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  • il y a 6 heures
Les Vosges se mirent dans mille étangs
Elle jaillit, ruisselle, cascade ou se repose calmement dans de grandes étendues... Dans les Vosges du Sud, l'eau est omniprésente sur le plateau des mille étangs. Au Moyen Âge, les hommes arrivent à domestiquer cette force de la nature en construisant des digues et des canaux afin de créer des terres agricoles. Au fil des siècles, l'eau permet aux habitants d'installer des moulins et de développer une industrie textile qui fait aujourd'hui encore rayonner la région.
Entre Bretagne et Vendée, un trésor aquatique
S'étendant sur 45 000 hectares entre la Vendée et le pays nantais, le Marô est un territoire ni tout à fait terrien, ni tout à fait maritime. Le marais breton vendéen est l'un des plus vastes de France, mais il reste encore aujourd'hui largement méconnu. Autrefois entièrement recouvert par l'océan, il est né d'une lutte entre l'eau et les hommes qui ont sculpté ces paysages pour s'y établir coûte que coûte...
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00:00Musique
00:01Elle jaillit, s'infiltre, bouillonne, ruisselle,
00:27serpente, cascade ou repose calmement dans de grandes étendues.
00:34Dans ce coin des Vosges du Sud, l'eau est partout.
00:38Comme une évocation des pays nordiques,
00:40le plateau des mille étangs garde l'empreinte du glacier Moselle,
00:44disparu il y a 12 000 ans.
00:47Isolé à 650 mètres d'altitude avec des hivers très froids,
00:51des étés chauds et une intense humidité,
00:54ce plateau de 220 km² n'est pas des plus hospitaliers.
00:59Mais avec ingéniosité,
01:01les hommes ont trouvé comment s'installer durablement.
01:04Ils ont domestiqué l'eau,
01:07d'abord en la contenant dans des centaines d'étangs,
01:10puis en utilisant son énergie.
01:13Au fil des siècles, l'eau est devenue leur allié.
01:16Au Moyen-Âge, les sols sont pauvres et détrempés,
01:27impossibles à cultiver.
01:29Les habitants suivent les conseils des moines des abbayes voisines.
01:32Ils construisent des digues, des canaux, des rigoles
01:35pour drainer l'eau vers des dépressions naturelles.
01:39Ainsi naissent les premiers étangs.
01:41Sur ces terres asséchées,
01:42les paysans peuvent planter et récolter.
01:47Les premiers agriculteurs,
01:49ils avaient des très petites fermes.
01:51Aujourd'hui, l'exploitation, c'est 140 hectares.
01:53Avant, une exploitation, c'était 10 hectares.
01:55Eux, ils ne gagnaient pas d'argent avec leur ferme.
01:56Par contre, ils étaient en autarcie.
01:58Ils faisaient du lait, de la viande,
02:00qu'ils autocossomaient, qu'ils vendaient un peu les surplus
02:02pour acheter des habits, des chaussures.
02:04Parce que dans le temps, ce n'était pas comme aujourd'hui.
02:06On n'avait pas tout sous la main.
02:07Ils faisaient beaucoup d'herbe, un peu de céréales quand même.
02:10Après, eux, ils irriguaient beaucoup plus que nous.
02:12Ils travaillaient avec l'eau.
02:14Donc, les étangs ont servi de faire des contentions d'eau
02:16pour irriguer un peu les parcelles.
02:20Sur le plateau, les villages sont rares,
02:23l'habitat dispersé.
02:26Chaque ferme possède un étang
02:27dans lequel on élève carpes et brochets
02:29pour améliorer le quotidien.
02:30La vie autarcique s'organise autour de ces seuls réservoirs d'eau
02:36qui permettent d'abreuver hommes et bêtes.
02:39Pour résoudre les mêmes problèmes qu'autrefois,
02:42les hommes d'aujourd'hui ont gardé les réflexes de leurs ancêtres.
02:45Ben, c'est deux étangs que mon père a creusé il y a 20 ans, ce coup-ci.
02:53En clair, c'était avant, il y avait l'eau qui s'écoulait, là,
02:55et c'était deux petites tranchées,
02:57et les vaches passaient là-dedans.
