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  • il y a 1 semaine
Le 13 juillet 1988, à Huos, en Haute-Garonne, trois cadavres sont découverts dans une maison fermée à double tour. Il s'agit des corps de deux sœurs, Fabienne et Joëlle, massacrées à coup de hache et de sabre, et de Fernando, l'époux de Joëlle, qui a succombé à un coup de fusil. Le mari de Fabienne, Henri-Jean Jacomet découvre le carnage. Pendant sept ans, il fait office de suspect numéro un, passant presque une année en prison. Soupçonné d'avoir agi par jalousie, Henri-Jean Jacomet a finalement été innocenté par les analyses génétiques.

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Transcription
00:00Mercredi 13 juillet 1988, le jour se lève sur Huos, un petit village de Haute-Garonne.
00:10Après une nuit de travail, un jeune ouvrier rentre chez lui.
00:14Il s'appelle Henri-Jean Jacomet.
00:17Il habite ici, dans un appartement de l'école du village avec son épouse, Fabienne.
00:22Il est 5h30 du matin, l'homme s'apprête à aller dormir.
00:32Seulement quelque chose n'est pas normal.
00:34Lorsqu'Henri-Jean Jacomet pénètre dans la chambre conjugale, aucune trace de Fabienne.
00:41La jeune femme est-elle chez ses parents qui vivent à quelques rues de là ?
00:45Henri Jacomet décide de s'y rendre.
00:46Quand je suis rentré dans la maison, moi j'ai eu une crainte.
01:03Il y avait cette télévision qui balayait à l'époque, je ne sais pas si il n'y avait pas des programmes toute la nuit,
01:09qui balayait en gris, qui me laissait apparaître le corps de Fabienne au sol.
01:13C'était bizarre pourquoi elle était là, pourquoi seule, pourquoi la lumière n'était pas allumée,
01:21en pleine nuit, à 7h et demi du matin.
01:27Dans un premier temps, je me suis dit, il faut la sauver.
01:30Il n'y avait que ça qui contait.
01:32Il prend sa femme, il ne voit pas qu'elle est déjà morte.
01:35Je n'ai pas soupçonné à l'instant qu'elle n'était plus en vie.
01:44Elle a le coup effectivement qui lui est tranché, donc il devrait s'en rendre compte, mais il ne s'en rend pas compte.
01:52Il est complètement affolé, il la sort sur la pelouse.
01:57Il ne peut pas imaginer une seule seconde que sa femme est morte, je crois qu'il ne peut pas l'imaginer.
02:01C'est chez le voisin le plus proche qu'Henri Jacomet se dirige pour chercher de l'aide.
02:08J'étais en train de dormir et on a été réveillé par des bruits violents à la porte.
02:12Bon, je me suis levé, c'est là que j'ai vu monsieur Jacomet qui était à la porte.
02:16Il courait partout, il était comme fou, quoi.
02:19Il voulait absolument emmener sa femme à l'hôpital.
02:21C'était son problème numéro un, c'était de l'emmener à l'hôpital.
02:24Pierre Fertin alerte aussitôt les secours et c'est le colonel Alain Verdoux de la gendarmerie de Saint-Gaudens qui est dépêché sur place à Uos.
02:37Des renforts le rejoignent en hélicoptère.
02:40Des hommes équipés d'une caméra.
02:42Voici ce qu'ils vont découvrir dans le jardin d'abord.
02:47Je découvre le corps d'une femme qui est passablement abîmée à coups de hache ou de sabre.
02:57Pratiquement presque la tête tranchée.
03:00Elle ne tient au corps que par encore quelques lambeaux de chair.
03:06C'est le corps de Fabienne Jacomet déposé sur la pelouse par son mari.
03:12Les enquêteurs pénètrent ensuite dans l'habitation.
03:14Dans le salon, le corps d'une femme, couchée sur le dos, ensanglantée, très, très, très, très mutilée.
03:26Cette autre femme, c'est Joël Rodriguez, la sœur de Fabienne.
03:31Sur le canapé, un fusil brisé.
03:34Et à côté, un sabre.
03:38La particularité de ce sabre, c'est qu'il est courbé.
03:41La lame est complètement tordue.
03:44En progressant dans la maison, les enquêteurs découvrent dans le hall
03:55la crosse brisée d'un fusil
03:58et une hache ensanglantée.
04:03Un peu plus loin, dans la cuisine,
04:05une énorme flaque de sang.
04:07C'est ici que reposait Fabienne avant que son mari ne déplace son corps.
04:10Je suis assez surpris de la violence avec laquelle ces personnes ont été massacrées, tuées.
04:18C'est des entailles, c'est des chaires ouvertes
04:20et qui saignent abondamment.
04:23Ce n'était pas une scène de crime simple, commune, banale.
04:28Pas du tout.
04:29Pas du tout.
04:29C'était atroce.
04:30C'était atroce.
04:31On voit qu'il y a eu une violence inouïe.
04:36C'est...
04:37Personnellement, je n'avais jamais vu une telle violence.
04:40Et ce n'est pas fini.
04:42C'est dans le cellier que s'achève la macabre visite des enquêteurs.
04:46Il y a un pompier qui ouvre une porte et qui dit qu'il y en a un autre là.
04:51Et c'est là qu'on a vu qu'il y avait un homme qui était par terre.
04:57Il est sur le dos, dans une marre de sang.
05:00Un fusil de chasse à côté.
05:05La blessure qu'a subie cet homme, manifestement, c'est une décharge d'armes à feu à bout touchant.
05:13Il manquait la moitié du crâne.
05:15Cet homme, c'est Fernando Rodriguez, l'épouse de Joël.
05:22Trois morts.
05:23Une scène d'épouvante.
05:25Mais que s'est-il passé dans cette maison ?
05:28Qui pouvait bien en vouloir à ce point ?
05:31À Fabienne, Joël et Fernando.
05:35Le seul qui pourrait nous en parler, c'est un garçon barbu qui se trouve complètement agar, abattu.
05:42Et que l'on présente comme étant Henri Jacomet.
05:47L'image est saisissante, elle a été filmée par les gendarmes.
05:52Voici Henri Jacomet, quelques minutes seulement après leur arrivée.
05:55Ahuri, hébétés, sous l'emprise d'un puissant calmant administré par le médecin des pompiers.
06:02Il était plus lui-même, on voyait bien qu'il était accablé.
