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Thomas Aubineau, vétérinaire : « Si la vache boite, il est déjà trop tard »
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il y a 1 an
Dermatite digitée
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00:00
Bonjour et bienvenue sur la SPACE TV par WebAgri.
00:03
Je suis en compagnie du docteur vétérinaire Thomas Aubineau.
00:07
Vous êtes vétérinaire-conseil OGDS de Bretagne,
00:11
le groupement de défense sanitaire.
00:13
On va parler d'une maladie qui pose problème
00:16
depuis une quinzaine d'années dans les élevages laitiers,
00:20
et aujourd'hui, un peu à l'étang.
00:22
C'est la dermatite digitée,
00:24
ou la maladie de l'hémorragie.
00:26
Je voudrais savoir où est-ce qu'on en est
00:29
au niveau de la recherche sur cette dermatite digitée,
00:32
parce qu'on voit de nombreux nouveaux produits qui sortent,
00:36
de nombreuses choses un peu dans tous les sens.
00:39
Mais comment ça se concrétise et où est-ce qu'on en est ?
00:42
J'ai l'impression que ça patine un peu sur la recherche.
00:45
Vous avez raison. C'est une maladie qui est apparue
00:48
dans les élevages laitiers.
00:50
C'est une maladie qui a été découverte
00:53
il y a une quinzaine d'années,
00:55
qui pose toujours beaucoup de problèmes aux éleveurs.
00:58
Il y a de multiples raisons à ça.
01:00
Aujourd'hui, on connaît encore plutôt mal l'origine de la maladie,
01:04
même si on a identifié une bactérie
01:06
qu'on retrouve quasi systématiquement dans cette maladie-là.
01:09
Mais d'autres ont aussi été retrouvées, d'autres bactéries.
01:12
On a l'impression que le cycle infectieux de cette maladie
01:15
est plus complexe que ce qu'on pensait au départ.
01:17
Ce qui fait que c'est très compliqué,
01:19
notamment de pouvoir développer facilement
01:21
des vaccins, par exemple, puisqu'on a une origine polymicrobienne.
01:24
Et puis, c'est ce qui fait aussi
01:26
qu'on connaît mal le cycle d'infection dans l'élevage
01:29
et savoir à quel endroit il faut cibler les moyens de traitement,
01:32
les moyens de lutte dans l'élevage.
01:35
Ce qu'on appelle le tréponème, la bactérie phare de ça,
01:39
elle n'est pas seule. Il y en a d'autres qui sont liées
01:42
et notamment qui sont fragilisées lorsque...
01:46
qui sont favorisées lorsque les onglons sont fragiles,
01:49
la peau entre les onglons est fragilisée par le milieu.
01:52
On s'est aperçus que sur les stades précoces de la maladie,
01:55
il y avait d'autres bactéries qui n'étaient pas présentes
01:57
sur une peau saine ou en très petite quantité
01:59
et qui sont beaucoup plus présentes sur ces pieds fragilisés
02:01
en début d'infection.
02:03
Ce sont des bactéries qu'on retrouve communément dans l'environnement
02:06
et qui sont liées à des milieux plutôt humides
02:08
et des milieux plutôt sales, des sols plutôt sales.
02:11
On retrouve un petit peu les conditions réunies
02:15
pour ce cocktail qu'est la dermatite.
02:18
Les facteurs de risque de développement de la maladie,
02:21
c'est des sols humides, des revêtements peut-être abrasifs ?
02:25
Des sols humides, oui.
02:27
Et donc, notamment en termes de système d'élevage,
02:30
on a beaucoup plus de problèmes en système lisier
02:32
qu'en système fumier, puisque la paille permet,
02:35
même si elle apporte du confort aux vaches,
02:37
permet aussi d'assécher le milieu et l'ambiance dans l'élevage
02:40
et le sol aussi.
02:42
Et puis, le degré de saleté du sol
02:45
et donc les qualités de raclage, les qualités des sols,
02:47
jouent là-dessus, puisque les germes,
02:49
que ce soit les germes qu'on retrouve sur des lésions débutantes
02:52
ou que ce soit les tréponèmes, on les retrouve dans les bouses.
02:55
Ces tréponèmes, on les retrouve dans la sphère digestive de la vache
02:59
et sont recyclés par les bouses.
03:01
On ne connaît pas bien la manière avec laquelle les vaches s'infectent
03:04
puisque ces tréponèmes survissent peu de temps dans l'environnement,
03:07
mais on sait que cette hygiène est fondamentale
03:09
dans la gestion de la maladie.
03:10
Ca passe par des raclages réguliers des couloirs, par exemple ?
03:13
Ca passe par des raclages réguliers, voire beaucoup plus que réguliers.
03:16
Aujourd'hui, on en est à conseiller dans des systèmes qui le permettent,
03:19
c'est-à-dire des racleurs au fil,
03:21
d'avoir un raclage toutes les 2 heures.
03:24
Le problème, c'est souvent que les éleveurs
03:26
s'aperçoivent un peu trop tardivement
03:28
que la maladie est déclenchée,
03:30
que la dermatite est installée une fois que la vache boite.
