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  • il y a 2 mois
Mardi 28 octobre 2025, retrouvez Corinne Khayat (Associée, UGGC Avocats) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Première sanction d'une entente anticoncurrentielle sur le marché du travail, on en parle tout de suite avec mon invité Corinne Kayat, avocate associée chez UGGC Associés.
00:21Corinne Kayat, bonjour.
00:22Bonjour.
00:22Alors c'est une première, la Commission européenne sanctionne une entente anticoncurrentielle sur le marché du travail, on va en parler en détail.
00:32Tout d'abord, quelles pratiques la Commission européenne sanctionne-t-elle ?
00:35Alors d'abord je vous remercie de m'avoir convié à commenter cette décision qui est une décision extrêmement importante pour les entreprises mais également pour les praticiens.
00:45Alors quelles sont les pratiques ?
00:47D'abord il faut savoir qu'il s'agit de deux sociétés qui sont concernées, une société de droit allemand, la société Delivery Hero, et une société de droit espagnol, la société Glovo.
00:58Ces deux sociétés sont concurrentes sur un marché qui est le secteur de la livraison en ligne.
01:05Ces deux sociétés, l'une des sociétés Delivery Hero, a pris une participation minoritaire dans le contrôle dans la société Glovo, prise de participation minoritaire qui ne conduisait donc pas à un contrôle de la société Glovo.
01:20Par la suite, elle a pris le contrôle exclusif de cette société.
01:23Mais les pratiques sont intervenues et c'est là la particularité de cette décision pendant la prise de participation minoritaire.
01:29Alors quelles sont les pratiques ?
01:30Elles sont au nombre de trois.
01:32Une pratique, deux pratiques je dirais assez classiques, une pratique d'échange d'informations commerciales sensibles, une pratique de répartition de marché, et la troisième pratique, et c'est là la nouveauté, c'est une clause de non-débauchage qui était insérée dans le pacte d'associés.
01:50Si vous voulez, je peux détailler plus en détail ces trois pratiques.
01:53Alors justement, pouvez-vous détailler ces trois pratiques pour qu'on comprenne bien les enjeux de cette décision ?
01:59Alors la première pratique, c'est une pratique d'échange d'informations commerciales sensibles entre ces deux sociétés.
02:05En réalité, ces sociétés ont échangé multiples informations, échanges d'informations sur les prix actuels et futurs, sur les coûts de production, sur la capacité, sur multiples facteurs qui sont très importants lorsqu'on doit être concurrent sur le marché.
02:22Et ces pratiques-là sont condamnées très régulièrement par les autorités de la concurrence et aussi la Commission européenne.
02:31Pourquoi ? Parce qu'il y a un principe fondamental en droit de la concurrence, c'est que l'ensemble des opérateurs doivent déterminer seuls leur stratégie commerciale sur le marché.
02:40Et en fait, je dirais que le droit de la concurrence est un petit peu le garant de la liberté d'entreprendre pour permettre à chaque acteur d'entrer sur le marché, de se développer sur le marché par une concurrence par le mérite.
02:55Et on voit bien que la concurrence par le mérite et les échanges d'informations ne vont pas ensemble.
03:00Alors si on revient sur la décision, c'est quoi le montant des sanctions ?
03:04329 millions d'euros. Les deux sociétés ont été condamnées donc fortement en 329 millions d'euros.
03:13Les partis ont reconnu leur responsabilité et ont transigé avec la Commission européenne,
03:19ce qui a conduit à une diminution de la sanction de 10% conformément au communiqué de transaction de 2008.
03:25Alors on va revenir sur un point qui me semble important, c'est la participation minoritaire utilisée de manière anticoncurrentielle.
03:33Concrètement, pouvez-vous expliquer l'utilisation anticoncurrentielle d'une participation minoritaire qui est détenue dans une entreprise concurrente ?
03:41Alors c'est la première décision et c'est ça qui est important.
03:44C'est la première fois que la Commission européenne s'intéresse à l'utilisation anticoncurrentielle d'une participation minoritaire.
03:51Alors comment concrètement elle a eu lieu ? Comme je vous l'ai dit, en fait c'est une prise de participation minoritaire, donc sans contrôle.
03:59A l'occasion de cette prise de participation minoritaire, les entreprises, comme je vous l'ai dit également, ont classiquement conclu un pacte d'associés.
04:09Dans ce pacte d'associés, il était d'ores et déjà décidé de ne pas se faire concurrence sur le marché du travail.
04:17On va y revenir après si vous le voulez.
04:19Et en fait, il y avait donc cette participation minoritaire, plus celui qui a cette participation minoritaire avait un droit à avoir un membre au conseil d'administration de la société Glovo.
04:34Prise de participation, donc ce membre, plus de participer aux décisions des assemblées générales.
04:39Et en fait, ils ont utilisé cette prise de participation minoritaire pour échanger de nombreuses informations qui sont stratégiques pour les entreprises.
04:49Et donc en fait, elles ne se faisaient plus concurrence sur le marché.
