- il y a 1 jour
Féris Barkat a 23 ans, co-fondateur de Banlieues Climat, il est aujourd'hui le premier professeur sans diplôme à la Sorbonne et fait figure d'ovni parmi les militants écologistes. Son esprit agile fait mouche, tant sur les questions de violences systémiques que sur les enjeux écologiques.
Retrouvez "La terre au carré" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre
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00:00Musique
00:01L'invité au carré, aujourd'hui,
00:20Ferris Barkat, enchanté, activiste.
00:23France Inter
00:24La Terre au carré
00:27Mathieu
00:29Il vaut mieux avoir de l'argent que ne pas en avoir.
00:33Il vaut mieux pouvoir voyager que ne pas pouvoir voyager.
00:36Il vaut mieux pouvoir aller au théâtre et au concert que d'en être privé.
00:40Mais une fois que vous réunissez toutes ces conditions
00:42et que vous avez énormément d'argent pour faire tout ce que vous pouvez,
00:46tout ce qui vous plaît,
00:47vous sentez subitement un grand désert en vous et une grande solitude.
00:52C'est pourquoi il y a tant de milliardaires qui s'ennuient.
00:54Nous, nous les envions, mais ils s'ennuient.
00:56Quelquefois, ils se suicident tellement ils s'ennuient.
00:58Ils sont au comble de leurs voeux et ils ne sont pas heureux.
01:02Alors, qu'est-ce qu'il leur faut pour être heureux ?
01:04Qu'est-ce qu'il leur faut ?
01:05Eh bien, il leur faut probablement un peu d'insouciance, d'innocence, un retour à l'innocence.
01:10Je suis heureux et je ne m'en aperçois même pas, car le véritable bonheur est inconscient de soi.
01:15Si je me dis, ah, ce que je suis heureux, comme je suis heureux, mon Dieu, que je suis heureux,
01:21il est temps de se méfier.
01:22Ça veut donc dire que mon bonheur est précaire, qu'il va se dissiper.
01:25Je pense qu'il est fragile, qu'il est à la merci des circonstances.
01:29Je suis heureux en ce moment, un peu fatigué, mais heureux en tout cas.
01:32L'idée que je pourrais l'être déjà me rend un peu heureux.
01:36On est un peu heureux à l'idée qu'on pourrait l'être et que c'était à la portée de tout le monde.
01:40et qu'il vient subitement comme une grâce de sang descend sur vous au moment où on s'y attendait le moins.
01:47Vladimir Jankélévitch, 1979.
01:54Bonjour Féris Barkat.
01:56Bonjour.
01:57Vous citez Vladimir Jankélévitch parmi vos inspirations intellectuelles.
02:01Qu'est-ce qui vous touche dans sa pensée exactement ?
02:04Moi, c'était beaucoup la question de l'engagement.
02:06L'engagement qu'il a situé comme un moment, qu'il impose.
02:09C'est-à-dire qu'il arrive à montrer que le point de la révolte est contextuelle
02:12et le contexte doit imposer une forme de manière d'être au monde.
02:15Et quand tu t'engages, tu te découvres un peu toi-même en disant
02:18« Ah, donc, c'était ça aussi moi-même. Je peux être dans une forme de rage, de colère. »
02:22Et cette découverte de soi, je pense qu'elle passe par le contexte politique qui est autour de soi aussi.
02:27Et donc, c'est assez fascinant comment on croit se connaître jusqu'au jour où tu es face à la barbarie, par exemple.
02:34Et c'est là où on voit, je pense, le vrai visage des gens.
02:37Parce que quand tout va bien, ou quand tu as l'impression que tout va bien, c'est facile d'être quelqu'un de bien.
02:41Mais quand ça va mal, c'est là où, en tout cas, la question de l'engagement se pose.
02:44Et c'est ce que lui, il fait très bien.
02:46Vous avez été, vous, au contact de la barbarie ?
02:49Ça dépend de quelle barbarie on parle.
02:51Mais en fait, elle est autour de nous constamment.
02:53Donc effectivement, j'essaie de poser le regard de plus en plus dessus.
02:55et de ne pas la normaliser ou de m'habituer à elle autour de nous, en fait.
02:59Parce que ce qui est fascinant, c'est que même quand elle est en 4K sur notre téléphone à l'autre bout du monde,
03:04on arrive à se désensibiliser au point de se dire « Ah, tranquille ! »
03:08Ben non, pas tranquille, tu vois.
03:09Elle a quelle forme, la barbarie, autour de nous, par exemple ?
03:12Elle a beaucoup, beaucoup de formes.
03:14Je pense que la première de ses formes reste dans celle qui est profondément humaine.
03:19Il y a une tendance, je pense, à l'être humain d'essayer de séparer ce qui est humain et inhumain,
03:23alors que l'inhumain est profondément humain.
03:25Et que du coup, quand on regarde les génocides, les guerres,
03:27notamment ce qui se passe en Palestine, là directement,
03:29tu vois ce qui se passe d'un point de vue fortement barbare, tu vois.
03:33Mais pas barbare au sens inhumain, mais au sens où c'est des êtres humains qui commencent à s'atrociter.
03:38Et ça pourrait être aussi nous.
03:39Donc en fait, ça nous rappelle aussi que les violences environnementales, les violences sociales,
03:43tout ça, c'est une question de degré, c'est un spectre.
03:45C'est pas une différence de nature.
03:46Il y a une différence de de degré.
03:48Et c'est un environnement toxique que nous, on peut aussi avoir en France, à Marseille.
03:52Il y a des gens qui meurent de la pollution de l'eau.
03:54À Bagnolet, il y a des gens qui meurent de la pollution de l'air.
03:56Il y a des gens qui meurent des violences policières.
03:58Il y a toutes ces violences-là qui se structurent autour de nous,
04:01qui ne sont pas une différence de nature entre des choses qui pourraient être considérées comme barbares à l'autre bout du monde.
04:07Mais en fait, déjà nous, ici, autour de nous, il y a des dingueries, il faut qu'on pose les yeux dessus.
04:12Est-ce que vous êtes quand même heureux, Féris Barkat, pour rebondir sur le texte de Jean Kélévitch ?
04:17Sans vous en apercevoir, peut-être.
04:19Je pense que j'essaie de plus en plus de regarder là où il y a des moments de vie.
04:26Parce que je pense que quand tu as une douleur, peu importe personnelle, politique, peu importe comment tu la qualifies,
04:31elle ne part pas vraiment.
04:32Mais c'est juste la vie qui prend plus de place.
