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Entre croissance molle et recul du PIB et de l'investissement, la France se retrouve engluée dans une quasi-stagnation économique qui met à mal notre Etat-providence et fragilise notre cohésion sociale. Comment sortir de l'impasse malgré le climat politique et le pessimisme ambiant ? Qu'est ce qui cloche dans nos politiques publiques et surtout quelles sont les solutions pour relancer la machine et redevenir compétitifs sur la scène internationale ? Réponses avec le Prix Nobel d'Economie 2025, Philippe Aghion, invité spécial de Pourvu que ça dure. Année de Production :
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00:27Bonjour, nouveau numéro de Pourvu que c'est dur, l'émission qui rend l'éco-responsable sur Public Sénat.
00:32Aujourd'hui, on se demande comment la France peut sortir de cette croissance molle dans laquelle nous sommes englués,
00:36une quasi-stagnation économique qui met à mal notre État-providence et fragilise notre cohésion sociale.
00:43Alors c'est vrai que le climat politique a de quoi déprimer consommateurs et entreprises,
00:47mais des solutions existent pour sortir la France de l'ornière et de l'impasse.
00:50On en parle avec notre invité spécial, Philippe Aguillon, le prix Nobel d'économie 2025.
00:54Bonjour et merci d'être avec nous sur Public Sénat.
00:58On a 90% des Français qui estiment que notre pays est en déclin.
01:02Sondage Ipsos, est-ce que factuellement et économiquement, c'est correct ou est-ce que ce déclin, il est plutôt relatif ?
01:08Je pense qu'il est relatif. Je pense qu'il y a eu des bonnes choses.
01:12Je pense que c'est un pays qui a quand même vu beaucoup de créations d'entreprises depuis dix ans.
01:18C'est un pays qui est devenu attractif pour les investissements étrangers.
01:22C'est un pays qui attire beaucoup les cerveaux.
01:24C'est un pays qui a des ressources en mathématicien, en ingénieur, en informaticien, vraiment formidable.
01:35Donc, c'est un pays qui a de quoi attirer les cerveaux et qui technologiquement est très avancé dans beaucoup de domaines.
01:42En aéronautique, en nucléaire, on a une série de domaines où on est encore très, très bon.
01:48Et quand on regarde le PIB par habitant, la croissance et la richesse par habitant, on décroche face à la Chine, face aux États-Unis.
01:56Il est là, le déclin ?
01:57Alors absolument, on a un décrochage par rapport à la Chine et aux États-Unis.
02:01Ce n'est pas juste la France, c'est l'Europe, l'Union européenne.
02:03Et l'Europe dans la France ?
02:05Enfin, je veux dire, en Europe, la France décroche encore plus.
02:07Et la France aussi un peu en Europe, il faut le dire.
02:09Alors pourquoi d'abord l'Europe face à la Chine et aux États-Unis ?
02:13Parce que depuis, on rattrapait, l'Europe rattrapait le PIB par tête américain, le produit intérieur brut par habitant américain de 1945 à 1985 à peu près, par le rattrapage.
02:27On a reconstitué nos stocks de capital, on a imité des technologies inventées aux États-Unis.
02:33Mais ce qui se passe, c'est qu'on n'arrive pas à être une économie pleinement innovante.
02:39On n'arrive pas à innover suffisamment.
02:41Il y a des exceptions, vous allez nous montrer.
02:43Mais dans le high-tech et dans l'innovation de rupture, on pourrait faire davantage.
02:47Et ça, c'est vrai pour l'Europe dans son ensemble.
02:49On n'a pas l'écosystème qui favorise l'innovation de rupture.
02:52Les Américains ont fait la transition vers le high-tech innovation de rupture.
02:55Nous, on est restés dans le mid-tech, les automobiles thermiques, les machines à laver, tout ça.
03:01On est très bon, mais on n'est pas suffisamment bon dans les high-tech.
03:05Le drame de la France, Philippe Aguillon, c'est d'avoir une croissance trop lente.
03:09Si on avait une croissance à l'américaine depuis la fin du Covid, on n'aurait quasiment plus de problèmes de déficit public.
03:16Oui, alors notre gros problème, c'est que nous avons un PIB par habitant, un produit intérieur brut par habitant trop petit par rapport même à nos voisins européens.
03:24Alors, il y a deux sources pour augmenter notre PIB par habitant.
03:29La première, c'est que le taux d'emploi des jeunes est trop faible.
03:33Et ça, c'est parce qu'on a des systèmes de formation qui ne sont pas encore ce qu'ils devraient être.
03:37Et puis, le taux d'emploi des seniors est trop faible.
03:39Les entreprises font un usage abusif des ruptures conventionnelles pour se débarrasser dès l'âge de 50 ans d'employés dont ils ne veulent plus.
