- il y a 3 mois
Les clefs d'une vie - Gérard de Cortanze
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2025-09-29##
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PersonnesTranscription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:05En quatre décennies, vous avez publié une centaine de livres.
00:09Le succès est souvent au rendez-vous, car dans le choix des sujets, vous avez toujours du nez.
00:14Mais ce n'est pas pour cette raison néanmoins que vous avez consacré un roman à Cyrano.
00:18Bonjour Gérard de Cortance.
00:20Bonjour, vous savez que restant Cyrano, disait le nez, est le siège de l'âme.
00:24C'est une belle phrase.
00:25Effectivement, Cyrano, on va en parler à travers ce livre « Savignin de Cyrano, soeur de Bergerac ».
00:30Attention, pas par rapport à Rostand, mais par rapport à l'homme, que vous publiez chez Albin Michel.
00:35Mais le principe des clés d'une vie, c'est de raconter votre parcours à travers des dates clés.
00:39Alors, je précise que vous êtes venu à la 80e émission, on est à la 1537e.
00:44D'accord.
00:44Donc, il s'est passé des choses, et j'ai quand même des questions à vous poser sur votre vie.
00:47Et la première date que j'ai trouvée, elle ne vous concerne pas directement, mais elle est importante dans votre famille.
00:53Le 18 janvier 1951.
00:56Ce jour-là, les actuelles françaises au cinéma diffusent un reportage « Le retour à Paris » de André Mercier et Charles de Cortance,
01:03qui ont rallié le cap à Paris en 16 jours, 10 heures et 25 minutes, à bord d'une Peugeot 203.
01:08Une 203 break.
01:09Oui.
01:10Ah oui.
01:10C'était pas le Paris-Dakar, mais c'était le Paris-Dakar avant la lettre, Gérard de Cortance.
01:15Ah mais tout à fait. Et alors ça, ça a complètement fabriqué mon enfance. Le grand-oncle court automobile, c'est-à-dire les rally-rêtes, ce qu'on appelait à l'époque,
01:25la Darma de Peugeot qui gagne les 24 heures du Mans, enfin, l'accident des 24 heures du Mans en 55, enfin, etc.
01:31C'est vraiment... C'est une... D'ailleurs, vous savez, ma Madeleine de Proust, en fait, ce sont les garages.
01:40Alors ça étonne beaucoup de gens, surtout dans le monde intellectuel français d'aujourd'hui, mais j'adore les odeurs de pneus et d'essence.
01:47Ça me rappelle mon enfance, en fait.
01:48Oui, parce que, en fait, Mercier, c'était un garage, le partenaire de votre grand-oncle, Charles de Cortance.
01:55Et qu'est-ce que c'était que ce Le Cap Paris ?
01:57Ah ben, c'est-à-dire ce qu'on appelait à l'époque un rally-rête. C'est-à-dire, c'était... On partait de Paris, Alger, Le Cap.
02:05Et donc, on ralliait comme ça des villes, des pays, sur des distances très importantes pour montrer l'efficacité de la voiture.
02:16C'est-à-dire, si la voiture réussissait à rallier Paris, Alger, Le Cap, Le Cap, Alger, Paris, c'est que c'était une bonne voiture.
02:25Si une voiture gagnait les 24 heures du Mans, c'est qu'elle était équipée de bons freins et qu'elle utilisait la bonne huile.
02:32Ça servait à ça.
02:34Et sur ces images des activités françaises, donc du journal télévisé de l'époque, on voit votre grand-oncle fêter sur les Champs-Elysées, avec une foule immense.
02:43Et il explique que, vraiment, il a fait un exploit dont il ne mesure pas la dimension.
02:48Oui, parce que c'était quelqu'un d'extrêmement simple.
02:53C'était un vrai mécanicien pilote.
02:56C'est-à-dire, c'était des gens qui, à cette époque-là, pilotaient.
03:01Mais en même temps, ça avait réparé une fois.
03:02Mon père était tout à fait de cette génération.
03:05J'ai vu mon père, un jour, nous allions à un mariage.
03:11Donc, on était en costume, avec des cravates et des chemises blanches.
03:15Et il entend, on est arrêté à un feu rouge, il entend une voiture.
03:21Et il dit, tiens, il y a un problème de Delco, là.
03:24Et donc, il descend de sa voiture.
03:26Il ouvre le capot.
03:27Donc, il ressort, la voiture à côté marche.
03:32L'anneau 3 démarre.
03:32Mais mon père, on ne peut plus aller à la noce,
03:35parce qu'il est plein de cambouis, des pieds à la tête.
03:37Et puis, il y avait également une femme dans cette aventure, Martine.
03:40Martine de Cortance.
03:41Alors, Martine, c'est la femme de Christian, un des deux fils de Charles.
03:45Et Martine a fait le premier Paris-Dakar sur une moto.
03:53Incroyable.
03:54À l'époque, ça ne se faisait pas, les femmes, sur des motos.
03:56À l'entrée, c'est vraiment une pionnière, comme on l'appelle.
03:59Et d'ailleurs, moi, je voulais évidemment faire de la course mobile
04:03comme tous les gens de ma famille.
04:05Et mon père m'a dit, non, non, il est hors de question.
04:08Il y en a déjà assez comme ça dans la famille.
04:10Tu seras dessinateur industriel.
04:12Et alors, j'ai fait quelques jours comme ça
04:16pour voir un peu ce qu'était le dessin industriel.
04:18Alors, j'ai conservé d'ailleurs tout le...
04:20Je sais exactement comment se passe ce qu'on appelait à l'époque
04:24le dessin industriel.
04:25Mais finalement, j'ai bifurqué.
04:26Je lui ai dit, non, je serai écrivain.
04:29Là, ça a été monstrueux, la déception totale.
04:32Un fils écrivain, c'était vraiment le renégat de la famille.
04:34Oui, mais en même temps, vous avez écrit un livre sur les 24 heures du Mans
04:37puisque votre grand-oncle a gagné les 24 heures du Mans.
04:39Il a gagné les 24 heures du Mans.
04:40C'est ça, au volant d'une Darmat Peugeot.
04:43Dans sa catégorie.
04:44Vous êtes allé au Mans ?
04:46Oui, j'y suis allé plusieurs fois, bien sûr.
04:49J'adore... Enfin, je continue à adorer les 24 heures du Mans.
04:52Alors, je sais que c'est très mal porté aujourd'hui.
04:54Mais j'adore, j'adore les moteurs diesel,
04:58les changements de vitesse, les vieilles bagnoises en 5 heures de sécurité.
05:01Je ne devrais pas dire ça.
05:01Mais c'est parce que c'est lié à mon enfance.
05:05Je me souviens de...
05:07On partait, par exemple, en vacances avec mes parents.
05:11Eh bien, il faut imaginer une 203 Peugeot.
05:13On partait à 3 heures du matin.
05:16Mon père traversait la France.
05:17Ma mère faisait des sandwiches.
05:19Mon père fumait des gitanes sans filtre.
05:22Là, la voiture était empestée par les odeurs de pâté, de fromage et de cigarette.
05:29Et de temps en temps, on ouvrait la fenêtre parce qu'il y avait une chienne qui était au milieu.
05:33Et il fallait bien que la chienne mette son museau à l'extérieur.
05:36Et les 24 heures du Mans, d'ailleurs, elles sont symbolisées aussi par une chanson.
05:53Les 24 heures du Mans, c'est le clou du moment.
05:57Vraiment, c'est le big événement.
05:59Cette chanson est dans un film, un documentaire, sur les 24 heures du Mans, qui n'est pas passé à la postérité.
06:07Non, il y a très peu de films sur les 24 heures du Mans qui sont passés à la postérité.
06:12Sauf le film, il y a un film sur la lutte entre Ford et Ferrari, qui est un film magnifique.
06:20Et puis, en fait, il y a une tradition de la course automobile qui est née pendant les 24 heures du Mans, c'est le champagne sur le podium.
06:26Je ne sais pas si vous le savez.
06:27Non, ça je ne sais pas.
06:28En 1967, Dan Gurney remporte les 24 heures du Mans, il prend la bouteille de champagne et il la casse, il la jette sur les journalistes.
06:35Et c'est comme ça que depuis, dans toutes les courses automobiles de Formule 1, le champagne est devenu le symbole de la victoire.
06:42C'est né aux 24 heures du Mans.
06:43Alors, il se trouve que vous avez quand même été sportif, mais de haut niveau, mais dans le 400 mètres et 800 mètres, Gérard Decortant.
06:49Non, non, c'est-à-dire que j'ai commencé par le 400 mètres, mais je n'étais absolument pas, comment dire, bâti pour courir le 400 mètres.
06:58Et puis surtout, c'est absolument épuisant.
07:01C'est-à-dire, les 100 derniers mètres d'un 400 mètres, c'est absolument mortel, je crois.
07:06Il n'y a rien de pire.
07:07Et pourquoi avoir fait ça ?
