00:04Il y a dix mois, quasiment, jour pour jour, Elias, 14 ans, était poignardé au thorax,
00:09à coups de machette dans le 14e arrondissement de Paris, par deux mineurs,
00:13multirécidivistes en sortant de son entraînement de football.
00:16Voilà un mois, précisément.
00:19Un rapport de l'inspection générale de la justice, demandé par la famille d'Elias,
00:23promis par Gérald Darmanin, était révélé.
00:26Un rapport qui jette une lumière crue sur des pans entiers de notre justice,
00:30et en particulier de la justice des mineurs.
00:32Alors, que s'est-il passé depuis ? Que contient précisément ce rapport ?
00:36On va en parler ce matin. Bonjour, madame, et merci, Stéphanie Bonhomme, d'être avec nous.
00:40Je vous remercie de me recevoir.
00:42Vous êtes médecin, chef de service adjointe en médecine vasculaire à l'hôpital Saint-Joseph à Paris.
00:47Vous êtes la mère d'Elias et la mère de deux autres enfants, âgés aujourd'hui de 21 ans et de 24 ans.
00:54Ce matin, vous parlez aussi en leur nom et au nom de toute la famille d'Elias.
00:57D'ailleurs, avant de démarrer notre entretien, dites-nous pourquoi ce préambule est important ?
01:01Pourquoi il est essentiel pour vous, pour la mère de famille que vous êtes, de rappeler cela ?
01:07Pour nous, pour notre famille, c'est important de la rappeler parce que je suis le porte-voix de notre famille.
01:13Je serai à jamais la mère d'Elias et c'est à ce titre que vous me recevez parce que je suis la mère d'Elias.
01:21Mais il est important pour ma vie à venir que je reste la mère d'Elias, la mère de mes enfants aînés, une épouse, une femme et surtout un médecin.
01:33Avant d'en venir à ce rapport édifiant de l'Inspection Générale de la Justice, une question sur une phrase prononcée par le chef d'état-major des armées
01:42et qui a provoqué un trouble auprès de nombreux Français, « Accepter de perdre nos enfants à la guerre ».
01:48J'imagine que cette phrase, comment dire, a eu un écho très particulier pour la citoyenne que vous êtes, pour la mère que vous êtes.
01:54Comment l'avez-vous ressentie et appréhendée ?
01:57Je peux essayer de comprendre cette phrase et son rôle sûrement de préparer les parents à perdre leurs enfants sur un champ de bataille.
02:07Mais j'encourage les parents et les citoyens à aller sur le site du ministère de la Justice.
02:15Il y a une petite barre de recherche et il faut notifier l'Inspection Générale de la Justice.
02:20Et vraiment, j'encourage tout le monde à lire ce rapport, la mission d'évaluation suite à l'agression violente et au décès du mineur A.
02:31Je ne sais pas si on le voit à l'antenne.
02:33Tout à fait, on le voit.
02:34En fait, c'est important de lire ce rapport parce que les parents vont comprendre qu'avant de perdre leurs enfants sur un champ de bataille,
02:43ils vont perdre leurs enfants dans la rue en rentrant du cinéma, de l'école, du collège, du lycée, de leur entraînement de sport.
02:53Ce rapport montre une cartographie des dysfonctionnements, des carences du système judiciaire, de la prise en charge des mineurs délinquants.
03:06Très simplement, factuellement, il est pour nous très bien fait.
03:11Lorsqu'on lit ce rapport, en famille, chacun, il y a une seule phrase qui nous est venue à l'esprit.
03:19En mettant de côté le fait que c'était notre enfant qui était décédé, c'est vraiment la chronique d'une mort annoncée.
03:26C'est la succession de dysfonctionnements, de rapports de personnalité qui ne sont pas remplis,
03:35de non-communications entre les juges et les éducateurs de la PJJ.
03:42Ce n'est pas la non-communication, mais les relais ne se font pas.
03:45On voit des procureurs qui prennent des décisions face aux premières décisions des juges des enfants qui ne sont pas respectées.
03:59Et on voit tout cet enchaînement qui va conduire, quand on lit le rapport, c'est édifiant, à la mort de notre enfant.
04:08Et c'est important de le souligner pour nous parce que la justice n'a pas protégé Elias.
04:15Nous savons qui a tué Elias et nous connaissons les deux assassins d'Elias.
