L’inondation est le premier risque naturel en France. La cartographie s’avère être un outil de prévention essentiel. Depuis 2021, L’IGN développe une cartographie 3D de la France qui servira à la création de modèles numériques qui simuleront les inondations. Le SYMSAGEB est un syndicat qui coordonne la gestion de l’eau et conçoit des plans de prévention des inondations.
00:00C'est le débat de ce Smart Impact, on se demande comment cartographier,
00:11anticiper les risques, notamment les risques d'inondations avec Swan Lamarche.
00:14Bonjour, bienvenue.
00:16Bonjour.
00:16Vous êtes chargé de relations partenariales et institutionnelles à l'IGEL,
00:20l'Institut National de l'Information Géographique et Forestière.
00:23Et puis on est en duplex également avec Elisabeth Fraud.
00:26Bonjour, vous êtes la directrice du CIMSAGEV Syndicat Mix pour le schéma d'aménagement et de gestion des eaux du Boulonnais.
00:35On va commencer par rappeler ce qu'est l'IGN Swan Lamarche, créée il y a 85 ans.
00:41C'est quoi votre mission ?
00:43Alors le rôle de l'IGN, c'est de pouvoir cartographier le territoire.
00:46On est souvent connus pour les cartes de randonnée,
00:48mais en fait on fait énormément d'informations cartographiques pour décrire le territoire,
00:51décrire sa topologie, à quelle forme le territoire va avoir,
00:55mais également les éléments qui peuvent être dessus,
00:58savoir où sont les bâtiments, savoir où sont les forêts notamment,
01:01puisqu'on a un gros travail de connaissances forestières au sein de l'IGN.
01:05Avec des cartes qui sont disponibles en open source pour parler en mauvais français,
01:10tout le monde peut y avoir accès ?
01:11Effectivement, en fait nos données sont libres d'accès
01:14et elles permettent à chacun de pouvoir y avoir accès.
01:17Elles permettent aussi du coup, aussi bien en tant que citoyen,
01:20de pouvoir s'en servir, mais également à d'autres partenaires
01:23pour pouvoir les réutiliser.
01:24Des collectivités, des entreprises ?
01:27Des collectivités, des partenaires publics, mais aussi des partenaires privés,
01:30qui peuvent venir récupérer cette donnée et la réexploiter en fonction de leurs besoins,
01:34de pouvoir la faire travailler pour savoir,
01:37en fonction de telle ou telle thématique,
01:39comment est-ce que cela peut apporter une connaissance supplémentaire pour leur utilité.
01:43Elisabeth Fraud, est-ce que vous pouvez nous présenter le rôle de ce syndicat, le CIMSAGEB ?
01:51Oui, le CIMSAGEB, c'est un établissement public de bassins
01:54qui coordonne la gestion de l'eau à l'échelle des bassins versants.
01:59Nous, on est sur un territoire qui fait environ 700 km².
02:03On regroupe six intercommunalités sur le territoire.
02:06On a environ 172 000 habitants.
02:11On travaille avec 81 communes.
02:14Et la ville principale est bien sûr Boulogne-sur-Mer.
02:17Le territoire est situé au cœur du parc naturel régional des Cap-et-Marais-d'Opale.
02:24Et on est en partie sur le grand site de France.
02:27On a des paysages incroyables et une vue sur l'Angleterre également.
02:32Oui, c'est vrai que les paysages sont sublimes pour avoir eu la chance d'y aller il n'y a pas si longtemps que ça.
02:37On peut conseiller à toutes celles et ceux qui nous regardent d'aller dans cette région.
02:42On va parler ensemble, parce que ça fait aussi partie de la réalité, du risque d'inondation.
02:50Premier risque naturel en France, si on regarde ces données, ces chiffres.
02:53Un Français sur quatre exposés à l'aléa inondation et près de 11 000 communes qui sont aujourd'hui couvertes par un plan de prévention des risques d'inondation.