07:09Parce que j'adorais le sport.
07:11Je continue à en faire beaucoup.
07:14Et donc, je suis passé, puis j'étais longiligne, vous voyez, j'avais des muscles longiligne.
07:17Donc, je suis passé aux 800 mètres.
07:21Et c'est une distance magnifique.
07:24C'est une distance magnifique.
07:25C'est deux fois le tour.
07:28Parce qu'à la fois, c'est tactique.
07:33Et en même temps, on peut bluffer.
07:38Je ne sais pas, c'est rapide en même temps.
07:41Vous voyez, j'adore profondément.
07:44Pour moi, c'est la plus belle distance au monde.
07:46Alors, vous courriez, je crois, au Racing Club de France.
07:49Mais il y a une autre équipe qui vous a beaucoup intéressé.
07:51C'est le Red Star de Saint-Ouen.
07:53Parce que vous n'habitiez pas loin.
07:54J'habitais dans la rue qui menait au Red Star.
07:58Alors, vous savez, il y a une étoile.
08:01Il y a une étoile rouge sur le maillot du Red Star qui est vert.
08:04Et mon grand-père, qui était fan du Red Star, un jour, il y a eu un désamour total pour le Red Star.
08:14Pourquoi ? C'est parce qu'il avait été racheté par le milliardaire rouge qui était communiste et qui vendait du blé à l'Union soviétique.
08:23Et mon grand-père a dit à partir de ce moment-là, je ne foutrai plus les pieds au stade Bauer, qui était le stade du Red Star, et tu n'iras pas non plus.
08:31C'était l'horreur parce qu'on ne l'écoutait pas, évidemment.
08:34Et alors, les enfants de Saint-Ouen, parce que le Red Star est à Saint-Ouen, les enfants de Saint-Ouen avaient l'autorisation d'indiquer les panneaux de la marque.
08:48Donc, on mettait visiteur 1, Red Star 0, Red Star 2, visiteur 3, etc.
08:54Donc, c'est vrai que ça a bercé mon enfance.
08:56Et nous habitions vraiment à une centaine de mètres, 200 mètres de l'entrée du Red Star.
09:02Et quand nous n'attissions pas au match, ma grand-mère les commentait.
09:07Elle disait, tiens, là, il y a un but.
09:09Ce sont les visiteurs qui ont marqué.
09:10Parce qu'en fait, les cris de joie n'étaient pas les mêmes.
09:14Il se trouve que le Red Star, c'est une équipe de football qui a connu des hauts et des bas.
09:17Elle est née en 1897 à Saint-Ouen.
09:20Et apparemment, le nom vient de Miss Jenny, la gouvernante anglaise de la maison des frères Rimet.
09:26Jules Rimet était le président de la fédération de football.
09:28Absolument, oui.
09:29Et c'est une référence à la compagnie transatlantique Red Star Line qui l'amenait de l'Angleterre.
09:34Exactement, ça je savais, oui, bien sûr.
09:36Alors, il se trouve que dans votre famille, effectivement, il y avait le football, mais il y avait le quotidien.
09:41Je crois qu'il y avait un grand-père chauffeur de taxi.
09:42Ce n'était pas une famille très riche, une famille ancienne, mais pas très riche.
09:46Ah, c'est-à-dire qu'il y a eu, c'est vraiment, c'est deux histoires.
09:52Du côté de ma mère, c'est une famille napolitaine très pauvre, descendante directe de Frère Diavolo, de Michele Pezza, c'est-à-dire Frère Diable.
10:05Oui, qui était un mandarin, une sorte de...
10:08C'était un bandit de grand chemin, et qui a pactisé avec les Bourbons, contre les troupes de Bonaparte.
10:14Oui, et d'ailleurs, Laurel et Hardy en ont fait une parodie dans un film qui a été l'un des plus vus du cinéma de Laurel et Hardy.
10:19Oui, mais c'est ignoble, c'est-à-dire que parce que...
10:22D'abord, je descends de ce personnage, et donc j'en veux beaucoup à Laurel et Hardy,
10:25parce qu'à chaque fois que je parle de Michele Pezza, on me parle du film de Laurel Hardy.
10:29Or, c'est un héros.
10:32Lutter contre Bonaparte, je trouve ça extraordinaire.
10:34Et vous savez qui l'a arrêté ?
10:36Oui.
10:36Eh bien, c'est le père de Victor Hugo, le général, qui l'arrêtait en 1806, et il était pendu, Michele Pezza.
10:44Donc ça, c'est côté de la mer.
10:45C'est-à-dire la classe ouvrière napolitaine, avec mon grand-père italien, du côté de ma mère,
10:52qui jouait de l'accordéon, dans les balles du samedi soir.
10:56Et l'autre côté, alors c'est tout à fait différent, c'est une très vieille famille aristocratique flamande,
11:04qui participe à la première croisade, 1099, qui revient, après être resté environ 80-90 ans à Jérusalem,
11:16il revient en Italie, et là ils s'installent en Italie, et c'est une des familles, les rohéros d'Icortense,
11:22qui ont fabriqué l'Italie contemporaine.
11:25Ils sont très proches de la maison de Savoie, et le dernier habitant du château de la famille, c'est mon grand-père.
11:31Et donc, ce sont des Turinois, l'Italie du Nord.
11:36Donc ces deux Italies se retrouvent à Saint-Ouen, dans une petite maison, qui fait littéralement 25 mètres carrés.
11:43C'est-à-dire, comme je ne suis pas à Nierneau, je n'ai pas fait tout, comment dire,
11:48ma carrière d'écrivain sur le transfuge de classe, ça ne m'intéresse absolument pas,
11:54d'autant plus que j'en suis un, en réalité, mais en même temps, je n'en suis pas un complètement,
11:59puisqu'il y a ces doubles ancêtres, et notamment tout ce côté aristocratie italienne,
12:09que j'ai raconté dans beaucoup de mes livres, parce que c'est tout à fait étonnant de venir
12:14de cette branche-là, et de se dire, au fond, peut-être que mon rôle sur Terre,
12:19ça a été de raconter l'histoire de cette famille, qui est absolument extraordinaire.
12:22Alors, il se trouve que, justement, vos livres, on va en parler, à travers plusieurs dates,
12:26mais surtout, le 12 novembre 2005.
12:29A tout de suite sur Sud Radio, avec Gérard Decortant.
12:32Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
12:34Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité, Gérard Decortant.
12:37Nous parlerons tout à l'heure de votre livre,
12:39Savignien de Cyrano, silleur de Bergerac, chez Alba Michel.
12:42Un roman sur le vrai Cyrano, pas celui de Rostand.
12:46On expliquera pourquoi tout à l'heure.
12:48Alors, on a évoqué vos débuts familiaux.
12:50Il y a une date importante, le 12 novembre 2005.
12:52Je ne sais pas si vous vous en souvenez.
12:53Ce jour-là, vous êtes élu membre étranger au titre littéraire
12:56à l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique.
13:01Ah, c'est vrai ?
13:01Oui.
13:02Oui, et c'est un moment très important pour moi,
13:07parce que j'adore la Belgique, j'ai vécu en Belgique,
13:11et c'est une académie intéressante.
13:16Parce qu'en fait, vous savez, la Belgique, il y a deux langues.
13:20Il y a le flamand d'un côté et le...
13:22Le wallon de l'autre.
13:23Et le wallon de l'autre, le français.
13:25Et donc, c'est cette double académie
13:29qui fait que cela me touche beaucoup.
13:34Alors, il y a 40 membres, comme à l'Académie française,
13:37dont 10 étrangers.
13:38Comment vous êtes-vous retrouvé parmi ces étrangers ?
13:41Mais parce que, comme je ne suis pas belge, mais français,
13:46donc je suis considéré comme un membre étranger de l'Académie royale de langue.
13:51Ils vous ont appelé, c'est eux qui vous ont élu ?
13:52Oui, c'est eux, oui, absolument, c'est ça.
13:53Et contrairement à l'Académie française,
13:55on ne pose pas sa candidature.
13:58On apprend qu'on est élu ?
14:00Oui, c'est-à-dire qu'on vous demande avant
14:02est-ce qu'éventuellement vous seriez prêt à nous rejoindre ?
14:06Donc, vous répondez oui ou non,
14:08mais on ne pose pas,
14:09on ne fait pas de visite chez les académiciens,
14:12chose comme ça.
14:13Il n'y a pas non plus l'épée,
14:15le costume,
14:18tout l'apparat,
14:19c'est quelque chose de plus simple.
14:21et puis, il y a une vraie lutte pour la langue française,
14:26parce que la défense du français en Belgique,
14:30aujourd'hui, c'est très important.
14:31Oui, comme en France d'ailleurs.
14:32Bien sûr, alors, pas pour les mêmes raisons,
14:35mais oui, vous avez raison,
14:36c'est-à-dire que la langue,
14:38vous savez très bien que, au fond,
14:42la langue française existe grâce à la francophonie.
14:45Bien sûr.