04:36Et c'est quelle place tu laisses à la vie sans forcément nier cette douleur, sans essayer de la réparer, sans essayer de la combler un maximum.
04:42Parce que j'ai remarqué qu'on n'y arrivait pas vraiment.
04:44En tout cas, moi, personnellement, j'ai perdu ma mère et je n'ai pas fait mon deuil.
04:48Par contre, il y a des gens, il y a des moments, il y a des entourages qui ramènent un peu plus de vie à tes journées.
04:54Et ça, c'est cool.
04:54Donc ça, c'est une douleur qui reste toujours un peu à côté de vous ?
04:58Oui, elle ne partira jamais.
04:59Le départ de votre mère ?
05:00Jamais, jamais, jamais.
05:02Ça fait pas très longtemps maintenant, mais je remarque qu'il y a ce vide que j'ai essayé de combler à travers des pansements qui ne fonctionnent pas.
05:15Et donc, je pense que l'acceptation de ce vide est là.
05:18Il y a une partie de soi qui est partie.
05:19Mais en fait, ce n'est pas si grave d'être un peu mort en vrai.
05:23Vous êtes un peu mort ?
05:24Quand on perd quelqu'un, je pense qu'il y a quelque chose en nous qui meurt.
05:28Et je pense que même surtout quand c'est sa mère ou que c'est des parents, il y a forcément un truc qui s'en va.
05:33Mais derrière, je crois beaucoup à l'échange proportionnel.
05:39Je ne sais pas si tu as vu Fullmetal Alchimist.
05:40C'est que la douleur est grande, mais en contrepartie, il faut que tu proposes un projet qui fait beaucoup de sens aussi pour réussir de contrebalancer.
05:46Donc, j'ai l'impression de chercher du sens aussi en contrebalancement, en recherche d'équilibre dans ma vie à travers ce que j'essaie de faire au quotidien.
05:56Et plus la douleur est grande, plus j'ai l'impression que le sens doit être aussi grand et changer d'équivalent.
06:00Avec banlieue climat, par exemple, on en reparlera tout à l'heure.
06:04Votre parcours, justement, Féris Barkat, c'est le principe de l'invité au carré pour comprendre dans quel contexte s'est construit votre engagement.
06:12Quand vous repensez, justement, vous évoquez votre mère à vos premières années, à votre enfance, c'est quoi les souvenirs qui reviennent ?
06:18Et dans quel contexte on est ? Il grandit où, le petit Féris Barkat ?
06:22Il a grandi dans plein d'endroits différents, mais je pense que j'ai eu la chance, comme beaucoup d'enfants de la diaspora, d'avoir des parents qui se sont beaucoup sacrifiés, qui ont été beaucoup présents.
06:33Donc, moi, ils ont très vite voulu me sortir du quartier à Strasbourg.
06:36En même temps, j'y suis retourné très vite.
06:39Quand j'étais au collège, j'ai eu peut-être une sorte de rattrapage identitaire qui devait se faire à travers des fréquentations qui n'étaient pas toujours les bonnes.
06:48Et à ce moment-là, j'ai eu à nouveau beaucoup de chance dans ma vie, moi, et c'est des profs qui m'ont aidé.
06:53Alors, je cite beaucoup ma prof d'histoire, Madame Ecker.
06:57Si jamais elle nous écoute, je vous aime beaucoup.
07:00Pourquoi vous l'aimez beaucoup ?
07:01Parce qu'elle a été là à des moments où j'étais vraiment aveuglé.
07:06Pour moi, le collège, c'est le moment le plus structurant dans un enfant.
07:08Après, c'est très personnel, tu vois.
07:10Mais j'ai l'impression que le collège, c'est là où j'aurais pu prendre une direction un peu compliquée.
07:14Moi, ma mère, elle a toujours voulu me mettre dans un lycée privé.
07:16Un super lycée à Strasbourg qui s'appelle le Gymnage Tourme.
07:19Pourquoi ? Pour vous protéger de quelque chose ?
07:21Pour me protéger, parce qu'elle voyait que j'étais très influençable.
07:24Et donc, elle a essayé, parce que c'est un lycée qui fait collège et primaire.
07:26Et donc, elle a essayé en sixième, j'ai été refusé.
07:28Elle a essayé en quatrième, j'ai été refusé.
07:30Et puis, en troisième, il y a cette prof d'histoire qui me dit,
07:32mais Ferris, là, à quoi tu joues ?
07:33Tu as des bonnes notes et en même temps, tu...
07:35Et je pense que je ne sais pas, dans la manière de me comporter avec mes parents,
07:39avec mes profs, avec les autres aussi autour de moi,
07:41je n'étais pas forcément le plus sain.
07:46Et cette prof a fait une lettre de recommandation
07:48qui a fait que j'ai pu sortir de mon lycée de secteur
07:52et aller dans un lycée privé en seconde.
07:54Et c'était bien, finalement, dans votre parcours, ça,
07:56de quitter ce lycée de proximité pour aller dans le privé ?
08:00C'était, je pense, ce qui a fait que je suis la personne d'aujourd'hui,
08:04qui fait que je pense que beaucoup d'enfants issus de l'immigration,
08:06quand ils changent de milieu social, doivent s'adapter.
08:08La capacité d'adaptation, elle est très forte.
08:10Et donc, ça a fait que tu dois être un caméléon.
08:12Moi, je m'en souviens d'une journée de Portes Ouvertes,
08:15où je viens, et qu'il y a une jeune qui me regarde en disant
08:18« La sacoche, ça ne va pas être possible. »
08:19Et puis elle me regarde et me dit « En fait, il y a tout qui ne va pas être possible là-dedans. »
08:23En mode, tout ton être pose problème dans cet environnement.
08:25Pourquoi vous avez un survêtement ?
08:26Il s'acoche la coste ?
08:27C'est ça.
08:29Et je n'ai pas pour autant tout de suite arrêté de venir en survêt au lycée.
08:33Il y a une prof d'anglais qui, vu qu'elle m'aimait beaucoup à chaque fois,
08:36prenait un peu ma défense.
08:37Mais sinon, c'était compliqué d'être tout seul dans cet environnement-là.
08:41Et puis en même temps, ça m'a structuré une pensée assez forte
08:43sur la médiocrité des humains, de manière générale.
08:46C'est-à-dire que dans ma classe, il y avait un élève
08:48et son père, il travaille dans la même usine que le mien,
08:51mais pas aux mêmes échelles, parce qu'on père est ouvrier.
