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  • il y a 2 jours
Avec Cécilia Commo, psychanalyste, thérapeute de couple et sexologue et Lauren Bastide, journaliste, essayiste et créatrice des podcasts “La poudre” et “Folie douce”. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-de-la-grande-matinale/le-debat-du-7-10-du-lundi-17-novembre-2025-5882530

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00:00Bonjour Lorraine Bastide, soyez la bienvenue. Votre livre « Enfin seul » est paru aux éditions
00:05à la Rie et je l'ai dit, il caracole tout en haut des meilleures ventes d'essais. Vous
00:10y parlez de votre expérience mais pas seulement, on y revient. Face à vous Cécilia Comeau, bonjour.
00:14Bonjour. On a eu envie d'entendre une psychanalyste, une spécialiste du couple,
00:19une sexologue clinicienne qui est par ailleurs l'autrice de ce livre au titre tout à fait
00:25rassurant « Le couple parfait n'existe pas » qui était paru chez Flammarion. Alors Lorraine
00:29Bastide, je vous cite « Je me suis dit, je suis bien seule et j'ai décidé d'en faire un livre parce
00:34que beaucoup de femmes ont besoin d'entendre qu'on peut être heureuse quand on est seule voire que
00:44ça suffit comme ça, que ce n'est pas en attendant de trouver mieux, c'est ça ? » Oui tout à fait,
00:48c'est ça. J'ai eu l'impression qu'il fallait vraiment envoyer un message aux femmes parce que
00:52dans mon entourage, j'ai beaucoup de femmes qui sont célibataires, qui vivent seules et qui vivent
00:56encore cette situation de fête comme une forme d'échec, comme une forme de honte alors que
01:01pourtant par ailleurs leurs vies sont chouettes. Donc j'ai essayé de comprendre pourquoi c'était
01:05si difficile d'accéder à une solitude heureuse en tant que femme et ce qui nous avait retenu et
01:10j'ai compris que c'était quelque chose qui était inscrit dans l'histoire des femmes sur le long terme.
01:13Cécilia Comeau, vous vous les voyez passer dans votre cabinet, vos patientes, des femmes, pas seulement,
01:20des hommes aussi, mais des femmes. Et vous vous dites, attention, il y a peu de solitude choisie et beaucoup de solitude subie.
01:27Un tiers. Un tiers est choisi, deux tiers est subi. Tous les chiffres sont assez solides pour dire qu'il y a à peu près entre 60 et 73% des gens,
01:37quand ils sont interrogés, célibataires, qui en fait ne voulaient pas être célibataires. Donc oui, quand on entend le célibat heureux,
01:47on entend la voix de ce un tiers qui le vit extrêmement bien.
01:51Et vous vous dites, Lorraine Bastide, c'est pas le un tiers qui le vit bien, c'est les deux autres tiers récents,
01:58et notamment parmi les femmes, qui peut-être ne savent pas comment prendre cette situation et la rendre heureuse.
02:05Oui, j'ai l'impression qu'il y a une bonne dose de ce ressenti de malheureuse, de tristesse dans la solitude,
02:10qui est en fait très culturel, qui est très social, qui revient à un certain nombre d'archétypes, d'injonctions
02:15qui nous ont obligés à intérioriser une forme d'échec dans la solitude. Et en fait, là, dans mes rencontres,
02:20je vois beaucoup de femmes pour qui la solitude n'a pas été choisie au départ. Par exemple, un divorce, c'est toujours difficile,
02:26c'est jamais un moment d'émancipation complètement joyeuse. Un veuvage, c'est aussi quelque chose qui peut arriver
02:31et qui est toujours une grande douleur, une tristesse. Mais je pense qu'il y a la possibilité de transformer ce qui peut être
02:37quelque chose de subi en un socle émancipatoire, en un endroit où on peut finalement se réconcilier avec soi-même
02:43et trouver un espace pour soi.
02:44Parce que renoncer au couple, c'est un acte féministe, c'est une posture féministe pour vous, Lorraine Bastide ?
02:49En tout cas, ça peut l'être. Je pense que la posture féministe, c'est surtout d'ouvrir la possibilité du choix absolu.
02:55C'est-à-dire qu'il n'y ait plus de hiérarchisation entre une vie réussie qui serait une vie à deux
02:59et une vie qui ressemblerait à un échec qui serait une vie seule. Je pense que le vrai propos féministe
03:04que je veux mener là, c'est la possibilité de choisir la vie qui nous rend heureuses.
03:08Cécilia Comeau, vous entendez cette critique du modèle dominant qui a été jusqu'à présent ?
03:14Pour moi, déjà, c'était une évidence qu'on a le choix.