02:58Donc, c'était toujours humide, c'était plein de boue.
03:01Et mon père faisait du lait,
03:02donc c'est pas bon pour le pied des vaches ni pour les pattes.
03:04Et mon père, un jour, on a eu un peu marre,
03:06donc il a dit pourquoi on ferait pas de digues
03:08pour faire deux étangs, faire une récupération d'eau.
03:10Donc, ça nous créait deux points d'eau,
03:12et ça assèche les bords, l'avantage.
03:14En gros, on a copié ce que faisaient les moines,
03:15mais eux le faisaient à la main,
03:16et nous, on était un peu plus mécanisés qu'eux,
03:18heureusement pour nous.
03:22Alors ?
03:23Venez.
03:24Venez.
03:26Alors ?
03:27Venez.
03:30Tu vas faire du bruit, toi.
03:33Eh bien, mon gros ?
03:37Malgré les étangs, les difficultés du terrain persistent.
03:40L'homme est condamné à imaginer sans cesse de nouvelles solutions.
03:45Loin de leurs terres écossaises d'origine,
03:48les vaches Highlands se sont bien adaptées
03:50et remplacent les tracteurs.
03:53On est sur des terrains humides, très humides même,
03:57et c'est des bêtes qui sont pas lourdes,
03:58donc qui n'enfoncent pas les terrains,
04:00donc qui n'abîment pas les terres.
04:01Et en plus, c'est des vaches qui nettoient très bien,
04:03donc qui mangent de l'herbe, bien sûr,
04:05mais qui mangent des roses, des ronces, des saules,
04:08et tout ce qui est de petits arbustes.
04:09Donc, sur des coins comme ça,
04:11on ne peut pas mécaniser un tracteur,
04:12elles vont tout nettoyer.
04:14Voilà, chez nous, c'est les vaches spéciales,
04:15nettoyage, pas de tournée, mais d'étang, voilà.
04:19Sous son calme apparent, l'eau n'est jamais statique.
04:24Suivant la pente naturelle,
04:25elle s'écoule d'étang en étang,
04:27puis alimente les ruisseaux et les rivières.
04:29Le brechin, l'oignon ou la doux de l'eau
04:33serpente au milieu des forêts de résineux et feuillus.
04:37À partir du XVIe siècle,
04:39les paysans du plateau commencent à utiliser
04:41plus rationnellement cette force hydraulique.
04:43Une des premières choses qu'on va faire,
04:56c'est bien sûr exploiter cette forêt.
04:59Le bois, il entrait beaucoup dans les constructions,
05:01donc il y avait un besoin,
05:03et ce besoin a entraîné le développement des scieries.
05:06Et comme le peuplement va augmenter,
05:15eh bien il faudra penser aussi à l'alimentation.
05:18Donc on va voir apparaître très vite des moulins
05:21qui vont également s'espacer le long des cours d'eau
05:26et qui vont utiliser cette même force de l'eau.
05:28Pour éviter les inondations,
05:31les scieries et les moulins ne sont pas construits
05:33directement sur la rivière,
05:35mais grâce à d'ingénieux aménagements,
05:37on accélère le débit de l'eau
05:39et donc la vitesse de la roue.
05:43On va domestiquer cette eau
05:45en utilisant des canaux de dérivation
05:50qui permettent de prendre l'eau dans un cours d'eau,
05:53de lui donner de la force,
05:55et puis ensuite on la renvoie au cours d'eau,
05:57ce qui veut dire qu'ensuite, en contrebas,
05:59on peut trouver d'autres scieries
06:01qui utilisent cette même force.
06:05L'eau est le moteur de toutes les activités quotidiennes.
06:10Loin des villes commerçantes,
06:12les habitants du pays des mille étangs
06:14ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
06:17Pour s'habiller, les gens ont besoin de vêtements.
06:20Le chanvre est une plante qui pousse bien dans ses contrées,
06:26donc on va beaucoup cultiver du chanvre
06:28et on va installer à ce moment-là
06:30ce qu'on appelle des rives,
06:32c'est-à-dire des installations
06:33avec de grosses meules en pierre
06:35qui vont écraser ce chanvre
06:37pour qu'on puisse le décortiquer
06:39et en sortir les fibres.