08:54Et moi, le fait que voir mon père aller au travail tous les soirs,
08:57toutes les nuits, parce qu'il travaille en équipe,
08:59ça a structuré chez moi un truc très fort de
09:01« Je capte qu'il y a des gens qui travaillent pour vivre
09:03et des autres qui font travailler pour vivre. »
09:05Et ce n'est pas la même nuance.
09:06Quand tu fais travailler des gens pour vivre,
09:07tu n'as pas le même rapport au corps,
09:08tu n'as pas la même espérance de vie,
09:09tu n'as pas la même trajectoire.
09:11Et je constate ça et je me dis,
09:13mais en fait, son fils,
09:15souvent, il y a ce truc-là,
09:18ils se prennent pour des humains de ouf,
09:20alors que pas tant.
09:21Je me suis dit, en fait,
09:23ce n'est pas si terrible de se dire,
09:27on fait tous un peu semblant,
09:28eux, ils font un peu plus semblant que la moyenne
09:29parce qu'ils s'habillent un peu différemment,
09:32mais c'est du semblant, tout ça.
09:34Et donc, si je travaille,
09:35il n'y a pas de raison que je n'atteins pas leur niveau.
09:38Et moi, mes collègues à moi
09:39qui ont peut-être loupé le brevet juste avant,
09:41ils sont tout aussi intelligents, si ce n'est plus.
09:44Et donc, ça m'a beaucoup rassuré en me disant,
09:46en fait, tout est possible
09:47parce que si même ces abrutis,
09:49ils pensent que c'est les chefs du monde
09:50alors qu'ils sont bêtes,
09:51mais bêtes parce que ce n'est pas un jugement de valeur,
09:53c'est que juste face à eux,
09:54je me suis dit,
09:55mais comment moi, des gens sont en train de s'auto-saboter,
09:58de se censurer,
09:59d'une humiliation constante à l'école.
10:02Et eux, ils arrivent à se pavaner
10:04en disant, on est l'élite du pays.
10:05Mais t'es qui, frérot ?
10:06T'es qui ?
10:06Et donc, c'était ce truc-là de,
10:08ok, garder la pêche
10:09et en fait, on est tous des humains.
10:11Et vous avez gardé le survet et la sacoche Lacoste
10:14ou pas alors ?
10:14Non, il n'y a pas de l'envers.
10:16Vous vous êtes embourgeoisé un peu ?
10:17Ah oui, carrément.
10:19Il y a une assimilation qui s'est faite terrifiante.
10:21Je pense qu'il y a un moment
10:23où on ne peut pas lutter tout seul.
10:26C'est pour ça qu'aujourd'hui, je viens beaucoup en collectif,
10:28en groupe, sur les médias, sur les invitations,
10:30sur les trucs.
10:31C'est que quand t'es tout seul,
10:33je pense qu'il y a une question,
10:34surtout quand t'es un transfuge d'adaptation
10:36à un nouveau milieu et tu veux te faire accepter.
10:38Et donc, quand t'es plus dans ton milieu d'origine
10:40et que tu cherches l'acceptation,
10:41parce que c'est ça en fait, l'acceptation d'un groupe,
10:43l'appartenance, le sentiment d'appartenance,
10:45il faut bien qu'il se structure quelque part
10:46à travers ta manière de parler, ton langage,
10:47ta manière d'être et ton style vestimentaire.
10:49Et donc, le style vestimentaire,
10:51c'est une grosse question dans ma vie
10:56sur ma personne, où je me dis,
10:57je viens comme je suis,
10:58mais je sais que je vais structurer une pensée,
11:00un truc clair, etc.
11:01Donc ça, c'est ce que je pense de moi.
11:02Et en même temps,
11:03est-ce que je peux en vouloir à des gens
11:04de dire, mais attends,
11:07ok, l'habit ne fait pas le moine,
11:08mais frérot, t'es habillé comme un moine.
11:09Donc je pense que t'es un moine.
11:11Et donc là, l'idée, c'est de faire en sorte
11:13que l'habit du moine
11:14ne soit pas relié directement au moine.
11:17C'est compliqué comme parcours politique.
11:18Donc en fait, se dire que, ok, tu viens en jogging,
11:20mais ça ne doit pas inférer sur ta capacité à penser...
11:23Est-ce que c'est votre cas aujourd'hui ?
11:24Vous êtes en survête ?
11:25Oui, ça va, j'ai essayé de faire un essor.
11:26T'as pas...
11:27Je ne sais pas, je constate,
11:30c'est très factuel,
11:30vous avez un pantalon de survête.
11:32Oui, c'est vrai, c'est vrai.
11:33On peut le dire, on peut le dire.
11:34Tu m'as cramé, tu vois.
11:35Et on sent quand même la pensée assez structurée.
11:37Donc comme quoi,
11:38on peut avoir une pensée structurée
11:40et être en survête.
11:41C'est ça qu'il faut venir casser, en fait.
11:42Et je pense que c'est comme ça
11:43que tu symbolises ou que tu représentes.
11:44Après, ce n'est pas un message politique
11:46que je viens passer.
11:47Je pense qu'il y a des homos où j'en passe.
11:48Là, c'est juste ma volonté
11:49et ce que j'ai envie de faire.
11:51Mais il y a ce truc-là
11:52quand tu commences à représenter
11:53quelque chose qui se pose.
11:54Qu'est-ce que tu vas envoyer comme message ?
11:55Des petits qui vont s'habiller comme toi,
11:56qu'est-ce qu'ils vont penser de ça ?
11:57Moi, je m'en souviens
11:58quand j'allais beaucoup sur France 5
11:59pendant les élections,
12:01il y avait ce débat sur Twitter
12:03où beaucoup de gens disaient
12:04mais attends, il y a un arabe en survête
12:05qui sait parler.
12:07Et donc il y avait ce truc-là
12:07de vous êtes sûr qu'il sait parler ?
12:10Il parle.
12:11C'est fou, il parle.
12:12Et donc il y avait ce décalage
12:14qui était triste à dire.
12:15C'est ultra violent comme remarque.
12:17Un arabe en survête qui sait parler.
12:19Quand on analyse un petit bol message,
12:21il est terrifiant, non ?
12:22C'est vrai, c'est vrai.
12:23Il y a eu pire.
12:24Une fois, il y avait quelqu'un qui a tweeté
12:25« On écoute le bougnoule du plateau
12:27pour pas qu'il te tue. »
12:29Parce qu'il y avait un silence sur le plateau.
