L’Europe a-t-elle les moyens de maintenir la pression sur Vladimir Poutine ?

Sud Radio

il y a 7 semaines

Avec Nicolas Corato, Président fondateur du think tank Place de la République et Matthieu Hoque secrétaire général du think tank Le Millénaire studio

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00:00Et nous sommes en ligne avec Nicolas Coratou, président fondateur du Think Tank, place de la République.

00:08Bonjour Nicolas.

00:09Bonjour Laurence.

00:10Bonjour, bonjour Mathieu.

00:12Auc, à mes côtés en studio, secrétaire générale du Think Tank, le millénaire.

00:16Bonjour Mathieu.

00:17Bonjour Laurence, bonjour Nicolas, bonjour à tous.

00:19Forcément avec vous, on revient sur ce lendemain de sommet Poutine-Trump.

00:25Et cette question qu'on a posée à nos auditeurs,

00:27est-ce que l'Europe a les moyens ou pas de maintenir la pression sur Vladimir Poutine ?

00:31Les dirigeants français, allemands et britanniques vont se réunir à 15h là, tout à l'heure en visioconférence.

00:37Ils vont réunir les pays de la coalition des volontaires, des alliés de Kiev.

00:42Il faut rappeler que cette coalition regroupe la plupart des grands pays européens,

00:46l'OTAN et des pays non-européens comme le Canada.

00:49Est-ce que honnêtement, cette coalition a de l'influence ou pas ?

00:52Je commence par vous Nicolas Coratou.

00:54Écoutez, elle en a un peu plus que l'Union Européenne d'il y a 5 ans ou 10 ans.

01:02Même si on le voit aujourd'hui, l'Union Européenne est très isolée dans ce schéma diplomatique.

01:08Mais la situation dans laquelle nous sommes, dans laquelle est l'Union Européenne, n'est pas nouvelle.

01:14Elle n'est pas liée uniquement à l'arrivée de M. Trump au pouvoir.

01:17Ça fait des années que les États-Unis disent à l'Europe que l'Europe n'est plus leur zone stratégique prioritaire dans le monde

01:24et que leur priorité géopolitique, c'est le containment de la puissance chinoise.

01:30Et M. Trump, finalement, n'est qu'un président qui dit les choses alors que peut-être les autres étaient beaucoup plus polis ou beaucoup plus diplomates.

01:37Mais la position américaine n'a pas changé.

01:39Elle s'est simplement radicalisée.

01:41Elle s'est solidifiée.

01:42Elle s'est consolidée.

01:44Et ça fait longtemps que l'Union Européenne devrait savoir et aurait dû savoir qu'elle était seule face à la menace russe

01:50puisque l'objectif des États-Unis, c'est d'empêcher à tout prix l'alliance de la Russie avec la Chine.

01:56Quand on a dit ça, effectivement, je dirais que les Européens sont au pied du mur.

02:01Ils auraient pu l'être il y a bien longtemps.

02:04Ils ont pris du temps.

02:05Ils ont pris du retard.

02:06On peut donner quand même créance au président Macron d'avoir sonné le cygne d'alarme le plus tôt possible.

02:14Peut-être l'un des premiers en Europe.

02:17Bref, nous y sommes.

02:18Est-ce que nous sommes prêts ?

02:19Non.

02:20Et est-ce que nous devons désormais avoir les décisions qui sont, je dirais, en accord avec nos objectifs de souveraineté ?

02:27Oui.

02:28Mathieu, qu'on fait réagir l'Europe sur la touche ?

02:31Encore des moyens ou pas ?

02:32De pression ?

02:33En fait, c'est simple.

02:35Il faut regarder que pèse l'Union européenne sur l'échiquier international et que pèse l'Union européenne face à la Russie.

02:40Et quand on regarde aujourd'hui les grands indicateurs, qu'ils soient économiques ou militaires, on voit qu'ils ne sont pas bons par rapport à la Russie.

02:46On prend quelques exemples.

02:47L'Union européenne veut faire, effectivement, des sanctions économiques, comme l'a rappelé Nicolas Corato, parce que c'est notre seul instrument, on va dire, pour agir contre la Russie.

02:57Mais l'Union européenne, le poids de l'Union européenne dans le PIB mondial a reculé d'année en année depuis 2008.