06:40Dans les fermes,
06:47pendant les longs et rigoureux hivers,
06:49les familles s'occupent en tissant
06:50les fibres de chanvre et de lin
06:52sur des métiers manuels en bois.
06:55Puis au milieu du XVIIIe siècle,
06:57le coton arrive en Alsace.
07:00Des commis transportent les balles de coton
07:02dans les Vosges en automne
07:03et récupèrent les toiles tissées au printemps.
07:05Dans tout le massif,
07:07on file, on tisse.
07:09Les champs se recouvrent de grandes toiles
07:11qui blanchissent sous l'action
07:13conjuguée de l'eau granitique,
07:15de la lune et du soleil.
07:17Ce travail payé aux maîtres
07:18améliore l'économie familiale.
07:22Ce sont des paysans tisserands
07:23qui profitent quand même
07:26de ce travail à domicile
07:28pour pouvoir arrondir les fins de mois
07:32parce qu'ici,
07:33on avait une agriculture de subsistance.
07:37On vivait chichement
07:37et grâce à ce travail à domicile,
07:40l'argent va rentrer
07:42et donc ça va aussi permettre
07:44de développer l'économie locale.
07:46C'est grâce aux textiles
07:47que nos montagnes ne se sont pas dépeuplées.
07:53Le savoir-faire textile
07:55s'étend dans toutes les vallées des Vosges.
07:57A Ventron, lorsque les premiers métiers
08:01à tisser mécanique arrivent en 1842,
08:04un entrepreneur local rachète à l'ancien moulin
08:07le droit d'utiliser l'eau.
08:10Il installe une cinquantaine de métiers
08:11actionnés par celles que l'on surnomme désormais
08:14la houille blanche.
08:15En pleine révolution industrielle,
08:23la région se distingue
08:24par sa maîtrise de l'eau.
08:26La rivière Ognon est le théâtre
08:28d'une petite révolution.
08:30L'invention de l'une des premières turbines hydrauliques
08:33qui permet de doubler l'énergie produite
08:35et rapporte à son créateur,
08:37l'ingénieur Benoît Fourneron,
08:39la Légion d'honneur.
08:40En contrebas du plateau,
08:44les premières usines se développent.
08:46En perdant de l'altitude,
08:48l'eau s'emballe et gagne de la force.
08:51Dans la vallée de la Mauslotte,
08:52un canal emmène l'eau de la rivière
08:54jusqu'à l'usine textile de Zinvillet.
08:58A l'énergie hydraulique s'ajoute bientôt
09:01la machine à vapeur.
09:03Les usines s'agrandissent,
09:05nécessitant toujours plus de cette main-d'oeuvre
09:07formée dans la montagne.
09:10Petit à petit,
09:13on a remplacé ces paysans ouvriers
09:15finalement par des usines
09:16qu'on a installées grâce à l'eau
09:18dans les fonds de vallée de la montagne
09:20et on a commencé à produire
09:21de façon beaucoup plus industrielle.
09:23C'est comme ça que le massif vosgien
09:25est devenu un haut lieu du textile en France.
09:27Évidemment, tout ça,
09:28ça a ramené beaucoup de personnes
09:29qui sont venues travailler,
09:30compléter ces paysans ouvriers,
09:32devenus ouvriers paysans
09:33et ensuite devenus ouvriers.
09:34Et puis, la deuxième étape
09:37vraiment très importante,
09:38c'est l'investissement
09:40des Alsaciens annexés.
09:42Lorsqu'il y a la guerre de 1870
09:44et la défaite de la France,
09:46l'Alsace et la Moselle
09:46sont annexés par l'Allemagne
09:48et les industriels alsaciens
09:50du textile se disent
09:51qu'il faut qu'on conserve
09:52le marché français.
09:53Donc, ils investissent du côté français
09:54et à cette époque-là,
09:56donc, après 1870,
09:57on a vraiment des investissements lourds
09:59avec des très grosses usines.
10:00À la fin du XIXe siècle,
10:05plus de 15 000 personnes
10:06travaillent dans le textile
10:08dans les Vosges.
10:09Le patron fournit le travail,
10:11le salaire, le logement,
10:13les loisirs,
10:14le paternalisme
10:14fonctionnent à plein régime.
