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  • il y a 2 jours
🎙️ Quel rapport les journalistes et producteurs de Radio France entretiennent-ils avec la langue française ?
Antoine Guillot , producteur de l'émission "Plan Large" sur France Culture nous parle de son rapport à la langue.

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Transcription
00:00J'aime bien reprendre cette formule complètement apocryphe, probablement d'Orson Welles,
00:03qui dit qu'à la radio, l'écran est plus grand qu'au cinéma.
00:13Ça dépend desquels, évidemment.
00:15Si on met à part les personnes en souffrance,
00:17parce qu'il y a des gens qui nous écrivent un peu pour des raisons psychiatriques,
00:22parfois, ou parce qu'ils ont des vrais problèmes.
00:24Si on met à part également les trolls,
00:25qui nous reprochent d'être trop ceci ou pas assez cela,
00:30il y a de beaux, vrais échanges avec les auditeurs,
00:34qui parfois nous apprennent des choses,
00:35puisqu'on parle de langue française, ou en tout cas de prononciation,
00:39beaucoup plus d'ailleurs sur les noms étrangers.
00:42J'ai appris par exemple que celui qu'on appelle John Cassavetes en France tout le temps,
00:46aux États-Unis, on l'appelle Cassavetes,
00:47parce que c'est un nom grec d'origine.
00:50Et ça, par exemple, j'en tiens compte, et depuis je dis Cassavetes.
00:52J'ai la chance de faire une émission qui est plutôt appréciée des auditrices et des auditeurs,
00:57apparemment, puisque je reçois souvent des messages très gentils,
01:00donc c'est toujours très agréable de les recevoir.
01:02Moi, je suis preneur de beaucoup plus d'échanges avec les personnes qui nous écoutent.
01:11Bien parler, plus qu'un impératif, parce qu'on n'est pas à l'Académie française,
01:16on n'est pas obligé de parler comme dans le litré non plus,
01:18c'est au minimum une courtoisie, une politesse vis-à-vis de qui nous écoute,
01:23mais je crois que c'est comme ça dans la vie en général.
01:26Et c'est important aussi de choisir les mots justes, les mots précis,
01:31pour dire ce qu'on veut dire.
01:33Moi, quand je prépare les émissions, parfois je me prends la tête pendant des heures
01:36pour essayer de trouver la bonne façon de dire quelque chose.
01:41Mais c'est simplement parce que c'est comme ça qu'on fait passer au mieux les idées.
01:44Et puis aussi parce qu'on ne prend pas les personnes qui nous écoutent pour des imbéciles,
01:47donc il faut leur parler comme on parlerait à des gens qu'on estime, simplement.
01:54Donc voilà, c'est le minimum de la courtoisie.
01:59Ce que je m'interdis et que j'interdis aussi à mes invités, c'est le jargon,
02:04c'est-à-dire la langue de l'entre-soi qui ne parle qu'aux gens qui font partie du même groupe,
02:09du même club, de la même caste.
02:11Donc dès que je ne comprends pas, déjà moi personnellement,
02:14ce que quelqu'un dit, je lui demande tout de suite d'expliquer ce que ça veut dire.
02:19Mais c'est surtout le cas évidemment quand on reçoit des universitaires,
02:23par exemple des grands spécialistes de leur sujet.
02:25Il faut leur rappeler de temps en temps qu'ils ne parlent pas à leur père
02:28ou à d'autres grands spécialistes de leur sujet,
02:31mais à des personnes qu'il ne faut pas intimider par l'usage de mots qu'on ne comprend pas,
02:36qu'ils sont juste un sésame pour faire comprendre aux autres qu'on est intelligent.
02:40Mais en fait c'est de la grande bêtise puisque personne ne comprend au bout du compte de quoi on parle.
02:47Dès que je me rends compte que j'ai un tic de langage,
02:50parce que comme tout le monde je peux en avoir,
02:52je fais très attention non seulement à ne pas l'utiliser,
02:55mais à ne pas l'utiliser comme béquille.
02:57Je préfère faire un silence quand le mot ne vient pas
03:00plutôt que de mettre du « voilà » effectivement.
03:04Je ne parle même pas des « du coup » et autres qui sont un peu les marqueurs de l'époque,
03:08mais j'ai toujours l'impression quand j'utilise un tic de langage
03:10que je suis possédé par un esprit qui me manipule
03:14et qui me fait dire des choses que je ne voudrais pas dire.
03:16Donc il faut, enfin, à titre personnel, j'y fais très très attention.
03:23Il y a un mot que j'aime beaucoup, c'est « anamnèse »,
03:25qui pourrait être un mot qui semblera un peu savant,
03:27mais qui est l'inverse de l'amnésie.
03:28C'est le mécanisme de la mémoire qui fait retour,
03:31mais qui pour moi a beaucoup à voir avec à la fois l'expérience de spectateur de cinéma,
03:36puisque je parle beaucoup de cinéma.
03:38Voir un film fait remonter des émotions, des souvenirs que parfois on aurait oubliés.
03:44Mais parler d'un film, c'est déjà faire un exercice d'anamnèse,
03:46puisqu'il faut se souvenir du film qu'on vient de voir
03:49ou qu'on a vu parfois il y a longtemps.
03:52Et cet exercice est totalement réjouissant quand quelque chose ressurgit.
03:57Donc voilà, je dirais « anamnèse ».
03:59C'est encore une question de mode.
04:03Un anglicisme à la mode est à éviter.
04:07Après, il y a des mots anglais qui disent des choses bien mieux qu'un mot français.
04:13Alors évidemment, il y a des mots anglais qui sont rentrés dans le langage courant.
04:17Personne ne parle de parc de stationnement, tout le monde parle de parking et c'est normal.
04:20Quand on a commencé à parler de séries, on parlait de spoiler, des éléments de surprise dans des séries,
04:28on s'est mis un peu par une autre mode à utiliser le mot québécois « divulgacher ».
04:32Mais ça ne dit pas exactement la même chose.
04:35« Divulgacher », on gâche quelque chose.
04:37« Spoiler », c'est très proche du français « spolié ».
04:43On vole quelque chose finalement du plaisir.
04:45Donc on peut utiliser les deux, mais quand on utilise l'un ou l'autre,
04:49là encore, il faut choisir le mot qu'on utilise parce que ça ne dit pas la même chose.
04:56Beaucoup de choses pour moi, un métier et un plaisir, d'abord un plaisir d'auditeur.
05:01J'aime bien reprendre cette formule complètement apocryphe probablement d'Orson Welles
05:04qui dit qu'à la radio, l'écran est plus grand qu'au cinéma.
05:08Quand on fait une émission sur le cinéma à la radio et qu'on passe beaucoup d'extraits comme moi,
05:12ça évoque de l'imaginaire, énormément d'imaginaire.
05:15Les voix de radio, je n'attends qu'une seule chose, c'est qu'elles m'emportent.
05:23Justement, j'ai des souvenirs très émus de la voix de Pierre Bouteillet, par exemple,
05:27qui avait une musicalité jazzy extraordinaire,
05:30de Jean-Claude Amézen qui, là encore, vous emportait dans des territoires infinis quand il parlait.
05:38J'aime beaucoup la voix de mon collègue et ami François Angelier,
05:42qui a cette voix à la fois érudite et un peu canaille,
05:46qui est toujours une promesse de grand plaisir radiophonique.
05:50Et puis, sur des voix féminines, une Marie Richeux sur France Culture
05:54ou Rebecca Manzoni sur France Inter,
05:58ont, là encore, cette suavité musicale dans la voix qui vous réjouit.

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