06:15Il est déjà hors de sa tête, avec tout ce qui lui arrive.
06:19Incapable toute la journée de nous faire la moindre déclaration sensée.
06:24On est dans l'inconnu et ce n'est que petit à petit, au fil des heures, qu'on comprendra un peu comment est constituée cette famille.
06:34Cette maison, c'est celle de Jean et Yvette Souby.
06:38Ils vivent ici avec leur fille aînée, Joël, et son mari, Fernando Rodriguez.
06:43Les parents se trouvent en vacances à la mer.
06:47Le couple Rodriguez est donc seul, en leur absence.
06:51Et immédiatement, Fernando Rodriguez focalise tous les soupçons.
06:56L'élément déterminant, pour moi, ça a été la blessure de Fernando.
07:05La position du fusil, ça ne pouvait en aucun cas être un meurtre, en tout cas sur Fernando.
07:13Pour moi, c'était un suicide, c'était patent, flagrant.
07:17Voilà.
07:18Et voici le scénario élaboré par les enquêteurs.
07:26À l'aujourd'hui, il y a eu une réunion avec les enquêteurs.
07:30Et je me souviens très bien qu'il a été dit que c'était deux meurtres suivis d'un suicide.
07:36Fernando aurait tué sa femme, sa belle-sœur, et il se serait suicidé.
07:40Très vite, les enquêteurs informent Henri Jacomet de leur certitude.
07:46L'homme est invité à rentrer chez lui.
07:50Ils me l'ont dit de manière formelle.
07:52Ton beau-frère a tué ta femme et sa femme.
07:59Quelques jours plus tard, les médecins légistes rendent les conclusions de leurs autopsies.
08:03Ces deux femmes ont été tuées dans un acte de violence extraordinaire.
08:09Joël, 31 ans, a été frappé à la tête par un instrument contondant.
08:16À la gorge, par le sabre retrouvé près d'elle à 16 reprises.
08:20Fabienne, 20 ans, a reçu une balle de fusil de chasse à la hanche.
08:25Puis a été décapitée à coups de hache.
08:30Qu'est-ce qui s'est passé ?
08:32Que s'est-il passé avec les deux sœurs ?
08:37À un moment ou à un autre, il y a eu un affrontement.
08:40Et un long affrontement.
08:41Pourquoi s'acharner ?
08:43Pourquoi aller décapiter Fabienne ?
08:44Pourquoi le sabre, la hache, le fusil, etc.
08:47Pourquoi ?
08:50À Uos, petit village de 400 habitants,
08:53c'est la stupeur et l'incrédulité.
09:04C'est un choc inouï,
09:07compte tenu du fait que cette communauté est toute petite
09:09et que tout le monde se connaît.
09:10Que tout le monde connaît Joël,
09:12que tout le monde connaît Fabienne,
09:15que tout le monde connaît Fernando,
09:17un personnage familier qu'on voit tous les jours.
09:22On apprend que c'est un garçon pacifique
09:23qui travaille pour la mairie,
09:26il s'occupe des espaces verts.
09:28C'est un garçon particulièrement gentil, doux,
09:32bien intégré dans la belle famille.
09:35Il aimait beaucoup sa femme, Joël,
09:37qui était un jeune couple sans histoire.
09:39Voilà ce qu'on apprend.
09:42On ne voit pas très bien comment ce garçon,
09:45si équilibré, si gentil,
09:47a pu avoir un tel accès de violence.
09:50Il faut parler de sauvagerie.
09:51Un homme sans histoire,
09:54aux relations familiales épanouies,
09:56voilà pour les apparences.
09:59Mais les gendarmes vont découvrir que tout n'est pas si simple
10:02dans la vie de Fernando Rodriguez.
10:04La première à leur en parler,
10:08c'est Myriam Souby, la sœur de Joël et Fabienne.
10:12Elle va donner une toute autre image de son beau-frère.
10:15Et voici ce que Myriam déclare à propos de Fernando.
10:17« Je pense qu'il était mal dans sa peau lorsqu'il était chez nous.
10:22Il se sentait dépendre de notre famille et de mes parents.
10:25Surtout que mon père lui faisait parfois ressentir qu'il était le chef de famille. »
10:31« Il est tous les jours avec son beau-père qui le gonfle.
10:34On va le dire comme ça.
10:36Le beau-père est toujours en train de l'emmerder. »
10:38« Monsieur Souby, d'après ce qu'on apprend,
10:40on n'est pas un homme à se laisser marcher sur les pieds. »
10:43« Il est humilié parce que le beau-père lui dit qu'il faut faire ce qui est bien.
10:48Et il l'humilie aussi parce que sa femme le voit être humiliée par son beau-père.
10:54Ça fait beaucoup. »
10:56Et ce n'est pas tout.
10:57Devant les gendarmes, Myriam Souby témoigne également de difficultés conjugales
11:02entre sa sœur Joëlle et Fernando.
11:05Injures, disputes.
11:07Pour elle, sa sœur aînée avait peur ces derniers temps.
11:11« Pour moi, j'avais l'impression que Joëlle n'était en sécurité
11:13que lorsqu'elle était en compagnie d'une autre personne. »
11:18Un autre membre de la famille s'était exprimé à ce sujet
11:21le jour même de la découverte du drame.
11:24C'est Henriette Souby.
11:27« C'est la mémé qui est venue vers nous,
11:31qui nous dit « Je savais que ça finirait comme ça. »
11:36Et le pépé qui lui dit « Tu es de Bascara. »
11:39Et comme je suis fils d'agriculteur, que je parle très bien le patois,
11:42j'ai compris, il lui a dit « Toi, tu vas te taire. »
11:45C'est un secret de famille qu'Henriette Souby va finir par confier au gendarme.
11:49Un événement révélateur d'un malaise dans le couple Rodriguez, deux ans plus tôt.
11:56Tout commence par une violente dispute.
11:58La grand-mère dit un jour « Le couple s'est fruité, sérieusement. »
12:03Et lui, il lui a mis une gifle.
12:06Il est allé se réfugier dans sa chambre.
12:13Il a fait une tentative de suicide.
12:16Elle décrit une tentative de pendaison.
12:19Voici ce que la grand-mère explique aux gendarmes.
12:24« Nous lui avons enlevé la corde, l'avons couché et l'affaire s'est terminée ainsi.