03:46Et comment on les sanctionne ?
03:48Eh bien, je ne sais pas. Il faut des malus. À mon avis, les entreprises qui recourent de manière abusive, c'est d'abord, il faut rendre plus difficiles les ruptures conventionnelles.
03:56Et puis, à mon avis, il faut pénaliser les entreprises qui ont un recours excessif aux ruptures conventionnelles pour se débarrasser des gens au-dessus de 50 ans dont elles ne veulent pas.
04:05Quoi qu'il en soit, il faut travailler plus. Sauf que les Français, on le sait, sont réticents, Philippe Aguillon, à y aller travailler plus. On l'a vu dans les débats.
04:11Oui, parce qu'il y a une mauvaise culture au travail. Je veux dire pourquoi. Parce que les gens sont malheureux au travail.
04:16Parce que vous vous êtes positionnés en faveur de la suspension de la réforme des retraites. Ça m'a surpris.
04:19Non, non, je vais vous expliquer pourquoi. Je suis sur le fond pour qu'on travaille plus longtemps.
04:25Je suis, je vous ai expliqué que le taux d'emploi est trop bas chez nous.
04:29Et donc, il va falloir une grande réforme des retraites. Mais les gens en France, ça bloque sur l'âge.
04:35Voilà. Il y a un blocage sur l'âge. C'est pour ça que le système à points et, à mon avis, les annuités, il est ce qu'on voulait.
04:41Mais ça passera plus facilement. Alors, ça pose des problèmes également.
04:44On se souvient qu'au moment de la discussion de la réforme à points, il y a le problème des primes, des enseignants.
04:51Donc, il y a une série de problèmes à résoudre. Mais je pense que c'est la voie la plus prometteuse.
04:56Ou par annuité ou par points. Je pense que c'est une manière plus prometteuse.
05:00Ça prendra un peu de temps. C'est pour ça que j'ai dit on stoppe l'horloge pour le moment.
05:03On se donne jusqu'à 2027 pour mettre au point la réforme, pour justement que la réforme à points soit prête.
05:10Et puis, on propose une bonne réforme des retraites à points en 2027.
05:14Pourquoi j'ai proposé la suspension de l'horloge ? De l'horloge.
05:16Parce que si on ne le faisait pas, il y avait à nouveau une censure.
05:22Et une autre censure aurait eu un coût politique très, très élevé.
05:25Quand je dis coût politique, ça veut dire que ça aurait eu qu'immédiatement,
05:29la France serait aperçue comme un pays totalement instable politiquement.
05:33On aurait été sanctionné encore davantage par les agences de notation.
05:36et les taux d'intérêt auraient continué à augmenter et la bourse aurait continué à plonger.
05:43Philippe Aguillon, votre prix Nobel vous a été attribué parce que vous avez mis en évidence
05:46le rôle central de l'entreprise et de l'innovation et de l'entreprise dans le processus de croissance.
05:52Mais ça veut dire que la politique pro-entreprise d'Emmanuel Macron aurait dû donner des résultats.
05:57C'est ce qu'on mène en France depuis 2017.
06:00Sur le chômage, elle a donné des résultats sur le taux de chômage.
06:02Oui, absolument.
06:03Et sur le reste, sur la croissance, les déficits, le taux de pauvreté, les résultats sont discutables.
06:08Alors, on va revenir là-dessus.
06:09Donc d'abord, il faut faire remonter la politique, ce qu'on appelle le tournant de l'offre, à 2014.
06:14Il y a le CICE, le Crédit Impôt Compétitivité.
06:18Il y a le Pacte de Responsabilité, l'Emploi.
06:21Le Pacte de Responsabilité.
06:23Il y a les lois Macron, il y a les lois El Khomri.
06:25C'est tout cet ensemble-là qui fait partie de ce qu'on appelle le tournant de l'offre.
06:29Ça commence sous Hollande en 2014.
06:31Le soutien aux entreprises.
06:33Voilà.
06:33Donc, c'est-à-dire qu'on crée un environnement qui est plus favorable à l'innovation, à l'investissement et à l'emploi.
06:40Et c'est ça qui a fait baisser le chômage.
06:42Et donc, après, il y a eu, quand Macron est devenu président de la République, on a complété ça avec la flat tax.
06:50D'accord ?
06:51On s'est aligné sur la fiscalité.
06:52Parlement, en fait, l'air unique sur le capital de 30%.
06:54Voilà.
06:54Qui est ce qu'on pratique, même dans les pays scandinaves, qui sont des pays très redistributifs.
07:00Et puis, il y a eu les lois Pénicaud et il y a eu la formation professionnelle.
07:05Tout cet ensemble-là.
07:06Et la baisse de l'impôt sur les sociétés aussi.
07:07Et la baisse de l'impôt sur les sociétés pour aligner à nouveau sur les autres pays.
