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  • il y a 10 mois
Avant l’ouverture de nombreuses foires, une commission d’experts se réunit pour examiner la provenance et l’authenticité des œuvres exposées : un processus appelé le vetting. C’est le cas de la BRAFA, la foire d’art belge, qui fait appel notamment à The Art Loss Register. Cette base de données internationale dédiée aux œuvres d’art volées scrute le parcours de chaque pièce mise en vente.

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Transcription
00:00Alors que la foire d'art belge, la BRAFA, a fermé ses portes il y a quelques jours,
00:08je suis en compagnie de Charlotte Chambers-Farah, qui est Global Art Fair Manager et European
00:12Client Manager au sein de The Art Loss Register, une base de données d'oeuvres d'art volées
00:17qui participent à ce qu'on appelle le vetting de la foire, c'est-à-dire la vérification,
00:23la conformité et la traçabilité des objets.
00:26Merci beaucoup Charlotte Chambers d'être avec nous.
00:28Merci à vous.
00:29Alors tout d'abord, est-ce que vous pouvez nous raconter la création de The Art Loss
00:33Register, c'est vrai que c'est une base de données assez particulière.
00:36Oui, en effet, on a été créé en 1990 par un groupe d'assurances qui ont voulu centraliser
00:42dans une base les objets qu'ils avaient indemnisés.
00:45Depuis 1995, on est indépendant de ces assureurs et donc Art Loss, c'est un service de diligence.
00:52Donc on fournit ce service de diligence pour les acteurs du marché de l'art, que ce soit
00:56les maisons de vente, les foires, les marchands, mais également les musées et les forces de
01:01l'ordre avec qui nous travaillons de manière gratuite.
01:03Nos données sont donc des oeuvres qui sont volées, spoliées, pillées, mais pas tous
01:10les enregistrements sont négatifs.
01:12Donc on a aussi des enregistrements positifs, disons.
01:14Donc on va bien au-delà des problématiques de volées, de pillées, voilà, on opère
01:20vraiment sous ce thème de la diligence.
01:23Donc ça veut dire qu'il n'y a pas forcément, parce que j'ai vu qu'il y avait 700 000 objets
01:27qui sont présents sur cette base de données, ça ne veut pas forcément dire qu'il y a
01:29700 000 objets d'art qui sont perdus et volés sur cette planète.
01:33C'est ça, donc pas du tout.
01:34Il y en a quand même moins.
01:35Non, bien plus, bien plus, mais dans la base, en fait, on offre un service qu'on appelle
01:42des enregistrements positifs pour les copropriétaires d'oeuvres d'art, mais aussi pour les banques
01:46et pour les prêteurs d'art.
01:47Donc eux, ils peuvent enregistrer leurs intérêts de sécurité ou leurs intérêts de propriété.
01:53Pour s'assurer que quand l'objet apparaît à la vente au marché, c'est avec leurs accords.
01:58D'accord.
01:59Voilà, c'est vraiment sous ce thème de diligence.
02:02En tant que collectionneur aussi particulier, on peut mettre ces objets d'art dans la base
02:07de données ou c'est pas à destination ?
02:08Si on est copropriétaire, oui.
02:09D'accord.
02:10Parce qu'en effet, il y a une grande différence entre être copropriétaire, d'avoir l'objet
02:15chez soi et quelque part d'autre, et donc pour assurer la diligence, on peut l'enregistrer.
02:21Si jamais l'objet apparaît à la vente, on appelle l'autre partie et on s'assure qu'elles
02:26sont bien au courant, qu'ils ont leurs accords pour vendre l'objet.
02:30Et comment ça se passe au sein de la base de données ? J'imagine qu'il y a une manière
02:35de classer tous ces objets, comment ça s'organise au sein de la base de données ?
02:40Oui, c'est une très bonne question puisqu'en ce moment, on est justement en train de travailler
02:44ce thème de catégorie.