12:31Et le gars a tweeté ça
12:31et je me suis dit
12:32« C'est triste que même les gens de sa communauté
12:35nous représentent nous-mêmes comme ça. »
12:39Et puis en même temps,
12:39moi, ça a fait porter un truc
12:41que je ne voulais pas porter.
12:42C'est-à-dire que je me suis dit
12:43« Attends, on en est là. »
12:45C'est-à-dire que
12:45quand il y a un blanc
12:46qui parle bien à la télé,
12:48il ne se sent pas légitime
12:50ou il ne se sent pas
12:51de sa responsabilité
12:53de représenter tous les blancs.
12:54Pourquoi quand moi je viens parler,
12:56d'un coup,
12:56je dois avoir cette charge-là
12:58de représenter tous les Arabes de France ?
12:59Ce n'est pas ma vocation.
13:01Et donc, c'est pour ça
13:01que j'ai beaucoup freiné parfois
13:02certaines invitations
13:04ou certains espaces.
13:05Parce que vous aviez l'impression
13:06d'être l'arabe du plateau de la télé ?
13:08Non, pas pour ça.
13:09Ça, je pense que c'est inévitable.
13:11Et c'est le cas
13:12quand tu viens représenter un propos.
13:14C'est à toi de venir en disant
13:15« Je ne suis pas que quelqu'un
13:16qui va témoigner du réel.
13:17Je peux apporter une abstraction,
13:18une théorisation. »
13:19C'est très important pour moi.
13:21Non, c'est plus pour les miens.
13:23Je ne voulais pas avoir
13:24ce rôle-là de
13:25« Les gars, je ne suis pas là
13:26pour vous représenter. »
13:27Parce que c'est trop pour moi.
13:28Imagine demain, je foire.
13:30Imagine après demain,
13:30je vous déçois.
13:32Moi, je ne suis pas garant.
13:33Et puis en plus,
13:34ça contredit mon message politique.
13:36Ça contredit ma vision.
13:36Ma vision à moi,
13:37c'est de se dire
13:37que l'hyper-incarnation
13:39va de fait
13:40casser une forme
13:42de représentativité.
13:43Je peux avoir
13:44la meilleure intention du monde
13:45et on le voit
13:46avec les mouvements climat.
13:47Ils ont la meilleure intention du monde.
13:48Ils disent
13:48« Regardez, nous,
13:49on se bat pour le collectif.
13:50Regardez, nous,
13:50on se bat parce qu'il y a
13:51les rapports du GIEC.
13:51Regardez comment on est fort.
13:53Et on se bat
13:54pour le bien commun. »
13:55Mais la meilleure intention
13:57ne gomme pas
13:58le manque de représentativité.
13:59Donc, si ta personne
14:01manque d'identification
14:02pour un groupe de personnes,
14:03même si tu t'adresses à eux,
14:04même si tu fais pour eux,
14:05vu que tu n'as pas fait avec eux,
14:07ça ne fonctionne pas.
14:07Et donc, moi, je me suis dit
14:08« Mais attends,
14:09si je commence à représenter
14:10une masse
14:11qui sait la diaspora,
14:13les arabes,
14:13l'immigration,
14:14ce que tu veux,
14:14mais je ne suis pas représentatif
14:15de tous les parcours
14:16issus de l'immigration.
14:17Ça veut dire que nous,
14:18dans l'association,
14:18on a des jeunes qui sont salariés
14:20qui ont connu la prison
14:21et c'est eux qui vont aller
14:22former en prison.
14:22Ce n'est pas moi.
14:23Moi, je ne connais pas
14:23cette réalité-là.
14:24Donc, il ne faut pas
14:24avoir la prétention
14:25de se dire
14:26« Moi, je suis là
14:26pour la bonne cause,
14:27je suis là avec
14:28des bonnes intentions
14:28et donc, je suis dispensé
14:32de toute forme
14:33de représentativité
14:34parce que les intentions
14:35gomment tout.
14:36C'est faux. »
14:36C'est compliqué quand même.
14:37Parce que vous pourriez
14:38aller spontanément
14:39sur un plateau télé
14:40parce que justement,
14:40vous avez des choses à dire,
14:42vous avez une pensée
14:43à partager.
14:44Et là, vous vous posez
14:45finalement des questions
14:46que vous ne devriez pas
14:47vous poser en réalité.
14:48C'est quand même incroyable.
14:49C'est vrai que ces questionnements-là,
14:50on les a un peu
14:51intériorisés et banalisés,
14:52mais c'est vrai
14:54que c'est complexe.
14:55Et puis même parfois,
14:57il y a eu des propositions,
14:58moi, parfois
14:59d'émissions télé,
15:01de jeux,
15:02de voyages,
15:03de choses assez intéressantes
15:04à faire.
15:05Et en fait,
15:05vu que de plus en plus,
15:07mon projet se transforme
15:09en mission,
15:10je ne peux pas me réfléchir
15:11juste à ce qui me fait envie,
15:12à ce que je veux partager,
15:13à ce que je veux faire.
15:14Je dois être dans une réflexion
15:15de qu'est-ce que je vais incarner,
15:16qu'est-ce que je vais représenter.
15:17Et on m'a mis à cette place-là
15:18pour une raison.
15:19Si je viens un peu travestir
15:20la parole qu'on m'a donnée,
15:21comment je me positionne ?
15:21Et en même temps,
15:22je ne voudrais rien en fait.
15:23Je ne voudrais rien.
15:24Laissez-moi tranquille
15:24si j'ai envie d'aller faire
15:25un loup-garou sur telle émission,
15:26j'y vais.
15:27Mais non,
15:28je ne peux pas.
15:29Dans votre parcours,
15:30Féris Barcat,
15:31t'es née une aventure collective,
15:32c'est banlieue climat.
15:33On en parle dans un instant.
15:33Vous êtes notre invité au Carré.
15:34Down to be wrong,
15:37don't need to be right.
15:40I left you the keys,
15:42I left all my lights.
15:46I locked myself out
15:47of the house.
15:51I'm on the next flight.
15:53You can't talk me out of it, yeah.
15:57From the window seat,
16:10I can see the street
16:12where we used to sleep.
16:15It was all a dream, honey.
16:19You thought I would fall
16:20back in your arms,
16:23but I lost my heart
16:26and the future's gone with it.
16:30Oh, I bet you wish
16:35it could be easy
16:36to change my mind.
16:41Oh, I bet you wish
16:46it could be easy,
16:47but it's not this time.
16:51I ain't coming back.
16:54I ain't coming down.