03:17Après, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a eu plusieurs articles dans le Financial Times en janvier,
03:24The Economist maintenant, qui expliquent bien qu'il y a une espèce de mouvement assez global
03:29de la renonciation au couple.
03:33En tous les cas, le fait que les gens ne soient pas en couple, global relativement.
03:42Mais ce qui est assez stupéfiant dans ces études, c'est que c'est vrai aussi dans les pays scandinaves
03:50qui sont des pays extrêmement égalitaires.
03:53Donc du coup, c'est vrai que ça interroge quand même sur la posture d'un renoncement à des normes
03:59ou à un patriarcat, parce que dans les pays scandinaves, elles ne sont pas du tout,
04:03et c'est vrai que c'est plus un phénomène féminin, elles ne sont pas du tout touchées par ça.
04:08Moi, je pense qu'effectivement, si le célibat est plus important aujourd'hui qu'il a été,
04:14c'est parce qu'aussi les exigences vis-à-vis du couple sont complètement différentes.
04:19Complètement différentes ?
04:20Complètement différentes.
04:21Lorraine Bastide, pour vous, le couple, c'est quoi le problème ?
04:26C'est quoi le problème ?
04:27Non, mais c'est ça qu'on voudrait comprendre, parce que le couple, c'est quoi ?
04:30C'est un renoncement pour la femme ?
04:32C'est une entrave ?
04:34C'est une prison ?
04:35C'est quoi ?
04:35Alors, je pense qu'il ne faut pas simplifier.
04:37Pas tous les couples, évidemment, pas tous les hommes non plus.
04:40Mais effectivement, dans le couple hétérosexuel, surtout quand il y a des enfants,
04:43la vie domestique, la vie parentale dévore la vie des femmes plus que la vie des hommes.
04:47Et ça, je pense que c'est quelque chose qui a été tant de fois démontré par énormément de chiffres, de statistiques.
04:52Il n'y a pas vraiment de débat sur la question.
04:54Une femme qui a un poste à responsabilité et qui a aussi des enfants en bas âge n'a plus de vie, en fait.
04:59Elle n'a pas d'espace pour elle-même.
05:01Cet espace de solitude, cet espace où on a la possibilité de regarder le plafond,
05:05d'être créative, de lire, de réfléchir, de prendre soin de soi, d'être dans un dialogue intérieur avec soi.
05:11On sait que les femmes qui ont des enfants en bas âge ne l'ont pas pendant des années.
05:15Alors qu'il y a quelque chose qui est ancré dans les représentations
05:19qui fait que les hommes ne perdent jamais totalement de vue cette possibilité-là.
05:23Et encore une fois, c'est théorique.
05:25Et je pense aussi que dans le couple, il y a la possibilité de créer cette solitude-là.
05:29Et c'est un petit peu cette conclusion à laquelle j'arrive dans le livre.
05:31C'est-à-dire que depuis l'espace où on est bien avec soi,
05:35où on est en autonomie affective, où on n'a pas besoin d'une validation extérieure pour se sentir bien,
05:39quel endroit merveilleux pour tisser une relation amoureuse, sexuelle, épanouissante.
05:42Je précise que quand vous dites « enfin seul », ça ne signifie pas ne plus tomber amoureuse,
05:48ça ne signifie pas ne plus avoir de relation sexuelle, ça veut dire simplement vivre seule.
05:53Cécilia, comment vous l'entendez, vous, cette critique du couple et cette volonté ?
06:00C'est tout à fait juste. Mais justement, parmi les femmes qui en ont trop fait,
06:05on va les retrouver dans les un tiers lorsqu'elles sont divorcées,
06:08de dire « enfin seule », « enfin tranquille ».
06:11Évidemment, parce qu'elles avaient une charge complètement dingue.
06:17Et d'ailleurs, souvent, pas que les enfants.
06:20Le conjoint aussi devient parfois un enfant.
06:23Ces femmes-là, évidemment, apprécient énormément.
06:26Je rebondis sur ce que disait Lorraine.
06:28En fait, ce n'est pas tant le mot « solitude », je pense.
06:31C'est plus le mot qui a été créé par Jung, qui est « individuation ».
06:38C'est la capacité d'être avec soi-même, sans être au service de l'autre.
06:45Ça, évidemment, c'est assez fondamental.
06:47Et c'est parce qu'on perd cette capacité que certaines personnes choisissent la séparation.
06:52Mais vous, ça vous inquiète, ce regard porté sur le couple,
06:55comme si le couple n'était qu'entrave, prison, renoncement pour la femme.
07:00Vous, ça vous inquiète ? C'est quoi ? C'est un repli ?