03:03On est passé de 16 000 milliards d'euros du PIB européen dans les 60 milliards du PIB mondial, à aujourd'hui 21 000 milliards sur un PIB beaucoup plus important.

03:15Donc on voit bien que le PIB aujourd'hui européen, qui est de 20% dans le poids du PIB mondial, a reculé, le poids de l'Europe a reculé.

03:21Donc quand on a un poids qui recule et que la Russie peut commercer avec d'autres pays, que ce soit évidemment les pays du Sud ou même les Etats-Unis, si Donald Trump et Vladimir Poutine parviennent à un accord,

03:32on voit bien que l'Union européenne est un sujet qui est beaucoup moins important pour la Russie qu'il ne l'était auparavant.

03:36Et puis de la même façon, sur le côté militaire, la Russie, il faut le rappeler toujours, on peut tenter de faire pression et c'est légitime de le faire,

03:44mais la Russie a autant de chars que tous les pays européens, Royaume-Uni compris.

03:48La Russie a autant d'avions que tous les pays européens, Royaume-Uni compris.

03:53La Russie a quasiment la même puissance en termes de nombre de vaisseaux maritimes que l'ensemble des pays européens, Royaume-Uni compris,

04:01alors que le Royaume-Uni et la France ont des puissances maritimes de premier ordre.

04:05Donc à un moment donné, même si le matin n'est peut-être pas au même niveau qualitatif que les pays européens,

04:09en termes de parité militaire et en termes de poids économique, l'Europe a tellement reculé depuis des années

04:14qu'elle est hors-jeu et qu'elle n'a pas les cartes, si on reprend l'expression favorée de Donald Trump,

04:22pour faire plier Vladimir Poutine d'une manière ou d'une autre.

04:24Et c'est pour cela qu'elle a été absente sur le dossier ukrainien depuis plusieurs mois et depuis le sommet à Alaska.

04:31Alors, on l'a entendu, Zelensky va être reçu demain à Washington par Donald Trump.

04:39Il est sous pression, ça c'est plus que sûr.

04:41Est-ce qu'il a encore les moyens, lui aussi, de résister entre gros guillemets

04:45ou est-ce qu'il va faire des concessions ou pas ?

04:47Bon, il n'y a pas de boule de cristal, mais qu'est-ce que vous en pensez à Nicolas Corato ?

04:52Je dirais que Zelensky, c'est celui qui prouve, même s'il a bénéficié bien entendu de l'aide des États-Unis

04:59en termes de renseignements et en termes d'armement,

05:02mais c'est celui qui prouve que la décision politique, la volonté politique et la volonté d'un peuple peut tout.

05:09Et je crois que l'Ukraine peut être un modèle pour les Européens,

05:13c'est-à-dire que ce pays dans l'urgence, alors que tout semblait perdu,

05:16alors que tout le monde disait que le pays était perdu en cas d'attaque russe,

05:21a non seulement résisté, mais a mis en échec Vladimir Poutine.

05:25Il faut dire les choses telles qu'elles sont, aujourd'hui la victoire qui se profile pour Poutine

05:30n'est pas une victoire militaire, c'est une victoire d'abord politique et diplomatique

05:35que lui tend le président Trump, qui lui-même va subir un échec diplomatique historique.

05:40Je referme la parenthèse, mais on voit bien qu'un peuple avec des dirigeants politiques

05:45et avec une volonté politique peuvent très bien mettre en échec,

05:51y compris les chiffres que Mathieu Hock vient de, non pas de nous asséner, mais de nous diffuser.

05:59Je veux dire par là que mes chiffres ne sont rien par rapport à la volonté politique

06:02et que ce qui manque dans l'Union Européenne, ce ne sont ni des moyens, ni des armements,

06:07ni des compétences militaires, c'est une unité politique autour des thèmes de la défense

06:12et c'est une volonté politique de bâtir une défense commune.

06:15Mais comment avoir une unité politique avec des gouvernements aussi différents dans l'Union Européenne ?

06:23Vous savez, nécessité fait loi souvent, Laurent Marquard-Laurence,

06:26et moi j'ai l'impression que nous sommes arrivés à un moment où la nécessité peut faire la loi.