16:57I was so high last night.
16:59I thought burn it to the ground.
17:02You never helped me.
17:05It was like hell for me.
17:07But you're the greatest pretender.
17:10So just keep pretending.
17:13Just keep pretending.
17:15Oh, I bet you wish
17:18it could be easy
17:20to change my mind.
17:25Oh, I bet you wish
17:29I wish it could be easy,
17:31but it's not this time.
17:35Boy, I crushed
17:37my whole heart
17:39trying to fit my soul
17:42into your arms.
17:46And I crushed
17:47up these pills
17:50and I still could take them.
17:54I still could take them.
18:00Don't be wrong.
18:02C'était AIME
18:02sur France Inter.
18:04La terre au carré.
18:07Mathieu Vidard
18:08sur France Inter.
18:09Notre maison
18:13brûle.
18:16Et
18:16nous regardons ailleurs.
18:19Nous ne pourrons pas dire
18:21que nous ne savions pas.
18:23Prenons garde
18:24que le 21e siècle
18:26ne devienne pas
18:27pour les générations futures
18:29celui
18:30d'un crime
18:31de l'humanité
18:33contre la vie.
18:34Le président Jacques Chirac
18:37c'était en 2002
18:38au sommet de la terre
18:39à Johannesburg
18:40en Afrique du Sud.
18:41Ferris Barkat
18:42on a choisi cet extrait
18:43parce que vous êtes né
18:43justement en 2002
18:45quelques mois avant
18:46puisque là c'était en septembre.
18:49Ça c'est un discours
18:51qui a beaucoup marqué
18:51les esprits autour de l'écologie.
18:53Comment vous vivez
18:54tous ces mots-là
18:55que vous entendez ?
18:57En vrai c'est déprimant.
18:58C'est déprimant.
18:59C'est en 2002
18:59ça fait
19:0023 ans maintenant.
19:02Oui.
19:03Et le mix énergétique
19:04il est toujours à 80% fossile.
19:06Il n'y a rien qui a bougé.
19:07Donc je pense qu'il y a
19:07ce truc-là
19:08où quand l'Occident se réveille
19:09parce que ça touche
19:10des populations blanches
19:11ça va toujours être
19:14un réveil assez tardif
19:15et qui va essayer
19:16de se tourner
19:16vers des formes de solutions
19:18qui vont être très tournées
19:20sur la technologie
19:20et le technosolutionnisme
19:21alors que
19:22en réalité
19:23c'est des sujets
19:24qui touchent
19:25des pays
19:25depuis très très longtemps
19:26la déforestation
19:27les activistes
19:28qui meurent tous
19:30en Amérique latine
19:31il y a plein de sujets
19:32comme ça
19:32l'extraction des ressources
19:35en Afrique
19:35qui propose
19:37beaucoup de sujets
19:38environnementaux
19:38donc cette violence
19:39environnementale
19:39elle est là depuis longtemps
19:40et c'est triste
19:41de voir que
19:42en vrai il y a une passivité
19:43et une forme d'ignorance
19:45de cette violence-là
19:45qui s'est installée
19:46et qui fait qu'on est toujours
19:48c'est chaud là
19:49c'est plus en plus chaud
19:50dans tous les sens du terme
19:52d'ailleurs
19:52et cette passivité
19:53elle suscite quoi
19:54chez vous ?
19:56je pense que
19:57il y a une question
20:00de colère
20:00qu'il faut réussir
20:02à structurer
20:02bien sûr
20:03mais il y a une question
20:03de colère
20:04qu'il faut vraiment
20:04assumer
20:05dans le sens
20:06où je pense
20:06qu'on réalise pas trop
20:07ce qui nous attend
20:08vous avec vos émissions
20:10et pas mal de scientifiques
20:11récemment
20:11ont commencé à vulgariser
20:12la situation
20:12quand on parle
20:13d'effondrement
20:14de la biodiversité
20:14quand on parle
20:14d'effondrement tout court
20:15quand on parle
20:15de surmortalité
20:17quand on parle
20:17de 200 millions
20:18de réfugiés climatiques
20:20d'ici 2050
20:20c'est des gens
20:21qui vont bouger
20:21sur la planète
20:22ça s'appelle la guerre
20:22ça en fait
20:23donc quand tu constates
20:25ce que ça signifie
20:25ce que ça implique
20:26une planète
20:26à plus 3 à 4 degrés
20:27c'est vrai que c'est
20:28assez déprimant
20:29mais les gens
20:29ne réalisent pas encore
20:30ça fait qu'on n'est pas
20:32assez révolté
20:33pour la situation
20:34c'est ça que ça m'inspire
20:34c'est ce décalage là
20:35de tout le monde dort
20:37et se divertit
20:38alors que littéralement
20:40on parle de
20:40de la mort de tout là
20:42et pourquoi on dort
20:43à votre avis
20:44et pourquoi rien
20:45ne nous réveille
20:46au fond
20:46je pense qu'il faut
20:48non pas non plus
20:49négliger la part
20:50d'endormissement
20:51qui est institutionnalisé
20:53et organisé
20:54ça veut dire que
20:54on l'a vu dans les années 70 et 80
20:56avec les industries fossiles
20:57qui nient l'impact
20:58du réchauffement climatique
20:58mais de manière générale
21:00l'impact de la violence
21:01environnementale
21:02est nié
21:03c'est à dire que
21:03quand on regarde la pollution
21:04comment elle est traitée
21:05c'est une externalité négative
21:06c'est quelque chose
21:07qui est banalisé au possible
21:09et donc je pense
21:10qu'il y a aussi
21:10un manque de prise de conscience
21:12du fait du vocabulaire
21:13et de la grammaire
21:14qui consiste
21:15à nous faire accepter
21:16bon ok
21:17il y a 100 000 personnes
21:19qui meurent de la pollution
21:20par an en France
21:219 millions dans le monde
21:22mais c'est comme ça
21:23ça fait partie du jeu
21:24et on doit l'accepter
21:25et à partir du moment
21:26où on accepte de rentrer
21:27dans ce jeu là
21:27en disant
21:28en fait les règles du jeu
21:29c'est qui qu'ils aient écrite
21:29à la base
21:30les règles du jeu
21:31elles se basent sur quoi
21:31sur des ressources
21:32qui sont finies
21:32donc en réalité
21:33même pour nos énergies renouvelables
21:35il faut des ressources
21:35qui sont finies
21:35on ne va pas pouvoir les créer
21:36ok comment on fait
21:37ces règles du jeu
21:38elles sont physiques
21:38ces règles du jeu
21:39elles sont morales
21:39ces règles du jeu
21:40elles se basent aussi
21:40sur nous
21:41qui asservissons
21:42tout un continent
21:43qui est l'Afrique
21:44parce que le cobalt
21:4470% des récoltes de cobalt
21:46viennent de RDC
21:47et on va avoir besoin de ça
21:48pour construire nos trucs