03:04Comment ils évoluent ces chiffres ?
03:06Est-ce qu'il y a de plus en plus d'inondations en France, de zones potentiellement inondables en France ou pas ?
03:13Soine-la-Marge.
03:13Alors, peut-être pour rappeler que cette politique de prévention des inondations, elle se fait avec de multiples acteurs.
03:19L'IGN prend sa part dans la description du territoire, mais on a également les services centraux et déconcentrés du ministère de l'écologie,
03:25les opérateurs de l'État tels que Météo France ou le CEREMA, et également les collectivités qui travaillent dessus.
03:32Aujourd'hui, il faut savoir que vous avez cité le site de 11 000 communes concernées par un plan de prévention des risques d'inondation.
03:38Aujourd'hui, toutes les communes qui sont exposées à un risque d'inondation n'ont pas encore été pleinement couvertes par ce dispositif-là.
03:45On voit également des dispositifs de programmes d'action de prévention des inondations portés par les collectivités.
03:50Et en fait, c'est des chiffres qui ont tendance à augmenter de fait parce qu'on continue de travailler en tant que service de l'État à la connaissance de ce phénomène pour pouvoir couvrir les zones.
04:00Et puis, de l'autre côté, on a les premiers effets du réchauffement climatique qui se font sentir.
04:05On voit que certaines zones qui, auparavant, étaient peut-être moins exposées, le sont ou vont le devenir.
04:12Et donc ça, c'est aussi notre devoir de pouvoir travailler là-dessus et d'apporter de la connaissance objective sur ces phénomènes.
04:19Est-ce que, Elisabeth Fraud, le territoire du Boulonnais, cette zone que vous nous avez décrite qui est si belle,
04:27elle est particulièrement sensible aux risques d'inondation ? Il y a eu malheureusement des exemples récents.
04:31Oui, du fait de la configuration géologique du territoire, de la topographie qui est marquée,
04:39le bassin côtier du Boulonnais présente une forte densité de cours d'eau.
04:44Pendant les fortes pluies, ces cours d'eau adoptent un régime torrentiel
04:49et on a très rapidement des crues qui impactent plusieurs centaines d'hectares,
04:55que ce soit des habitations, des entreprises, mais aussi des milieux naturels.
04:59Et pour illustrer ces propos, en 40 ans, on a recensé environ 500 arrêtés de catastrophes naturelles sur le territoire
05:08et on a 400 habitations qui sont situées en zone à risque élevé dans les PPRI de la Liane et du Vimreux.
05:18Alors oui, bien sûr, avec les inondations de 2023, c'était aussi des pluies exceptionnelles
05:24qui se sont abattues sur le territoire, près de 450 mm, de façon très répétitive,
05:30avec des sols très saturés qui ont provoqué une pluie centenale.
05:34Ces plans de prévention des risques, il y a ça, les plans de prévention,
05:39il y a aussi le programme d'action de prévention des inondations, le PAPI.
05:42Comment vous les utilisez localement, Elisabeth Fraud ?
05:45Alors nous, le plan de prévention des risques d'inondations, le PPRI,
05:50ce sont des documents réglementaires qui sont élaborés par les services de l'État
05:54et qui permettent de cadrer l'aménagement du territoire.
05:57Donc c'est un outil indispensable pour la prévention des inondations.
06:01Ces cartes PPRI élaborent des zones à enjeu,
06:06que ce soit rouge ou bleu, enjeu élevé,
06:08qui conditionnent la constructabilité du territoire
06:13ou l'adaptation aussi du bâti sur ces zones-là.
06:17Nous, on travaille directement avec le PAPI,
06:20qui est un programme d'action de prévention des inondations.
06:23Il correspond à une approche globale,
06:25puisqu'on prend tout le bassin versant du territoire
06:28et on réduit les impacts.
06:30Alors on a plusieurs axes qui agissent sur le PAPI,
06:35que ce soit la connaissance du risque,
06:40la sensibilisation, la surveillance des crues,
06:43le système d'alerte aussi.