10:17Suivant le cours de la rivière,
10:19les cités ouvrières se bâtissent.
10:22On raconte d'ailleurs
10:23une anecdote
10:24sur le grand groupe Boussac
10:25qu'on était Boussac
10:26de la layette aux frais d'obsèques.
10:28C'est-à-dire que le patron
10:30participait à la layette.
10:33Puis ensuite,
10:33vous alliez à la crèche Boussac,
10:34à l'école Boussac,
10:35au centre d'apprentissage Boussac.
10:36Vous deveniez ouvrier chez Boussac,
10:38vous alliez à la fanfare Boussac,
10:39au stade de foot Boussac,
10:41à la piscine Boussac
10:42et vous finissiez
10:43à la maison de retraite Boussac
10:44et à la fin,
10:45il était possible
10:45que l'entreprise participe
10:47à vos frais d'obsèques.
10:50Mais le paternalisme
10:51a un coût financier
10:53qui s'ajoute
10:53à celui des destructions d'usines
10:55de la Seconde Guerre mondiale,
10:57à la perte des colonies
10:58et de ses marchés,
10:59à la mondialisation.
11:02En 1960,
11:04l'industrie est moribonde.
11:09Depuis 20 ans,
11:11le textile s'est diversifié
11:12dans les tissus techniques
11:13et le luxe.
11:15L'énergie hydraulique,
11:16propre,
11:17produit jusqu'à la moitié
11:18de l'électricité nécessaire
11:19au métier moderne.
11:21Les ouvriers sont restés
11:22dans les vallées,
11:23l'exode rural a fait son œuvre.
11:26Sur le plateau des mille étangs,
11:27la forêt a repris l'avantage.
11:30Les rares habitants
11:31savent bien
11:31qu'ils doivent travailler
11:32pour préserver les étangs,
11:34source de vie écologique
11:35et économique.
11:37« Mon papa venait mettre le grain
11:53à cet endroit
11:53et mon grand-père également,
11:56je l'ai vu faire,
11:57venait déposer le grain
11:58à ce même endroit.
11:59Pour moi,
12:01un étang sans poisson,
12:02ce n'est pas vraiment un étang
12:04parce qu'en fait,
12:05c'est le poisson
12:06qui est le milieu vivant
12:08de l'étang.
12:16Je dirais que la gestion
12:17de l'eau des étangs,
12:19ça fait partie du métier,
12:21ça fait partie de cette passion
12:22que l'on a pour les étangs.
12:24Elle se fait un petit peu
12:26en fonction de chaque propriétaire
12:28d'étang.
12:29La vocation principale
12:30des étangs aujourd'hui,
12:32c'est une vocation touristique
12:34pour le loisir pêche
12:37des professionnels
12:38ou des amateurs de poissons.
12:46Inclus dans le parc naturel
12:47régional des Ballons des Vouges,
12:50le plateau des 1000 étangs
12:51a vu une grande partie
12:53de son territoire
12:53classée en zone Natura 2000.
12:55La richesse de sa biodiversité
12:58mérite d'être préservée
13:00à certaines conditions.
13:03La nature a besoin
13:05d'une présence de l'homme
13:07pour justement
13:08entretenir,
13:11valoriser,
13:13réparer
13:13lorsqu'il y a une tempête,
13:15lorsqu'il y a des coups de vent.
13:16et c'est cet équilibre
13:19que l'on souhaite conserver
13:21entre une présence humaine
13:23et une présence de la biodiversité.
13:26Les deux doivent pouvoir vivre
13:28en parfaite harmonie.
13:29Ce ne sont pas des étangs
13:33qui ont été creusés
13:34avec une pelleteuse
13:35au carré
13:36ou rectangulaire.
13:37Chaque étang,
13:39il a un contour
13:40qui épouse un petit peu
13:42le relief.
13:44Là, une roche,
13:45là, un recoin.
13:47Ce ne serait pas du tout
13:47le même charme
13:48s'il n'y avait pas d'étang.
13:51Les étangs sont précieux.
13:53Ils maintiennent la qualité de l'eau
13:55et l'équilibre hydrologique
13:57de toute la région.