06:31Et je reste optimiste sur l'idée qu'à un moment ou à un autre,

06:35l'Union Européenne, lâchée par les États-Unis, devra prendre son destin en main.

06:38Sinon, nous aurons le destin des villes italiennes du XVe siècle, de la Renaissance,

06:45qui ont vécu de manière très confortable pendant des décennies,

06:48mais qui ont été à la fois rasées, annexées, assiégées par toutes les grandes puissances de l'époque.

06:58Donc ce n'est pas le futur qu'on souhaite à l'Europe,

07:01et l'Europe doit absolument prendre son destin politique en main.

07:04Ça fait juste quelques décennies que des Européens sont vaincus, comme moi le disent,

07:08on y est.

07:08On y est, on est peut-être au pied du mur.

07:10Pas le choix d'une unité politique, même si ça me semble un peu utopique ou pas, Mathieu ?

07:14Alors, on voit quand même que, moi je serais d'accord avec une partie de ce qu'a dit Nicolas,

07:19et en désaccord sur une autre partie,

07:21quand il dit que le Président de la République a, notamment en 2017,

07:24lorsqu'Emmanuel Macron arrive, et qu'il formule le diagnostic sur la mort cérébrale de l'OTAN

07:28et sur le besoin d'une coopération accrue sur les sujets de défense au sein des pays européens,

07:34il avait vu juste, puisque aujourd'hui, les différents aléas politiques,

07:39et notamment la invasion russe en Ukraine, lui donnent raison dessus.

07:43Ensuite, après, là où je suis quand même en désaccord avec Nicolas,

07:45c'est que, je reprendrai une phrase de Bismarck,

07:48Bismarck disait, la diplomatie sans les armes, c'est comme la musique sans les instruments.

07:52C'est-à-dire qu'on peut décréter une position commune,

07:54mais si on n'a pas des moyens, notamment militaires, et des moyens matériels pour faire pression,

07:59alors on rentre dans le schéma que l'indiquait Donald Trump.

08:02Si on n'a pas les cartes pour faire plier quelqu'un comme Vladimir Poutine

08:05qui poursuit son propre agenda politique,

08:08alors on n'arrivera pas à le faire plier.

08:10C'est la loi du plus fort au-delà du droit international.

08:13Oui, moi j'entends toujours le droit international sur tous les sujets, même sur la Palestine.

08:16Il faut quand même rappeler que le principe onusien cardinal,

08:19c'est un monde ouestphalien, c'est le principe d'anarchie internationale,

08:22il n'y a pas de gouvernement mondial,

08:24il n'y a pas d'instance au-dessus des États pour imposer des prises de décisions.

08:28Donc c'est, malheureusement, mais on peut le constater,

08:32qu'aujourd'hui, personne ne peut imposer à Vladimir Poutine un changement de position.

08:39Pour forcer un changement de position de Vladimir Poutine en Ukraine,

08:43il y a deux manières de faire.

08:45Soit il faut l'inciter à changer sa position,

08:47c'est ce que Donald Trump souhaitait faire,

08:49notamment sur l'accord de répartition minière et énergétique au niveau de l'Ukraine.

08:56Ça n'a pas fonctionné parce que ce n'est pas suffisamment incitatif auprès de Vladimir Poutine.

09:00Soit c'est de le contraindre, et là de le contraindre par des sanctions économiques,

09:05par éventuellement des pressions militaires,

09:07mais pour le contraindre, encore faut-il avoir les instruments,

09:10comme disait Bismarck, pour pouvoir y parvenir.

09:12Or aujourd'hui, les pays européens seuls n'ont pas les instruments

09:15pour pouvoir parvenir à faire changer la position de Vladimir Poutine.

09:18C'est ça le vrai problème.

09:19Pour t'amener quand même sur la rencontre de demain entre Zelensky et Trump,

09:22qui va forcément être scruté de très près,

09:24Trump, comme vous le dites, assez critiqué, également aux Etats-Unis d'ailleurs,

09:28il ne peut pas se permettre une nouvelle scène d'humiliation, non ?

09:32Comment vous voyez cette rencontre sans être dans la tête de Trump,

09:34vu que ça peut être assez compliqué, Nicolas Corato ?

09:38Oui, vous avez raison.