14:45Si on attendait que la défense de la langue française
14:48vienne de la France,
14:49c'est un combat qui serait perdu d'avance.
14:52Il se trouve aussi que vous avez une particularité,
14:54car lorsqu'on est élu,
14:55on prononce le discours,
14:56l'éloge de son prédécesseur,
14:58là, vous avez prononcé deux éloges
14:59de vos deux prédécesseurs.
15:01Ah oui, alors ça, c'était tout à fait étonnant,
15:02c'est-à-dire qu'on m'a dit,
15:03bon, tu es élu,
15:04j'étais très content, très bien,
15:05donc je prononce l'éloge de mon prédécesseur,
15:09mais en fait, il y avait deux prédécesseurs.
15:12Et c'était très compliqué.
15:14Il y avait Yves Vergé et Léomalais.
15:18Et Léomalais.
15:19Et donc, il a fallu que je trouve des choses à dire
15:22qui pouvaient les rapprocher.
15:25Et en fait, ce qui les rapprochait,
15:27c'était la langue française.
15:30Et pour expliquer ce rapprochement,
15:34j'ai raconté une anecdote
15:36que racontait Léomalais,
15:37qui est absolument magnifique.
15:38C'est pendant la guerre de 1914,
15:41en fait, il y a un soldat français
15:42qui entend un soldat allemand blessé.
15:45Ils sont tous les deux blessés, en fait,
15:47déjà à côté de la tranchée.
15:49Ils rampent l'un vers l'autre,
15:51ils n'arrivent pas à parler.
15:53Et tout à coup, il y en a un qui a eu des génies,
15:55c'est-à-dire, il est prof de latin.
15:58Et Ismaël lui parle en latin.
16:00Et le type qui est en face de lui,
16:01c'est aussi un prof de latin.
16:03Et donc, les deux parlent de la guerre,
16:07de ce qu'ils sont, des tranchées,
16:09de la boue, de tout ça,
16:10de tout ce carnage,
16:11en latin.
16:13Et je trouve ça absolument fabuleux
16:14comme histoire.
16:15Léomalais, c'est le créateur
16:16de Nestor Burma.
16:17Et il est considéré comme le père
16:19du roman noir en France.
16:21Et il a travaillé sous une quinzaine
16:22de pseudonymes,
16:23tellement il écrivait de livres.
16:24Alors moi, je n'ai pas encore travaillé
16:25sous pseudonymes.
16:26Alors, il se trouve qu'écrivain,
16:28votre métier, ça a commencé
16:30comme bibliothécaire au départ.
16:32Oui, mais j'étais un faux bibliothécaire.
16:34C'est-à-dire que je devais avoir
16:40une bibliothèque.
16:41On m'avait offert une bibliothèque.
16:43Enfin, on me disait, voilà,
16:44vous avez votre diplôme de bibliothécaire.
16:46On va construire une bibliothèque.
16:49Je crois que c'était à Anguin-les-Bains.
16:50Mais vous devrez d'abord aller voir
16:55les personnes, les bénévoles
16:56qui s'en occupent.
16:58Et j'étais très jeune.
16:59Je pense que c'est quelque chose
17:00que je ne referais pas aujourd'hui.
17:02Pour deux raisons.
17:03La première, c'est qu'on pouvait,
17:04à l'époque, refuser un travail.
17:07Aujourd'hui, quand on a un travail,
17:08on est bien content de le trouver.
17:10La deuxième raison,
17:12quand même beaucoup plus imbécile
17:13que la première,
17:15pour laquelle j'ai refusé,
17:17c'est que c'était un ensemble
17:19de vieilles dames,
17:21un peu dames de catéchisme,
17:23et qui, au fond,
17:24me disait, voilà,
17:25le choix des livres,
17:27on va le faire ensemble.
17:28Et je me disais,
17:29mais ce n'est pas possible,
17:30je ne vais pas pouvoir choisir
17:31des livres avec ces vieilles dames.
17:33Donc, j'ai refusé le poste.
17:35Alors, il y a eu ensuite
17:35un parcours du combattant,
17:36parce que pour être écrivain,
17:38il faut voir des éditeurs.
17:39Et ce n'était pas simple au début.
17:40Je crois que votre premier livre
17:41a été composé sur une linotype,
17:44sur une linotype exactement,
17:46comme on en voyait
17:47dans les journaux à l'époque.
17:48Ah oui, c'est une histoire extraordinaire.
17:50C'est-à-dire que,
17:50n'étant pas né dans le serail,
17:52n'ayant pas un papa ou une maman,
17:55directeur de journal,
17:57ou je ne sais quoi,
18:00il fallait que je me fasse,
18:02enfin, tout seul,
18:03que je contacte des gens,
18:05que j'essaie de trouver des éditeurs.
18:07Voilà.
18:08Et il se trouve que j'avais des amis...
18:11Il faudrait trois heures d'émission.
18:12Il se trouve que j'avais des amis hongrois
18:14qui avaient fui la Hongrie
18:17après l'invasion soviétique
18:18et qui travaillaient en 3-8 dans une usine,
18:22dans une imprimerie.
18:23Et c'était des écrivains hongrois
18:24qui parlaient parfaitement français,
18:26d'ailleurs,
18:27et qui éditaient des livres.
18:30Ils avaient lancé une petite maison édition
18:31qui s'appelait D'Atelier
18:32et qui fabriquaient eux-mêmes leurs livres.
18:37Et les fabriquaient comment ?
18:38Puisqu'ils travaillaient en 3-8,
18:40c'est-à-dire qu'ils étaient tous les trois
18:42sur la même linotype,
18:43c'était une des dernières linotypes
18:44fabriquées en France.
18:47Parce qu'à cette époque,
18:47l'imprimerie changeait beaucoup
18:49et les linotypes
18:51étaient fabriqués en Union soviétique.
18:54Il n'y avait plus de linotypes en France.
18:57Et donc, on a fabriqué,
18:59avec les lignes blocs,
19:01avec le plomb,
19:02le livre.
19:03Et ça, c'était une expérience,
19:04mais extraordinaire.
19:06C'est-à-dire de voir le livre sortir
19:08comme ça, jour après jour.
19:12On l'imprimait, on coupait,
19:14on montait les lignes blocs.
19:15Enfin, tout ce que je dis là,
19:16à mon avis,
19:17c'est peut-être du chinois
19:18pour vos auditeurs,
19:19parce qu'on ne sait pas
19:20ce que c'est qu'une linotype,
19:21on ne sait pas ce que c'est qu'une ligne bloc.
19:22En gros, on imprimait les journaux avec ça,
19:24on prenait les caractères,
19:25on les mettait dans un bloc.
19:25Voilà, et alors on se mettait
19:26de l'encre partout.
19:29C'était très corrosif.
19:30Mais c'est une expérience,
19:32en tout cas,
19:32une expérience de fabrication du livre
19:36concrète
19:38que je ne regrette absolument pas
19:40d'avoir vécu.
19:41Et qui est devenu ce livre
19:42qui a été fabriqué ?
19:43Alors, ça s'appelait
19:44« Altération ».
19:45Oui.
19:48Alors, il en reste quelques exemplaires,
19:50et mon ami Patrick Besson
19:52m'a téléphoné un jour
19:54en disant, écoute,
19:55j'ai trouvé ce livre
19:56au marché Brassens,
19:58mais le libraire,
20:00enfin, je voulais le regarder
20:02parce que j'ai vu
20:02que ton nom était dessus,
20:04je voulais le prendre
20:05et le libraire lui a dit
20:05« On ne touche pas ».
20:07Donc, Patrick,
20:08on a conclu
20:09qu'on ne touchait pas
20:10à ce livre
20:10qui était considéré
20:12comme un inculable.
20:13Voilà.
20:14Il date de 73
20:15ou 75, je crois.
20:18C'est vraiment
20:18mon premier livre.
20:19Voilà.
20:19Mais votre premier roman,
20:21il est lié à une chanson.
20:22Chanson de Charles Trenet
20:32qui est la chanson de Trenet
20:33la plus connue en Allemagne,
20:35curieusement.
20:36Alors, j'ai une anecdote
20:36à vous raconter sur ça
20:38parce que vous savez
20:39que Trenet était très procédurier.
20:41Oui.
20:42Bon.
20:42Le livre, pareil,
20:45lettre recommandée à l'éditeur,
20:47vous n'aviez pas le droit
20:48d'utiliser ce titre
20:50qui est le titre d'une chanson.
20:52Donc, j'ai un rendez-vous
20:54avec Charles Trenet
20:56qui me reçoit
20:58et très mécontent.
21:01Je lui dis,
21:02mais écoutez,
21:02je ne comprends pas.
21:03Regardez,
21:03sur la première page,
21:06il y a une dédicace.
21:08J'ai dédié le livre
21:09à trois personnes.
21:11À mes trois Charles.
21:12Mes trois Charles.
21:13C'est qui vos trois Charles ?