07:10Et un peu une baisse partielle des impôts de production.
07:12Je pense que tout ça a contribué à faire baisser le chômage,
07:16a fait qu'il y a eu un taux de création de nouvelles entreprises comme jamais avant.
07:19Et que la France est redevenue un pays très attractif pour les investisseurs étrangers.
07:22On n'a pas gagné en croissance.
07:23On a gagné en attractivité et on a gagné en baisse d'emploi.
07:27Alors, c'est vrai que ces choses-là doivent être sur le long terme.
07:30Et la dette était en train de baisser avant le Covid.
07:33Alors, après, il y a eu le Covid.
07:34Et effectivement, le Covid a interrompu.
07:36Et le problème du quoi qu'il en coûte ?
07:38Et le problème du quoi qu'il en coûte, c'est qu'il fallait le faire sur le moment même.
07:41Mais on l'a prolongé trop longtemps.
07:43On l'a prolongé jusqu'en 2022.
07:45Alors, à mon avis, pourquoi ?
07:46Parce qu'il y avait des élections en 2022, je pense.
07:49Et aucun parti politique en France n'osait proposer la fin du quoi qu'il en coûte.
07:53Donc, je veux dire, la responsabilité, elle est collective.
07:55À l'Assemblée nationale, il n'y a pas un seul parti qui a proposé de mettre un terme.
08:00On aurait dû le stopper en 2021.
08:01On l'a stoppé en 2022.
08:03Et ça, ça nous a coûté très cher.
08:05Mais ça, il faut reconnaître qu'aucun parti politique en France n'a proposé la fin de mettre un terme au quoi qu'il en coûte dès 2021, ce que nous aurions dû faire.
08:14Philippe Aguillon, vous avez reçu ce prix Nobel d'économie.
08:17Oui.
08:17Alors que les députés et de plus en plus de Français veulent détricoter justement cette politique de soutien aux entreprises.
08:23Est-ce paradoxal et est-ce une erreur ?
08:26Je pense que c'est une erreur parce que je pense qu'on ne peut pas redistribuer ce qu'on ne produit pas.
08:31Voilà.
08:32Donc, je pense que je suis assez social-démocrate.
08:36Je m'entendrais très bien avec un gauliste social.
08:39Je pense que l'idée, c'est qu'il faut être social.
08:42Il faut être redistributif.
08:44La France, d'ailleurs, est un des pays les plus redistributifs au monde.
08:46Vous savez quand même que le ratio entre les 10 % qui gagnent le plus et les 10 % qui gagnent le moins est de 1 à 18 avant impôts et 1 à 3 après impôts.
08:55Donc, on est un pays déjà très redistributif.
08:58Mais si trop d'impôts tue l'impôt, comme chacun dit.
09:02C'est-à-dire, si on met trop d'imposition, on décourage l'entreprise, on décourage l'innovation.
09:06Et moi, j'ai à cœur qu'on puisse redistribuer.
09:09Si on met un impôt trop grand, eh bien, plus personne ne produit et il n'y a pas de richesse à redistribuer.
09:14Alors maintenant, c'est vrai qu'il y a un souci, que tout le monde paye l'impôt.
09:18Et c'est vrai qu'il y a la question des niches.
09:21Il y a certaines niches, comme la niche du treil sur les successions.
09:24C'est très bien qu'on permette aux personnes de transmettre leur entreprise.
09:28D'abord, ça pérennise l'emploi.
09:30C'est une très bonne chose.
09:31Mais il y a certains qui font un usage abusif de cette niche du treil.
09:35De la même manière, vous avez les holdings patrimoniales.
09:38Eh bien, il y en a certains qui font un usage abusif de holdings patrimoniales.
09:41Ils achètent des avions personnels ou des chalets avec la niche patrimoniale et ils échappent un peu à la peau.
09:47Il faut y mettre un terme.
09:48En tout cas, il faut mettre à plat.
09:49Malgré tout ce qui a été fait pour les entreprises, on a aujourd'hui, cette année, on aura 0,7% de croissance en France.
09:56Oui.
09:57Donc, on ne voit pas le surplus de croissance.
09:59Mais parce qu'en ce moment, les entreprises…
10:00Ils nous manquent encore une fois pour financer notre modèle social.
10:04Oui, mais ce n'est pas automatique.
10:06Donc, d'abord, les entreprises ont créé le chômage abaissé.
10:09Donc, il y a eu des créations d'emplois.
10:10Maintenant, elles sont dans l'expectative parce qu'elles font face à une incertitude.
10:14Les entreprises, quand elles font face à une incertitude fiscale, elles attendent.
10:19Et donc, là, en ce moment, ce qui se passe, c'est que chaque jour, il y a de nouveaux impôts qui sont votés.