02:45Donc en fait, on a des équipes spécialisées, donc on a nos départements de montres, on
02:51a 5 à 9 coïncidences par jour, la semaine dernière, on en a eu 49.
02:55D'accord, donc c'est un département dédié aux montres, c'est parce que c'est l'objet
02:59qui se...
03:00Oui, voilà, parce que les vérifications sont complètement différentes puisque c'est
03:02le numéro de série, c'est un travail beaucoup plus dynamique et c'est des vérifications
03:07qui sont automatisées maintenant dans la base, donc on a un délai de 2 minutes pour
03:11les montres, alors que pour un tableau, c'est différent, il y a des questions d'attribution,
03:16il y a des questions de, est-ce que c'est le même objet dans la base ? On a des données
03:19qui sont plutôt historiques, donc des photos en noir et blanc, des enregistrements qui
03:24ne sont peut-être pas très clairs, et donc ça prend un certain temps pour faire ses
03:28recherches et s'assurer que c'est bien le même objet.
03:30Est-ce qu'il y a une typologie qui est surreprésentée dans cette base de données ? C'est vrai
03:38qu'on peut s'imaginer tout de suite un tableau, etc, mais est-ce que c'est vraiment un tableau
03:43d'art, de beaux-arts, qui est le plus représenté, qui est le plus volé ou qui manque le plus
03:48?
03:49Le plus volé, je dirais, ce sont les livres et les manuscrits, il y a énormément de
03:53vols dans les collections publiques, ce qui est nocif à l'intérêt général, donc c'est
03:59vrai que c'est un travail qu'on essaye d'entreprendre des enregistrements proactifs, donc grâce
04:05à ce financement du côté privé, on peut entreprendre des grands projets d'enregistrement
04:10pour justement disposer d'un service pertinent pour chaque marché, parce qu'en effet on
04:15travaille à l'échelle internationale, donc c'est important pour nous, pour chaque maison
04:18de vente dans chaque pays, que c'est un service qui est pertinent, parce qu'en fait c'est
04:23aussi une base de données qui n'est pas à mise à jour, qui ne sert pas à grand-chose.
04:26Et justement, est-ce qu'il y a des évolutions en lien avec les nouvelles œuvres d'art,
04:32peut-être des cartes de collection, des collections qui se développent de plus en plus vers des
04:41jeunes collectionneurs qui seraient plus intéressés par ce genre d'objet ? Est-ce que vous avez
04:45des nouvelles typologies que vous rentrez au fur et à mesure ?
04:47Oui, c'est une bonne question.
04:48En fait, comme on n'est pas sur le côté du marché, c'est vrai qu'on ne voit pas trop
04:52ce genre de... parce qu'on travaille vraiment avec les acteurs du marché de l'art, plus
04:55que les collectionneurs, mais c'est vrai que pour contourner, on a changé nos manières
05:01de travailler avec par exemple l'archéologie.
05:03C'est vrai que quand on a commencé en 1990, c'était une question de si c'est sur la base
05:08oui ou non, et après on mettait un certificat.
05:10Aujourd'hui, on sait très bien qu'un objet qui a été pillé d'une tombe, on n'était
05:16pas au courant que l'objet a été volé, et donc il n'y a pas un registre de ces objets.
05:20Donc on essaye de contourner ce problème par la provenance, assurer qu'un objet a la
05:24provenance correcte, mais on a aussi une autre base de données qui s'appelle CHARGE, qui
05:30s'appelle The Cultural Heritage at Risk Database, qui a été commencée par quelqu'un qui s'appelle
05:35William Korner, et c'est donc une manière proactive, en fait, c'est d'enregistrer les
05:41objets à péril, donc dans les pays à risque, on enregistre proactivement les objets qui
05:46sont dans les collections publiques, dans les musées, dans les bibliothèques, pour
05:50s'assurer que justement, si jamais cet objet réapparaît à la vente dans 5 ans, 10 ans,
05:54on peut dire que, disons en 2025, cet objet était censé être dans le musée à Kaboul,
06:00par exemple.