21:14Je lui dis,
21:15il y a mon grand-père,
21:17enfin, mon grand-oncle,
21:18Charles de Cortance,
21:20que vient de parier,
21:21Charles de Gaulle,
21:22et puis Charles Trenet.
21:24Le troisième, c'est vous.
21:26Il m'a dit,
21:26mais pourquoi vous ne m'ayez pas dit ça avant ?
21:28Je ne pensais pas
21:30que je devais obtenir
21:33votre autorisation
21:34pour publier un livre
21:35dont le titre serait
21:37« Les enfants sont nus le dimanche ».
21:38D'autant plus que
21:38c'est une expression
21:39qu'utilisait ma grand-mère
21:42tout le temps.
21:43Elle disait,
21:44oui,
21:44les enfants,
21:45ils sont nus le dimanche.
21:45Donc,
21:46je n'ai pas pensé
21:47une seule seconde
21:48qu'il va établir
21:49votre autorisation.
21:50Donc,
21:51il m'a dit,
21:51écoutez,
21:51vous me donnez votre livre,
21:52on arrête là,
21:53pas de procès,
21:54très bien.
21:54On se revoit,
21:55on ne s'est jamais revu,
21:56bien entendu.
21:56Vous avez manqué quelque chose
21:58parce que déjeuner avec Trenet,
21:59c'était 12 heures de passion.
22:00Alors,
22:00il se trouve que ce livre
22:01se passe en 1958
22:03lors de l'arrivée
22:04au pouvoir de De Gaulle
22:04et c'est un enfant
22:05qui se révolte
22:06contre De Gaulle.
22:07Oui,
22:08c'est ça,
22:08oui,
22:08ça s'appelle
22:09les enfants sont les dimanches
22:10et c'est mon enfance
22:11à Saint-Ouen,
22:12donc un Saint-Ouen
22:13pas tout à fait
22:14d'immédiat après-guerre,
22:16mais disons le Saint-Ouen
22:16des années 50
22:18avec le marché aux puces,
22:21le stade du Red Star,
22:23le dépôt de pneus
22:24des usines Michelin,
22:26l'école,
22:27etc.
22:27Enfin,
22:29la vie de cette famille
22:32d'émigrés
22:32italiens
22:34qui veulent tellement,
22:37tellement s'intégrer
22:38qu'on interdit
22:39au petit garçon,
22:41qui est moi,
22:42de parler italien
22:43et on ne mange pas italien,
22:45on ne retourne pas en Italie,
22:48on efface totalement l'Italie,
22:52ça s'appelait l'intégration.
22:54Voilà.
22:54Un peu rude quand même.
22:55Oui, un peu rude,
22:56ça c'est le premier livre,
22:57il y en a eu beaucoup d'autres
22:58et il y a une autre date importante
22:59dans votre vie
23:00que j'ai remarqué
23:01qui est le 3 mars 2017.
23:03A tout de suite
23:04sur Sud Radio
23:05avec Gérard de Cortense.
23:06Sud Radio,
23:08les clés d'une vie,
23:09Jacques Pessis.
23:09Sud Radio,
23:10les clés d'une vie,
23:11mon invité Gérard de Cortense,
23:13nous évoquerons
23:14dans quelques instants
23:14Savignyens de Cyrano,
23:16Sire de Bergerac,
23:17tout un programme,
23:19un roman
23:19chez Albert Michel,
23:20Le vrai Cyrano,
23:21on expliquera pourquoi
23:22tout à l'heure.
23:23On a évoqué vos débuts
23:24dans le roman
23:25et il y a un prix
23:26que j'ai remarqué
23:27que vous avez reçu
23:29le 3 mars 2017,
23:31c'est le prix
23:31Jacques Chabanne
23:32pour un livre
23:33dont le titre
23:34est né dans une chanson.
23:35Le mot Zazou
23:43aidé dans cette chanson,
23:44c'est Johnny S
23:45qui après justement
23:46avoir quitté
23:47Charles Trenet
23:48professionnellement
23:49a fait cette chanson
23:50qui est devenue
23:50le symbole des Zazous
23:51que vous avez évoqué
23:53dans ce livre
23:54où vous racontez
23:55ces jeunes
23:56qui ont résisté
23:57à leur façon
23:58pendant la Deuxième Guerre mondiale.
23:59Pourquoi ce sujet ?
24:00Parce qu'on est très loin
24:00de la famille piémontaise.
24:01Pas tant que ça.
24:04Pas tant que ça.
24:05C'est-à-dire,
24:05en fait,
24:07tout d'abord,
24:08mon grand-père
24:10italien
24:12est devenu français
24:13pendant la guerre 14-18.
24:17C'est-à-dire,
24:17il fait partie
24:18de ces Italiens
24:18à qui on a dit
24:20vous voulez devenir français,
24:22prenez une baïonnette,
24:24un fusil,
24:25un casque,
24:26allez dans les tranchées
24:27et si vous revenez vivant,
24:28vous serez français.
24:29Il y a 15 000 Italiens
24:30qui sont restés
24:31dans les tranchées comme ça.
24:32Mon grand-père
24:33en est sorti,
24:34on est ressorti vivant
24:35pendant toute sa vie.
24:37En fait,
24:37il m'a dit
24:39je ne comprends pas
24:39pourquoi moi j'en suis sorti
24:40et pas eux,
24:41pas tous mes copains italiens.
24:43Ça,
24:43c'est la première chose.
24:44Mon grand-père
24:45a fait de la résistance
24:46comme toutes mes tantes
24:47pendant toute la guerre.
24:49Donc,
24:49je voulais quelque part
24:50le rendre hommage
24:52et notamment à ma mère
24:54qui était très jeune.
24:55Elle avait 14 ans
24:56et je lui ai dit
24:58que je lui ai expliqué
25:00que je vais écrire un livre
25:01sur les azous,
25:03sur ces résistants,
25:04sur tout ça.
25:05Elle m'a dit
25:05il faut que je te raconte
25:06une histoire
25:07que je n'ai jamais racontée
25:08à personne.
25:09Et en fait,
25:10à 14 ans,
25:12ma mère a fait de la résistance.
25:13Et elle me dit ça
25:16à l'époque
25:16où je devais avoir 50 ans,
25:17je ne sais pas,
25:18ça prendrait 60 ans.
25:20Et je lui ai dit
25:20pourquoi tu étais attendu
25:21toutes ces années
25:23pour me dire
25:23mais elle a dit
25:23mais tu sais,
25:24en fait,
25:25c'était normal
25:26ton grand-père
25:27a fait de la résistante,
25:29tes tantes ont fait
25:29de la résistance,
25:30ton père a fait
25:31de la résistance.
25:32Donc pour nous,
25:33c'était tout à fait normal.
25:34On n'en a tiré
25:35aucune gloire.
25:36À quoi ça sert ?
25:38D'abord,
25:38les femmes n'ont pas été
25:39tellement décorées.
25:40ma mère m'ont dit
25:41de toute façon,
25:42je m'en fous.
25:42L'important,
25:43c'était que
25:44j'ai sauvé
25:45un de ses amis
25:48résistants
25:49lui dit
25:49que tu travailles
25:50dans ce café
25:51au fond du café
25:52qui était fréquenté
25:54par les Allemands.
25:54C'était à Montfermeil,
25:55tout près de Paris.
25:57Il y a une sacoche.
25:58Dans la sacoche,
25:59tu vas voir,
26:00il y a des listes
26:01de gens.
26:02Il faut absolument
26:03que la liste,
26:04tu la voles.
26:07Et ma mère me dit
26:07c'était bizarre,
26:08c'est une drôle d'écriture.
26:09Je lui dis
26:10ouais,
26:10c'était de l'écriture gothique.
26:12C'était une écriture gothique.
26:13Donc,
26:13elle a pris la liste
26:14à ses amis
26:16résistants.
26:18Sans le savoir,
26:19elle a sauvé
26:19sans doute
26:20pas mal de gens.
26:21Et au moment
26:22de la libération,
26:24le patron du café
26:26qui était
26:27un collaborateur notoire
26:28se cachait.
26:30Les résistants
26:31ne le trouvaient pas.
26:32Et le résistant
26:33en demandait à ma mère
26:34mais tu sais où il est ?
26:35Oui, oui.
26:35Donc,
26:36ma mère a dit
26:37où il était,
26:37où il se cachait.
26:38Et le lendemain matin,
26:39il l'a retrouvé
26:40et gorgeait
26:41dans son café.
26:44Elle m'a dit
26:44voilà,
26:44c'est pour ça
26:45que je ne l'avais pas raconté.
26:46Mais,
26:4814 ans
26:48et faire une chose pareille.
26:50Voilà.
26:50Donc,
26:51derrière
26:52le livre
26:54un peu léger
26:55parce que
26:55il y a toute cette histoire
26:57qui est encore
26:59finalement
26:59mon histoire de famille.
27:00Bien sûr.
27:01Alors,
27:01Jacques Chaban,
27:02vous recevez ce prix.