10:22Nous ne sommes pas très bons en innovation technologique, sauf l'exemple que vous allez nous montrer.
10:27Mais on est très bons en innovation fiscale.
10:30Et quand les entreprises savent que d'un jour à l'autre, quelque chose de nouveau peut nous tomber sur la tête,
10:35par exemple, les pays scandinaves qui sont très redistributifs,
10:38c'est les pays socialement les plus avancés au monde,
10:40eh bien, vous avez des alternances entre gouvernements sociodémocrates et gouvernements libéraux.
10:46D'accord ?
10:47Eh bien, le système fiscal ne change pratiquement pas.
10:49En Suède, il y a une grande stabilité fiscale.
10:52Ça, ça aide à l'innovation.
10:54Parce que sinon, vous vous dites, je suis dans un environnement où je fais face à un grand risque fiscal.
10:58Si je pense que la taxe Zuckman peut me tomber dessus du jour au lendemain,
11:02mais je vais surtout éviter d'investir, évidemment.
11:04Parce que je me dis, qu'est-ce qui va me tomber dessus demain ?
11:07Donc, voilà.
11:07Je crois que le gros problème, c'est l'incertitude.
11:11Et il faut mettre un terme à l'incertitude fiscale.
11:14Vous dites que la France est attractive.
11:15Mais quand j'entends le patron de Michelin,
11:17qui nous dit que les coûts de production en France ne sont plus compétitifs,
11:21qu'il parle d'un coût du travail déraisonnable et prohibitif.
11:24Donc, on a toujours un problème de coût du travail en France.
11:26Mais il y a ce problème qu'il y a beaucoup de charges qui pèsent sur les entreprises.
11:30Pas sur les bas salaires.
11:31Pas sur les bas salaires.
11:31Mais pas sur les bas salaires, mais sur le salaire un peu plus élevé.
11:34Et donc, là, il y a peut-être quelque chose à faire.
11:35Mais ce sont des cotisations qui financent le modèle social français.
11:38Mais peut-être qu'il faut veiller, voir si on ne peut pas le financer en partie autrement.
11:43Donc, ça, il y aura une mise à plat à faire également là.
11:45Mais c'est vrai qu'il y a un problème de compétitivité.
11:47Alors, on ne va jamais atteindre, il n'est pas question d'atteindre les coûts de production asiatiques.
11:52Mais il faut essayer d'aller vers le haut de gamme et d'innover davantage et d'aller vers le haut de gamme.
11:56Donc, il faut aider, par exemple, l'intelligence artificielle.
11:58On a la chance d'avoir des licornes potentielles comme Mistral.
12:03Et bien surtout, ne décorangeons pas les nouvelles licornes.
12:05Parce que nous, on n'arrivera jamais à faire aussi bien que les Asiatiques en termes de baisse de coût de production.
12:10Mais là où on peut faire mieux, c'est d'avoir du haut de gamme, comme font les Allemands ou d'autres pays européens.
12:14Justement, Philippe Aguillon, on va parler ensemble d'innovation dans un instant, qui est source de croissance pour l'avenir.
12:19Voici, regardez un exemple d'innovation française avec ce robot high-tech qui traque les fuites d'eau dans nos canalisations.
12:25Manuel Lègue.
12:26En France, sous nos pieds, un million de kilomètres de canalisation d'eau potable.
12:31Un réseau vital, pourtant en crise.
12:34Alors que la pénurie d'eau menace et que l'utilisation raisonnée devient une nécessité,
12:39plus de 20% de l'eau potable en France disparaît avant d'arriver au robinet.
12:43Soit un milliard de mètres cubes chaque année, faute de conduite, en bon état.
12:48Alors comment réparer ces réseaux, souvent centenaires, et préserver nos ressources ?
12:53Du côté d'Aix-en-Provence, une petite entreprise a réalisé une grande avancée.
12:59Je les replie ?
13:00Ouais, c'est bon, tu peux les replier, ça va, c'est nickel.
13:03Aqua Robotics a mis au point un robot made in France ultra-intelligent,
13:07capable de s'infiltrer dans nos canalisations pour les inspecter.
13:11Il va prendre appui sur la canalisation avec ces parties-là qu'on appelle les bras.
13:15Et ici, il a des vérins qui lui permettent de s'allonger comme une chenille.
13:19Et avec ça, il va passer les coudes, il va passer des obstacles, il va passer des vannes.
13:24Six ans d'études pour arriver à ce bijou de technologie capable de parcourir de façon autonome
13:302 à 3 kilomètres par jour dans les canalisations,
13:33sans avoir à couper la distribution d'eau pour les habitants.
13:36Face avant, c'est une caméra haute définition
13:38qui nous permet de prendre jusqu'à 600 photos sur 100 mètres.