12:29Joël m'a fait promettre de ne rien dire de cela à personne. »
12:35Mal-être, frustration.
12:37Pour les gendarmes, voilà ce qui expliquerait le geste de Fernando.
12:41Double meurtre suivi du suicide de l'auteur.
12:45A l'issue de cinq semaines d'enquête, la tuerie du Haut s'est résolue.
12:49« Ça nous semble quand même caractéristique d'un individu qui n'est pas bien dans sa peau,
12:55qui n'est pas psychologiquement stable
12:59et qui peut très facilement se laisser aller à un suicide. »
13:06Mais la famille de Fernando Rodriguez refuse ce scénario, à commencer par sa sœur.
13:12Anne-Paul Rodriguez n'imagine pas une seule seconde
13:15que son frère puisse être l'auteur d'un tel massacre.
13:19« Ça a été quelque chose qu'on a créé de toutes pièces
13:23pour essayer de... comment dire de...
13:28pour dire que c'était mon frère l'auteur en quelque sorte.
13:32Et on a décidé de porter plainte le 4 août 88 à Saint-Gaudin
13:38parce que les gendarmes restaient toujours, disons, sur leur idée
13:44et puis qu'ils ne nous écoutaient pas tellement. »
13:47La plainte des Rodriguez va permettre l'ouverture d'une information judiciaire.
13:52L'enquête est confiée à une nouvelle équipe de gendarmes,
13:55ceux de la section de recherche de Toulouse.
13:57À leur tête, le lieutenant-colonel Lacal.
14:02Lui non plus ne croit pas au suicide de Fernando Rodriguez.
14:06« Moi, je n'y croyais pas, absolument pas.
14:09Je n'y croyais pas, ne serait-ce que par la position du corps
14:13et la position du fusil par rapport à ce corps
14:16du présumé auteur des deux crimes, donc de la tuerie,
14:23j'ai dit que ce n'est pas possible. »
14:24« Les enquêteurs de la section recherche,
14:26qui sont des spécialistes des affaires criminelles,
14:28c'est leur métier,
14:30considèrent effectivement que cette première hypothèse est trop simple. »
14:34Les nouveaux enquêteurs accusent leurs prédécesseurs
14:36d'avoir commis des erreurs fondamentales
14:38le jour de la découverte du drame.
14:40Notamment, ils ont autorisé Henri Jacomet à se changer.
14:46Ses vêtements étaient maculés de sang
14:47et constituaient donc une pièce à conviction majeure.
14:52« Rien n'a été fait sur sa personne,
14:55comme constatation, sur son linge,
14:58puisque je vous rappelle que la maman d'Henri Jacomet
15:01a lavé le jour même tous ses vêtements. »
15:04Madame Jacomet, mère, n'avait aucune idée
15:09de la valeur de ce qu'elle a effacé.
15:14« C'est une faute professionnelle
15:15de ne pas avoir saisi les vêtements
15:17sanglontés immédiatement. »
15:21Alors, les nouveaux gendarmes reprennent
15:23toute l'enquête depuis le départ.
15:26Et celui qui était considéré jusque-là
15:28comme simple témoin va devenir le principal suspect.
15:32Et voici pourquoi.
15:34Les victimes ont été découvertes le mercredi
15:36au petit matin, peu avant 6h.
15:39Or, l'autopsie va montrer que Joël et Fabienne
15:42ont été tués la veille, le mardi,
15:45entre 4h et 5h de l'après-midi.
15:49Un indice matériel vient confirmer cet horaire.
15:52Il a été relevé sur la scène de crime.
15:54« Dans la cuisine, sur la table de la cuisine,
15:57se trouvent deux tasses
16:00qui sont remplies de café au lait froid
16:02et qui sont pour l'une pas consommées
16:05et l'autre à peine consommées. »
16:07« Joël et sa soeur Fabienne avaient l'habitude
16:09tous les jours, quasiment tous les après-midi,
16:11de boire leur café entre 16 et 17h. »
16:15Alors, les gendarmes n'ont qu'une question en tête.
16:18À cette heure-là, que faisait Henri Jacomet ?
16:21« À 17h, c'est vrai, où est Jacomet ? »
16:24« Jacomet, il dort. »
16:28Et en effet, entre 14h30 et 18h30,
16:32Henri Jacomet, qui travaille la nuit,
16:34affirme avoir fait la sieste.
16:37Autrement dit, il n'a pas d'alibi.
16:41« La sieste, c'est pas un alibi,
16:42parce que c'était une sieste solitaire
16:43et justement, il n'y avait pas de témoin de la sieste. »
16:47De plus, un témoignage va laisser penser
16:50qu'Henri Jacomet aurait pu commettre le massacre.
16:52C'est celui d'une amie du couple Jacomet
16:54qui, dans l'après-midi, s'est rendue chez eux.
16:57« Elle s'est rendue chez M.Henri Jacomet et Fabienne,
17:02donc à l'école, ne trouvant personne.
17:05Elle a sonné plusieurs fois, elle a attendu. »
17:12« M.Henri Jacomet ne se trouvait pas chez lui,
17:14alors qu'il dit très clairement à tout le monde
17:18qu'il était en train de faire la sieste. »
17:20Lors de sa première audition,
17:22Henri Jacomet n'a pas fait mention de cette visite aux enquêteurs.
17:28Puis, il affirmera finalement avoir entendu sonner pendant sa sieste.
17:32« Il mentait souvent, très très souvent.
17:35Un jour, il vous disait une chose,
17:36et puis après, dans un autre procès verbal,
17:39après, bon, il disait autre chose. »
17:42Les enquêteurs doutent également de la sincérité d'Henri Jacomet
17:45au moment de la découverte du drame.
17:51« Ce qui avait été pointé, c'était le fait
17:54qu'il ait transporté le corps de Fabienne à l'extérieur,
17:59alors qu'elle avait la tête tranchée. »
18:01« Il lui fait du bouche à bouche alors qu'elle est quasiment décapitée.
18:04Cette attitude étrange de Jacomet
18:06sera un des éléments d'ailleurs importants
18:08qui vont les orienter vers l'hypothèse de sa culpabilité. »
18:13Au fil du temps,
18:14Henri Jacomet apparaît de plus en plus suspect
18:16aux yeux des gendarmes.
18:18D'autant que des témoignages troublants
18:20vont les conforter.
18:22Et pas de n'importe qui,
18:24les parents soumis accusent ouvertement leur gendre.