03:33
Et là, vous me disiez que c'est souvent trop tard
03:36
pour lutter vraiment à titre individuel sur cette maladie.
03:40
Oui, parce qu'effectivement, en dehors de l'humidité
03:43
et de la gestion de l'hygiène au quotidien,
03:45
il faut pouvoir détecter une vache très tôt.
03:47
Le problème de la dermatite, c'est que quand on détecte une vache
03:50
qui boite à cause de ça, il est déjà un peu tard.
03:52
Cette vache a déjà été contagieuse pour d'autres vaches
03:55
et éventuellement contaminée d'autres vaches
03:57
directement ou indirectement.
03:59
Il faut pouvoir la détecter le plus tôt possible
04:01
pour la traiter le plus tôt possible
04:03
pour pouvoir éviter ces contaminations-là.
04:05
Et le problème, c'est que les systèmes de détection
04:08
pour ces vaches-là, aujourd'hui,
04:10
les éleveurs ne sont pas très bien formés à ça.
04:12
Alors nous, on essaye, dans le cadre de nos interventions,
04:14
de les aider et de leur donner les outils pour les détecter au plus tôt.
04:17
Notamment, je pense à certains éléments de notation précises
04:20
au cornadis, au moment où les vaches mangent,
04:22
à des systèmes de détection en salle de traite
04:24
qui permettent de noter les vaches, de les enregistrer
04:26
et de les traiter au plus vite.
04:28
Mais comment on voit au cornadis qu'une vache,
04:30
elle va peut-être boiter dans les jours à venir ?
04:32
Alors, de manière non spécifique à la dermatite,
04:35
effectivement, il y a plusieurs signes.
04:37
La courbure du dos, est-ce que le dos est plat
04:39
ou est-ce que le dos est courbe ?
04:41
Le soulagement du pied, qui est un signe assez caractéristique,
04:43
mais qui va, effectivement, de la vache qui ne pose plus le pied,
04:46
donc là, cette vache-là, on la voit boiter,
04:48
mais ça peut être beaucoup plus subtil que ça.
04:50
C'est une légère rotation du pied, un pied qui est un peu déplacé
04:52
par rapport à son appui parallèle, perpendiculaire au sol.
04:55
Des petites choses, et donc, il y a des grilles de notation
04:57
qui permettent précisément d'évaluer ce risque-là.
04:59
Et ensuite, une vache qui boite ne veut pas dire dermatite.
05:03
Et donc, il faut aller soulever le pied pour vérifier de quoi il s'agit.
05:06
Et il peut s'agir de dermatite, mais de bien d'autres choses aussi.
05:10
Ça, c'est la base de soulever le pied, quoi ?
05:12
C'est la 1re des solutions curatives, on va dire ?
05:15
C'est la base. On va dire que dans 95 % des cas,
05:18
une vache qui boite n'a pas besoin d'un traitement antibiotique.
05:20
Elle aura juste besoin qu'on soulève le pied
05:22
et qu'on fasse un parage fonctionnel,
05:24
qu'on fasse un parage pour rétablir les aplombs.
05:26
Et ensuite, le traitement spécifique va dépendre de la maladie.
05:29
Donc la dermatite, c'est des traitements soit à base d'antibiotiques
05:32
soit à base d'autres produits qui, aujourd'hui, ont fait leur preuve,
05:35
avec éventuellement la mise en place d'un pansement
05:37
qui permet d'améliorer les chances de cassement.
05:39
Vous participez à la formation des éleveurs
05:41
pour identifier les types de boiteries,
05:43
apprendre à soulever un pied et à reconnaître ce qui se passe dessous ?
05:46
Nous, concrètement, on intervient de 2 manières différentes.
05:49
En intervenant individuellement en élevage, en conseil,
05:52
où c'est non seulement du conseil, mais de la formation indirecte
05:55
qu'on fait auprès des adhérents.
05:57
Et puis aussi en formation, puisqu'on forme les éleveurs
05:59
à la reconnaissance des lésions,
06:01
à expliquer quels sont les moyens de traitement
06:03
pour chacune des lésions.
06:05
On leur apporte quelques connaissances
06:07
sur les techniques de parage
06:09
qui sont insuffisantes pour pratiquer le parage au quotidien.
06:12
Il faut ensuite se former de manière plus profonde et plus longue
06:15
pour acquérir des techniques qui permettent de bien parer.
06:18
Et si on ne se sent pas capable, il y a aussi un métier de pareur
06:21
et faire voyer à des gens compétents.
06:23
Il faut bien travailler.
06:25
Quand il y a beaucoup de vaches dans un troupeau qui sont atteintes,
06:28
il faut passer à des solutions collectives.
06:30
Qu'est-ce que ça peut être ?
06:32
Effectivement. C'est ce que vous avez dit en introduction.
06:35
Beaucoup de produits sont vendus pour être utilisés en pédiluve,
06:38
pour être utilisés en sprayage sur des pâtes d'animaux atteints.
06:42
Il y a tout un tas de produits.
06:44
On nous demande sans cesse si tel produit est meilleur que tel autre.
06:47
Je pense que la solution n'est pas là.