13:42Le robot localise les anomalies avec une précision extrême
13:46et les collectivités n'ont plus qu'à intervenir de façon très ciblée.
13:51C'est fluide, c'est fluide. Chapeau.
13:55Ce robot coûte entre 30 000 et 40 000 euros.
13:5970% c'est du made in France.
14:01Par contre, si on regarde ce qui a une vraie valeur
14:03et qui représente le gros de nos investissements,
14:06à savoir la matière grise, c'est de la masse salariale France.
14:0912 millions d'euros ont déjà été investis dans le recrutement d'ingénieurs français.
14:13Et ce n'est pas fini, car Jean-François veut doter son robot de capacités inédites
14:18et lui permettre de réparer seuls les fuites depuis l'intérieur des canalisations.
14:23Aujourd'hui, 35 pays s'intéressent à ce bijou de technologie
14:26pour réduire le gaspillage d'eau sur leur territoire.
14:31Philippe Aguillon, des bijoux comme ça, de technologie, comme ce robot.
14:34C'est formidable.
14:35Pour traquer les fluides d'eau, il en faudrait beaucoup plus.
14:38Il en faudrait beaucoup plus.
14:39Vous savez qu'il y a ce qu'on appelle les licornes high-tech,
14:42les entreprises très prometteuses.
14:44En Europe, vous en avez 145.
14:46Aux États-Unis, vous en avez 800.
14:48Et pourtant, l'Europe est un marché plus grand que le marché américain.
14:52Et en Chine, je reviens de Chine, j'étais en Chine la semaine dernière,
14:55c'est extraordinaire.
14:56Ils sont en plein dans l'innovation.
14:59Et quand vous leur parlez de taxes,
15:02de toutes les taxes qu'on est en train de discuter à l'Assemblée nationale,
15:05ils vous rayonnaient, les Chinois.
15:07Ils vous rayonnaient, mais qu'est-ce que vous êtes d'un pays de fou ?
15:09Il n'y a qu'en France qu'on discute de ça.
15:11Il y a une niche qui favorise l'innovation,
15:12c'est le crédit d'impôt recherche.
15:13Oui, mais elle est mal utilisée.
15:14Elle qui aide les entreprises qui investissent dans l'innovation.
15:17Niche fiscale qui coûte cher, 7 milliards d'euros.
15:19Oui, elle est mal ciblée.
15:21Est-ce que ça marche ?
15:22Ça ne marche pas.
15:23Il faut la toilette.
15:24Ça ne marche pas.
15:25Alors ?
15:25Il n'y a aucune évaluation qui vous donne un effet positif sur l'innovation du crédit
15:28d'impôt recherche.
15:29Il y a eu différentes évaluations.
15:31Aucune vous dit, vous démontre un effet sur l'innovation.
15:32Donc, c'est 7 milliards d'euros, plouf.
15:35C'est 7 milliards d'euros qu'il faut mettre à plat.
15:36Je ne dis pas qu'il faut supprimer le crédit d'impôt recherche.
15:38Il faut le cibler.
15:40Et il faut le cibler vers le high-tech et vers l'innovation de rupture.
15:43Voilà.
15:43Alors, il y a peut-être des manières de cibler.
15:45Par exemple, quelque chose qui en France a très bien marché, c'est les laboratoires
15:48d'excellence.
15:49Vous savez que sous Sarkozy, pour qui je n'ai jamais voté, mais sous Sarkozy, il y avait
15:53eu le grand emprunt.
15:54Et le grand emprunt avait financé des laboratoires d'excellence.
15:58C'est-à-dire des jurys internationaux sélectionnent des laboratoires de recherche ou des projets
16:02de regroupement de laboratoires de recherche.
16:05Et voilà.
16:05Et c'est ce qu'on appelle les laboratoires d'excellence.
16:07Eh bien, une étude par mon ami Antonin Bergeau, qui est pris du meilleur jeune économiste
16:11cette année avec des co-auteurs, ont montré que partout là où il y a des laboratoires
16:16d'excellence, ça a dopé l'innovation de rupture dans les industries qui est proche
16:21technologiquement et géographiquement des LABEX, des laboratoires d'excellence.
16:24Donc, voilà quelque chose qui a vraiment marché.
16:26Donc, je pense qu'il faut cibler.
16:28Il faut mettre plus d'argent, il faut moins saufoudrer.
16:31Il faut cibler.
16:31Et maintenant, ce n'est pas le rôle de la science publique de déterminer quels seront
16:33les champions de demain.
16:34Non, vous n'émergnez pas quels sont les champions de demain, mais vous donnez des missions.
16:37Vous dites une agence, vous agencisez, vous dites voilà, il y a une mission.
16:39Eh bien, vous dites voilà, vous êtes en charge de doper, par exemple, les DARPA, les
16:44Defense Advanced Project Agency aux États-Unis.