09:40Donald Trump semble très intéressé par sa figure qui restera dans l'histoire,

09:45et notamment par exemple par l'obtention du prix Nobel.

09:47Simplement, pour l'instant, Trump est en train d'entrer dans l'histoire,

09:50comme celui qui aura lâché un peuple, le peuple ukrainien,

09:54qui s'est vaillamment battu pendant des mois contre un agresseur russe,

09:58et qui aura lâché en race campagne tout un peuple et tous les espoirs d'un peuple

10:02avec un gouvernement démocratiquement élu.

10:05C'est ça aujourd'hui le portrait d'autoportrait,

10:09qui est en train de laisser M. Trump de lui-même dans les poubelles de l'histoire,

10:14comme on disait à l'époque.

10:16Donc oui, M. Trump, demain, face à M. Zelensky,

10:20a un jeu très morbide à jouer,

10:23puisqu'on a bien compris que M. Trump était prêt à tout lâcher,

10:26et il va falloir qu'il explique qu'il n'en fait rien.

10:29Je pense que la communauté internationale regarde avec beaucoup d'attention cette rencontre,

10:35et n'est pas dupe du jeu que joue M. Trump.

10:39Vladimir Poutine regardera aussi, j'imagine, de très près cette rencontre.

10:42Mais bien sûr, et Donald Trump, lui, est prisonnier aussi de son électorat.

10:45C'est-à-dire qu'en fait, il doit montrer aux Américains

10:47qu'il agit et qu'il a agi pour la paix.

10:49Et ensuite, après, il va devoir mettre devant le fait accompli,

10:52en tout cas, prendre à témoin son opinion publique

10:54sur la capacité qu'il a eue, la tentative qu'il a eue à réaliser la paix.

10:59Et il expliquera que c'est Zelensky, les Européens,

11:02qui ont durci leur position, notamment mercredi dernier,

11:04en lui demandant d'obtenir un cessez-le-feu avant la négociation,

11:09que c'est ça qui a fait capoter le deal.

11:10Ça, je pense que ça va être le discours qu'il va pouvoir, entre guillemets,

11:14vendre aux Américains.

11:15Après, effectivement, je peux rejoindre ce que dit Nucula Corato,

11:17c'est pas forcément très glorieux comme manière de faire,

11:19mais en tout cas, c'est ce qu'il pourrait faire.

11:21Et puis, le deuxième point, je pense que c'est ça aussi le sujet,

11:24c'est, pour Donald Trump, c'est en fait de réfléchir

11:28à la situation post-guerre en Ukraine,

11:30considérant que soit il arrive à obtenir un deal avec Vladimir Poutine

11:36et les Européens ensuite, et les Ukrainiens s'en raccrocheront à ce deal-là,

11:40soit il ne parviendra pas à obtenir de deal,

11:43et donc la guerre continuera,

11:44et Poutine gagnera sa guerre avec la récupération effective

11:49des quatre oblastes qu'il a ciblées, etc.

11:52Et que donc, de fait, il faut organiser déjà,

11:54et penser déjà à l'après-conflit,

11:56et Donald Trump, dans l'après-conflit,

11:58il a deux sujets qui l'intéressent.

11:59Un, c'est un partenariat important économique avec la Russie

12:03pour pouvoir, on va dire, c'est son rêve,

12:06le désenclant, et c'est ce qu'a dit Nicolas,

12:07la désarimer de la Chine pour casser cet axe sino-russe.

12:12Et un deuxième sujet qui intéresse Donald Trump

12:14et qui intéresse les Etats-Unis en tant que tel,

12:15c'est le contrôle de l'Arctique,

12:17et l'ère d'influence américaine dans la zone arctique,

12:19avec la fonte des glaces,

12:21ce sont des routes commerciales qui sont importantes

12:23et qui vont être importantes entre l'Asie et l'Amérique.

12:25Il y aura peut-être un sujet aussi,

12:27après, de se partager entre la Russie et les Etats-Unis

12:30ce nouvel océan commercial.

12:32Voilà, à suivre.

12:34On en aura encore des choses à commenter avec vous.

12:37En tout cas, merci beaucoup Nicolas Corato.

12:39Merci.

12:40Merci, on se retrouve dimanche prochain.

12:42Et merci Mathieu.

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