00:00Bonjour. Bienvenue sur le plateau télé de Ternet.
00:10Aujourd'hui, nous parlons éco-phyto.
00:12Éco-phyto 2018 n'a même pas été à son terme qu'il est déjà remplacé par une deuxième version.
00:18Le premier plan de réduction des produits phytosanitaires, qui a démarré en 2010, n'a pas atteint ses objectifs.
00:24Bien au contraire, on peut dire qu'au niveau national, on parle d'une augmentation de l'utilisation des produits phytosanitaires.
00:31La profession semble s'accorder sur l'impossibilité de l'objectif à atteindre, qui était initialement prévu de 50%.
00:37Aujourd'hui, pour parler éco-phyto deuxième version, nous recevons Bertrand Houmont, conseiller en agriculture intégrée à la Chambre d'agriculture de l'Eure,
00:45et également animateur d'un groupe défi.
00:48Éco-phyto 2, est-ce que c'est faisable techniquement ?
00:54J'ai envie de répondre qu'éco-phyto 2 est aussi faisable techniquement que ne l'était éco-phyto 1.
01:00Ce qui veut dire qu'il est question de voir si tous les acteurs vont se mettre en mouvement ou pas, plus que dans éco-phyto 1.
01:12C'est-à-dire qu'on n'a pas seulement un problème de connaissance ou de référence, mais aussi d'engagement de tous les acteurs du monde agricole.
01:21Donc éco-phyto 1, finalement, vous disiez que c'était faisable. Alors pourquoi un 2e plan ?
01:27Dans le faisable, il y a le faisable techniquement, le faisable au niveau agricole, au sens du terme, et le faisable au niveau de la Ferme France.
01:37Il y a différentes expériences, notamment en ferme, qui montrent que dans différentes filières, aussi bien de grande culture que de viticulture ou d'arboriculture, que des réductions fortes sont faisables.
01:49La vraie question, c'est la question de la généralisation des changements au sein de la Ferme France.
01:55Est-ce que cette nouvelle version du plan éco-phyto va dans le bon sens pour une généralisation des réussites ou est-ce qu'il aura plus de résultats ?
02:06Le constat notamment du rapport Potier est intéressant parce qu'il pointe du doigt des choses qui paraissent faire consensus.
02:16Ensuite, je crois qu'on peut quand même dire que l'initiateur, un des initiateurs de ce plan vient du Grenelle et c'était le ministre Barnier qui avait parlé de changement de paradigme.
02:28Et puis, l'étude éco-phyto R&D avait ensuite mis en avant le fait qu'on avait affaire à un système sociotechnique, ce qui, comme dans d'autres domaines d'activité,
02:38est simplement le fait qu'il y a un système d'acteurs qui ont chacun des rôles qui sont interdépendants les uns des autres.
02:47Aussi bien Barnier à l'époque que cette étude-là, Montes disait qu'il mettait en avant le fait qu'il fallait absolument, puisque c'est un changement de paradigme,
02:56qu'effectivement l'ensemble du système sociotechnique se mette en mouvement.
02:59Et il n'est pas forcément évident de penser que le plan éco-phyto II s'attaque vraiment à ce système sociotechnique.
03:07Donc ce que vous dites c'est que le problème ce n'est pas la faisabilité technique. On arrive à atteindre l'objectif de moins 50% ?
03:13Effectivement, l'étude éco-phyto R&D l'avait dit, l'état actuel des techniques permet très souvent d'atteindre le 20-25%, or on n'a même pas vu ce mouvement,
03:26voire dans certains cas d'aller au-delà.
03:29Ça veut dire qu'on n'a pas seulement un problème de connaissance ou de référence, mais de mise en mouvement, encore une fois, et pas seulement des acteurs agricoles, pas seulement des agriculteurs eux-mêmes.
03:41Pourtant tout le monde était d'accord sur l'objectif. Au Grenelle de l'environnement, tout le monde s'était mis autour de la table pour définir cet objectif.
03:48Bien sûr, il y avait la nuance du si possible, mais qu'est-ce qui manque ? C'est un manque de motivation, un manque d'implication ?
03:55Est-ce que ce sont les agriculteurs, les acteurs qui les conseillent ?
03:58Justement, je pense que le niveau de la barre n'est pas du tout indifférent.