13:58Dans les Vosges,
13:59un peu plus qu'ailleurs,
14:01l'eau, force de la nature,
14:03restera force motrice
14:04tant que des hommes
14:05sauront en prendre soin.
14:23Une terre sirène,
14:25ni tout à fait terrienne,
14:27ni tout à fait maritime.
14:31Ainsi se révèle le Maro,
14:34immense étendue
14:35qui forme un trait d'union
14:36entre Vendée
14:37et pays nantais.
14:41Autrement connu
14:41sous le nom
14:42de marais breton-vendéen,
14:44ce territoire,
14:46décidément entre deux,
14:47demeure largement méconnu.
14:50C'est pourtant
14:51l'un des plus vastes
14:52marais littoraux de France.
14:53s'étendant sur plus de 45 kilomètres
15:02du nord au sud
15:03et jusqu'à 20 kilomètres
15:05à l'intérieur des terres.
15:0645 000 hectares de canaux,
15:09de salines
15:09et de prairies humides
15:11où l'eau se faufile partout,
15:13dessinant les contours
15:14d'un territoire atypique
15:16et d'une culture singulière.
15:18Autrefois entièrement recouvert
15:21par l'océan,
15:22le Maro est né d'une lutte
15:24entre l'eau et les hommes
15:26qui ont sculpté ces paysages
15:28soumis aux assauts de la mer
15:30pour s'y établir
15:31coûte que coûte.
15:33Je suis fier de la culture
15:39qui est née de ce territoire,
15:42ses traditions,
15:43parce que toute la culture maréchine,
15:45on va dire,
15:45elle est liée forcément
15:47au territoire et au marais,
15:49à ses conditions de vie.
15:53De ces éléments contraires,
15:55les habitants du Maro
15:56ont su faire une force.
15:58profitant de leur situation
16:00entre duché de Bretagne
16:02et Vendée,
16:03exploitant l'océan
16:04pour faire du négoce de sel.
16:09À présent,
16:10entre montée des eaux
16:11et lutte
16:12pour préserver la biodiversité,
16:15le marais breton vendéen
16:16pourrait bien avoir
16:17les clés de son destin en main,
16:19en harmonie
16:20avec sa nature indomptable.
16:28à l'origine pourtant,
16:36ni homme ni culture
16:37sur ce territoire.
16:42Juste un golfe
16:43dont ne subsiste aujourd'hui
16:45que la baie de Bourneuf,
16:47séparant l'île
16:47de Noirmoutier du continent.
16:54Il y a eu un phénomène marquant
16:55dans l'histoire
16:56de ce territoire.
16:56Ça a été ce phénomène
16:59de recul de la mer
17:00qui a donné naissance
17:00à un véritable archipel
17:01parce qu'aujourd'hui,
17:03quand on le regarde,
17:03on a du mal à y croire.
17:05Mais en effet,
17:05il y avait de nombreuses îles
17:06qui formaient
17:07le marais breton vendéen
17:09et notamment sa côte atlantique.
17:10La première étant
17:11celle de Noirmoutier,
17:12bien sûr,
17:12la plus imposante
17:13et la seconde étant
17:14l'île de Bois.
17:18Ça montre bien
17:19ce phénomène
17:19finalement de changement
17:20du paysage
17:21au fil des siècles
17:22et de l'humanité
17:23de cette terre
17:24versée par l'océan
17:26et qui devient terrienne
17:28au fur et à mesure des siècles
17:29et de l'avancée des générations.
17:34Durant plus de 10 000 ans,
17:36des hommes téméraires
17:37venus du continent
17:38doivent affronter l'océan
17:40pour accéder à ces îles,
17:42comme celle de Bois.
17:43Elle porte toujours
17:49les traces
17:50de son histoire insulaire,
17:52entourée par l'Atlantique
17:53à l'ouest
17:54et le bras de mer
17:56du Dain
17:56à l'est.
17:59Il faut vous imaginer
18:01que ce Dain aujourd'hui,
18:02c'est un cours d'eau
18:04plutôt tranquille
18:04qui fait à peu près
18:066 mètres de large.