06:01Et donc on a eu plusieurs coïncidences en effet avec cette méthodologie, donc c'est
06:05une manière pour nous d'anticiper les problèmes.
06:09Et justement, j'imagine aussi tout un pendreau de travail destiné aux œuvres d'Ars Polié,
06:14ça a dû aussi être une nouveauté dans votre travail depuis 5-10 années.
06:18Oui, c'est une grande partie de notre travail, donc on a une équipe dédiée pour les œuvres
06:26Polié, donc pendant la période 33-45, et voilà, il y a des informations qui viennent
06:32tous les jours à la lumière, et c'est vrai qu'un objet qu'on a peut-être émis un certificat
06:36il y a 5 ans, c'est vrai qu'aujourd'hui notre positionnement aurait pu changer.
06:40Est-ce que vous avez l'impression que de plus en plus, enfin en tout cas que les personnes
06:45sont de plus en plus intéressées par ces questions, se tournent de plus en plus vers
06:49vous, est-ce que vous voyez un changement, une évolution de l'intérêt vers toute cette
06:53traçabilité, etc. depuis je ne sais pas combien de temps ?
06:56Carrément, et je le constate justement dans les foires, on voit qu'il y a 5 ans, 10 ans,
07:02sur les accompagnements, disons les blobs, je ne sais plus quel est le mot en français,
07:07juste à côté des tableaux, les cartels, on voit qu'il y a 5 ans, 10 ans, il n'y avait
07:13pas de mention d'une restitution, alors qu'aujourd'hui on voit ça qui est très clairement expliqué,
07:20et je pense que ça intéresse les collectionneurs de plus en plus de savoir l'histoire de l'objet.
07:25Et donc justement, on a parlé de vetting dans le sommaire de cette interview, le vetting
07:33c'est un mot anglais, très niche, pour parler de cette commission qui est réalisée pour
07:41vraiment assurer la traçabilité de chaque objet dans une foire, et vous participez notamment
07:44à cette commission au sein de la BRAFA, est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ça
07:49se passe cette commission ? Oui bien sûr, donc peut-être expliquer le
07:52vetting, le vetting c'est la période juste avant l'ouverture d'une foire, c'est un à
07:57deux jours où les experts et les forces de l'ordre et donc Arcla sont invités pour analyser
08:03la qualité, l'authenticité et donc le titre de propriété, et c'est là qu'Arcla intervient.
08:07Donc nous on commence nos vérifications en amont, donc entre six et quatre semaines
08:12avant l'ouverture de la foire, les marchands nous envoient leur liste, ça nous donne le
08:17temps de confronter ces objets à la base de données et de résoudre un problème qui
08:20aurait pu surgir, que ce soit un problème de provenance pour l'archéologie, chaque
08:25foire a des directives de vetting, donc on respecte ces directives quand on fait nos
08:30vérifications, donc commencer en avance, ça nous permet de résoudre un problème qui
08:36aurait pu se passer, mais aussi enlever l'objet de la foire, sauver aux marchands le coût
08:43de transport pour une pièce qui ne peut pas être exposée, et donc c'est de cette manière
08:48que la foire entreprend sa diligence pour elle-même au nom de ses marchands.
08:52Oui parce qu'on m'a dit qu'il y a des directives de la foire, par exemple la BRAFA qu'est-ce
08:56que c'est ? Donc il y a des directives de vetting, donc
08:59chaque foire a un document qui a des conditions assez...
09:03Plus ou moins strictes ? Plus ou moins strictes, c'est vraiment foire
09:08par foire, donc par exemple Frieze-Masters en Angleterre ont une directive de date de
09:14provenance 1970, qui correspond à la date d'UNESCO pour les pièces d'archéo.
09:18D'accord, donc ça veut dire qu'avant 1970 on ne va pas forcément aller chercher toute
09:22la traçabilité, mais à partir de 1970 on va considérer que...