18:27Selon eux, Henri Jacomet faisait vivre un enfer
18:29à leur fille, Fabienne.
18:30« On apprend que le couple avait connu quelques tensions
18:35quelques semaines ou quelques mois auparavant,
18:39que Fabienne a été retournée quelques jours chez ses parents. »
18:42« Il la faisait vivre à la dure,
18:45avec pas tout le confort dans leur appartement,
18:48avec beaucoup de restrictions,
18:50beaucoup bon.
18:51Et puis il avait un tempérament
18:53qui peut-être ne correspondait pas
18:56à ce que les parents attendaient d'un gendre. »
18:59« Ah, je pense que ça n'a jamais été le gendre idéal. »
19:03Les témoignages contre Henri Jacomet s'accumulent.
19:06Après ses beaux-parents,
19:08c'est au tour des Rodrigues,
19:09la famille de Fernando.
19:12« Le mobile, c'est la sœur de Fernand
19:14qui va l'amener sur un plateau. »
19:16« Je me suis dit, bon,
19:17il va falloir que j'aille trouver les enquêteurs,
19:19que je leur explique que leur couple battait de l'aile,
19:22disons, à Fabienne et Henri Jean. »
19:26« Henri Jacomet était quelqu'un d'égocentrique
19:30qui ne pensait qu'à lui.
19:32Il avait acheté une jument
19:33au lieu de lui acheter une bague
19:36ou de l'emmener en voyage. »
19:38« C'était une jeune fille très choyée par sa famille
19:40et qui se sentait peut-être pas
19:42autant adulée,
19:45choyée par son mari. »
19:46« Elle voyait que son avenir
19:48allait se dérouler à Uyos
19:49entre l'âge humain et le club de foot.
19:52Donc, c'était pas un avenir pour elle. »
19:55Et surtout, selon la famille Rodriguez,
19:58Fabienne était amoureuse d'un autre homme.
20:02Le voici.
20:03Il s'appelle Dinis,
20:04il vit aux Etats-Unis
20:05et ce n'est autre que l'oncle
20:07de Fernando Rodriguez
20:09et sa sœur Anne-Paul.
20:10Depuis l'adolescence,
20:16Fabienne aurait le béguin pour Dinis.
20:20« Il a ce parfum d'Amérique derrière lui.
20:22Évidemment, au pied des montagnes,
20:24ça fait rêver, quoi. »
20:26Fabienne n'a vu Dinis
20:28que cinq fois dans sa vie.
20:30Et la dernière de ses rencontres,
20:32c'était un mois avant le drame,
20:34le 4 juin 1988.
20:37Ce jour-là,
20:38Fabienne aurait décidé de quitter son mari.
20:40Et donc là, elle se dit
20:42« Bon, c'est ma dernière chance, disons,
20:44de pouvoir partir
20:46et d'aller avec lui, bon, ailleurs. »
20:50Le type revient tout surpris
20:52de voir cette jeune femme
20:55qu'il a quittée gamine
20:56lui révéler son amour torride, etc.
21:01Il est surpris
21:03et, disons-le franchement,
21:05gêné, embarrassé
21:06pour dire le mot, très emmerdé.
21:08« Mon oncle lui dit
21:10« Non, ce n'est pas possible,
21:11tu es marié,
21:12il faut que tu restes avec ton mari. »
21:13Il l'encourage effectivement
21:15à renoncer à cet amour.
21:18Mais ça, c'est comme autre chose.
21:20Ce qu'il y avait dans la tête
21:21de Fabienne, voilà.
21:23Et si Henri Jacomet
21:24avait appris l'idyle
21:25entre sa femme et Dinis ?
21:28Dans l'esprit des enquêteurs,
21:29la jalousie pourrait bien être
21:31le mobile du crime.
21:32Un mobile.
21:36Pas d'alibi.
21:37Le 16 janvier 1989,
21:39six mois après le drame,
21:41Henri Jacomet est placé en garde à vue.
21:44Je ne suis pas du tout inquiet.
21:45Je ne soupçonne pas l'instant,
21:48du moins les premières heures
21:49de garde à vue,
21:51que je suis parti
21:51pour une galère
21:53qui n'est pas terminée aujourd'hui.
21:55C'est comme un moment donné,
21:56il m'a sorti des photos
21:57de la découverte.
21:58Quand il m'a montré des photos,
21:59j'ai vu des images
22:03beaucoup plus fortes,
22:05beaucoup plus difficiles
22:06à supporter
22:07que ce qui m'avait semblé voir
22:09le jour de la découverte.
22:11Mais vraiment,
22:13c'était presque pas
22:15la même scène
22:16que j'avais découverte.
22:19Et puis ça a monté
22:19très rapidement.
22:21C'est devenu des coups au ventre.
22:22Je sais qu'il a été arrêté,
22:24qu'ils l'ont amené à la brigade
22:25et qu'ils l'ont tapé.
22:27Mais parce que
22:28ça fait les gorgues chaudes.
22:30Giacomo, il a pris
22:30une bonne branlée.
22:32Bon, voilà.
22:32Je me rappelle,
22:33j'avais un cachet-nez
22:34parce qu'on était mois de janvier.
22:37Je n'ai jamais plus
22:37mis de cachet-nez
22:38parce qu'être est roulé,
22:40je ne sais pas,
22:4150 enfants, je ne sais pas.
22:42Les interrogatoires,
22:43ils ont été menés à la schlag.
22:46Puisqu'il a quand même
22:46perdu une dent.
22:48Un coup de poil,
22:48je ne sais pas.
22:50Ah oui,
22:51mais ils se sont allés très forts.
22:54Ça, pratiquement tous les gens
22:56gardés à vue à l'époque
22:56disaient qu'ils étaient maltraités.
22:58Mais c'est sûr déjà
22:59qu'une garde à vue de 48 heures,
23:01ce n'est pas une discussion de bistrot.
23:05Ça, c'est clair.
23:08Il a bien compris
23:09qu'ils risquent gros.
23:11Il a dit,
23:11non, c'est non,
23:12et puis c'est non,
23:13et puis c'est non.
23:14Et on a boum tapé,
23:15c'est non.
23:15Il arrive un moment
23:16où ils ne peuvent rien faire.
23:19Ils sont devant une porte fermée.
23:21Je me suis dit,
23:21mais jusqu'où ils vont aller ?
