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  • il y a 10 heures
Ce mardi 30 décembre, dans son édito, Mathieu Jolivet est revenu sur la question de savoir si l'Assemblée nationale serait plus efficace si elle comptait plus d'anciens chefs d'entreprise. Cette chronique est à voir ou écouter du lundi au vendredi dans Good Morning Business, présentée par Sandra Gandoin sur BFM Business.

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Transcription
00:00Avec cette question, ce matin, Mathieu Jolivet, l'Assemblée nationale serait-elle plus efficace si elle comptait plus d'anciens chefs d'entreprise ?
00:08Argument qui revient régulièrement dans les milieux économiques, qui fustigent un hémicycle trop politique.
00:13Pour vous, c'est le contraire. L'hémicycle n'est pas assez politique.
00:16Oui, vous savez, cette idée reçue très populaire, comme quoi les politiques sont déconnectées du réel, c'est un faux problème.
00:22La déconnexion actuelle vient justement de la disparition du politique, mais au sens noble du terme.
00:28La politique au sens d'ancrage local, la politique en tant qu'art du compromis, la politique en tant que connaissance des corps intermédiaires.
00:35Alors, imaginons ensemble un hémicycle de chefs d'entreprise.
00:38Pas compliqué pour ça, il suffit de regarder 2017, qui a été un véritable laboratoire grandeur nature.
00:43Rappelez-vous Emmanuel Macron qui a cassé tous les codes de la Ve République, jamais élu, pas de parti traditionnel, une campagne sans appareil politique.
00:51Définant tous les pronistiques, il accède à l'Elysée avec ce message implicite que la politique à l'ancienne s'est terminée.
00:57La place à la société civile et à l'expérience du privé.
01:00Et donc, dans la foulée de son élection, on a une vague de députés tout neufs qui vient redessiner l'hémicycle, avec un visage qu'on n'avait encore jamais connu.
01:07A l'époque, trois députés sur quatre étaient élus pour la première fois de leur vie en 2017.
01:12Un phénomène sans précédent.
01:14Le profil de ces nouveaux députés, justement des anciens chefs d'entreprise, des cadres, des professions libérales, des ingénieurs.
01:19Très peu d'élus locaux aguerris, avec une volonté assumée de s'affranchir des partis, se passer des syndicats, court-circuiter les corps intermédiaires.
01:28C'est exactement ce que demandent aujourd'hui certains chefs d'entreprise.
01:31Et quel enseignement, justement, on peut tirer de cette assemblée 2017 qui était inexpérimentée politiquement, Mathieu ?
01:37Eh bien, premier enseignement, c'est qu'être chef d'entreprise, c'est pas la même chose qu'être parlementaire.
01:42La politique, ça s'apprend sur le terrain. Il s'agit de construire un rapport de force, d'amender un texte, de résister à l'exécutif quand il le faut.
01:50Mais là, sur le premier mandat d'Emmanuel Macron, on a eu une majorité disciplinée, peu de contre-pouvoirs internes,
01:55d'où l'image de ces fameux députés Godillot, qui n'étaient pas qu'un simple cliché médiatique.
01:59Un autre point qui a peut-être affaibli le rôle des députés, Mathieu, c'est le non-cumul des mandats.
02:04Ça, c'est fondamental. Depuis 2017, un député ne peut pas cumuler une autre fonction exécutive locale.
02:09Il ne peut pas être maire ou président d'agglomération.
02:12Ça partait d'une bonne intention, mais la réalité, c'est que ces cumuls, ils permettaient aux débutés d'avoir un contact quotidien avec le terrain,
02:19des alertes qui remontent très tôt.
02:21Aujourd'hui, sans ces cumuls des mandats, on a des députés qui sont un peu plus hors sol.
02:25Les signaux faibles ne remontent plus.
02:27L'exemple le plus frappant étant celui des Gilets jaunes, l'explosion d'une colère que beaucoup d'élus locaux avaient vu venir,
02:33mais mal remonté au niveau national.
02:35Après son premier mandat, Emmanuel Macron en a tiré les leçons.
02:38Il a compris que les corps intermédiaires ne sont pas des freins, ce sont des capteurs.
02:42Il a compris que gouverner directement avec les Français, ça a ses limites.
02:46Il a compris aussi que les députés ont besoin de se reconnecter avec le terrain.
02:50Il est donc revenu aux concertations, à la réhabilitation des maires, au retour des grenelles, des conventions ou des dialogues territoriaux.
02:56Et puis, il y a eu la dissolution.
02:59Et on a une assemblée plus politique, pour le coup.
03:01Oui, des oppositions qui sont plus fortes, des débats plus durs, des textes beaucoup plus difficiles à le faire passer.
03:07On le voit dans ce psychodrame budgétaire qu'on traverse en ce moment.
03:10Le problème, c'est qu'on a remis de la politique à l'Assemblée, mais souvent sous forme de casting pour la prochaine présidentielle,
03:17et pas de travail de fond sur l'intérêt général.
03:21Mais on se trompe en pensant qu'un profil de chef d'entreprise résoudrait le problème,
03:25car on ne gouverne pas un pays comme on manage un comité de direction.
03:30Le défi aujourd'hui, ce n'est pas d'importer les méthodes de l'entreprise dans la démocratie,
03:34c'est plutôt de réapprendre l'art du compromis.
03:38Et là-dessus, je pense qu'il serait intéressant de regarder plus concrètement du côté du Portugal.
03:43Parce que les Portugais, ils ont réussi à le faire.
03:46Pas de gouvernement de coalition, mais un pacte parlementaire qui permet de trouver des compromis texte par texte.
03:53Et ça fait maintenant dix ans que le Portugal vote chaque année un budget à coût de compromis.
03:59Je reviens un tout petit peu sur ce que vous avez dit, parce qu'on a un petit peu tant l'opinion dans tout ça.
04:03Il en pense quoi, Mathieu ?
04:05C'est intéressant de voir ce qu'en pensent les Français,
04:08et quelles opinions ils ont de leur Assemblée, de leur députée très rapidement.
04:12En fait, quand vous regardez les études d'opinion, vous voyez des Français qui ont une approche très paradoxale.
04:17D'un côté, il y a depuis 2017 une défiance extrêmement forte vis-à-vis de l'hémicycle,
04:24vis-à-vis des représentants de ceux qui votent la loi.
04:28Et en même temps, ils demandent plus de représentation.
04:32Donc en fait, ils veulent être mieux représentés.
04:35Ils ne veulent pas plus de chefs d'entreprise dans l'hémicycle.
04:38Ils veulent des politiques qui captent mieux les signaux faibles du terrain,
04:44qui les représentent mieux dans l'hémicycle.
04:46Ils veulent une politique qui soit amenée plus intelligemment.
04:50Oui, qui réponde à leurs besoins.
04:51Merci beaucoup Mathieu Joliv.
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