleines
41:59se parlent à travers des milliers de kilomètres.
42:01Parce qu'il y en a une qui crie « Je suis là »
42:03et l'autre qui répond « Moi aussi ».
42:04Et elles peuvent se rejoindre de cette façon-là, en fait.
42:07Et c'est assez merveilleux.
42:07Donc, on peut peut-être les leurrer dans un futur lointain.
42:12Merci beaucoup, en tout cas, à toutes les deux.
42:13Le champ perdu des baleines, je renvoie sur cet ouvrage
42:15qui paraît ces jours-ci chez Actes Sud
42:18quand la pollution sonore étouffe les voies de l'océan.
42:21C'est vous qui le signez, Laurence Paoli.
42:22Et on retrouve les travaux de Charlotte Curé dans cet ouvrage.
42:26Merci beaucoup à toutes les deux.
42:27Merci.
42:28Et merci à Joël Levert qui a préparé ce dossier.
42:31Mélissa Etroit qui était à la technique.
42:33Jérôme Boulet qui réalisait cette émission.
42:36Et Lucie Sarfati pour la programmation et la coordination.
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