18:07Au Moyen-Âge,
18:08c'était un bras de mer
18:08extrêmement imposant
18:09qui faisait plus de 150 mètres
18:11de large
18:11et avec des profondeurs d'eau
18:12de moins de 20 mètres
18:14au moins.
18:16Ce bras de mer
18:17va se réduire progressivement
18:18au fil des siècles
18:19du fait d'un envasement
18:21assez important
18:21et les aménagements côtiers
18:23vont aussi limiter
18:25finalement le flux
18:26et le reflux
18:27de la mer
18:27de ce bras de mer
18:28va limiter
18:28donc ces courants
18:29et puis les hommes
18:30vont pouvoir acquérir
18:32de nouveaux terrains.
18:35Pour se protéger
18:36des assauts de la mer,
18:37l'homme a construit
18:37énormément de digues.
18:38Alors c'est des kilomètres
18:40de digues, il faut se rendre compte
18:41que toute la côte
18:42en tout cas de bois
18:44et celle qu'on voit
18:45aujourd'hui est artificielle.
18:46C'est une côte
18:46qui a été complètement
18:47endiguée
18:48et qui a une forme
18:48qui a été donnée
18:49uniquement par l'homme.
18:54Ces terres encore hostiles
18:56et sauvages
18:56où presque rien ne pousse
18:58attirent pourtant
18:59au 11e siècle
19:01des hommes
19:01qui vont en façonner
19:02les paysages,
19:04les moines bénédictins.
19:05L'abbaye de l'île Chauvet
19:11qui siège
19:12dans un îlot de nature
19:13est un précieux témoignage
19:15de cette épopée palustre.
19:17Une quinzaine de religieux
19:19ont édifié
19:20cette église
19:20abbatiale
19:21de style roman
19:22comme en atteste
19:23le bénitier
19:24et le majestueux portail
19:26à cinq voussures.
19:29Armés de leur savoir
19:30et de patience,
19:31les bénédictins
19:32transforment l'histoire
19:33de ce territoire.
19:37Les moines
19:38vont jouer un rôle majeur,
19:40un rôle dans l'assainissement
19:41du marais,
19:41construire des digues
19:42et puis également
19:45se lancer
19:45dans une activité
19:46assez prodigieuse
19:47qui est la création
19:48de salines
19:49que l'on appelle
19:50aujourd'hui
19:50des marais salants.
19:54Les moines
19:55en bon business moines
19:56vont sans doute
19:58effectivement
19:58se lancer
19:59dans cette conquête
20:00en inversant
20:02le schéma
20:02à savoir
20:03la mer ne doit pas
20:04être notre ennemi
20:05on doit justement
20:06en profiter
20:07et donc
20:08l'apport d'eau de mer
20:09transformée
20:11peut être
20:12beaucoup plus intéressant
20:13économiquement
20:13qu'une agriculture
20:14qui aurait vocation
20:15à être
20:16assez courte
20:17dans sa production
20:19en termes de quantité
20:20et en termes de qualité.
20:21La saliculture
20:22va tout de suite fonctionner
20:23dans la mesure
20:25où le sel
20:27a de multiples vertus
20:29mais plus spécifiquement
20:30la vertu
20:30de pouvoir conserver
20:31les aliments
20:32pour l'alimentation humaine
20:33mais on a tendance
20:34à oublier
20:34qu'il y avait également
20:35le sel nécessaire
20:36pour l'alimentation animale.
20:46Grâce aux moines
20:47à partir du 15e siècle
20:49le marais breton vendéen
20:51devient le plus grand
20:52producteur d'or blanc
20:54en Europe.
20:56Avec sa mosaïque
20:57de Saline
20:57l'île de Bouin
20:58est le centre
20:59de ce commerce providentiel
21:01son clocher
21:02du haut de ses 51 mètres
21:05domine le marais
21:06et sert ainsi
21:07de point d'amert
21:08aux centaines de navires
21:10qui arrivent
21:10du Portugal
21:11d'Angleterre
21:13et de la mer Baltique
21:14pour remplir
21:15leur cale
21:16de sel gris.
21:18L'île de Bouin
21:19va se voir
21:19recouverte
21:21de logis
21:21de très belles maisons
21:23qui sont les maisons
21:24des négociants
21:25en sel.