23:22Ils vont...
23:23Enfin, jusqu'où ils sont capables d'aller ?
23:25Après, je me suis dit,
23:25ils ne vont pas te tuer.
23:26C'est impossible.
23:28Donc, bon,
23:28tu ressortiras vivant,
23:29serre les dents,
23:30et des coups,
23:31ils s'arrêteront forcément.
23:33Tôt ou tard, quoi.
23:34Deux mois plus tard,
23:40en dépit de ses dénégations
23:41et l'absence de preuves matérielles,
23:44Henri Jacomet est inculpé
23:45pour les meurtres de Joël et Fabienne.
23:48Il est arrêté
23:49et placé en détention provisoire
23:51à la prison Saint-Michel de Toulouse.
23:56Il y a quand même quelque chose
23:57qui ne va pas dans leur scénario
23:59parce qu'ils lui imputent
24:01la mort des deux sœurs,
24:03mais ils ne peuvent pas
24:03lui imputer la mort de Fernand.
24:04Pourquoi ?
24:06Pour une raison simple.
24:08Le jour du crime,
24:09Fernando Rodriguez
24:10est mort aux alentours de 20 heures.
24:12C'est l'autopsie
24:13qui l'a déterminée.
24:17Or, à ce moment-là,
24:18Henri Jacomet a un alibi.
24:20Il est chez lui
24:21et avant de partir travailler,
24:23il reçoit la visite
24:24de son ami Thierry Burella.
24:27On m'a dit ici la scène.
24:28Bon, tiens, assieds-toi.
24:29Excuse-moi, je prépare mon sac.
24:30Tiens, sers-toi un apéritif.
24:32Je bois avec toi.
24:32On trinque.
24:33Tout en trinquant,
24:36on prépare le sac,
24:37on discute.
24:39Bon, c'est ça.
24:39Et l'autre, il lui dit,
24:40là, je dois m'en aller.
24:43À bientôt.
24:43Bon, ils se séparent comme ça.
24:45Sauf que l'horaire auquel Henri-Jean Jacomet et Thierry Burella se séparent ne convenait pas à la thèse d'un crime perpétré par Jacomet.
24:57Si Jacomet avait perpétré ce crime, il aurait fallu au moins qu'il se libère une demi-heure plus tôt.
25:04Alors, on a entrepris de démolir l'alibi Burella.
25:07C'est un garçon qu'on va entendre 18 fois.
25:10On a entendu ses parents, on a dit à ses parents qu'on allait le mettre en cause comme étant le complice de l'assassin.
25:19C'était effrayant, cette sarabande judiciaire autour d'un témoin gênant pour essayer de le faire craquer.
25:25Et c'est miracle qu'il n'ait pas craqué, ce garçon.
25:28C'est miracle.
25:30Les enquêteurs ne parviennent pas à prouver qu'Henri Jacomet a tué Fernando Rodriguez.
25:36Du coup, ils élaborent un scénario.
25:39À l'heure du café, Henri Jacomet aurait tué les deux femmes.
25:43Puis, Fernando, arrivé en fin de journée, se serait suicidé devant ce spectacle.
25:51À la prison Saint-Michel, Henri Jacomet crie son innocence.
25:54Il a même entamé une grève de la faim et sa famille se mobilise.
25:59Je suis sûre que nous arriverons à le libérer, à prouver son innocence et il ira jusqu'au bout pour l'obtenir.
26:06Vous êtes en prison, enfermé, les murs sont hauts.
26:10À un moment donné, je me disais, c'est pas possible, ils sont tous contre moi.
26:13C'est pas normal, quoi.
26:15Et là, vous avez peur.
26:20Seulement ce scénario imaginé par les gendarmes.
26:22D'un Jacomet meurtrier des deux femmes, suivi d'un suicide de Fernando, ne tient pas.
26:28Et cela, à cause d'un nouvel élément, un minuscule indice prélevé sur la scène de crime.
26:34On a trouvé la moitié d'un bouton cassé.
26:43Et ce bouton cassé provient du polo que Fernando Rodriguez portait le jour du drame.
26:48On va mettre en évidence, photographiquement, la marque de la martelette de la hache.
26:57Quand vous mesurez la partie de la martelette et la trace que vous voyez sur le polo, vous voyez que c'est la même chose.
27:03C'est-à-dire qu'il y a eu un ressaut de martelette et il s'est cassé, il a cassé le bouton du polo.
27:11En clair, Fernando pourrait bien être le meurtrier.
27:16Il aurait utilisé la hache pour tuer Fabienne Jacomet.
27:19Et dans la fureur de son geste, l'arme aurait tapé sur son polo, brisant ainsi le bouton.
27:25Il devient évident que c'est Fernando qui a manié l'âge.
27:42A cause de cet indice, la culpabilité d'Henri Jacomet se trouve ébranlée.
27:49L'homme est remis en liberté après huit mois de détention.
27:55Dorénavant, la tuerie du hausse divise la gendarmerie nationale.
28:03D'un côté, les enquêteurs de la section de recherche de Toulouse, persuadés de la culpabilité d'Henri Jacomet.
28:10De l'autre, les premiers gendarmes et experts à être intervenus sur la scène de crime,
28:14convaincus, eux, que le coupable est Fernando Rodriguez.
28:17Les enquêteurs qui avaient déclaré au départ que c'était Rodriguez et Thèse avec laquelle nous étions en désaccord total,
28:25bien entendu, ils n'allaient pas revenir sur leur thèse.
28:28Parce qu'à ce moment-là, ils ont induit tout le monde en erreur.
28:30Ils nous disent que Jacomet est coupable, qu'on se trompe au niveau des preuves.
28:35Voilà. Et nous, on ne se trompe pas au niveau des preuves.
28:38On en est certain de ce qu'on avance.
28:39C'est une véritable guerre entre services qui éclate alors.
28:47Gérard Quairol, simple gendarme à l'époque, va en faire les frais.
28:52Quelques mois après le drame, il va s'opposer à l'un de ses collègues enquêteurs de Toulouse.
28:57Il est venu à la brigade.
29:00Il a commencé un soir de dire qu'on n'avait pas fait bien faire notre travail,
29:05qu'on avait négligé beaucoup de choses, que ceci, que cela.
29:09Et moi, je me suis permis de lui dire qu'il racontait n'importe quoi.