21:49donc quand on commence
21:50à recontextualiser
21:51les règles du jeu
21:52et bien en fait
21:53je pense qu'il va falloir
21:54faire un changement de paradigme
21:55en disant
21:55les règles qu'on veut nous imposer
21:56les règles du capitalisme
21:57les règles même de la loi
21:59je pense qu'il y a aussi
22:00une manière qu'on a nous
22:01de sacrer la loi
22:03qui est problématique
22:04dans le sens où
22:05la loi
22:06c'est l'état colonial
22:07la loi
22:08c'est l'apartheid
22:09la loi c'est l'esclavage
22:10et donc
22:11il ne faut pas non plus
22:12être dans une forme
22:12d'absolutisation
22:13en disant
22:13c'est la loi
22:14on a le droit de polluer
22:15il y a des droits à polluer
22:15aujourd'hui
22:16il y a des droits
22:16aujourd'hui plus tu payes
22:17plus tu as le droit de polluer
22:18comment c'est possible
22:19donc on devrait
22:20mettre soit des lois
22:22beaucoup plus restrictives
22:23soit faire en sorte
22:24de remettre en question
22:25cette loi-là
22:26parce que moi aujourd'hui
22:26si je veux venir tout nu
22:27sur ce plateau
22:28qu'est-ce qui m'en empêche
22:29c'est pas toi Mathieu
22:30c'est la loi
22:31et pourquoi eux
22:32ils auraient le droit
22:32de saccager notre santé
22:34sans qu'on fasse rien
22:36je pense qu'il faut aussi
22:36installer une loi
22:37soit on l'écrit nous-mêmes
22:39soit on la remet en question
22:40donc le droit
22:42le droit
22:43la justice
22:44ont des choses à faire aussi
22:45dans ce combat-là
22:47ouais ça
22:47il ne faut pas poser la question
22:48qui doit être mené
22:48il ne faut pas juste poser
22:49la question de ce qui est légal
22:50il faut poser la question
22:51de ce qui est légitime
22:52il ne faut pas poser juste
22:53la question de ce qui est normal
22:54parce que ce qui est normal
22:55ça s'installe
22:55c'est des normes
22:56c'est des tendances
22:56il faut poser vraiment
22:57la question de ce qui est juste
22:58et ça c'est un déplacement de regard
23:00qu'on n'a pas forcément
23:01l'habitude de faire
23:01et là il faut se réveiller justement
23:02pour pouvoir avoir cette optique-là
23:04dans cette enfance alsacienne
23:05dont vous parliez tout à l'heure
23:06Ferris Barkat
23:06qu'est-ce qui explique d'ailleurs
23:08votre intérêt pour les questions
23:09environnementales en fait
23:10parce qu'on n'en a pas parlé ça
23:11qu'est-ce qui vous amène
23:13sur ce chemin-là
23:14et ensuite on va en parler
23:15sur le chemin de banlieue climat
23:17à la base pas grand-chose
23:18ma mère était très engagée
23:20justement dans pas mal
23:21de quartiers à Strasbourg
23:22et elle organisait
23:22des jardins partagés
23:24donc il y a beaucoup de jardins
23:25moi j'ai appris
23:26même après son décès
23:28certains jardins
23:29en face de chez ma grand-mère
23:30on me dit ah mais tu sais
23:31les plantes là
23:31c'est ta mère qui les a plantées
23:32je me dis ah bon
23:33et je me souviens
23:34quand j'étais petit
23:34je détestais ça
23:36ça veut dire que vraiment
23:37j'étais insupportable
23:39parce qu'en fait
23:39quand j'allais au supermarché
23:40tout le monde arrêtait ma mère
23:41pour la remercier
23:42lui demander des conseils
23:43et tout
23:43et moi ça me fatiguait
23:45parce que je suis fils unique
23:46c'est-à-dire
23:46c'est ma maman à la base
23:49les gars tranquilles
23:49genre laissez-nous faire
23:50les courses tranquilles
23:51ça me saoulait
23:52j'étais trop
23:53sur ce sentiment un peu
23:54de
23:55un peu jaloux quand même
23:57on peut le dire
23:57on vous piquez votre mère
24:00et puis je constatais
24:03que ça me saoulait à mort
24:04ces trucs là
24:05de plantation
24:05d'arbres
24:06de je sais pas quoi
24:07ça veut dire que
24:08je me suis beaucoup construit
24:09en réaction à ça
24:10en disant ça m'intéresse pas
24:11et puis après
24:12elle est tombée malade
24:12je me suis intéressé
24:14aux exposomes
24:15c'est-à-dire qu'on est exposé
24:15plus ou moins
24:17en fonction de là où on habite
24:17et à la grandisse
24:18dans un quartier
24:19qui s'appelle Elzo
24:19qui est très pollué
24:20donc j'ai fait mes liens
24:22après c'est toujours
24:22très compliqué avec les cancers
24:23de faire des liens de causalité
24:24donc j'en fais absolument aucun
24:26mais on constate
24:28que l'espérance de vie
24:29et que la santé
24:31n'est pas la même pour tous
24:32Donc c'est encore lié
24:33à votre mère tout ça quand même
24:34Toujours
24:34mais c'est fascinant
24:35j'ai remarqué
24:36que ce soit l'écologie
24:36mais j'ai remarqué
24:37il n'y a pas longtemps
24:37j'étais avec un pote
24:38à moi en voiture
24:38on roule comme ça
24:40et lui aussi
24:40elle a perdu sa mère
24:41et ça faisait longtemps
24:44que je n'avais pas parlé
24:45avec lui
24:45et surtout de ce sujet
24:46on était très pudiques
24:47on ne parle jamais de ça
24:47et on a remarqué
24:48qu'on s'est tous les deux
24:49construits dans nos vies
24:51dans une forme de continuité
24:53du projet de nos mères
24:53ça veut dire que
24:54elle elle voulait toujours
24:55m'emmener au musée
24:56quand j'étais petit
24:56tout le temps
24:57mais ça me fatiguait
24:58aujourd'hui je travaille
24:59avec des musées
24:59elle voulait absolument
25:00faire des jardins partagés
25:01partout dans Strasbourg
25:02ça me fatiguait
25:03maintenant
25:03j'organise des fermes urbaines
25:05et des trucs sur l'écologie
25:05donc il y a eu un truc
25:06je me suis dit
25:07mais il n'y a pas trop
25:08de hasard là-dedans
25:09Elle est plus vivante
25:10que jamais en fait
25:11votre mère là
25:12On peut le dire un peu
25:13à travers ce qu'on fait
25:14en essayant en tout cas
25:15Alors banlieue climat
25:16c'est arrivé comment
25:16dans cette histoire
25:18parce que je rappelle quand même
25:18que vous avez 23 ans
25:19on parle d'un parcours
25:21qui est court
25:22mais qui est ultra dense
25:23qui est ultra fatigant
25:25ultra fatigant pour vous ?