27:03On a oublié
27:04que Jacques Chaban,
27:04c'est quand même
27:05l'inventeur du talk show
27:06à la télévision.
27:08Pendant 18 ans,
27:09il a présenté
27:10et produit
27:10Paris Club
27:11avec Roger Ferral
27:13qui était le frère
27:14de Pierre Lazareff
27:14et tous les jours
27:15à midi et demi,
27:16c'était le rendez-vous
27:17que personne ne manquait
27:18dans la télévision
27:19naissante en noir et blanc.
27:21Et ce prix
27:21est un prix symbolique
27:22d'une certaine joie de vivre
27:24que vous représentez
27:25et d'un certain courage
27:26à travers ce livre.
27:27Alors,
27:28il se trouve aussi
27:28que vous avez
27:29fait des cycles.
27:30C'est assez particulier
27:31quand on lit
27:32votre bibliographie,
27:33il y a à chaque fois
27:34des cycles de romans.
27:35Ce n'est pas si fréquent.
27:36Pourquoi ?
27:37Alors,
27:37les cycles,
27:38c'est mon ami
27:39Carlos Fuentes
27:40qui m'a dit
27:43que tu sais,
27:44quand on écrit,
27:45si ton oeuvre
27:46a une cohérence,
27:48au fil des années,
27:49tu la trouveras.
27:51Et le meilleur moyen
27:52de la trouver,
27:52c'est
27:52essaie de regrouper
27:54ce que tu écris
27:54par cycle.
27:55C'est une idée
27:56qu'il avait prise
27:57d'ailleurs à Cocteau
27:58parce que Cocteau
27:58aussi regroupe
28:00sa production
28:02littéraire
28:03par cycle.
28:04Donc moi,
28:04je l'ai,
28:05oui,
28:05regroupé par cycle
28:06avec un mot
28:08qui unit
28:09tous ces cycles,
28:10c'est-à-dire
28:10la biographie
28:11ou l'autobiographie.
28:13Je suis quelqu'un
28:13qui est passionné
28:14par le phénomène
28:15de la biographie.
28:16D'ailleurs,
28:17j'ai longtemps dirigé
28:18chez Gallimard
28:19une collection
28:19qui s'appelait
28:20Folio Biographie
28:21dans laquelle
28:22on racontait
28:24la vie
28:26d'écrivain,
28:27de personnages
28:29historiques,
28:31de chanteurs,
28:32de musiciens,
28:33enfin,
28:34mais d'une collection
28:35qui était d'ailleurs,
28:36c'était très important
28:37pour moi,
28:38une collection
28:39de poches.
28:40C'était des biographies
28:41qui faisaient
28:41300-400 pages
28:42maximum,
28:43qui étaient vendues
28:44très peu chères,
28:44très bon marché
28:45et donc accessibles
28:46à tous.
28:47C'était ça
28:48le projet
28:48de la biographie.
28:49On a publié
28:50pratiquement 170 titres
28:51dedans.
28:52Oui,
28:52c'est pas mal.
28:52Alors,
28:53vous avez touché
28:53à tous les gens
28:54et il y a un personnage
28:55aujourd'hui mythique
28:56que vous avez rencontré
28:58avant tout le monde,
28:59vous lui avez consacré
28:59des livres et des documentaires,
29:00c'est Paul Auster
29:01à Brooklyn.
29:02Ah oui,
29:03ça c'était mon ami,
29:05Paul Auster.
29:06Vous savez,
29:06je n'aurais pas pu écrire
29:10des livres
29:10sur des gens
29:11qui n'étaient pas mes amis.
29:12C'est-à-dire,
29:12j'ai écrit des livres
29:12sur Le Clésio,
29:14sur Solers,
29:16sur Georges Champrin,
29:18sur Hemingway,
29:19je ne l'ai pas rencontré
29:20mais c'est presque un ami,
29:22et sur Paul Auster.
29:24Enfin,
29:24Paul Auster,
29:24c'est une histoire particulière.
29:26C'est-à-dire,
29:26on s'est revus,
29:28on s'est croisés,
29:29on s'est interviewés,
29:30enfin,
29:31mais à l'époque
29:33où j'ai écrit
29:33sur Paul Auster,
29:35il y avait peu de gens
29:35qui parlaient de Paul Auster.
29:39D'ailleurs,
29:39je me souviens
29:40de ce premier livre
29:41qui s'appelait
29:42Le New York de Paul Auster,
29:43qui était publié
29:44aux éditions Duchesne.
29:45Et d'ailleurs,
29:46l'éditrice,
29:47il a fallu que je la convainque
29:48de faire le livre.
29:49Je lui dis,
29:49tu sais,
29:50c'est un immense écrivain,
29:51c'est quelqu'un
29:52dont on va beaucoup
29:53entendre parler,
29:54ça serait bien
29:54de faire un livre.
29:56Le livre est sorti
29:57en septembre,
29:58le tirage était si petit
30:00qu'il a fallu
30:01le réimprimer,
30:03c'était très long
30:04parce qu'il y avait
30:05des photos,
30:06c'était un grand format,
30:07et en fait,
30:08on a passé
30:08toute la période de Noël
30:10où les gens le demandaient
30:11sans le livre,
30:13et le livre
30:13était réimprimé
30:14enfin en janvier.
30:16Donc on a perdu
30:17un nombre incroyable
30:18de lecteurs
30:20à cette époque.
30:21Bon,
30:22le livre a fini
30:23par se vendre,
30:24mais enfin disons
30:25toute la période,
30:25c'était quand même
30:26assez étonnant,
30:26toute la période
30:27d'octobre à décembre,
30:29le livre n'était plus
30:29en librairie.
30:30Et puis il y a une femme
30:31importante aussi
30:32dont on ne parlait
30:32pas beaucoup à l'époque
30:33et dont on parle
30:34beaucoup aujourd'hui,
30:35c'est Frida Kahlo,
30:36à qui vous avez consacré
30:37trois livres,
30:38Gérard.
30:38Cinq livres.
30:39Cinq ?
30:39Cinq livres,
30:40oui, oui.
30:40Tout augmente.
30:40Oui, oui.
30:43Frida Kahlo,
30:43j'en ai parlé
30:44à l'époque
30:45où j'en ai parlé,
30:48c'était quelqu'un
30:48de pas très très connu.
30:49Vous savez,
30:50l'histoire de Frida Kahlo
30:50est quand même
30:51assez étonnante.
30:53C'est-à-dire,
30:53c'est la femme
30:55de Diego Rivera,
30:55elle est un peu étouffée
30:56par le personnage
30:58de Diego Rivera,
30:59il y a très peu
31:01d'exposition
31:01de son vivant,
31:03il y a tout un passage
31:04à vide
31:04après sa mort
31:06où finalement
31:06on n'en parle pas,
31:08elle est exposée
31:09nulle part.
31:10et en fait,
31:12celles qui ont relancé
31:15le personnage
31:16de Frida Kahlo
31:17et qui ont redonné
31:18l'envie
31:19de voir ses toiles,
31:21même si leur analyse
31:22était fausse,
31:22c'est-à-dire,
31:23ce sont les lesbiennes
31:24américaines,
31:24des lesbiennes
31:25intellectuelles américaines
31:26qui ont dit,
31:27au fond,
31:27Frida Kahlo
31:28est des nôtres,
31:29c'est une lesbienne.
31:30Alors,
31:30elle n'était pas lesbienne,
31:31elle était bi,
31:32Frida Kahlo.
31:32Mais grâce à elle,
31:35on a relancé
31:36Frida Kahlo,
31:37les expositions
31:38ont commencé,
31:39et c'est devenu
31:41le personnage
31:42un peu trop médiatisé
31:44à mon sens aujourd'hui,
31:45c'est-à-dire,
31:46on raconte tout
31:46et n'importe quoi
31:47sur Frida Kahlo,
31:48il sort trois bouquins
31:49par an sur Frida Kahlo,
31:51mais c'est quelqu'un
31:53pour l'histoire
31:53de la peinture
31:54qui est fondamental.
31:55Oui,
31:56mais vous avez aussi
31:56une sorte de flair
31:57parce que vous vous intéressez
31:58aux personnages
31:59dont on parle peu,
32:00en particulier les femmes.
32:02Vous avez fait un livre
32:02sur Tina Modotti
32:03qui était une photographe italienne
32:05un peu révolutionnaire,
32:06il y en a eu d'autres.
32:07À chaque fois,
32:08vous trouvez des personnages
32:09qu'on ne connaît pas forcément
32:10ce qui est un risque.
32:11Ah oui,
32:12alors,
32:13vous ne croyez pas
32:14si bien dire
32:14et notamment
32:15Violette Maurice aussi
32:17et où Christine...
32:21C'était une sportive
32:23sulfureuse.
32:23Une sportive
32:23et sulfureuse,
32:24exactement,
32:25ou Christine l'Admirable
32:26qui est une sainte
32:27belge du XIIIe siècle
32:29qui a créé
32:31le mouvement
32:32des Béguines
32:33bien avant
32:34qu'on brûle
32:35les sorcières.