16:48C'est des agences, c'est des agences qui ont été dans certains domaines comme la
16:52défense, comme l'énergie, comme l'infrastructure ou les biotech.
16:55Ils ont créé des agences et ils disent il y a certaines missions technologiques à remplir.
17:00Et eh bien, on va vous donner de l'argent.
17:03Il y aura des chefs d'équipe qui viennent du milieu académique ou du milieu industriel
17:06pour des périodes de 3 à 5 ans. Et ces chefs d'équipe ont mission pour fonction de
17:12susciter des projets concurrents pour remplir une mission donnée, mettre un homme dans l'espace
17:17dans les deux ans avec la DARPA dans les années 50, produire les vaccins ARN messager en masse
17:22avec la BARDA, l'équivalent biologique de la DARPA.
17:25Et ça, voilà un vecteur, voilà une façon de vraiment de pousser l'innovation de rupture.
17:32Philippe Aguillon, sur l'IA, l'intelligence artificielle, sur le cloud, sur les semi-conducteurs,
17:37on est tellement en retard.
17:39Ben écoutez, il faut rattraper le retard.
17:42C'est pour ça qu'il faut…
17:42On peut le rattraper ?
17:43Eh bien, moi je pense que oui, parce que vous savez, l'intelligence artificielle,
17:46ça repose sur des données et de la puissance de calcul.
17:48Des données, on en a des formes. Il n'y a rien que dans le domaine de la santé.
17:51On a d'excellentes données.
17:52Mais les Américains investissent des tombereaux de centaines, de milliards de dollars.
17:55Oui, mais on peut faire dans des domaines spécialisés de l'IA, comme la santé ou d'autres.
17:59On n'a pas besoin d'investir énormément de milliards pour arriver à des résultats.
18:03Je pense que Mistral va obtenir des résultats.
18:05Je pense que d'autres entreprises qui ne sont pas de la même taille que les méga entreprises américaines,
18:10on peut obtenir des résultats.
18:12On a de très bons chercheurs.
18:14De très bons ingénieurs, de très bons informaticiens.
18:17De très bons mathématiciens.
18:18On a des piliers de l'IA que sont Yann Lequin.
18:21Yann Lequin vient de quitter Meta pour faire sa boîte.
18:23On attire Yann Lequin chez nous.
18:26Mais Yann Lequin serait ravi de vivre en France.
18:28Mais il viendra en France, je vais vous dire.
18:30Qu'est-ce qui va attirer en France ?
18:33Ce qui va attirer les gens, c'est de dire, voilà,
18:36il faut qu'on ait un environnement favorable à l'investissement.
18:38Il faut qu'on ait un environnement fiscal stable et fiable.
18:42C'est pour ça que la taxe Zucmane, j'y reviens tout le temps.
18:44Si vous mettez une taxe Zucmane, vous êtes certain que l'IA se fera ailleurs qu'en France.
18:48Mais il n'y a aucun doute.
18:50Vous mettez la taxe Zucmane, la taxe Zucmane, elle taxe.
18:52Même quelqu'un qui est valorisé à 12 milliards comme Mistral,
18:56qui ne dégénère aucun revenu, vous taxez sur la valorisation.
19:00Vous voyez que maintenant, on est en train de parler de bulles de l'IA.
19:02Ça veut dire que peut-être une partie des valorisations vont tomber.
19:05Eh bien non, on lui aura demandé de payer des impôts sur la valorisation actuelle.
19:08Si même demain, elle tombe, tant pis.
19:11Il aura dû s'endetter pour payer des impôts sur une valorisation fictive et volatile.
19:15Ça n'existe nulle part ailleurs dans le monde.
19:17Et nulle part ailleurs.
19:18Et quand vous parlez de taxe Zucmane, mais les gens vous rionnaient.
19:20Je veux dire, aucun pays dans le monde ne le fait.
19:24Et les gens vous disent, mais c'est exactement ce qu'il faut faire
19:26pour vous assurer que vous n'allez pas faire la révolution de l'IA chez vous.
19:29On peut rester dans la course.
19:30On peut rester dans la course.
19:31On peut rester dans la course.
19:32Absolument.
19:33On est très bon.
19:34Pourquoi sur le nucléaire, l'aéronautique, le spatial, la biotech, l'IA ?
19:38On est les meilleurs dans l'aéronautique.
19:40On est excellent.
19:41Nos Airbus sont meilleurs que les Boeing.
19:43Dans le spatial, on est très bon.
19:45Dans l'IA, Yann Lequin, qui a quitté Meta,
19:49il pense que les modèles, l'art language model s'est dépassé,
19:52qu'on va pouvoir faire quelque chose de supérieur.
19:54Mais s'il le fait en France, c'est formidable.
19:56Vous voyez ce que je veux dire ?