25:27Non mais c'est vrai
25:28qu'il s'est passé
25:28beaucoup de choses
25:29en 3 ans
25:29Pour ceux qui essaient
25:29de vous suivre
25:30Il s'est passé
25:31beaucoup beaucoup de choses
25:31en 3 ans
25:32En fait à la base
25:34c'était pas un projet
25:34comme ça
25:35d'association nationale
25:36j'avais pas ces idées
25:36en tête
25:37Donc ça démarre aussi
25:38en Alsace ?
25:38Ça démarre à Strasbourg
25:39avec une association
25:41qui s'appelle Teslab
25:42on fait une formation
25:43avec des jeunes
25:44et on se dit à la fin
25:45c'est cool
25:46les gens sont motivés
25:47moi j'ai ramené
25:48des potes à moi
25:48ils sont en folie
25:49ils ont envie
25:50d'apprendre plus de trucs
25:51et puis j'avais fait
25:53une initiative
25:53qui s'appelle
25:54le Collège Citoyens de France
25:55et j'avais rencontré
25:56des acteurs associatifs
25:57qui sont devenus
25:58très proches de moi
25:58notamment Abdelali El Badaoui
26:00qui a fait Banlieue Santé
26:01et qui m'appelle
26:01et qui me dit
26:02mais viens on fait ça
26:02partout en France
26:03et je lui dis franchement non
26:04moi je suis très bien
26:04à Strasbourg
26:05laisse moi tranquille
26:05et puis il me rappelle
26:06et puis de fil en aiguille
26:08avec Sana, Cefio
26:09on s'est structuré
26:11ça a donné un mouvement
26:12comme ça
26:13qui après Strasbourg
26:14est allé à Bagnolet
26:15à Sergy
26:16Mais c'est quoi l'idée
26:16de mon lieu climat ?
26:17l'idée c'est vraiment
26:18la réinsertion
26:19la réappropriation
26:20d'un sujet
26:20l'écologie déjà
26:21qui a été monopolisée
26:21par une élite bourgeoise
26:22qui fait que le mot
26:24est très connoté
26:24ça fait que quand
26:25à 8h du matin
26:26je viens à la paillade
26:27en disant
26:27on parle d'écologie
26:28il rentre chez toi
26:30en fait à la base
26:31qu'est-ce que tu viens
26:32me saouler
26:32donc il y a ce truc-là
26:34qu'il faut déconstruire
26:35parce que
26:36c'est d'une violence
26:37inuit
26:38de se faire déposséder
26:39comme ça d'un concept
26:40dont on est les plus exposés
26:41et dont on est les plus
26:42les premiers concernés
26:44qui ça ont
26:44les quartiers populaires
26:45et de manière générale
26:46les plus précaires
26:47quand tu prends
26:47les gens du voyage
26:48récemment les gens du voyage
26:49je crois que c'est vers l'île
26:50j'ai pas envie de dire de bêtise
26:51ils sont sur un terrain
26:53très pollué
26:54ils sont installés
26:54sur un terrain très très pollué
26:55ils ont pas d'autres lieux
26:56pour vivre
26:57donc c'est pas que
26:58les quartiers populaires
26:58c'est de manière générale
26:59les plus précaires
26:59qui sont dépossédés
27:00d'un concept
27:01qui les fait
27:03littéralement mourir
27:05donc c'est une réappropriation
27:06à ce niveau-là
27:06et puis
27:07c'est aussi une émancipation
27:08c'est-à-dire qu'on s'est dit
27:09on peut exister
27:10à travers ça
27:11on peut se réapproprier
27:12ce sujet-là
27:12il y a des jeunes
27:13qui étaient dans des situations
27:14parfois très précaires
27:16et qui se retrouvent
27:16à l'Assemblée nationale
27:17en train de faire des formations
27:18à des députés
27:18il y a ces parcours de vie-là
27:20comme ça qui changent
27:21et on s'est dit
27:21qu'il y avait une volonté
27:23de faire beaucoup de réinsertion
27:24donc un des mérites qu'on a
27:26c'est quand même
27:26d'aller chercher des jeunes
27:27qui sont très éloignés
27:28ça veut dire que
27:29si t'es pas intéressé
27:29par la question
27:30c'est là où on est intéressé
27:32par toi
27:32c'est à ce moment-là précis
27:33qu'on va venir
27:35c'est le pitch de l'histoire
27:36quasiment ça
27:36tu n'es pas intéressé
27:38par la question
27:38donc on va s'intéresser à toi
27:39c'est exactement ça
27:40et ça marche tout de suite
27:42ou il y a des grosses résistances
27:44il y en avait beaucoup
27:45au début
27:46après maintenant
27:46on s'est structuré
27:47on commence à être
27:47un peu référencé
27:48donc ça va un peu mieux
27:49mais effectivement
27:49au début
27:49qu'est-ce que tu racontes
27:51il y a des jeunes
27:51parfois on devait leur mentir
27:52pour les mobiliser
27:53on leur disait
27:53il y a un tournoi de foot
27:54dimanche à 8h
27:56et Muskin
27:57ils venaient en crampons
27:58ils venaient en crampons
27:59comme ça
27:59à leur sac
28:00en fait
28:01on va parler de permafrost
28:02de bouts de rétroaction
28:03de trucs pas cool
28:04en vrai frérot
28:05au début
28:06c'est carrément malhonnête
28:07ça comme procédé
28:08c'est du mensonge total
28:09mais après voilà
28:12il faut ruser
28:13pour réussir
28:14quand on a confiance
28:15dans ce qu'on fait
28:16et je pense qu'à la fin de la journée
28:17ils sont heureux
28:18ils ne veulent plus nous lâcher
28:19c'est comme ça que
28:19ça ne peut durer qu'une journée
28:21au début ça dure une journée
28:22et puis après
28:23en fonction de l'investissement
28:25localement aussi
28:26à quel point les municipalités
28:27c'est pour ça que c'est important
28:28le contexte politique
28:29dans lequel on va
28:29si les municipalités
28:31donnent de la force
28:31structure les groupes locaux
28:32ça peut aller très loin
28:33à Strasbourg
28:34il y a peut-être 300-400 jeunes
28:36peut-être 300 jeunes
28:37qui sont formés
28:38qui se structurent
28:39qui se mobilisent
28:40qui font des actions
28:40et ça essaie dans les familles
28:41du coup ou pas ?