32:36Mais c'est aussi
32:37quelqu'un de très important.
32:37mais à l'occasion
32:39de la sortie
32:41de ce livre,
32:42on m'a dit
32:42une chose extraordinaire.
32:44Vous êtes bien assis.
32:45On m'a dit
32:46mais pourquoi
32:47avez-vous publié
32:48un livre
32:48sur Christine l'Admirable ?
32:50Je lui dis
32:51parce que
32:51cette femme m'intéresse,
32:53le sujet
32:54de la mystique
32:55catholique
32:56m'intéresse,
32:57son parcours
32:58militant
32:59pour la défense
33:00des femmes
33:01m'intéresse.
33:02C'est quelque chose
33:03qui m'a toujours intéressé
33:04dans mes livres.
33:07Il m'a dit
33:07oui mais vous n'êtes
33:08pas légitime.
33:10C'est quand même
33:12très dur ça.
33:13Voilà,
33:13donc je ne suis pas légitime,
33:14je ne peux pas écrire
33:15ceux des femmes.
33:15Bon,
33:16mais voilà,
33:16vous l'avez fait quand même.
33:18Et je continuerai
33:19à le faire,
33:19je vous le dis
33:19entre nous
33:20puisque
33:20on est juste là
33:22tous les deux.
33:22Oui,
33:22on est juste là
33:23avec de plus en plus
33:25de gens qui nous écoutent
33:25sur Sud Radio
33:26et ils sont au courant.
33:27Et moi j'ai trouvé
33:28une femme dont personne
33:28ne parle,
33:29Margaret Hamilton,
33:30je ne sais pas
33:30si elle vous dit
33:31quelque chose.
33:32Il se trouve
33:32qu'au moment
33:33où les astronautes américains
33:35ont atterri sur la Lune,
33:37il y avait un problème
33:38informatique
33:38et c'est elle
33:39en quelques minutes
33:40qui a sauvé
33:41l'atterrissage sur la Lune
33:42par un programme informatique
33:44qu'elle a mis en marche.
33:45Et cette femme,
33:46tout le monde l'a oubliée
33:46mais l'homme sur la Lune
33:48lui doit beaucoup.
33:49Mais c'est l'histoire
33:50des femmes,
33:50cher monsieur,
33:52voilà,
33:52c'est dire
33:53elles sauvent l'humanité
33:54mais on les oublie.
33:55Alors il se trouve
33:55que pour faire ces livres,
33:57c'est beaucoup de travail,
33:57c'est beaucoup de documentation.
33:59Ah oui,
34:00alors ça c'est un plaisir immense,
34:01c'est-à-dire
34:02comme on peut dire
34:05un peu vulnérable,
34:06c'est la cerise sur le gâteau.
34:07C'est-à-dire que
34:07quand j'écris un livre
34:09comme par exemple
34:09le dernier
34:10sur Cyrano Bergerac,
34:11alors je me replonge
34:12je me replonge
34:14dans l'époque.
34:16Et là par exemple,
34:16alors je lis
34:17Mazarin,
34:20Richelieu,
34:22La Fronde,
34:25Louis XIII,
34:26La Guerre de Trente Ans,
34:27Les Libertins Érudits,
34:32Le Théâtre du XVIIe,
34:35et ça c'est fabuleux
34:35parce que vous avez
34:36tout un matériel,
34:38toute une époque
34:39que vous reconstruisez
34:41qui est là,
34:42devant vous,
34:43et l'idée,
34:44c'est comme le dit
34:45Hemingway,
34:45c'est après
34:46de laisser infuser
34:47et de ne garder
34:49que la substantifique moelle
34:50et de tout oublier.
34:54Et là,
34:54à ce moment-là,
34:54vous commencez à écrire.
34:56Mais en même temps,
34:57quand on voit
34:58votre bibliographie,
34:59Gérard de Cortance,
35:00il y a à peu près
35:01100 livres en 40 ans.
35:03Comment on fait ?
35:04Ah ça, je ne sais pas.
35:06Je ne sais pas,
35:07je ne me suis jamais
35:07posé la question,
35:08je n'en tire aucune gloire.
35:11Vous savez,
35:11il y a un écrivain extraordinaire
35:13qui s'appelle Juan Rulfo,
35:14qui est un écrivain mexicain,
35:19qui a écrit un livre.
35:21Oui.
35:22De toute sa vie.
35:23Enfin, deux avec un recueil
35:24de nouvelles.
35:25et c'est quelqu'un
35:27de fondamental
35:28pour l'histoire
35:28de la littérature,
35:29notamment hispanique.
35:31Donc, je crois
35:31que chaque écrivain
35:32a son rythme,
35:35à son souffle.
35:36Amélie Neutombe,
35:37tous les ans,
35:38sort un livre
35:39de 150 pages
35:40depuis 30 ou 33 ans
35:41à la rentrée.
35:43C'est son rythme.
35:43Modiano
35:44écrit des livres
35:45plutôt minces.
35:49C'est son rythme.
35:50Carlo Suentes
35:51écrit « Bas des pavés ».
35:52Voilà,
35:53chacun a sa respiration.
35:54Dans le choc quand même,
35:55il faut y arriver.
35:56Oui, c'est une question
35:57que je ne me pose pas.
35:59Parce que vous n'avez pas le temps.
36:00Oui, c'est ça.
36:02Voilà,
36:03ça va être la réponse.
36:04Alors, il y a d'autres réponses
36:05à une autre question.
36:07C'est la sortie de ce livre
36:08le 18 septembre 2025.
36:10On en parle dans quelques instants
36:11sur Sud Radio
36:12avec Gérard de Cortance.
36:14Sud Radio,
36:15les clés d'une vie.
36:16Jacques Pessis.
36:17Sud Radio,
36:17les clés d'une vie.
36:18Mon invité,
36:19Gérard de Cortance.
36:20On a évoqué vos débuts,
36:21votre carrière d'écrivain
36:22aux multiples livres.
36:24Et puis,
36:24le 18 septembre 2025
36:26est sorti
36:26« Savignin de Cyrano,
36:28scieure de Bergerac,
36:30un roman
36:30et pas une biographie
36:31chez Alma Michel ».
36:32Pourquoi ce livre aujourd'hui
36:33alors qu'il y a déjà
36:33beaucoup de livres
36:34sur Cyrano ?
36:35Il y a très peu de livres
36:37sur le vrai Cyrano.
36:38Voilà.
36:39Parce qu'on confond toujours
36:41la pièce et le vrai Cyrano.
36:43Bien sûr.
36:43Alors,
36:44ce qui est intéressant,
36:45c'est qu'en fait,
36:48Rostand,
36:49on pense que Rostand,
36:51au fond,
36:51a vraiment interprété,
36:53a raconté un peu son univers.
36:55Mais en réalité,
36:57d'abord,
36:57on a redécouvert
36:59Cyrano de Bergerac
37:00grâce à Rostand.
37:01C'est-à-dire qu'il a fait
37:02des recherches énormes
37:04pour voir qui il était,
37:06ce qu'il avait écrit.
37:07Et on sent très bien
37:08à la lecture de sa pièce
37:10qu'il connaissait parfaitement
37:12Cyrano de Bergerac.
37:13Il y a des répliques,
37:14il y a des...
37:15Alors,
37:15bien sûr qu'il bouleverse
37:17un peu la chronologie.
37:19Il y a des choses
37:19qu'il interprète.
37:20Qu'il invente aussi.
37:21Qu'il invente.
37:22Mais ça,
37:22c'est l'écrivain.
37:24C'est-à-dire que le...
37:24Moi, je pense que
37:25c'est vraiment
37:26la grande différence
37:27entre des historiens
37:29et Dieu sait
37:30si je le respecte
37:30et un écrivain.
37:31un historien,
37:33il va être arrêté
37:33par les faits.
37:35C'est-à-dire que
37:35s'il n'a pas
37:37la donnée
37:39qui va lui permettre
37:40de dire
37:41telle ou telle idée,
37:42d'aller jusqu'au bout
37:43de sa phrase,
37:44il va la laisser en suspens.
37:45Qu'est-ce que fait
37:45l'écrivain ?
37:47Il reprend le travail
37:48de l'historien
37:48et il termine la phrase.
37:50Oui, mais en même temps,
37:51quand on voit,
37:52par exemple,
37:52la pièce d'Edmond Rostand,
37:53on sait que
37:54les cadets de Gascogne
37:54n'ont jamais existé.
37:56Oui, mais bien sûr.
37:57Alors, c'est-à-dire que,
37:59par exemple,
38:00le vrai Cyrano de Bergerac,
38:05d'abord,
38:05il n'est pas né
38:07du tout à Bergerac.
38:09Il est né à Paris.
38:11Mais c'est son copain,
38:14le Brett, en fait,
38:15qui rentre
38:16dans la compagnie des gardes.