09:25Frieze-Masters exige qu'une pièce ait la provenance avant la année 1970, qui est quand même assez
09:31stricte.
09:32Les autres foires ont des exigences qui diffèrent, mais nous on prend vraiment ce document pour...
09:40Oui comme ligne directrice.
09:42Qu'est-ce qui se passe si l'objet est incertain ? Parce que le galeriste va quand même venir
09:48sur la foire présenter d'autres objets, mais est-ce que ça vous arrive par exemple de
09:53considérer que cet objet est incertain, ça nuit quand même à la crédibilité de
09:57tout le galeriste ?
09:58Oui, donc c'est un travail très délicat, en effet le vetting.
10:02Donc il y a une période après le vetting qui s'appelle le « appeals period » où
10:07ça donne l'opportunité aux marchands de se défendre.
10:11D'accord.
10:12S'ils ne sont pas d'accord avec un avis d'un des experts, ils ont quelques heures il me
10:17semble de pouvoir se défendre et montrer le cas.
10:20Et après c'est la décision de la foire si cet objet peut rester.
10:24Et ça, ça vous arrive ou c'est quand même extrêmement rare ?
10:27Ben écoutez, moi ça m'arrive, mais de mon côté c'est plutôt noir et blanc, parce
10:32que si jamais un objet est dans la base, en effet il n'y a pas grand-chose...
10:36Oui vous êtes juste là pour se défendre.
10:38Vous apportez vraiment votre vision par rapport à la base de données, vous n'apportez pas
10:43un point de vue en fait, parce que soit c'est sur la base, soit c'est...
10:47Non, voilà, donc Artlass ne regarde pas les idées de qualité et d'authenticité, ça
10:54c'est pas notre domaine, c'est le domaine des experts qui sont invités pour le meeting.
10:57Nous c'est vraiment, bon après je dis l'authenticité, c'est vrai qu'on a un grand nombre d'enregistrements
11:02des forces de l'ordre, pour défaut, mais c'est vraiment une minorité.
11:06Nous quand on intervient dans des moments difficiles, c'est vrai que quand on estime qu'une pièce
11:11n'a pas assez de provenance, donc on estime qu'elle n'est pas à la hauteur des exigences
11:15de la foire, et c'est dans ces cas-là qu'en effet ça peut être compliqué, mais la décision
11:21ultime reste avec la foire.
11:23Nous c'est vraiment, on apporte ce service de diligence, on informe la foire le degré
11:28de risque ou pas, et c'est à elle de prendre la décision.
11:32Et il nous reste une dernière minute, est-ce que vous avez une histoire, je ne sais pas,
11:38quelque chose d'assez extraordinaire, une histoire positive qui s'est passée autour
11:41d'Osiris, c'est un objet qui a été retrouvé, peut-être longtemps après l'avoir cherché,
11:46j'imagine que vous en avez tous les jours, des belles histoires d'objets qui sont retrouvées.
11:50Oui, justement, c'est des histoires que j'espère peuvent donner un peu plus de confiance pour
11:56le marché, donc l'année dernière on a fait une restitution pour Chatsworth House,
12:00qui est une maison historique en Angleterre, qui s'était fait voler un tableau,
12:06et on l'a retrouvé l'année dernière sur le marché, 55 ans après la perte.
12:12Donc voilà, on espère que ce type d'histoires peut justement inciter les personnes à vérifier
12:18ces objets, mais également signaler leur perte.
12:21Si il n'y a pas de signalement, en tout cas, on ne peut pas le retrouver,
12:25enfin se punifier, c'est ça ! Donc appelez-moi !
12:28Formidable, merci beaucoup Charlotte Chambers-Farah, je rappelle que vous êtes Global Hardware
12:32Manager et European Clients Manager au sein de The Heartloss Register,
12:37et c'était Arrêt Marché, merci beaucoup de nous avoir suivis, à la semaine prochaine !
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