04:03D'ailleurs, c'est ce qui avait fait un petit peu la différence au niveau de 2010 de cette étude éco-phyto R&D, c'est que prendre un niveau de réduction de 50%, ce n'est pas du tout neutre par rapport à un niveau de réduction de 20-25%.
04:18Et du coup, ça ne veut pas dire que ce n'est pas Athénia, mais ça veut dire qu'au niveau des changements de comportement de tout le monde, ça passe de l'enseignement à la recherche, au monde du conseil notamment,
04:29effectivement, on ne peut plus forcément exercer son activité professionnelle de la même façon pour un usage de moins de 50%, alors qu'à 20-25%, finalement, beaucoup d'acteurs pourraient encore jouer le même rôle.
04:42Donc ça, c'est important par rapport au niveau de la barre. Néanmoins, on peut dire que même le 20-25%, pour l'instant, on n'a pas les frémissements pour y aller.
04:50Donc c'est un manque de volonté, un manque de remise en question du processus actuel de conseil et d'action ?
04:59Oui, je crois que, notamment puisque ce groupe que j'accompagne est au sein du réseau des filles, on est en train de montrer que des fermes, et pas seulement des expés,
05:10puisque dans des filles, il y a des expérimentations à longue durée, et puis il y a des fermes qui font des références, il y a quand même dans les différentes filières des fermes qui sont plus proches du 50%,
05:20en tout cas de réduction que du 20-25%, et néanmoins, ça ne suffit pas à faire ce qu'on appelle la tâche d'huile.
05:26Ça veut dire que c'est pas comme ça que ça fonctionne, et il faut aussi, je pense, que les pouvoirs publics prennent en compte le fait que les changements profonds ne se font pas uniquement par effet de tâche d'huile.
05:37Donc c'est pas le manque de référence ?
05:41C'est pas du tout uniquement le manque de référence. On a multiples exemples. Par exemple, sur la culture du blé, il y a des références solidement établies depuis quasiment une génération sur la façon de conduire le blé différemment,
05:54et puis depuis 10 à 15 ans sur vraiment des expérimentations au champ par des organismes de développement, et un travail a été mené pour montrer que c'était quand même assez solidement établi,
06:05et que néanmoins l'adoption était très très faible, voire limite non décelable. Donc ça veut dire qu'il y a X exemples où le faisable existe, la démonstration même peut être faite, et néanmoins il n'y a pas d'adoption.
06:19Donc il faut peut-être s'attaquer à la façon d'adopter des changements de pratique, même si on continue à faire avancer la connaissance, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire avancer la connaissance.
06:28Donc c'est un manque de motivation des agriculteurs ?
06:31De l'ensemble, puisque les agriculteurs sont quand même une profession qui est quand même pas mal accompagnée, aussi bien par les prescripteurs des filières que par du conseil indépendant, ou aussi le monde de l'enseignement.
06:44Donc il y a des choses qui changent. Par exemple dans l'enseignement, beaucoup de modules de formation sont en train de changer.
06:48Mais donc il y a des pans du système sociotechnique où l'état notamment ne peut plus avoir la main sur les changements.
06:55Je pense qu'il faudrait vraiment reprendre l'esprit du Grenelle, c'était ça aussi.
06:59C'était que tous les acteurs étaient autour de la table, et bien pour faire vivre le plan éco-phyto, je pense qu'il est indéniable qu'il faudrait refaire des espèces d'états généraux, mais vraiment engageants.
07:08Et y compris la place de l'état, et le rôle de l'état doit changer, c'est-à-dire qu'il faut aussi que l'état prenne en compte qu'il fait partie du système, et qu'elle va être sa meilleure manière à lui d'intervenir.
07:19Et qu'est-ce que vous pensez ? Il faut fixer des objectifs plus contraignants ? Il faut fixer des objectifs de résultats plutôt que de moyens ?
07:25Je crois qu'il faut faire attention avec les objectifs de moyens, parce qu'en plus ils peuvent avoir tendance à mettre en avant certaines pratiques agricoles.
07:32Or le moins 50% ne sera pas à coût de recettes, il sera vraiment en impliquant les gens qui prennent les décisions d'actes techniques, que sont les agriculteurs.
