00:00La Tunisie a dénoncé Mathieu Bocoté à un meurtre injustifié et réclamé une enquête après la mort d'Abdel Kaderde, l'homme qui a poignardé cinq personnes à Marseille cette semaine.
00:10On sait qu'Emmanuel Macron s'investit de plus en plus et même plus que jamais sur la scène internationale.
00:16On a de nouveau vu aujourd'hui par exemple son engagement pour l'Ukraine en menaçant la Russie de sanctions additionnelles.
00:22On connaît aussi son investissement d'Emmanuel Macron avec les différents pays du Maghreb, même si le résultat n'est pas toujours à la hauteur de ses attentes.
00:30En quoi Emmanuel Macron a-t-il transformé la démocratie française ?
00:35Ah, voilà une question pour les historiens.
00:37Assurément, on pourrait dire qu'il l'a poussé jusqu'à ses extrêmes limites, pour le meilleur ou pour le pire, selon les préférences des uns ou des autres.
00:44Cela dit, ce qui me frappe dans cette semaine, vous avez raison d'avoir mentionné tous ces événements,
00:48c'est que c'est une semaine où on a l'occasion en quelque sorte de faire le premier bilan, pas le premier, mais le vrai bilan de l'action internationale d'Emmanuel Macron,
00:57je dirais de la Tunisie à la Russie.
00:59Et donc on doit avoir tout ça à l'esprit pour voir justement l'héritage qu'il laissera à la démocratie française en matière de politique internationale.
01:06Alors on le sait, l'acte inaugural du macronisme en politique étrangère, c'est évidemment un européisme forcené.
01:12C'est cette conviction qu'il n'y a pas de destin pour la France hors de l'Europe.
01:16Et c'est aussi un basculement dans le rapport à l'Europe.
01:19Autrefois, la question qu'on se posait, c'est qu'est-ce que l'Europe peut faire pour la France?
01:24Retournement de question avec Emmanuel Macron depuis 2017, c'est qu'est-ce que la France peut faire pour l'Europe?
01:30La France se met au service d'une Europe qui la dépasse, avec cette formule qui revient en boucle,
01:34il faut penser en européen, agir en européen, comme si la France passait de pays souverain à province européenne,
01:41province forte assurément, mais province néanmoins.
01:44Donc il y a une forme d'européisme enragé chez lui, qui laisse de côté une question pourtant fondamentale,
01:52c'est que la France, à la différence d'autres pays européens, se pose la question non seulement de son rôle dans l'Europe,
01:56mais son rôle dans le monde.
01:57La France, c'est son histoire qu'il apporte, c'est sa position au Conseil de sécurité des Nations Unies qu'il apporte,
02:03c'est le fait qu'elle contrôle, qu'elle a l'arme atomique qu'il apporte.
02:05La France se pose la question de son rôle dans le monde, mais ne sait plus trop comment se la poser,
02:09il lui manque peut-être un cap.
02:11Et on le voit notamment, un autre événement qui s'est passé, c'est qu'il y a quelques jours, sans qu'on en parle,
02:16des discussions ont été relancées entre la France et l'Allemagne,
02:19je cite, « un dialogue stratégique autour de la dissuasion nucléaire,
02:24compte tenu de la dégradation de l'environnement sécuritaire international ».
02:27Donc là, qu'est-ce qu'on voit ? Ça passe comme ça dans l'actualité, sans qu'on en parle vraiment.
02:31Ce qui se met de l'avant, c'est une mutualisation progressive de l'arme nucléaire,
02:35tout comme certains souhaiteraient une mutualisation à l'échelle européenne du siège de la France aux Nations Unies.
02:40On parle de ça régulièrement, on nous dit toujours de non, c'est pas pour demain, ni même après-demain,
02:44mais ça reste dans l'actualité, prenons au sérieux ce grand bond fédéral désiré par notre président.
02:51Autre dimension, et vous y avez conduit avec raison, l'Afrique.
02:54Et on aboutira à la Tunisie dans un instant.
02:57Normalement, la France a un rapport privilégié avec l'Afrique, c'était le lieu de son déploiement au 19e, 20e siècle.
03:02Or, qu'est-ce qu'on voit ? La France a réussi à se brouiller étrangement,
03:05en se réconciliant quelquefois avec plusieurs pôles africains importants.