29:12Et on s'est accrochés violemment.
29:16J'étais un des seuls à dire ouvertement que je n'étais pas d'accord avec ce qu'il faisait.
29:21Lui, il trouvait inique la façon dont, et en tout cas anti-déontologique,
29:25la façon dont était conduite l'enquête, quoi, par ses collègues.
29:30Je dis l'enquête devient orientée.
29:32La raison, je ne la connais pas, mais je dis là, l'enquête devient orientée.
29:36Parce qu'il a critiqué ses collègues, Gérard Quairol est inculpé de dénonciations calomnieuses
29:42et subit trois expertises psychiatriques.
29:45Il sera finalement déclaré sain d'esprit et bénéficiera d'un non-lieu.
29:50Mais entre-temps, l'homme a quitté la gendarmerie.
29:52Quand je démissionne de la gendarmerie, le général me dit, vous devez oublier l'affaire Jacomé.
29:59Mais pourquoi ? Qu'est-ce que c'est qui les inquiète ?
30:03Ce qui inquiète les gendarmes de la section de recherche de Toulouse,
30:07c'est qu'au-delà de leur certitude, les charges contre Henri Jacomé restent faibles.
30:13Pourtant, l'homme reste soupçonné de meurtre.
30:15Le 26 novembre 1990, le juge va lui demander de revenir sur les lieux du crime
30:22et de participer à la reconstitution des faits.
30:26Comment a-t-il pénétré dans l'habitation ?
30:31Pourquoi et comment a-t-il sorti le corps de son épouse Fabienne sur la pelouse
30:36jusqu'au moment où il a appelé les secours ?
30:40Même si ce jour-là, Henri Jacomé reproduit tous ses faits et gestes,
30:49le juge, lui, n'est toujours pas convaincu.
30:54D'autant qu'une nouvelle expertise va l'accabler.
30:57Une expertise qui affirme cette fois que Fernando Rodriguez n'a pas pu se suicider.
31:04Car la position de son corps n'est pas compatible avec un tel geste.
31:07Le suicide serait donc une mise en scène, une mise en scène signée Henri Jacomé.
31:14Le 29 novembre 1990, il retourne en prison, inculpé cette fois-ci de triple meurtre.
31:25Il y a eu des moments où effectivement on s'est demandé si on arriverait
31:27à faire en sorte que la machine se mette à tourner normalement.
31:32Je veux dire, si à un moment donné, ça allait se retourner
31:34pour qu'effectivement les choses reviennent dans leur état normal.
31:36Deux mois passent et c'est encore un rebondissement.
31:40Henri Jacomé est une nouvelle fois libéré.
31:43Pour la justice, les charges contre lui ne sont pas suffisantes.
31:48Henri Jacomé est libre.
31:51Ce qui est très troublant, c'est ces allées venues de Jacomé en prison.
31:56On l'incarcère, il reste quelques mois, on le libère, on le réincarcère sous une autre inculpation.
32:03Donc on a vraiment une impression d'hésitation de l'enquête, d'hésitation lourde quand même.
32:09Il y a quand même eu des magistrats qui ont jeté un regard critique sur le dossier
32:14et qui se sont demandé comment on avait pu mettre cet homme en détention.
32:20Je veux bien comprendre qu'on ne me fait pas un cadeau en me remettant en liberté.
32:23C'est la place que je mérite.
32:24Je n'ai rien fait pour passer ma vie en prison.
32:28J'ai quand même fait 10 mois de détention.
32:29C'est lourd pour quelqu'un qui n'a rien à se reprocher.
32:32Et je me rappelle toujours cette espèce de sourire étrange d'Henri Jacomé.
32:37Ce garçon sort de prison, il vient d'y passer plusieurs mois et il a une espèce de sérénité
32:45comme ça, il n'a l'air même pas marqué par ces mois de prison.
32:50C'est très très curieux.
32:51Il est calme et il répète « je suis innocent ».
32:55Les gens qui me connaissent depuis tout petit, j'ai toujours souri de ce que j'ai dit bonjour.
32:59Par la suite, j'ai un peu fermé mon visage.
33:03Je suis arrivé à donner une image de moi trop froide.
33:07Alors que je crois que de toute façon, quand vous êtes accusé de meurtre,
33:11quelle que soit l'image que vous donnez, on vous la reproche.
33:17A Uos, le village où s'est déroulé le crime, l'ambiance est délétère.
33:23Il y a les pros et les anti-Jacomé.
33:26On a jeté Jacomé en pâture à toute une famille.
33:30C'est terrible, ça a abouti à créer des haines et en tout cas à entretenir les haines
33:36dans les conditions phénoménales.
33:43Il y a même un mystérieux corbeau qui envoie aux proches d'Henri Jacomé d'étranges missives.
33:48La famille Jacomé reçoit des lettres sur lesquelles il y a un cercueil, un verre.
33:59Il y a eu trois morts chez nous, il y aura trois morts chez vous.
34:02Moi, je vous dis, j'ai reçu des coups de fil anonyme en quantité épouvantable.
34:06Je crois qu'un soir, j'en ai reçu 20.
34:07Parce qu'il y a eu trois morts chez les soubis, on dit qu'il y aura trois morts chez moi.
34:12Le procureur est au courant.
34:15Mais malgré tout ça, je tiendrai bon.
34:18Mais je peux vous dire qu'on ne touche surtout pas mes enfants, surtout pas.
34:21Mais je tiendrai bon.
34:23Et j'aiderai mon frère jusqu'au bout.
34:25Et je peux vous dire qu'un jour, les gens du HOS seront que mon frère est innocent.
34:28C'est dramatique pour tout le monde.
34:31C'est dramatique pour tout le monde.
34:33La tension monte dans le petit village du HOS.
34:38L'hostilité entre les familles va même prendre un tour pathétique.
34:42Preuve en est cette altercation sur le parking d'un supermarché
34:45entre la mère de Fabienne et Joël et la sœur d'Henri Jacomé.
34:54Je faisais mes courses.
34:55J'aperçois les pierrettes qui arrivent avec son mari.
34:59Je me suis avancé et je lui ai dit, à sa scène, je lui ai fait.
35:02Et tu oses encore me regarder ?
35:04J'ai comme ça, à sa scène, encore tu oses me regarder.
35:07C'est quand même quelque chose d'atroce qu'ils ont vécu.
35:13Et on peut comprendre le désarroi de ces gens.