19:57Donc, on a les moyens en France et en Europe d'attirer les meilleurs.
20:00Et vous savez pourquoi l'Europe peut attirer la France notamment ?
20:02On a un, la démocratie et la liberté, beaucoup plus qu'aux États-Unis.
20:05Alors, le tout, c'est de ne pas amener un Trump en France.
20:08Ce n'est pas gagné.
20:09D'accord ?
20:10Il y a un risque dans un an et demi qu'on ait un Trump français.
20:14Deux, le modèle social.
20:16On a quand même un modèle social.
20:18On peut l'améliorer, mais il est bien meilleur qu'aux États-Unis, en Europe.
20:21Et chez nous en particulier.
20:22Quand on tombe malade chez nous, on est pris en charge.
20:24Aux États-Unis, quand on n'a pas d'argent,
20:25c'est un drame de tomber malade.
20:28Et puis, on a un engagement environnemental en Europe
20:31qu'on n'a pas aux États-Unis.
20:33Donc, l'Europe, elle a ce qu'on appelle un soft power.
20:35L'Europe a des valeurs fondamentales.
20:38Et beaucoup de gens sont prêts à venir en Europe.
20:40Si ces valeurs sont respectées, il y a un art de vivre.
20:43Il y a des valeurs.
20:44On a des merveilleux chercheurs.
20:47On a les moyens d'attirer.
20:48On a les moyens de faire des choses en Europe.
20:50Vous parliez, Philippe Aguant, de la transition énergétique.
20:52Le champion aujourd'hui de la transition, c'est la Chine
20:54qui fournit 80% des panneaux solaires
20:56et 60% des éoliennes sur la planète.
21:00Nicolas Dufour, le patron des pays France,
21:01qui était là à votre place, il y a quelques semaines,
21:03nous dit que le tsunami chinois détruira
21:05toutes les PME industrielles,
21:06de la Pologne à la Bretagne,
21:08et que l'Europe doit se fermer temporairement
21:10aux produits chinois.
21:11Si on ne se protège pas,
21:12l'Europe disparaîtra de la carte industrielle mondiale.
21:16Waouh !
21:17Il faut se protéger ?
21:18Alors, d'abord, je pense qu'il faut,
21:19c'est dans un monde où les pays comme la Chine
21:22ou les États-Unis,
21:23eux, jouent un jeu non coopératif,
21:27l'Europe doit se protéger.
21:28En même temps, il faut explorer
21:30les possibilités de coopération.
21:32Donc, il faut à la fois jouer,
21:33c'est ce que j'appelle la coopétition.
21:35Il y a la concurrence et la coopération.
21:38Là où on peut coopérer, il faut coopérer,
21:39mais il ne faut pas être angélique.
21:41C'est-à-dire que…
21:42On coopère sur quoi alors ?
21:43Je pense que dans les domaines de l'environnement,
21:45dans certains domaines,
21:47il peut y avoir des collaborations scientifiques,
21:48mais il faut s'assurer qu'on ne se fait pas avoir.
21:50Alstom est allé en Chine.
21:52On a appris aux Chinois à faire des trains à grande vitesse.
21:53Ils les font sans nous.
21:54Ou d'un certain temps, ils les ont fait sans nous
21:55et ils ont dit merci, on n'a plus besoin de vous.
21:56Donc ça, ça ne va pas du tout.
21:57Donc, il faut que si on se lance
21:59dans des coopérations avec les Chinois,
22:00je ne dis pas qu'a priori, il ne faut pas le faire.
22:02Il faut s'assurer que…
22:03Parfois, ils ont plus à nous apprendre aujourd'hui
22:05que le contraire.
22:06Exactement.
22:06Et en fait, ce qu'il faut,
22:08c'est pouvoir aussi assurer
22:08que les transferts de technologie
22:09vont dans les deux sens.
22:10Philippe Aguillon,
22:11imaginons que vous êtes ministre de l'économie.
22:13Quelles sont les trois mesures ?
22:14Trois mesures que vous mettez en place
22:16en urgence pour relancer la croissance française.
22:19C'est dixième de point qui nous manque
22:20pour financer tranquillement
22:22notre modèle social français
22:23qui a besoin de croissance.
22:27Moi, ce que je ferais,
22:28si vous voulez,
22:29il y a les mesures de court terme.
22:32Donc, à court terme,
22:33il y a certaines choses que je peux faire
22:35pour essayer d'avoir un budget plus équilibré,
22:37pour donner un signal, d'accord ?
22:39Donc, on rétablit un peu d'impôts fonciers.
22:41C'est une manière de revenir
22:42sur la suppression de taxes d'habitation
22:44qui ne me paraissait pas une idée formidable.
22:47Mise à plat de certaines niches,
22:48certainement.