38:18Ils ont 20 ans,
38:19tous les deux.
38:20Ils mènent une vie,
38:22comme on aurait pu dire,
38:23de patachon.
38:24Et donc, le Brett lui dit,
38:25pour essayer de calmer
38:26un peu ce forcené
38:28qui est Savignan,
38:29on va le faire rentrer
38:30dans la compagnie des gardes.
38:32Mais dans la compagnie des gardes,
38:34c'est M. de Casteljalou
38:35qui dirige tout ça,
38:37il y a énormément de Gascogne.
38:40Et pour se faire bien voir,
38:41ça, c'est la réalité,
38:42c'est pureustant,
38:43c'est la réalité,
38:44pour se faire bien voir
38:45des cadets de Gascogne,
38:48eh bien, il se dit,
38:49voilà, oui, mon nom,
38:50c'est Savignan,
38:53de Cyrano,
38:54de Bergerac,
38:55parce que son père,
38:57comment dire,
38:57a un petit fief,
38:58le fief de Mauvièvre
39:00et le fief de Bergerac,
39:02mais le fief de Bergerac,
39:06c'est dans la vallée de Chevreuse.
39:07C'est à côté de la maison
39:08de Raymond de Vos.
39:09Exactement, voilà,
39:10donc, c'est-à-dire,
39:10ça n'a rien à voir
39:11avec le Bergerac
39:14qui se trouve dans le Périgord,
39:18mais disons,
39:18c'est une sorte de mensonge
39:20qui dit la vérité.
39:21Pourquoi, alors,
39:22Gérard de Cortance,
39:23avoir décidé aujourd'hui
39:24de vous intéresser à Cyrano ?
39:26Ah, parce que,
39:27dans la pièce de Rostand,
39:30on dit à un moment,
39:34c'est un personnage hétéroclite.
39:37Et ça, c'est ça qui m'intéresse,
39:39c'est-à-dire,
39:39c'est un réfractaire total
39:41à son temps.
39:43C'est quelqu'un, par exemple,
39:44qui fait jouer une pièce
39:46qui s'appelle
39:47La mort d'Agrippine
39:48et il prend un risque énorme
39:50parce qu'il est athée
39:52et dans sa pièce,
39:55il y a un de ses personnages
39:56qui dit, au fond,
39:57ce n'est pas Dieu
39:58qui a créé l'homme,
40:00c'est l'homme
40:00qui a créé Dieu
40:02et les hommes.
40:04Dans Empire,
40:07dans son voyage
40:08dans le soleil
40:09et dans la lune,
40:11il dit, au fond,
40:12la lune,
40:14ce n'est pas la lune
40:14qui est un astre de la Terre.
40:18C'est la Terre
40:19qui est un astre de la lune.
40:21Il dit, au fond,
40:22après la mort,
40:23il n'y a rien.
40:24Il dit,
40:25le monde est infini
40:26et si le monde est infini,
40:27il n'y a pas d'au-delà.
40:28Donc, c'est complètement iconoclaste.
40:30Il y a la compagnie,
40:31comment dire,
40:32de l'index
40:33qui peut lui tomber dessus,
40:34qui va d'ailleurs
40:34interdire sa pièce.
40:36Et il ne faut pas oublier
40:36qu'à l'époque,
40:38il y a encore
40:38tous les grands procès
40:39pour hérésie
40:40qui sont là,
40:41c'est-à-dire
40:41Giordiano Bruno,
40:43Galilée,
40:45Descartes
40:45que l'Église interdit,
40:47l'habillé grangé
40:49qui est brûlé.
40:53J'aime ce...
40:55Il dit, au fond,
40:55j'aime l'honneur
40:56d'être une cible.
40:57Et c'est ça
40:58qui me passionne chez lui,
40:59l'honneur d'être une cible.
41:00Mais la difficulté,
41:01Gérard de Cortance,
41:02c'est qu'on ne sait
41:02à peu près rien
41:03sur le vrai Cyrano.
41:04Il y a beaucoup de choses
41:05fausses,
41:05il y a beaucoup de choses
41:06qui circulent.
41:06Alors, c'est vrai.
41:08C'est-à-dire qu'on...
41:09Mais en même temps,
41:10on peut quand même avoir...
41:12On sait qu'il est né
41:13à tel endroit.
41:14On sait qu'il a écrit
41:15ses pièces de théâtre.
41:17On sait qu'il a inventé
41:18la science-fiction.
41:20On sait qu'il avait
41:20tel ou tel ami.
41:21Et puis surtout,
41:22il y a tout ce groupe
41:24qu'on a appelé
41:25les libertins érudits.
41:28qui luttait
41:31contre Richelieu,
41:33contre Mazarin,
41:34contre l'establishment
41:36de l'époque.
41:37Et il a fait partie
41:38de ce groupe-là.
41:40Et là, il y a tout un tas
41:41de preuves, de textes.
41:43Par exemple,
41:44il a écrit des Mazarinades.
41:46Il a pratiqué
41:47ce qu'on appelait à l'époque
41:48l'art de la pointe.
41:50C'est-à-dire des attaques
41:51virulentes dans des lettres,
41:53dans des pamphlets.
41:54Tout ça, ça existe.
41:55On a retrouvé
41:58les pièces de théâtre.
42:00Il y en a deux.
42:02La mort d'Agrippine
42:03et le paix d'Anjoué.
42:05On sait aussi
42:06qu'il a suivi
42:07les cours de Gassendi.
42:09On sait aussi
42:09que c'était un ami de Molière
42:11qui, au passage,
42:11lui a piqué deux, trois trucs.
42:13Mais ça,
42:13c'est normal pour l'époque.
42:15Donc,
42:15alors c'est vrai
42:17que le jour de sa naissance,
42:20le jour de sa mort,
42:20on ne sait pas très très bien.
42:22on dit qu'il a pu aller
42:24en Pologne,
42:25en Italie,
42:26en Angleterre,
42:27mais on n'est pas très sûr
42:28non plus.
42:29Mais enfin,
42:30tout ça,
42:30à partir de tous ces renseignements,
42:33l'écrivain
42:34peut se faire une idée
42:36de l'époque
42:39dans laquelle vivait
42:40Cyrano,
42:41le vrai Cyrano Bergerac,
42:42et reconstituer
42:43un personnage
42:45finalement relativement crédible.
42:48Oui,
42:48parce que vous avez romancé
42:49Gérard de Cortance
42:50ce qui vous paraissait
42:51le plus crédible
42:52et en éliminant le reste.
42:54Exactement.
42:54C'est ça.
42:56C'est pour ça
42:57que ce n'est pas une biographie,
42:59mais ce n'est pas
42:59le Cyrano de Rostand.
43:02Je n'ai voulu conserver
43:04de la vie
43:06de Cyrano
43:07que les aspects
43:08les plus romanesques.
43:10Mais sans,
43:11sans,
43:12comment dire,
43:14sans ce que fait Rostand
43:15bouger la réalité.
43:17Mais il y a aussi
43:18une description
43:19du Paris de l'époque
43:20avec ces tavernes,
43:21cette vie
43:22qu'on n'imagine pas aujourd'hui,
43:24qu'on ne voit que dans les films.
43:25Ah ça c'est extraordinaire.
43:27Me replonger
43:28dans le Paris de l'époque,
43:31c'est-à-dire
43:31il faut imaginer
43:32un Paris
43:33qui est sale,
43:35qui est encore plus sale
43:36que le Paris d'aujourd'hui.
43:37C'est pas facile pourtant.
43:38Oui, c'est possible.
43:40Il y a de la boue partout,
43:42je veux dire,
43:42il y a une pauvreté,
43:45il y a des maladies,
43:47il y a des mouvements
43:48de population terribles,
43:50et puis surtout,
43:52il y a
43:52cette espèce de jeu
43:54de l'époque
43:54qui est le duel,
43:56et ça c'est quelque chose
43:57d'extraordinaire.
43:57C'est-à-dire que,
43:59comment dire,
44:01il y a un duel
44:01entre nous deux,
44:03et bien il y a
44:04un de mes amis qui vient,
44:05il y a un second,
44:06et puis il y a un troisième,
44:07un quatrième et un cinquième,
44:08et c'est-à-dire
44:09ce sont des duels,
44:10c'est 10 contre 10,
44:12c'est 15 contre 15,
44:13il y a des lois
44:15qui sont édictées
44:15pour arrêter ces duels,
44:16parce qu'en fait,
44:17toute la noblesse,
44:20toute l'aristocratie
44:21de jeunes gens
44:22qui sont aussi
44:23les chefs d'armée,
44:24et bien meurent
44:25dans ces duels,
44:26c'est-à-dire que
44:26les chefs militaires
44:31sont décimés,
44:32et on arrive
44:33à des aberrations
44:34où X
44:37se bat en duel
44:39contre Y,
44:40il y a 20 morts,
44:41X et Y
44:42restent vivants
44:43et sont condamnés à mort
44:44pour avoir provoqué
44:45le duel.