21:28Près de 30 000 tonnes
21:30de sel
21:30partent au large
21:32chaque année.
21:33Cette manne prodigieuse
21:35permet alors
21:35aux riches sauniers
21:36d'embellir
21:37leur très vénéré
21:39église de Bouin.
21:40Les sauniers
21:45pour remercier
21:46ont participé
21:48à la construction
21:49de ce retable.
21:51Et donc
21:52les rats de marée
21:53récurrents
21:54auxquels nous pouvions
21:54être confrontés
21:56obligeaient sans doute
21:57la population pieuse
21:59à souhaiter
22:01une protection divine.
22:04Ce retable
22:04a plusieurs mystères
22:05il y a plusieurs légendes
22:06notamment sur le sein
22:08qui est à la droite
22:09du retable
22:09qui est un saint
22:11de l'an 1000
22:12et qui est habillé
22:12à la façon du XVIIIe siècle.
22:14La tradition veut
22:15qu'en fait
22:15c'est un saunier
22:16qui justement
22:16aurait offert cette statue
22:17et qui aurait aimé
22:18être incarné.
22:20Et donc
22:20c'est pour cette raison
22:20qu'il y a une ambiguïté
22:22en termes de datation.
22:25La fortune des Bouinets
22:26qui se lit encore
22:28sur les façades cossues
22:29et au détour des ruelles
22:31s'explique aussi
22:32par le statut
22:33très privilégié
22:34et propre à cette île
22:35tiraillée entre la Bretagne
22:37et la Vendée
22:38alors rattachée
22:39au Poitou.
22:41Ici les Sénéchaux
22:42magistrats du roi
22:43de ces deux régions
22:44avaient chacun
22:45leur hôtel.
22:48Bouin
22:48elle est dans
22:49une configuration juridique
22:51tout à fait particulière.
22:52Et donc six mois de l'année
22:53c'était le Sénéchal
22:54de Bretagne
22:55qui rendait la justice
22:56au nom du roi
22:56naturellement
22:57et puis les six autres mois
22:58c'était son homologue
23:00Poitvin
23:01qui s'employait
23:01à cet office.
23:06Donc ce statut privilégié
23:07le plus gros avantage
23:08c'était en fait
23:09l'exemption de Gabel
23:11cet impôt sur le sel
23:12qui date du Moyen-Âge
23:13ça s'explique
23:14pour une raison
23:15assez simple
23:16c'est que le statut
23:16d'île
23:17qu'avait Bouin
23:18et la structure même
23:20du territoire
23:21du fait d'un très bas niveau
23:23par rapport à la mer
23:24engendraient des dépenses
23:25considérables
23:25pour refaire les digues.
23:26Et donc il est bien évident
23:27que dès qu'il y avait
23:28une submersion
23:29les Bouinets
23:30écrivaient au roi de France
23:31pour leur dire
23:33cire pas d'impôts
23:34parce qu'on a déjà
23:35nos digues à entretenir
23:36qui nous coûtent
23:37beaucoup d'argent.
23:40Au XVIIIe siècle
23:41la nature
23:43reprend ses droits
23:44les ports s'envasent
23:46rendant l'accès
23:47aux navires
23:48de plus en plus complexe
23:50c'est la fin
23:51du commerce du sel
23:52le sort s'acharne
23:54la guerre de Vendée
23:55où s'opposent
23:56monarchistes
23:57et républicains
23:58déciment les populations.
24:01Pour subsister
24:02les maréchins
24:03décident une nouvelle fois
24:05de transformer
24:06leurs marais
24:06grâce à une technique
24:08de drainage par digues
24:09apportée par les Hollandais
24:11la poldérisation.
24:14Ils réussissent ainsi
24:15à gagner des terres
24:16sur la mer
24:17remplaçant la saliculture
24:19par l'agriculture.
24:21Une véritable culture
24:22maréchine émerge
24:24laissant son empreinte
24:25sur tout le territoire.
24:28Ces maisons atypiques
24:30les bourrines
24:31sont l'un des symboles
24:32du marais
24:33où elles étaient
24:33parsemées par milliers.
24:37Cet habitat de fortune
24:38abri des maréchins
24:40est né d'une double contrainte
24:41se protéger
24:43des vents océaniques
24:44et des submersions.