06:45On aide aussi les communes à s'organiser
06:47pour la réponse à apporter en cas de crise,
06:51via notamment les plans communaux de sauvegarde.
06:54Et puis on encourage l'urbanisation plus responsable.
06:59On soutient aussi des actions pour réduire la vulnérabilité du bâti.
07:03Et puis aussi, via des modélisations, etc.,
07:08on travaille à ralentir les écoutements,
07:10à freiner via des solutions fondées sur la nature,
07:14telles que des haies, des faciles,
07:16ou des aménagements un peu plus structurants.
07:19Alors vous parliez de modélisation, justement.
07:21Je reviens vers vous, Swan Lamarche,
07:23parce que je crois que c'est depuis 2021, c'est ça ?
07:25Il y a une cartographie 3D de la France qui est en cours.
07:29Elle n'est pas terminée.
07:30C'est un projet qui va durer, tiens, jusqu'à quand ?
07:34Alors, c'est effectivement un projet qui va durer jusqu'à 2027, normalement.
07:38L'objectif de ce projet, c'est de pouvoir cartographier en 3D la France.
07:42En fait, on a des avions qui vont sillonner le ciel de la France
07:45avec un capteur laser.
07:46Et en connaissant le positionnement de l'avion en chaque seconde,
07:48on va avoir un certain nombre d'informations sur le sol.
07:51Il faut savoir qu'on a une dizaine d'informations par mètre carré
07:54sur le positionnement, une dizaine de points,
07:56qui nous permettent après de pouvoir cartographier ce territoire en 3D
08:01et de faire ce qu'on va appeler des modèles numériques,
08:04des modèles numériques de terrain ou des modèles numériques de surface.
08:07Et en fait, ces modèles numériques, ce sont les éléments nécessaires
08:11pour pouvoir après faire de la simulation d'inondations
08:13qui vont être faites par d'autres acteurs,
08:16mais qui vont servir notamment pour la connaissance
08:20dans le cadre des plans de prévention des risques,
08:22dans le cadre des programmes d'action de prévention des inondations.
08:24Et nous, notre travail, justement, c'est de pouvoir décrire ce territoire
08:27pour permettre après au territoire de se préparer,
08:31d'estimer quel est leur risque.
08:32Qu'est-ce que ça apporte par une carte 3D ?
08:35Je peux l'imaginer, mais je veux bien que vous détaillez ça.
08:38Qu'est-ce que ça apporte, une carte 3D, par rapport à une carte traditionnelle ?
08:41En matière, restons sur notre thème, de prévention du risque d'inondation.
08:47Alors, il faut savoir que la carte 3D, on en fait déjà depuis plus d'une dizaine d'années.
08:50Ce que va apporter ce programme, c'est plusieurs choses.
08:52La première, c'est une précision accrue et une actualité.
08:56C'est-à-dire qu'on va être plus précis sur comment notre territoire est constitué.
09:01La deuxième chose, c'est une information à l'échelle de la France entière.
09:05C'est la première fois qu'on fait ça.
09:06Avant, on le faisait sur certains territoires ciblés, justement, pour les risques d'inondation.
09:12Là, on va le faire sur l'ensemble du territoire.
09:13Et donc, du coup, on va pouvoir, après, travailler à cette échelle-là.
09:16On va pouvoir aller chercher les axes de ruissellement.
09:19On va pouvoir aller chercher les zones basses.
09:21Et en fait, de savoir où sont les zones qui sont les plus basses, ça va permettre de savoir quand une rivière déborde, par exemple, où est-ce que cette eau va se répartir sur le territoire.
09:31Ça, c'est quelque chose qui est absolument nécessaire pour pouvoir, comme le disait Mme Fraud, après, aider à la compréhension de ces phénomènes.
09:38Est-ce que c'est une connaissance qu'on a un peu perdue, parfois, avec l'urbanisation ?