04:21Et en lisant ce rapport, nous voyons que la justice n'a pas protégé Elias.
04:26Et nous avons comme message pour les autres parents que la justice des mineurs aujourd'hui ne va pas protéger la société.
04:36Et c'est le message qui est important face à ce rapport.
04:41Chronique d'une mort annoncée, dites-vous ce matin, des décisions incohérentes, des défaillances en chaîne,
04:46des interdictions d'entrée en contact non respectée entre ces deux délinquants et des mesures éducatives jamais.
04:52Jamais mises en œuvre, exemple.
04:54Le procureur avait demandé un contrôle judiciaire, mais ce dernier est refusé au motif qu'ils avaient simplement exprimé des regrets.
05:00Quant au suivi éducatif, inexistant. Il n'y avait pas d'éducateur disponible.
05:06Madame Stéphanie Bonhomme, ce rapport a été révélé il y a un mois. Un mois. Que s'est-il passé depuis ?
05:12Depuis un mois, nous avons eu la possibilité de nous exprimer dans le journal Le Point,
05:20avec un travail de vos consoeurs qui était très rigoureux.
05:25Les chaînes d'info en continu ont relayé ce rapport très rapidement.
05:30Le Figaro a fait un très beau papier. Et puis plus rien.
05:37C'est la raison pour laquelle aussi je vous ai sollicité.
05:42Parce que ce n'est pas juste... On ne porte pas juste la mort d'Elias.
05:49Nous portons... Ce rapport doit être connu. Il doit être diffusé.
05:54Pour tous les parents. Pour tous les parents.
05:57Il est d'intérêt général, d'intérêt public.
05:59Je voudrais rappeler que vous l'avez sollicité, qu'il a été promis et il a été effectué.
06:05Donc Gérald Darmanin, sur ce point, a répondu à une demande importante.
06:10Que vous avez rencontré, ce qui est extrêmement rare, les inspecteurs.
06:14Oui.
06:14À l'origine de ce rapport, que vous ont-ils dit ?
06:18Les inspecteurs ont souhaité nous rencontrer pour que nous puissions leur parler d'Elias.
06:23Parce qu'il leur semblait important, dans ce rapport, de rencontrer les parents de la victime.
06:30Donc nous leur avons parlé d'Elias.
06:33Et surtout, ils nous ont écoutés sur notre volonté, notre détermination,
06:38à comprendre les décisions des juges, qui ont toujours été les mêmes.
06:43Les juges des enfants ont, malgré la dangerosité montante des deux assassins d'Elias,
06:51répété la même mesure, c'est-à-dire une interdiction de rentrer en contact,
06:55alors que ces deux assassins habitaient dans la même résidence.
06:59Que les éducateurs ont tout de même fait leur travail,
07:02en disant, en signalant aux juges, ils sont amis.
07:05Ils habitent au même endroit. Ils ne peuvent pas ne pas entrer en contact.
07:11Les assassins eux-mêmes le disent.
07:13Nous ne pouvons pas ne pas nous rencontrer.
07:16Les parents le disent.
07:18Donc, nous avons pu, lors de cet échange avec les inspecteurs,
07:24demander des explications.
07:27Cela a été relayé à Gérald Darmanin,
07:31qui, lors de la circulaire qui est parue le 13 octobre,
07:37sur le renforcement de la prise en charge des victimes,
07:41a tout de suite notifié cette nécessité d'entretien dédié
07:45entre les victimes, les proches des victimes,
07:48puisque je rappelle que la victime, c'est Elias,
07:50et les magistrats lorsqu'il y a des dysfonctionnements judiciaires.
07:55Donc, ce rapport, il est aujourd'hui dans le débat public.
07:58Si vous n'obtenez pas maintenant des réponses à vos questions,
08:02si on ne vous dit pas pourquoi, en partant de ce rapport,
08:05pourquoi c'est arrivé ?
08:07Comment se fait-il que tous ces dysfonctionnements,
08:09ces défaillances se sont révélées ?
08:13Est-ce que vous estimez que les magistrats,
08:15Madame Stéphanie Bonhomme, sont responsables
08:18au sens où ils doivent rendre des comptes ?
08:20Ils sont responsables de leurs décisions.
08:23Ils doivent répondre à nos questions.
08:25Nous avons des questions à leur poser.
08:28Nous voulons les rencontrer, très simplement.
08:30Nous voulons dialoguer avec eux.
