00:00Sud Radio, le grand matin week-end, 7h10h, Laurence Garcia.
00:05Bienvenue à vous qui nous rejoignez sur Sud Radio, il est 7h23, on parle d'un journal, un journal local qui fait de la résistance, c'est le matin des Corbières.
00:13Bonjour Jean-Michel Mariou.
00:15Bonjour.
00:16Merci d'être avec nous ce matin, vous êtes journaliste et fondateur de ce titre.
00:20Alors c'est à la fois une association, un journal trimestriel sous forme papier ou numérique, c'est aussi un site internet pour développer,
00:27vous allez nous en parler, entre autres, votre village de La Grasse dans l'Aude.
00:31En quoi c'est un journal local, mais pas seulement ? Je parlais de journal de résistance, est-ce que ça vous va ?
00:36Oui, ça me va parfaitement.
00:39C'est un journal local d'abord parce que ça parle du bistrot qui change de patron, ça parle du quartier qu'on est en train de construire,
00:48mais c'est aussi un journal qui lève un peu la tête parce que ce qui nous entoure à nous, c'est un pays qui change profondément
00:56et pour prendre un seul exemple, il y a dans l'eau de trois députés, mais aujourd'hui c'est trois députés du Rassemblement national.
01:05Et ça nous semble devoir un peu se pencher sur cette question-là et réfléchir à l'avenir de ce pays.
01:13Après, il y a aussi un sentiment très paradoxal que j'ai ce matin quand je vous parle des Corbières et de La Grasse,
01:21c'est que ce pays pour lequel on a pensé ce projet de journal, pour l'illustrer, pour le défendre,
01:27ce pays en fait il n'existe plus aujourd'hui.
01:29Parce qu'il y a des villages qui sont là, qui ressemblent à peu près à ceux d'avant,
01:34mais le feu qui a ravagé ce coin à partir du 5 août,
01:41ce feu a détruit bien plus que 17 000 hectares, que des maisons, des vignes.
01:48Il a aussi ravagé un imaginaire partagé qui depuis des décennies tenait encore ce feuille debout.
01:55Alors c'est bizarre parce qu'on a créé ce journal pour défendre un pays
02:00et aujourd'hui on est obligé de se dire qu'on va faire ce journal pour aider à le reconstruire.
02:05J'imagine, vous avez été vous-même impacté là où vous êtes, du côté de La Grasse ?
02:12Le village est une des frontières du feu, c'est-à-dire qu'en gros La Grasse c'est dans un petit vallon
02:20qui est dominé par une barre rocheuse et la barre rocheuse a arrêté le feu,
02:25c'est-à-dire que toute la soirée on a vu les flammes immenses qui étaient au-dessus sur la garrigue
02:33et la barre rocheuse et les pompiers, qui ont été assez incroyables,
02:39ont réussi à faire en sorte que le feu n'est pas descendu dans le village.
02:42Mais après de l'autre côté, il y a le village de Ribaud qui est touché,
02:46enfin après c'est une catastrophe.
02:49Vous parliez de Jean-Michel Mario, d'un journal qui lève la tête.
02:54Le débat citoyen plus que jamais utile et nécessaire, ça répond aussi à ça, ce titre-là ?
03:00Est-ce que ça répond aussi à une demande de la part des villageois ?
03:03Oui, parce que la particularité du village de La Grasse, qui est un peu le cœur du journal,
03:11c'est qu'il y a une abbaye magnifique qui date du XIIIe au XVIIIe siècle.
03:17C'est une abbaye en plusieurs parties comme ça,
03:19et une des parties est occupée par une communauté religieuse traditionnaliste,
03:26très proche de l'extrême droite,
03:28qui est soutenue par des gens comme Bolloré, Mosterrin,
03:32comme tout cet écosystème-là maintenant,
03:36qui se développe et qui essaie de prendre des territoires.
03:42Et donc dans le village,
03:44il y a de plus en plus de gens qui s'interrogent sur qui sont ces gens.
03:49Bon évidemment, les familles rachètent des maisons,
03:51il y a un programme immobilier maintenant.
03:53C'est quelque chose qui pèse physiquement sur le village.
03:57Ce n'est pas simplement une question politique et intellectuelle.
04:02C'est tous les jours, on croit ces gens,
04:04qui essayent de peser sur la vie du village.
04:07Donc ça, ça a été aussi une demande.
04:10Les gens ne nous ont pas dit qu'il faut faire un journal,
04:11mais ils nous ont dit qu'est-ce qu'on fait.
04:14Et nous, on a dit qu'on va faire un journal.
04:16Et cette communauté s'appelle les chanoines de la mer Dieu.
04:19Et d'ailleurs, vous avez écrit une enquête,
04:21un livre qui s'appelle
04:22« À l'abbaye de la grâce entre masques et mensonges ».
04:25Du coup, comment se passe cette cohabitation, en fait, dans ce village-là ?
04:31Je ne vais pas vous dire que c'est très simple,
04:33mais il y a d'un côté une stratégie de communication des chanoines,
04:38qui est on se montre partout, on est très aimable,
04:40mais on ne ressemble pas du tout à la caricature qu'on fait de nous.
04:45Il y a un sens de la communication.
04:47C'est-à-dire, je parlais du feu, par exemple.
04:50Eux, dans la semaine du feu, ils ont fait de la com',
04:55c'est-à-dire dans Valeurs Actuelles,
04:57vous avez une page entière, une photo où on voit le feu
05:00derrière l'abbaye avec les chanoines qui regardent.
05:03C'est de la com' muette, comme ça.
05:05Ils ne disent pas « Nos prières ont arrêté le feu ».
05:08Ils produisent des images fortes, comme ça,
05:12et petit à petit, dans tous les médias qui les suivent,
05:18le Figaro, tout ça, ils ont une présence.
05:21Et nous, on court après, en gros.
05:23C'est ça qui n'est pas très agréable.
05:25Dernière petite question, Jean-Michel Mario.
05:28Le matin des Corbières, on l'a dit,
05:31journal aussi de proximité,
05:33on sait qu'il y a une totale défiance aussi envers les médias, etc.
05:36Vous croyez encore en l'influence de la presse papier de proximité ?
05:41Oui, enfin, nous, on a toutes les folies du monde.
05:44Aujourd'hui, l'ancien journal papier,
05:47mais c'est très rigolo à faire.
05:51Donc, on y va.
05:52Et puis, l'accueil est quand même très...
05:54Les gens sont surpris qu'on ait cette audace-là.
05:57Et surtout, ils sont très contents de retrouver sur du papier
06:03quelque chose qui reflète leur vie et leur lutte aussi.
06:08Donc, pour l'instant, tout va bien.
06:09Tout va bien.
06:10Bon, on le souhaite pour la suite.
06:12Merci beaucoup d'avoir été avec nous, Jean-Michel Mario.
06:15Merci le matin des Corbières, si vous voulez y jeter un coup d'œil.
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