07:02C'est moi d'abord ? C'est mon petit égo ?
07:05C'est sûr qu'on est maintenant plongé dans une ère d'individualisme, pour le coup,
07:13par le développement personnel qui valorise énormément le « moi »
07:17et qui nous fait un peu croire quand même qu'on est capable de s'aimer tout seul.
07:21Alors qu'on oublie quand même que quand on vient au monde,
07:24ce qui nous construit ou nous fait beaucoup de mal,
07:27c'est le regard qui est porté sur nous.
07:29Donc le regard d'autrui est quand même assez fondamental.
07:34On peut se regarder tous les matins dans la glace en se disant qu'on est merveilleuse et qu'on s'aime.
07:38Si personne d'autre autour de nous ne vient nous le dire,
07:41ça va être assez fragile, en fait, comme construction.
07:44Donc l'enfin solitude que prône Lorraine Basside face à vous,
07:49il y a aussi là-dedans quelque chose que vous lisez comme une forme d'évitement
07:54de la confrontation à l'autre, du regard de l'autre, de la fabrication de la vie avec l'autre.
07:59C'est un sujet très intéressant Sonia, mais là il faudrait une heure de plus.
08:04Effectivement, il y a eu beaucoup de personnes célibataires,
08:07il y en a beaucoup qui m'expliquent que c'est parce qu'elles ne veulent plus
08:11être en confrontation ou avoir à gérer des choses avec autrui, avec un autre.
08:18C'est très compliqué finalement de vivre avec autrui.
08:21Et quand c'est trop compliqué et qu'on considère que soit on a été abîmé,
08:25soit c'est trop épuisant, à ce moment-là, évidemment, il y a un repli sur soi
08:30parce qu'on n'a plus... C'est un peu comme l'évitement en sexualité.
08:33Quand on n'a plus envie de relations sexuelles, on va trouver les meilleures raisons du monde
08:37pour expliquer pourquoi ça ne peut pas se faire. Là, c'est un peu ça aussi.
08:40Lorraine Bastide, est-ce que vous êtes le chantre de ce nouvel individualisme,
08:45de ce repli sur soi, du moi-jeu-moi-jeu en réalité ?
08:48Non, j'essaye de ne pas l'être... Je crois plutôt au vivre ensemble.
08:52Je crois qu'on fait société, effectivement...
08:54Enfin, on vit ensemble, chacun chez soi.
08:57Oui, il n'y a que ça. Après, je pense aussi que je suis ravie
09:00qu'on a introduit de la psychanalyse et de la psychologie dans ce débat
09:03parce que c'est vraiment fondamental.
09:05La capacité d'être seule, c'est aussi ce qui était nommé par Winnicott
09:08comme la condition à laquelle une psyché saine peut se développer.
09:12Un enfant doit pouvoir quitter sa mère sans avoir peur que sa mère disparaisse.
09:16Et je pense qu'il y a un petit peu de ça.
09:17Je me reconnais aussi beaucoup dans cette solitude qui est un petit peu un repli,
09:22une détresse où en fait on va se couper des autres parce qu'on a énormément souffert.
09:26Moi, il me semble que ma propre solitude a peut-être commencé par un geste
09:29qui était un peu plus blessé, un petit peu plus...
09:32Oui, plus dans la détresse que ce que je prône aujourd'hui.
09:35Mais il me semble que dans ce repli-là,
09:37j'ai pu trouver une faculté à justement me réconcilier avec moi,
09:41à me regarder dans la glace le matin en me disant
09:42« Bah, t'es chouette, ta vie elle est bien » et à redévelopper une forme de gratitude
09:46qui m'a permis par la suite de redévelopper des liens amicaux, familiaux, politiques, amoureux, etc.
09:54Beaucoup plus joyeux que dans un temps où je cherchais finalement à être rassurée par l'autre.
09:59Et je pense que la psychologie nous permet de comprendre finalement
10:01qu'en étant bien seul, on est mieux avec les autres.
10:04Alors, est-ce qu'on se rassure le mieux par soi-même
10:08ou est-ce qu'on se rassure en construisant une vie à deux ?
10:11Voilà le débat que nous avons ouvert ce matin,
10:13que je clôt là, mais que je vous propose chacun de votre côté de continuer.
10:18Lisez enfin seul le livre de Lorraine Bastille
10:20parce qu'il est extrêmement sincère et qu'il ouvre énormément de pistes pour y réfléchir.
10:24Lisez les écrits de Cécilia Comeau.
10:27« Le couple parfait n'existe pas » par exemple, ça nous fait du bien
10:29et c'est paru chez Flammarion. Merci à toutes les deux.
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