44:46Voilà,
44:47et donc c'est ce pari-là
44:48que je voulais restituer,
44:51et qui est une sorte
44:52de monstruosité,
44:54enfin,
44:56d'enfer permanent,
44:59et c'est dans cet enfer-là
45:01que ce jeune Cyrano,
45:03il est très jeune,
45:04il a 20-25 ans,
45:06va évoluer,
45:07lui qui a vécu
45:09une partie de sa vie
45:10à la campagne,
45:11mais qui est quand même
45:11parisien.
45:12Oui,
45:12et en même temps,
45:14ses copains ont des surnoms
45:16comme dans les feuilletons
45:17du XIXe siècle
45:18avec des surnoms insensés
45:20comme on voulait dire
45:21les romans de Gensu
45:22ou de Ponceau-Literraï.
45:23Oui,
45:23alors c'est-à-dire que ça,
45:24c'est parti d'une idée,
45:27et là j'ai suivi un peu
45:28la démarche de Rostand,
45:30c'est-à-dire dans un texte
45:33dans l'Empire de la Lune,
45:40il rencontre,
45:41le personnage rencontre
45:42le démon de Socrate,
45:43et le démon de Socrate
45:44lui dit,
45:45enfin,
45:45quand je sens que je deviens
45:47très vieux,
45:48que je dépéris,
45:49à ce moment-là,
45:50je prends mon souffle
45:53d'un jeune garçon
45:55ou d'une jeune fille
45:56pour renaître.
45:57Ça,
45:58c'est la première chose.
45:59Et la deuxième,
46:00il dit au fond,
46:01les animaux font la bête
46:03et l'homme fait l'animal.
46:05Et je me suis dit,
46:06là,
46:06il y a deux idées
46:07romanesques,
46:09c'est-à-dire l'idée
46:09de quelqu'un
46:10qui va absorber
46:12le souffle des vivants
46:12pour se régénérer,
46:14une sorte de médecin psychose,
46:16le corps meurt,
46:18mais l'âme reste.
46:19Et la deuxième idée,
46:21c'est-à-dire,
46:22au fond,
46:24ce n'est pas Cyrano
46:25qui a un masque,
46:27mais il voit tous les autres
46:28avec des masques d'animaux.
46:30C'est-à-dire,
46:31telle personne,
46:32c'est un sanglier,
46:32telle personne,
46:33c'est un aigle,
46:34et tout le roman
46:34est construit comme ça.
46:35Ça, c'est le côté,
46:37le côté fantastique,
46:38mais qui vient,
46:40qui vient de mes amitiés,
46:41comment dire,
46:43jeunes écrivains,
46:44les gens qui m'ont fabriqué,
46:45c'était mes amis.
46:47Et mes amis,
46:48c'était qui ?
46:48C'était Carlos Fuentes,
46:49c'était Vargas Llosa,
46:51c'était Julio Cortázar,
46:53c'était tous ces latino-américains
46:55qui vivaient à Paris.
46:57On vivait ensemble,
46:58on se connaissait,
46:59et c'est eux qui m'ont appris,
47:01comment dire,
47:02ce qu'on appelle
47:02la littérature fantastique.
47:04Il se trouve aussi
47:05que Cyrano,
47:06l'anecdote du nez,
47:08ça a été le point de départ
47:09de l'idée de Mont-Rostand,
47:11et qu'il y a un Cyrano
47:12qu'on a un peu oublié,
47:13mais qui a marqué
47:13sur la télévision,
47:14car le 25 décembre 60,
47:16à l'époque où la télévision
47:17offrait encore des cadeaux
47:18aux téléspectateurs,
47:19il y a eu un Cyrano
47:20mémorable.
47:21Un nez,
47:22oh mais seigneur,
47:23quel nez que ce nez là !
47:25En 60 ?
47:2625 décembre 60,
47:27Daniel Sorano
47:28joue
47:29Cyrano,
47:32à la télévision,
47:33il y a eu une chaîne
47:3398% d'audience,
47:36ce qui a été un événement.
47:37Sorano est mort deux ans plus tard,
47:39mais je ne sais pas
47:39si vous avez vu ce Cyrano.
47:41Je crois que je l'ai vu,
47:42il me semble que je l'avais vu,
47:43oui.
47:44Alors vous savez,
47:45l'anignaute du nez,
47:46en fait,
47:46c'est Coquelin,
47:48c'est-à-dire que le premier Cyrano,
47:50celui qui joue Cyrano
47:51en 1897,
47:53il lui fait un nez en trompette,
47:55comme ça.
47:56Et la légende est partie de cela.
48:01Alors, c'est vrai que Cyrano
48:02avait un nez un peu fort,
48:04mais surtout,
48:05il avait été blessé
48:06à deux bagarres,
48:07à deux guerres,
48:09c'est-à-dire devant Mousson,
48:10devant le siège de Mousson
48:12et devant Arras.
48:14Et il était,
48:16la joue était abîmée.
48:18Et c'est de là
48:19d'où vient l'ambiguïté
48:21qui est utilisée
48:22par Rostand
48:23dans sa pièce.
48:25Et donc,
48:25on comprend bien
48:26la folie du vrai Cyrano,
48:28sa vie de débauche
48:29parce qu'il court
48:30dans tous les sens
48:31et à chaque fois,
48:32il y a des femmes pas loin.
48:34Oui,
48:34mais alors,
48:34c'est,
48:35c'est un,
48:37c'est intéressant ce personnage.
48:39C'est-à-dire que,
48:40il a du mal,
48:41d'abord,
48:42ce n'est pas un noble,
48:43ce n'est pas un aristocrate.
48:44Il a du mal
48:45à se faire accepter.
48:47Il est rejeté de partout.
48:48Il n'arrive pas
48:49à monter ses pièces de théâtre.
48:50Il est très,
48:51très peu publié.
48:53Et c'est ça aussi
48:54qui m'intéressait.
48:55Et il y a cette fin
48:56quand même,
48:56mais monstrueuse.
48:57C'est-à-dire que,
48:58sa fameuse cousine,
49:01alors,
49:02non,
49:02ce n'est pas sa cousine,
49:03c'est sa sœur
49:04qui dirige le couvent,
49:05qui pense qu'il a écrit
49:08des écrits impis,
49:09ce qui est vrai.
49:10Donc,
49:11s'il a écrit des écrits impis,
49:13il ne va pas monter au ciel.
49:16Donc,
49:16qu'est-ce qu'il faut faire ?
49:17Il faut les détruire.
49:18Et peu de temps
49:19avant la mort de Cyrano,
49:21elle met le feu,
49:22elle brûle,
49:23ses œuvres sont volées.
49:25Et donc,
49:26c'est ce destin tragique
49:27qui m'intéresse aussi,
49:28c'est-à-dire,
49:29imaginer ce type extraordinaire
49:31qui révolutionne vraiment
49:33l'histoire de la langue française,
49:35l'histoire du théâtre,
49:36c'est très très nouveau,
49:37ce qu'il jouait à l'époque,
49:39et 90% de son œuvre
49:41qui sont jetées,
49:43on ne retrouvera plus
49:45tout ça,
49:46c'est terminé,
49:47ça y est,
49:48ça n'existe plus.
49:48Donc,
49:49il a passé sa vie,
49:49très courte,
49:50à écrire,
49:51à penser,
49:52des choses totalement dévatrices,
49:55mais qu'on ne verra jamais
49:56puisque ça a été détruit.
49:58Et ça,
49:58je trouve,
49:58c'est absolument bouleversant
49:59comme trajectoire.
50:01Et cette trajectoire,
50:02elle est parfaitement décrite
50:03dans ce livre,
50:04Savignin de Cyrano,
50:05Cyr de Bergerac,
50:07ce roman chez Alba Michel,
50:08Gérard de Cortance.
50:09Merci de l'avoir écrit
50:10parce qu'on en sait un peu plus
50:11sur ce personnage
50:12qu'on croyait connaître.
50:14Merci,
50:14c'est surtout,
50:15c'est un livre,
50:16comment dire,
50:17contemporain,
50:18c'est ça,
50:18c'est-à-dire que derrière
50:19ce Cyrano
50:19qui a quelques siècles,
50:22en fait,
50:22on parle aussi beaucoup,
50:23beaucoup d'aujourd'hui en réalité.
50:24Exact.
50:25Ce roman historique
50:25est un roman
50:26qui est ancré
50:27dans la réalité d'aujourd'hui.
50:28C'est pour ça qu'il faut le lire.
50:30Merci Gérard de Cortance
50:31et puis à très bientôt,
50:32j'espère,
50:33dans Les Clés d'une vie.
50:33Merci.
50:34Les Clés d'une vie,
50:35c'est terminé pour aujourd'hui.
50:36On se retrouve bientôt.
50:37Restez fidèles
50:37à l'écoute de Sud Radio.
50:38Sous-titrage Société Radio
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