08:32Nous voulons leur poser comme questions.
08:35Pourquoi ?
08:36Pourquoi vous avez réitéré ces décisions face à deux jeunes
08:41qui ont commis de multiples violences,
08:45qui ont fait de multiples victimes,
08:48connues et non connues ?
08:49Pourquoi ?
08:51J'ai envie de dire le mot « borné »,
08:55mais en fait, je ne suis pas juge.
08:57Donc, ce mot « borné », il est dur,
09:00parce que je ne suis pas juge et je ne peux pas les juger.
09:02Finalement, je ne veux pas les juger.
09:04J'aimerais comprendre.
09:06Nous voulons du dialogue, de la transparence.
09:10Nous ne voulons pas attaquer l'indépendance de la magistrature.
09:13Ça, c'est fondamental pour nous.
09:15Nous voulons, finalement, les plus belles des qualités,
09:18c'est-à-dire de dialogue, de la compréhension,
09:21juste nous expliquer.
09:23Votre démarche est d'une humanité exceptionnelle.
09:26Elle est d'une légitimité absolue.
09:28Vous êtes la mère d'Elias et la mère de famille.
09:30Vous avez eu des contacts avec certaines associations de magistrats.
09:35Je mets de côté la magistrate Béatrice Brugère,
09:38qui a échangé avec vous,
09:41qui comprend l'ampleur de ce qui est posé dans ce rapport.
09:45Mais pour les contacts que vous avez eus avec d'autres associations,
09:48comment vous ont-ils perçus ?
09:49À quoi vous ont-ils renvoyés, peut-être ?
09:52C'était très violent.
09:54La première discussion,
09:56parce que j'avais besoin aussi de discuter avec des magistrats,
09:59très naïvement, finalement,
10:00pour savoir si notre démarche de dialogue était saine et légitime,
10:08ça a été très violent,
10:10parce que j'ai entendu les mots
10:11« vous partez en croisade contre les magistrats »,
10:15« vous êtes une victime esservelée »,
10:18« et vous êtes populiste ».
10:20Ces mots ont été tenus à votre rencontre ?
10:22Oui.
10:23Et face à ces mots,
10:26j'ai été déstabilisée, je le reconnais.
10:29Et donc, j'ai fait la démarche de rencontrer
10:31la direction de France Victime.
10:33J'ai fait la démarche de rencontrer François Hollande
10:35et Nicolas Sarkozy.
10:37pour savoir si ma démarche était légitime ou non.
10:41Que vous ont-ils dit, les deux anciens présidents ?
10:44Les deux anciens présidents sont des présidents différents,
10:49évidemment,
10:50mais les deux ont toujours été, lors de leur mandat,
10:53très proches des Français et des victimes.
10:55Et ils nous ont confortés dans notre démarche,
11:01qui est finalement, comme vous l'avez dit,
11:03humaine, transparente et tout à fait légitime.
11:07Donc, ça a été, pour nous, le point de départ.
11:11C'est-à-dire qu'à partir du moment où les
11:13France Victime et les deux présidents de la République
11:17nous ont dit, bien sûr,
11:19bien sûr que vous n'êtes pas une victime esservelée,
11:22la mère d'une victime esservelée,
11:24bien sûr que votre demande est légitime.
11:26Allez-y, avancez.
11:30Avançons et rentrons dans le vif du sujet.
11:33Pourquoi ces propos inqualifiables, intolérables,
11:36inacceptables ont été tenus ?
11:37Certains vous ont reproché de dire les choses.
11:40D'ailleurs, certains reprochent aux familles de victimes,
11:43et on a des noms, malheureusement, qui s'enchaînent,
11:46de dire les choses, de dire leur douleur,
11:47d'exiger des réponses.
11:49On vous a, je le dis ici, ce matin,
11:51extrême-droitisé,
11:52et même davantage,
11:52on a dit que vous étiez même peut-être instrumentalisé
11:56par certains médias.
11:57Probablement, ici même,
11:58quand je vous pose des questions,
11:59certains estiment qu'on dirige vos réponses.
12:03Vous aviez aussi, Stéphanie Bonhomme,
12:05pointé le traitement par le service public.
12:07Et là, c'est de la mère de famille qui a parlé.
12:09Comment vous répondez à toutes ces attaques aujourd'hui,
12:12à ce bruit qui continue peut-être,
12:14un petit peu, cette petite musique qui se poursuit ?
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