22:50Peut-être qu'on n'a pas besoin
22:51de remplacer tous les fonctionnaires
22:52qui partent à la retraite.
22:54Peut-être qu'il y a certains domaines,
22:55notamment dans les communes, vous voyez.
22:59Ça, c'est le court terme.
23:01Ça, c'est le court terme
23:01pour avoir un budget qui tienne, d'accord ?
23:03Et envoyer un signal.
23:04Voilà.
23:05Mélange de niches
23:06et puis certaines choses
23:07sur lesquelles on peut économiser.
23:08Médicaments, au-delà de ce qu'on prescrit,
23:10peut-être que là,
23:11on ne rembourse pas aussi bien
23:11que dans les limites
23:13de ce qui est prescrit par les médecins.
23:14Voilà.
23:15Il y a certaines de marges
23:16sur lesquelles on peut économiser à court terme.
23:18À plus long terme,
23:18je vais augmenter le taux d'emploi.
23:20Qu'est-ce que je fais
23:20pour augmenter le taux d'emploi ?
23:22Eh bien, je rends plus difficile
23:24l'éropure conventionnelle.
23:25Donc, l'abus des éropures conventionnelles.
23:27Je fais un effort
23:28du côté de la formation.
23:30Je fais la réforme à point des retraites.
23:31Donc, ça, ça augmente le taux d'emploi.
23:34Et sur la productivité,
23:35certainement, eh bien,
23:37je démarre des DARPA.
23:38J'essaye de faire drague
23:39avec quelques pays autour de moi.
23:41C'est-à-dire, je crée d'abord
23:42un marché unique
23:42avec ces pays-là
23:44pour le high-tech.
23:46Je développe le capital risque
23:48et les investisseurs institutionnels
23:49comme font les Suédois.
23:51Et puis, je crée l'équivalent des DARPA,
23:53des Defense Advanced Projects Agency,
23:55au niveau,
23:55avec les pays qui volent,
23:56avec l'Allemagne et l'Angleterre,
23:58dans les domaines
23:58comme Défense, IA.
24:00Et puis, je pousse l'IA.
24:01L'IA, c'est un gros truc.
24:03Et l'IA, il faut
24:03de la puissance de calcul.
24:05Les méga factories en IA,
24:07je pousse à fond sur l'IA
24:08qui va être une chose de présence.
24:10On en a les moyens.
24:11On a les moyens.
24:11Quand on a 5% des sites publics.
24:13Eh bien, écoutez,
24:14je pense que si on montre
24:15du sérieux budgétaire,
24:17à ce moment-là,
24:18l'Europe en tant que telle
24:19peut emprunter.
24:20On a emprunté
24:20au moment du Covid.
24:21Vous savez qu'une partie des...
24:22La BCE était derrière.
24:24Pardon.
24:24La BCE européenne était derrière.
24:25La BCE européenne était derrière.
24:27Mais je pense qu'on peut utiliser
24:29une partie de ce qui avait été
24:30mis de côté,
24:31des possibilités d'emprunt
24:32mises de côté
24:33au moment du Covid.
24:34Elles sont...
24:35Une partie est encore utilisable
24:36pour, disons, investir
24:39puisqu'il y a les domaines
24:39Défense, IA.
24:40Je mets Défense, IA,
24:41ensemble,
24:42et la transition énergétique.
24:44Je pense que dans ces domaines-là,
24:45l'Europe peut investir
24:46et les pays membres
24:48qui montent du sérieux budgétaire
24:49peuvent, à l'intérieur de ça,
24:51profiter de ces investissements.
24:52Quand on vous écoute,
24:53on comprend que la France
24:54n'est pas condamnée au déclin.
24:55Absolument pas.
24:56Mais il faut montrer
24:57un sérieux budgétaire.
24:58Il faut montrer
24:59qu'on est donné des signaux
25:01qu'on est pour l'innovation,
25:03qu'on croit dans l'innovation
25:04et qu'il faut produire
25:07pour redistribuer.
25:08C'est-à-dire qu'on ne peut pas
25:09redistribuer au détriment
25:10de la production.
25:12Allez, merci à vous,
25:13Philippe Aguillon,
25:14donc, pour cet entretien.
25:15Le prix Nobel d'économie 2025.
25:17Merci pour cet entretien.
25:18Merci à vous.
25:18Et c'est la fin
25:19de Pourvu que ça dure,
25:20l'émission qui rend
25:20les co-responsables.
25:21Émission tournée depuis
25:22le bivouac de L'Oréal France.
25:24Pourvu que ça dure,
25:24c'est aussi du replay
25:25sur publicsena.fr.
25:27À très vite.
25:28Sous-titrage Société Radio-Canada
25:32Sous-titrage Société Radio-Canada
25:35Sous-titrage Société Radio-Canada
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