09:44Vous voyez ce que je veux dire ?
09:45C'est-à-dire que le développement des villes finit par masquer la topographie des lieux.
09:51Effectivement, en fait, le développement des villes va avoir pour impact de changer la topographie.
09:57On va penser à la construction de nouveaux bâtiments, on va penser à la construction de digues, etc.
10:01Et donc, ça nécessite pour cela une actualisation de la donnée.
10:06Des données qui étaient vraies il y a 10 ou 15 ans, aujourd'hui, elles présentent des défauts par rapport à la réalité.
10:11Et donc, du coup, le fait de pouvoir faire cette cartographie régulièrement et de pouvoir la mettre à jour, ça permet justement d'apporter cette information.
10:18Cette notion de ruissellement, je veux bien vous entendre là-dessus, Elisabeth Faux, parce qu'évidemment, la problématique, la question du ruissellement est de plus en plus importante
10:26avec des inondations qui vont se retrouver dans des zones très localisées.
10:33Comment vous l'appréhendez, cette notion de ruissellement ?
10:36On l'appréhende de différentes manières.
10:40En fait, le ruissellement, ce n'est pas un phénomène nouveau sur le territoire.
10:44Comme je vous l'expliquais tout à l'heure, on a des pentes marquées.
10:47On a aussi des sols très caractéristiques, les mono-argileux, qui facilitent la génération de ce ruissellement.
10:58On se rend compte aussi qu'avec l'urbanisation, l'imperméabilisation des sols, l'appauvrissement des sols,
11:05et puis le dérèglement climatique, cette problématique s'est accentuée.
11:11Et du coup, la gestion, bien sûr, des ruissellements et de l'érosion des sols est pour nous maintenant
11:15un enjeu stratégique.
11:18Je vois que le soleil est revenu sur la région du Boulonnais, c'est génial.
11:23Cette question de ruissellement, la cartographie 3D permet-elle de mieux l'appréhender ?
11:28En effet, le fait d'avoir cette cartographie 3D permet de voir les axes de ruissellement,
11:33ce qu'on va appeler les ravines.
11:35C'est toutes les zones qui vont être amenées à accumuler de l'eau en périodes de pluie extrêmes.
11:41Il faut savoir aussi qu'à l'IGET, on a d'autres bases de données.
11:44Je peux citer notamment l'occupation du sol à grande échelle, l'OCSGE,
11:47qui est en fait une base de données qui va décrire si votre sol est actuellement
11:52plutôt une terre agricole, une terre enherbée, une terre urbanisée, etc.
11:57Et qui va donner de l'information importante pour ces travaux-là,
12:01puisque l'eau ne va pas s'infiltrer de la même façon sur une zone qui va être enherbée que sur une zone bétonnée.
12:07Est-ce qu'il y a beaucoup d'entreprises qui utilisent les données d'hygiène,
12:11ou est-ce qu'elles devraient être plus nombreuses à le faire avant de lancer un projet,
12:14avant d'imaginer, je ne sais pas, construire un nouvel entrepôt, une nouvelle usine ?
12:18Alors ça, c'est effectivement des choses aujourd'hui sur lesquelles on voit qu'il y a une appropriation qui commence à se faire.
12:23Mais c'est vu que c'est la première fois qu'on fait ce programme à l'échelle nationale.
12:26C'est encore quelque chose sur lequel il faut qu'on travaille,
12:28en accompagnant cette donnée par des moyens de l'utiliser et aussi de l'interpréter,
12:35pour pouvoir permettre à chaque entreprise, à chaque acteur du territoire, de l'aménagement du territoire,
12:41de pouvoir prendre en compte cette information topographique.
12:45Merci beaucoup, merci à tous les deux ici à Paris et donc dans le boulonnais.
12:51A bientôt sur Be Smart for Change.
12:53On passe tout de suite au grand entretien de ce Smart Impact avec la directrice générale de la Fondation, Pierre Fabre.
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