06:49
Elle est dans l'huile de coude,
06:51
c'est-à-dire de l'eau, du savon, tout bêtement.
06:53
De l'eau, du savon pour laver.
06:55
On a des résultats qui sont quasiment équivalents avec de l'eau...
06:59
en comparaison à l'utilisation de certains produits désinfectants.
07:02
Certains produits sont nocifs pour l'environnement,
07:04
pour la santé des éleveurs.
07:06
Ils sont aussi nocifs pour les pâtes des vaches.
07:08
Au départ, un produit très agressif va tuer les bactéries,
07:11
mais il va aussi à long terme fragiliser la peau.
07:13
C'est très bon à court terme.
07:15
On voit un effet très fort sur le moment.
07:18
Mais un an après, les problèmes sont toujours les mêmes
07:20
parce qu'on n'a pas réussi à renforcer les défenses de la peau,
07:24
une barrière physique solide.
07:26
Pour laver à l'eau et au savon, ça passe par un pédiluve ?
07:29
Les lavages, souvent, on a besoin d'eau avec un peu de pression.
07:33
On voit des solutions commerciales qui se développent avec des bacs
07:36
qui permettent d'être en autonomie avec un système de karcher
07:39
et un bac dans lequel on met du savon liquide
07:41
qui permet de nettoyer avec une longue lance,
07:43
soit en salle de traite, soit au cornadis.
07:45
Et il y a des éleveurs qui ont développé leurs propres outils.
07:48
Ils prennent une bobine électrique de grands câbles DF.
07:51
Ils prennent un petit peu d'eau,
07:54
ils prennent un tuyau de karcher de 100 m,
07:59
ils branchent ça sur leur karcher dont le débit est réglable
08:02
parce qu'il ne faut pas un débit trop important.
08:04
Il ne faut pas plus de 6 bars, sinon on fait du mal aux pieds.
08:07
Et puis un karcher dans lequel on puisse incorporer un produit
08:10
avec une pompe doseuse.
08:11
Donc on voit des tas de systèmes.
08:13
Après, ce qu'il faut, c'est s'astreindre à le faire
08:16
très régulièrement et très fréquemment.
08:18
Les éleveurs chez qui ça marche, ils nettoient les pieds une fois par semaine.
08:21
Le lundi matin, ils font ça, ça leur prend une heure.
08:23
Tout le monde y passe et c'est efficace.
08:26
Et ça permet non seulement de prévenir la maladie,
08:29
mais ça permet de traiter certaines vaches
08:31
et ça permet aussi de repérer les vaches
08:33
qu'il faut faire passer dans la cage de parage.
08:35
Quel avis vous portez sur tout ce qui est complément alimentaire
08:39
pour lutter contre la dermatite ?
08:41
C'est des solutions qui peuvent porter leur fruit ?
08:44
Je ne veux pas trop m'avancer sur ce sujet
08:46
parce qu'on a très peu de connaissances fondées là-dessus.
08:49
Bien entendu, tout ce qu'on a dit auparavant est primordial.
08:52
Ce qui est alimentaire peut être secondaire,
08:54
même si ça peut avoir son importance.
08:56
C'est très important pour la santé des bovins.
08:58
Pour ce qui est de la dermatite, on a quelques études
09:01
où on montre qu'un apport enrichi en oligo-éléments et vitamines
09:05
permet de diminuer l'incidence de la maladie
09:08
et d'accélérer la guérison.
09:11
Ces résultats-là ne sont pas vraiment significatifs
09:13
d'un point de vue statistique,
09:15
mais on a l'impression qu'il y a une tendance qui semble assez logique.
09:18
Il y a du mieux quand on booste l'immunité.
09:20
Parfois, on se rend compte qu'il n'y a pas que la dermatite
09:23
qui fait boiter les vaches.
09:25
Je vous parlais d'intervention dans les élevages
09:28
qui sont adhérents chez nous.
09:30
On s'aperçoit que dans 80 % des cas,
09:32
quand on intervient chez des gens qui ont des problèmes de boiterie,
09:35
quand on leur pose la question de la dominante,
09:37
on nous répond, dans 80 % des cas, la dermatite.
09:40
Or, chez ces gens-là, quand derrière,
09:42
on fait un parage sur un échantillon finement choisi
09:45
de vaches de l'élevage, on se rend compte
09:47
que la dominante n'est pas la dermatite.
09:49
Si les éleveurs en parlent, c'est qu'elle est bien chez eux,
09:51
mais que la dominante n'est pas là,
09:53
c'est la fourbure ou le fourchet qui domine.
09:55
C'est important de savoir quelle est la dominante dans son élevage
09:58
parce que, derrière, mettre en place des traitements,
10:00
du temps à passer, l'achat de produits,
10:02
il faut que ça serve à quelque chose
10:04
et qu'on ait du... que ce soit rentable derrière.
10:06
C'est sûr que ça peut coûter cher.
10:08
Merci beaucoup, Thomas Aubineau.
10:10
Vous pouvez retrouver de nombreux articles sur les boiteries
10:13
en cliquant sur le tag Boiterie sur WebAgril.
10:16
Merci.
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