35:16Le désarroi de ces gens.
35:196 juin 1995, 7 ans après les fesses,
35:23s'ouvre le procès d'Henri Jacomé devant la cour d'assises de Haute-Garonne.
35:27Les jurés ont 7 jours pour se prononcer.
35:30Henri Jacomé est-il coupable d'avoir tué sa femme,
35:33sa belle-sœur et son beau-frère, le 12 juillet 1988, à Uros.
35:37L'homme, en cours, la réclusion à perpétuité.
35:41Mes premiers pas, je dirais, dans la cour d'assises,
35:44j'étais préparé, mais je ne m'attendais pas à voir des journalistes,
35:47des flashs à un mètre ou deux mètres de moi.
35:50Puis bon, ça a sûrement duré très peu de temps,
35:53mais vu de là où j'étais, ça me semblait très long.
35:56Tout le monde vous regarde
35:59et vous êtes mis en position de suspect, d'assassin.
36:03Vous êtes l'assassin potentiel.
36:05Si vous êtes là, c'est qu'il y a quand même pas mal de personnes
36:07qui ont considéré que vous étiez un triple assassin.
36:11C'est le président Maurice Zavaro qui mène les débats.
36:16Juste avant l'ouverture de l'audience,
36:17le magistrat va faire un geste inhabituel
36:20qui bouleverse l'accusé.
36:21J'ai été surpris par le fait qu'il m'ait dit
36:25« Bonjour, monsieur, j'ai promis qu'il m'ait touché la main ».
36:28Et bon, ça m'a...
36:30Oui, j'ai été...
36:31Je crois même que j'ai pleuré devant lui.
36:34Cet homme, c'est le président.
36:35Je savais qu'il allait quand même être très important dans le procès.
36:39Et je me suis dit « Cet homme est une ingresse ».
36:43Sans surprise, la salle est à l'image de l'affaire coupée en deux.
36:47Sept ans après les faits, c'est l'heure de la grande confrontation
36:52entre les partis civils et Henri Jacomet.
36:57Quand je me suis retrouvée aux assises face à lui,
37:00bon, il avait un regard cynique.
37:04Il me regardait vraiment...
37:07Comme s'il était content, enfin, je veux dire, il me narguait.
37:12C'est un violon, cet individu, il ne faut pas vous faire illusion.
37:16Malgré, bon, on dit qu'il ne changeait pas de physion,
37:18mais tout ça, il avait une barbe énorme.
37:20Il n'était pas facile de savoir s'il riait ou s'il rougissait,
37:23ou n'importe, mon père l'appelait Landru.
37:25On est face quand même à des gens qui ont eu le temps
37:28d'entretenir leur souffrance.
37:30Et leur souffrance a eu le temps de se transformer aussi en colère,
37:34en passion.
37:35C'est Jacomet.
37:37C'est Jacomet.
37:38Le président Zavaro décortique le dossier devant la cour.
37:42Et ce qui va très vite apparaître au grand jour,
37:45ce sont les faiblesses de l'enquête.
37:48A commencer par les témoins.
37:51Ainsi, Diniz Rodriguez, venu des Etats-Unis,
37:54l'amant supposé de Fabienne.
37:56Une idylle qui aurait déclenché le coup de folie d'Henri Jacomet.
38:00Seulement, lorsque Diniz apparaît à l'audience,
38:03cette hypothèse s'effondre.
38:05Cela paraissait peu crédible par rapport à ce qu'on pouvait imaginer.
38:09Parce qu'il était plus âgé, il n'était pas à l'allure d'un prince charmant, on va dire.
38:17Un autre élément va laisser penser qu'il n'y a jamais eu de relation sérieuse entre Fabienne et Diniz.
38:23Un mois avant le crime, Diniz aurait offert un bracelet à Fabienne, en gage d'amour.
38:29Seulement, ce cadeau n'a sûrement pas la signification que les enquêteurs lui ont donnée.
38:33Le président va poser la question à Diniz, elle nous a mis en fait ce bracelet, expliquez-nous ce qu'il en est.
38:40Diniz va dire, j'ai acheté quatre bracelets pour toutes les femmes de ma famille,
38:44et j'en ai en fait offert à toutes les filles de ma famille.
38:46Mais dans l'enquête, on ne note qu'il n'a acheté un bracelet qu'à Fabienne,
38:53ce qui prouve que l'enquête est pourrie,
38:56que tout le monde fait mal son boulot dans cette affaire-là.
39:01Ce présent qui était censé constituer la preuve de l'amour de Diniz pour Fabienne, n'existe pas.
39:09Tous les gens qui ont assisté au débat ont compris que c'était un amant monté de toutes pièces, je ne sais pas si moins.
39:18Autre moment fort du procès, la diffusion à la demande de l'accusation,
39:23du film tourné par les gendarmes le matin de la découverte du drame.
39:27Des images difficiles, destinées à choquer la cour.
39:32À ce moment-là, tous les regards convergent vers l'accusé, guettant la moindre de ses réactions.
39:38Si j'avais pleuré, j'étais innocent. Si je n'avais pas pleuré, je suis coupable.
39:41Enfin, c'est trop facile. On ne peut pas se limiter à cela.
39:43Ce qui était très impressionnant, c'est qu'on entendait le chant des oiseaux.
39:49Il y avait un silence de mort et on entendait le gazouillement des oiseaux.
39:54Moi, je n'ai pas regardé le film. Peut-être les premières images, mais...
39:58Parce que bon, vous ne me connaissez pas, mais je ne suis pas capable de regarder les images trop affreux.
40:04Mais il y a une autre image sur laquelle l'accusation va s'arrêter.
40:09Celle d'un jacomé à gare, couvert de sang, dénué de réaction.
40:15Pour l'avocat général, cette image serait la preuve de la culpabilité.
40:20L'avocat général dit que jacomé, le matin, à la tête du criminel, qu'il est le criminel, qu'il en a le faciès.
40:26Il voulait certainement démontrer, par le biais de cette cassette et de la tête qu'avait l'enrégence ce matin-là,
40:31qu'il ne pouvait être que l'assassin.
40:32C'est fort, ça. C'est fort. C'est même mauvais.
40:36Non, mais c'est mauvais parce que c'est trop pour les jurés, ça.
40:39En diffusant cette image, l'avocat général voulait suggérer que l'accusé avait la tête d'un tueur.