04:53Et c'est en cela que cette prise de participation minoritaire a été utilisée à des fins anticoncurrentielles.
04:59Alors on va revenir sur cette absence de concurrence sur le marché du travail, sur les fameux accords de non-débauchage.
05:05Est-ce que ça veut dire qu'au travers de cette décision, ils sont dans le viseur des autorités ?
05:10Alors c'est évident que maintenant qu'on a une décision de la Commission européenne sur les clauses de non-débauchage, ces clauses sont dans le viseur.
05:18Mais ça ne veut pas dire pour autant que ces clauses sont interdites systématiquement.
05:23C'est ça qui est important.
05:24Là, elles ont été interdites.
05:26Pourquoi ?
05:26Elles ont été interdites parce que ces clauses de non-débauchage, là en l'occurrence réciproques,
05:31qui ont été décidées dès la prise de participation, puisqu'elles étaient dans le pacte d'associés.
05:36Mais en plus, elles ont été tendues progressivement à l'ensemble du personnel sur le territoire de l'EEE.
05:43Et il n'y avait pas duré.
05:45Donc en fait, on a vraiment une clause qui est très générale.
05:48Et concernait en fait, in fine, tous les employés des sociétés concernées.
05:55Et c'est ça qui a fait que la Commission européenne a décidé de sanctionner cette pratique.
06:01J'insisterai aussi, mais c'est très important de comprendre aussi, c'est qu'en fait, pourquoi elle a été sanctionnée ?
06:08Elle a été sanctionnée parce qu'il est important pour les entreprises.
06:13Les entreprises, évidemment, il y a des talents.
06:15Et on veut protéger ces talents.
06:17Ce qui est normal.
06:17Il y a des mécanismes parfaitement licites.
06:20Alors déjà, le mécanisme classique, c'est qu'effectivement, d'améliorer les conditions de travail,
06:24d'améliorer la rémunération, de prévoir également des clauses de non-concurrence
06:28qui sont là aussi parfaitement licites, si elles sont limitées géographiquement
06:33et si elles permettent, s'ils sont rémunérées.
06:36Là, on avait une clause de non-égriment générale.
06:40Et c'est ça qui a été précisément sanctionné par la Commission européenne.
06:44Ça veut dire qu'il faut maintenant faire attention dans la rédaction des clauses de non-débauchage.
06:52Absolument.
06:53De clauses de non-débauchage.
06:54Ça veut dire qu'il faut, aujourd'hui, je conseillerais les entreprises de faire un audit sur les clauses de non-débauchage qui sont contenues dans les contrats
07:03pour s'assurer qu'elles n'aillent pas trop loin.
07:06On comprend qu'on veut protéger ses salariés, mais il y a des mécanismes qui sont parfois plus licites ou plus restreints.
07:12Pour aller plus loin, c'est quoi une bonne clause pour être dans le pratique ?
07:15En fait, c'est déjà un territoire limité peut-être, une durée assez courte.
07:21Et là, on avait vraiment l'inverse.
07:23Tout le territoire de l'EE, ça veut dire qu'on avait vraiment une clause très générale.
07:28Donc, oui, elles peuvent être autorisées.
07:31Là, elle ne l'a pas été parce que ça s'inscrivait aussi dans un contexte très particulier de clauses,
07:36comme je vous ai dit, d'échanges d'informations, une clause de répartition de marché,
07:40et en plus de la troisième pratique qu'on vient de parler.
07:43Donc, c'est cet ensemble qui a été sanctionné par la Commission européenne.
07:47Et là, ça veut dire que les entreprises, maintenant, doivent s'intéresser à ces clauses.
07:51Ça veut dire que lorsque les praticiens font des audits de concurrence,
07:55ils doivent absolument intégrer les RH dans l'analyse,
08:00parce qu'effectivement, il faut regarder ces clauses qui sont dans le viseur.
08:04Pour terminer, comment les autorités ont accueilli cette décision ?
08:09Est-ce qu'il y a déjà des applications des autorités de concurrence ?
08:12Absolument. Il y a déjà eu des condamnations.
08:15L'autorité française a, quelques jours plus tard, sanctionné une même clause,
08:20qui était sanctionnée. Alors, j'ai pris le montant, je crois que c'est 25 millions d'euros.
08:24Il y a également l'autorité belge qui a aussi sanctionné ce type de clause.
08:28Donc, ça veut dire quoi ?
08:29Ça veut dire que ces clauses sont dans le viseur,
08:31parce qu'il faut que la concurrence aussi se fasse sur le marché du travail.
08:35Il faut permettre la mobilité des salariés.
08:38Et cette mobilité est parfois, en tout cas en l'espèce,
08:41n'a pas été compatible avec cette clause.
08:43On va conclure là-dessus.
08:44Merci Corinne Kaya.
08:45Je rappelle que vous êtes avocate associée chez UGGC Avocat.
08:48Je vous remercie.
08:49Tout de suite, l'émission continue.
08:51On va parler du droit de se taire en droit du travail.
08:53Est-ce qu'il existe ?
08:54Sous-titrage Société Radio-Canada
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