03:09L'Algérie, faut-il vraiment rappeler l'état des relations avec l'Algérie,
03:13où la France, d'un côté, cherche véritablement le compromis,
03:17et l'Algérie, de son côté, le refuse absolument.
03:20Et là, il y a quelque chose dans la politique française par rapport à l'Algérie,
03:23qui, c'est tendre l'autre joue.
03:25Mais à ce moment, moi, j'ai toujours cette formule d'Andreotti
03:28dans un film italien consacré à la politique,
03:31où on dit « Notre Seigneur, dans sa bonté, nous a demandé de tendre l'autre joue,
03:35et dans sa justesse, sa sagesse, nous a donné que deux joues. »
03:39Or, le fait est que la France, on a l'impression,
03:41elle a beaucoup de joues à tendre dans les circonstances.
03:44Donc, le rapport avec l'Algérie, elle cherche le rapport de force
03:46sans être capable de l'exercer.
03:48Avec le Maroc, la réconciliation a eu lieu pour l'essentiel,
03:51mais la France a réussi à se brouiller pendant un temps avec le Maroc.
03:53Le Mali, le Mali.
03:55Alors, c'est très particulier, le Mali,
03:56où la France s'est engagée en 2012,
03:59s'est retiré de l'Organisation internationale de la francophonie
04:03et a même retiré, en 2023, le français comme langue officielle,
04:06ce qui est une rupture importante qu'on traite comme une question secondaire.
04:11Et maintenant, la Tunisie.
04:12Alors, globalement, on ne s'attend pas à être en conflit avec la Tunisie.
04:14La Tunisie, ce n'est pas exactement la puissance dominante du Maghreb.
04:18Alors, qu'est-ce qu'on voit dans les circonstances,
04:19suite aux événements de Marseille ?
04:22Eh bien, on aurait pu croire spontanément que la Tunisie serait solidaire de la France
04:26et de tous ces individus poignardés par un de ces ressortissants en France.
04:31Alors, quelle est la réaction de la Tunisie ?
04:33Eh bien, elle accuse la France d'avoir, en fait, la police française d'avoir commis...
04:38C'est quoi le terme exact dans un instant ?
04:40Un meurtre injustifié.
04:41Un meurtre injustifié.
04:42Donc, le type poignarde, le type se lance dans une entreprise meurtrière,
04:46le type veut tuer le plus de gens possible,
04:48et finalement, qui est la victime ?
04:50C'est l'assassin, c'est celui qui se voulait assassin, c'est le meurtrier,
04:53c'est celui qui voulait véritablement semer le chaos.
04:57Donc là, on se demande qu'est-ce qui se passe dans la tête du gouvernement tunisien,
04:59qui, en plus, dit à la France, vous devez faire une enquête.
05:01La Tunisie donne des ordres à la France.
05:04Alors, premier réflexe, on peut se dire que la Tunisie défend les siens en toutes circonstances,
05:07en my country, right or wrong.
05:09C'est un des nôtres, on le défend, quelles que soient les circonstances.
05:12Peut-être, peut-être.
05:14Ou alors, on peut se dire qu'il est payant, aujourd'hui,
05:16tout simplement de taper sur la France en toutes circonstances.
05:18Il est payant de ne rien lui sceller.
05:20Il est payant de l'accuser, même lorsqu'elle est victime.
05:24On croit comprendre cela de la part de la Tunisie.
05:27Et dernier élément dans ce bilan international des derniers jours et des dernières semaines,
05:30eh bien, la volonté d'Emmanuel Macron de positionner la France au cœur d'une nouvelle politique
05:35par rapport à Israël et à Gaza, avec un biais plus que pro-palestinien, pourrait-on dire là-dedans.
05:42Or, ce biais s'explique presque avec une dimension messianique,
05:45c'est-à-dire la France sera la puissance refondatrice du Moyen-Orient, du Proche-Orient,
05:50mais avec une dimension particulière, on a l'impression quelquefois que ce changement de politique
05:55par rapport au Moyen-Orient est davantage dicté par des considérations de politique intérieure
05:59qui naissent du changement démographique, davantage que par un cap clair en matière de politique étrangère.
06:06Tout ça dans presque une semaine, c'est beaucoup.
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