28:43parce que vous parlez de jeunes
28:44ça concerne que les jeunes
28:44dans le lieu climat ?
28:45non on est allé aussi
28:46avec les mamans
28:46on les a formés récemment
28:48et de plus en plus
28:50là on va partir avec elles
28:51au Brésil aussi
28:51pour la COP30
28:52donc effectivement
28:54il y a les mamans
28:55les jeunes
28:56et ça essaie un peu partout
28:57on va pas s'arrêter je pense
28:59il y a une maman
29:00qui était sur un vélo
29:01en juillet dernier
29:02avec l'association
29:03Banlieue Climat
29:04partie de Saint-Ouen
29:05pour rejoindre à vélo
29:06Strasbourg
29:06on écoute le témoignage
29:08de Fatima
29:08justement une maman
29:09qui a fait le trajet
29:10le vélo pour moi
29:11c'est une redécouverte
29:12et aujourd'hui je me dis
29:13pourquoi dans ces quartiers-là
29:15on leur donne pas
29:16la possibilité
29:16d'avoir accès
29:17à cette motricité
29:18si on fait le trajet
29:20jusqu'à Strasbourg à vélo
29:21c'est pour essayer
29:23de promouvoir
29:23la motricité
29:24autrement
29:25donc c'est-à-dire
29:26un peu oublier
29:27les voitures
29:27le bus etc
29:28on fait quelques étapes
29:30en train
29:30pour partager avec les gens
29:32pour partager avec les voyageurs
29:34ça permet un peu
29:34de se laisser aller
29:35en tant que maman
29:36la charge émotionnelle
29:37elle est waouh
29:38la charge mentale
29:40on est en plein dedans
29:41le lancement
29:42il était un petit peu stressant
29:43mais en fait
29:45une fois qu'on est dessus
29:46on a l'impression
29:47de revivre
29:48de respirer
29:49et c'était avec
29:51banlieue climat
29:52donc cet été
29:53un ferris barcade
29:54donc vous faites pédaler
29:55les mamans c'est ça ?
29:56Saint-Ouen-Strasbourg
29:57en combien de jours
29:58vous avez fait ça ?
29:58c'est vraiment de la torture
29:59mais ça m'a rendu
30:00un peu émotionnel
30:01de l'entendre Fatima
30:02pourquoi ?
30:03parce que c'était
30:04un séjour incroyable
30:05je sais pas pourquoi
30:06ça me rend comme ça
30:07mais oui vous avez
30:08des larmes aux yeux
30:08non abusent pas
30:09j'ai une crédibilité
30:10j'ai une crédibilité
30:11à tenir s'il te plaît Mathieu
30:12la sensibilité
30:14c'est tout à fait
30:14rester crédible
30:15non mais c'est vrai
30:16que je sais pas
30:16pourquoi ?
30:17à quoi vous repensez
30:18quand vous entendez sa voix ?
30:19je repense à ces 5 jours
30:20mais aussi à ces moments
30:21tellement forts
30:22et puis c'est des
30:23c'est des mamans
30:25qui ont été aussi
30:26très présentes pour moi
30:27à des moments compliqués
30:27donc je les aime tellement
30:30et on a été
30:31quand on a fini
30:33les 5 jours
30:34on s'est tous retrouvés
30:35dans un restaurant
30:35et on a toutes
30:36et tous parlé
30:37de nos vies
30:38et tout le monde a pleuré
30:40mais tout le monde
30:40tout le monde
30:41et c'est à ce moment là
30:42où je sais pas
30:43ce qui s'est passé dans l'air
30:44mais il y a une connexion
30:45entre nous
30:48qui était folle
30:49et je pense que chacun
30:51est venu connecter
30:52avec la douleur de l'autre
30:53et je m'en souviens
30:55d'un jeune
30:56qui était avec nous
30:56qui dit
30:57bah en fait
30:57moi je vous l'ai pas dit
30:58mais il y a 5 ans
30:59ma mère aussi est morte
31:00et là tout le monde
31:00commence à chialer
31:01il commence à raconter sa vie
31:02à quel point
31:03il était en dépression
31:04depuis 3 semaines
31:05mais que là
31:05il a l'impression
31:06que ces 5 jours
31:07ça l'a sorti
31:07ça l'a fait revivre
31:10et c'est ça
31:11qu'on a essayé de créer
31:12parce qu'il y a
31:12l'aspect politique du vélo
31:13comment on recrée
31:14une culture du vélo
31:15parce qu'il y a des femmes
31:16qui sont excisées
31:16qui n'ont pas l'habitude
31:17parce que c'était mal vu
31:18quand elles étaient petites
31:18de faire du vélo
31:19donc il y avait ce truc là
31:20de on se réapproprie le vélo
31:21et culturellement
31:22on va l'imposer
31:23dans l'espace public
31:24et puis
31:24il y a ce truc là
31:26de communauté
31:26qu'on recrée
31:27et c'est comme si on recréait
31:28un petit monde
31:28avec des enfants
31:29il y avait des petites
31:30qui faisaient du vélo avec nous
31:32il y avait les mamans
31:33il y avait les jeunes
31:34et on est tous en famille
31:35comme ça
31:36et cette vie en communauté
31:37je pense que l'Occident
31:38a supprimé ça
31:38et c'est pas carré ça
31:40je pense que
31:41ce qui est magnifique
31:42dans ce qu'on a créé là
31:43c'est cette communauté là
31:45que je trouve magnifique
31:46Féris Barkat
31:47vous êtes notre invité au carré
31:48Sous-titrage Société Radio-Canada
32:18Sous-titrage Société Radio-Canada
32:48Sous-titrage Société Radio-Canada
33:18Sous-titrage Société Radio-Canada
33:48Sous-titrage Société Radio-Canada
34:18Sous-titrage Société Radio-Canada
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