24:45Alors la bourrine à Rosalie
24:48c'est une construction
24:49en torcie
24:50avec les matériaux du pays
24:52les matériaux
24:54qui étaient pris sur place
24:55l'eau, la terre
24:57les roseaux.
24:59La bourrine que vous voyez
25:00est une construction
25:01très basse
25:02les murs n'excèdent pas
25:031m70, 1m80
25:05et on est obligé
25:07de se baisser
25:08pour y rentrer.
25:10Mais ça correspondait
25:11à une fonction
25:11d'être tapis sur le sol
25:13d'être recroquillé
25:14sur le sol
25:14pour donner le moins
25:15de prise possible
25:16au vent.
25:21Les inondations pour eux
25:22c'était quelque chose
25:24qui était admis
25:26si vous voulez
25:27ça faisait partie
25:27des fatalités
25:28qui étaient admises.
25:30On construisait une bourrine
25:31on savait très bien
25:31qu'elle tôt ou tard
25:33elle serait inondée.
25:34Alors on prenait
25:34des précautions
25:35au niveau du mobilier
25:36de façon à mettre
25:37la litterie en dehors
25:39bien sûr
25:39des niveaux d'inondation.
25:44Sur leur terre
25:45où ils cohabitent
25:46avec la mer
25:47les paysans
25:49redoublent d'imagination
25:50pour affronter
25:51les éléments.
25:54Alors les machins
25:56effectivement
25:56ont été très inventifs
25:57pour se déplacer
25:59dans le marais
26:00qui était constellé
26:02des thiers
26:03et de fossés
26:04remplis d'eau
26:05comme il se doit
26:06et donc
26:07tous les déplacements
26:08se passaient
26:09par le biais
26:10de l'aïol.
26:12L'aïol permettait
26:13l'hiver
26:14d'aller jusqu'à la maison
26:15et tous les gens
26:18avaient l'habitude
26:19dès leur plus jeune âge
26:20de pratiquer l'aïol
26:22et même par extension
26:24d'apprendre à sauter
26:25à la lingle
26:26et ça se transmettait
26:28de père en fils
26:28et il était
26:29très très classique
26:30que des enfants
26:31apprennent à sauter
26:32sur le dos
26:33de leur père.
26:40Mon grand-père
26:41est né dans une bourrine
26:42ma grand-mère
26:43et ma racine aussi.
26:46C'est pas anodin
26:47de faire de l'aïol
26:47à mon âge.
26:50On essaye de préserver
26:51les traditions
26:52un peu
26:52comme ça.
26:55Ce marais
26:56écartelé
26:57entre littoral
26:58et bocage
26:59est resté
27:00peu urbanisé,
27:01boudé
27:02au profit
27:02des plages.
27:04Préservé
27:05du tourisme
27:05de masse,
27:06le maraud
27:07voit sa faune
27:08et sa flore
27:08s'épanouir,
27:10devenant
27:10un paradis
27:11ornithologique
27:12récemment labellisé
27:14zone humide
27:15d'importance
27:15internationale.
27:18Ah,
27:18une dorge
27:18à caenoir
27:18qui chante.
27:20Elle est juste là.
27:22Des milliers
27:23d'oiseaux migrateurs
27:25trouvent ici
27:26nourriture
27:26et quiétude
27:27et réapparaissent
27:29sur la baie
27:30chaque année
27:30à l'image
27:31d'une nouvelle
27:32génération d'hommes
27:33soucieux
27:34de protéger
27:35la biodiversité
27:36de leur étonnante
27:37contrée.
27:37J'ai un peu
27:39quitté
27:40le territoire
27:41après pour mes études
27:42et pour ma vie professionnelle
27:43et puis en fait
27:44on y revient toujours
27:45parce que
27:46ce territoire
27:47il nous
27:47marque toujours
27:50un petit peu
27:50et on ne peut jamais
27:51s'en défaire
27:53en fait.
27:54Dans les méandres
27:56de ces labyrinthes
27:57d'eau polychrome,
27:58les maréchins
27:59retrouvent toujours
27:59leur chemin
28:00un pied sur la terre
28:01et l'autre en mer.
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