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  • il y a 15 heures
Deux semaines après le meurtre de Mehdi Kessaci à Marseille, un mot revient, celui de "mafia". La France est-elle en train de devenir un narco-État ? Risque-t-elle de glisser vers une situation semblable à celle des mafias à l'italienne ? L'analyse de deux expertes en plateau dans Sens Public.

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Transcription
00:00Je n'emploie pas le terme de mafia de la drogue, parce que justement c'est un contresens par rapport à ce qu'est une mafia au sens italien du terme.
00:08Le mot est italien, le délit d'association mafieuse n'est défini que dans un seul pays au monde, c'est l'Italie.
00:14Et ce qui est très intéressant, c'est que cette définition ne parle pas des stups.
00:19On n'identifie pas l'organisation mafieuse à un business illégal en particulier.
00:24C'est l'un des business ?
00:26Ça peut, mais ça peut ne pas l'être.
00:28Cosa Nostra existait avant les stups et quand elle a perdu ses positions dominantes, elle a continué d'exister.
00:35Contrairement à l'image qu'on s'en fait.
00:37On se dit, ça y est, c'est fini, la Sicile est libérée.
00:40C'est totalement faux.
00:42Mais ce qui caractérise une organisation mafieuse selon le droit italien, et ça rejoint ce que vous disiez,
00:47c'est la force du lien associatif qui produit de l'assujettissement et de l'omerta.
00:53Omerta a double sens.
00:54Omerta, au sein de l'organisation criminelle, on ne collabore pas avec la justice.
00:58Omerta, de la population qui choisit de se taire parce qu'il y a des représailles, parce qu'il y a une coupe réglée,
01:05qui peut d'ailleurs ne pas passer par la violence.
01:07Et ça, c'est très intéressant pour la suite.
01:09Vous avez aussi, et c'est ce que les organisations mafieuses italiennes ont compris,
01:14la violence est contre-productive parce que l'État doit réagir, parce que la population peut aussi choisir de se dresser.
01:20La corruption, l'infiltration de l'économie légale, de la politique, ça fait partie de la définition de ce qu'est une mafia.
01:27Et ça, ça produit du consensus qu'on ne voit pas.
01:30Ça veut dire, Annick Fourmillet, qu'il y a des... si on cherche des points communs,
01:34ça va être peut-être avec des gangs sud-américains, avec, par certains aspects, avec quand même les mafias italiennes.
01:41Comment vous analysez ? On parle évidemment, là, de la DZ mafia principalement.
01:44J'y vois un point commun avec les mafias italiennes, en le sens où les organisations criminelles liées au STUP en France,
01:50elles se sont quand même beaucoup diversifiées, c'est-à-dire qu'elles investissent dans l'économie légale,
01:55elles donnent aussi parfois dans la traite des êtres humains, ou en tout cas le proxénétisme,
01:59dans les extorsions, le racket, il y a eu une enquête il n'y a pas très longtemps sur le milieu du rap, notamment,
02:03donc il y a quand même une tendance à accroître un petit peu et à diversifier ces activités
02:07qui les font ressembler, de ce point de vue-là, aux mafias italiennes,
02:10même si, effectivement, j'entends bien qu'elles n'en partagent pas toutes les caractéristiques.
02:14Après, pour revenir sur l'omerta, c'est vrai qu'elles ne passent pas forcément par la violence,
02:17en tout cas pas forcément la violence physique, mais elles passent par une menace insidieuse sur la vie des quartiers.
02:23Les habitants n'osent pas parler, parce que celui qui commence à dire au dealer en bas de son haut,
02:28« Poussez-vous, laissez la place, mettez-vous ailleurs », au mieux aura des menaces,
02:33au pire, effectivement, aura des représailles physiques, ou sur son véhicule, ou sur sa boîte aux lettres, ou sur sa poussette,
02:37enfin, c'est vraiment des choses qu'on voit encore beaucoup, malheureusement, dans les quartiers,
02:41et qui n'incitent pas la population à parler, et puis, moi, j'ai souvenir d'avoir fait une réunion publique
02:45il y a quelques années, en Seine-Saint-Denis, avec des habitants d'un quartier miné par un trafic de stupéfiants,
02:50et je m'attendais à ce que tous les habitants me parlent de ça,
02:53« Que faites-vous, la police ? On voit des résultats, etc. »
02:55En fait, personne n'a parlé de ça, on m'a parlé de tout un tas de sujets, sauf de ça,
02:58et à la fin de la réunion, j'ai compris, parce que j'étais venue avec un de mes policiers,
03:02qui m'a décrypté un petit peu l'assistance, et qui m'a dit, lui, c'est lui,
03:04il m'a donné les noms, en fait, d'une partie des personnes qui étaient là,
03:07qui étaient les chefs de point, et qui donc regardaient toute l'assistance,
03:11qui osaient parler, et c'est à la fin qu'il y a deux, trois dames,
03:14qui, très discrètement, quand on était parti, m'ont donné leur numéro,
03:16m'ont dit « On aimerait vous parler », mais, enfin, on sentait vraiment une pression,
03:20sans violence, sans menace déclarée, mais une pression forte pour ne pas parler.
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