07:42Donc on est beaucoup plus dans comment chacun va trouver ses réponses, avec un état de l'art actuel, et moins dans un système de copier-coller de recettes technique par technique existantes.
07:54Donc ça veut dire que c'est ça qui suscite un changement d'attitude de l'ensemble des gens qui travaillent avec les agriculteurs.
08:03Et vous pensez, avec Cofito 2, que si tout le monde finalement se met en action, quel pourcentage de réduction est-ce qu'on pourrait atteindre au niveau de la ferme France ?
08:13Je ne suis pas plus de 20 que d'autres gens, je ne suis pas multicasquette non plus, mais néanmoins, ça veut dire que le fait d'aller au-delà du 25 et d'être quelque part entre le 25 et le 50 est vraisemblablement atteignable.
08:27Et notamment parce que dans certaines filières qui sont consommatrices comme la viticulture ou comme les systèmes de culture assolée, finalement, ce qu'on appelle grande culture, mais je préfère parler des cultures assolées qui mettent aussi la polyculture élevage dedans,
08:40on a quand même aujourd'hui des choses assez fortes qui peuvent faire baisser rapidement et donc aller au-delà ensuite.
08:47Donc déjà, ce serait important que ce 20-25 soit atteint rapidement. Or, franchement, ce serait un 1er challenge pour ensuite embrayer la marche suivante et voir pour certains aller directement très bas.
08:58Et ce qui parle de défaut de compétitivité de la ferme France au sein de...
09:04Alors je crois qu'effectivement, il faut oser mettre tout sur la table et ne pas dire qu'il n'y a pas de conséquences.
09:10Et le changement de paradigme de Barnier, encore une fois, je pense que c'était important qu'un ministre soit à l'initiative et ose ce terme-là.
09:18Ça veut dire aussi qu'il faut sans doute se reposer des questions de fond sur la régulation des prix, sur le fait qu'aujourd'hui, les prix des denrées sont quand même surtout établis à partir des échanges mondiaux.
09:33Ces échanges mondiaux, selon les filières, ne représentent finalement que de l'ordre de quelques pourcents à de l'ordre de 10%.
09:39Ce qui fait qu'on ne peut pas évacuer la macroéconomie, effectivement, même quand on montre qu'en microéconomie, c'est-à-dire qu'à l'échelle de la ferme, les choses sont jouables,
09:48ce qu'on montre notamment avec le groupe que j'accompagne ou d'autres en France.
09:53Mais néanmoins, il faut effectivement ne pas faire l'autruche sur les considérations de type macroéconomique et notamment la place de la ferme France à l'économique.
10:02Alors aujourd'hui, dans un contexte de crise qui perdure, ce n'est pas forcément le moment de parler de ça. Néanmoins, on ne pourra pas l'occulter.
10:12Et d'ailleurs, je fais référence au rapport Potier qui a osé, dans son diagnostic, parler de cet état des lieux.
10:19Finalement, plutôt s'intéresser aux 90% de production nationale qui sont destinées aux marchés proches ?
10:25Il me semble qu'on ne pourra pas à l'échelle européenne, mais même à l'échelle mondiale, ne pas reparler du système alimentaire globalement,
10:32puisque le lien est forcément très fort entre le système alimentaire, entre les politiques nationales et internationales par rapport à l'alimentation et aux considérations de durabilité,
10:45qu'elles soient environnementales et sociales.
10:48Donc finalement, on semble se satisfaire du rythme auquel on avance ?
10:55On peut dire après qu'effectivement... Mais à ce moment-là, je crois simplement qu'il faudrait l'afficher.
11:00Je crois que le changement de paradigme était lié à un niveau de réduction forte de type moins 50 ou proche,
11:08alors que le niveau inférieur peut arranger beaucoup de monde, y compris les pouvoirs publics,
11:14à mesure où finalement, ça remet moins en cause le paradigme, comme le disait Barney à l'époque.
11:19Nous verrons où nous en serons en 2025.
11:22Tout à fait, avec intérêt.
11:24Merci monsieur.
11:25Merci.
11:26Retrouvez plus d'informations sur le plan éco-phyto, 1ère, 2ème version,
11:31et les pratiques d'agriculteurs favorables à la réduction d'utilisation des produits phytosanitaires, sur Ternet.fr.
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