40:45Mais cette stratégie va choquer.
40:49Reste un dernier élément a priori à charge contre Henri Jacomé, son comportement avec le corps de sa femme.
40:57Le corps était raide, je trouvais dû me rendre compte.
40:59Parce que quand vous prenez quelqu'un, s'il est inanimé, tout le temps, bon, j'aurais dû m'en rendre compte, mais je ne m'en suis pas rendu compte.
41:09Et bon, ça me choque.
41:10Alors aujourd'hui, je me dis, je n'aurais pas touché, mais c'est facile à dire.
41:15Comment expliquer, comment justifier ou expliquer une attitude qui est la sienne à ce moment-là ?
41:23Moi, j'ai essayé de le tourner dans tous les sens.
41:26Il aurait constaté immédiatement que sa femme était morte.
41:29Il se serait assis à côté d'elle en train de pleurer.
41:31Il aurait attendu que le jour se lève.
41:33Qu'est-ce qu'on aurait dit ?
41:35C'est l'heure du réquisitoire.
41:39Malgré le manque de preuves, la faiblesse du mobile, l'avocat général requiert la peine maximale, perpétuité contre Henri Jacomé.
41:47Maintenant, les jurés vont devoir délibérer.
41:55C'est une attente insupportable, parce qu'on attend quelque chose qui est sans appel.
42:01A l'époque, c'était sans appel.
42:03Et quelque chose qui va s'exprimer par un mot.
42:07Un mot monosyllabique.
42:09Oui ou non.
42:12Après moins de deux heures de délibération, le verdict tombe.
42:17Ce soir, je fais enfin vivre.
42:22C'est ce qu'a lancé Henri Jacomé à la sortie de sa prison de Toulouse,
42:26après avoir été acquitté par le jury de la cour d'assises,
42:29qui le jugeait pour la tuerie familiale de Youos il y a sept ans.
42:32C'est une honte ! C'est une honte !
42:38Les jurés n'ont pas pu apprécier en cinq jours ce que moi j'ai vécu avec toute ma famille pendant sept ans.
42:45Ça a été un véritable calvaire et je vais continuer à le vivre !
42:48J'ai ma mère hospitalisée qui va très mal et on libère l'assassin de mon frère.
42:54C'est une injustice que je ne comprends pas.
42:58Il n'y avait pas d'autres issues possibles.
43:00Je n'ai jamais envisagé, imaginé que je pouvais être condamné de ces meurtres pour lesquels j'étais pour rien.
43:09Malheureusement, je crois que le mystère subsiste.
43:14Rien n'a été tranché.
43:17C'est le doute qui a inspiré le verdict et pas autre chose.
43:22Un sourire discret, une attitude réservée, Henri Jacomé a retrouvé définitivement la liberté
43:27avec la même pudeur que celle manifestée tout au long de son procès.
43:31Acquitté par la cour d'assises de la Haute-Garonne, qui met un point final au fameux mystère du hausse.
43:36La justice est faite, on me rend la place qui est la mienne dans la société.
43:42Je n'ai pas un plaisir particulier, je retrouve la place qui est la mienne, c'est tout.
43:48J'étais acquitté, j'étais reconnu innocent.
43:51À cet instant-là, ça me suffisait.
43:53Je n'imaginais pas qu'il y ait quoi que ce soit à nouveau d'un damé pour chercher le coupable ou contre moi.
44:06Je ne l'imaginais pas du tout. Pour moi, c'était évident.
44:11Les rancœurs n'allaient pas s'éteindre, ça ne peut pas s'arrêter comme ça sur une décision de jury
44:17et sur le coup de marteau d'un président qui dit « l'audience est levée ».
44:22Deux ans passent, et pour les familles Souby et Rodriguez, le combat continue.
44:28Elles vont solliciter un nouvel avocat, car si Henri Jacomet a été innocenté, la haine est toujours intacte.
44:35Au cours du procès, un second procès a émergé, celui de Fernando Rodriguez,
44:49qui brusquement de victime devient un coupable potentiel.
44:55Et ça, pour la famille de Fernando Rodriguez, mais également pour la famille Soubier, c'est insupportable.
45:05Le 24 novembre 1997, la justice rouvre le dossier de la tuerie du hausse.
45:13Puisqu'Henri Jacomet est innocent, les familles veulent savoir qui a tué Fabienne, Joël et Fernando.
45:19Et grâce au progrès de la police scientifique, l'enquête va faire un bond spectaculaire.
45:28Car sur la scène de crime, certains indices n'avaient pu être exploités.
45:33Grâce au prélèvement d'ADN et à l'étude des traces de sang, la vérité ne va pas tarder à éclater.
45:40Philippe Esperanza, expert de police scientifique, est chargé de procéder aux analyses des vêtements
45:45que Fernando Rodriguez portait le jour du crime.
45:48Il s'agit de son blouson et de son pantalon.
45:54Sur ces deux vêtements, on va retrouver ce qui n'avait pas encore été retrouvé à l'époque,
45:58trois ADN.
45:59Celui du propriétaire, sous la forme de traces de sang,
46:02mais également celui des deux autres victimes, Joël Soubier et Fabienne Soubier.
46:09Le blouson en particulier va révéler une information capitale.
46:13Alors sur le dos du blouson de Fernando, on retrouve des traces de sang.
46:20De minuscules traces, elles appartiennent à Joël, ici en orange, et à Fabienne en vert.
46:28Et leur seule présence permet d'indiquer que le porteur du vêtement a manipulé une arme ensanglantée,
46:37et un objet ensanglanté.
46:39Pour Philippe Esperanza, cela ne fait pas de doute.
46:42Fernando Rodriguez est l'agresseur.
46:44Et voici pourquoi.
46:45Lorsqu'on vient réarmer son futur coup, il y a des traces qui peuvent se communiquer dans le dos.
46:52Elles vont avoir une répartition particulière, elles vont être peu nombreuses,
46:55elles vont avoir une forme et surtout une taille très petite.
46:59Et leur seule présence permet d'indiquer que le porteur du blouson du vêtement
47:05a manipulé une arme ensanglantée, un objet ensanglanté.
47:10Seulement, la démonstration de l'expert ne convainc pas l'avocat des familles Soubier Rodriguez.
47:15Car pour lui, un tel massacre aurait dû couvrir de sang Fernando.
47:21On ne peut pas dire qu'une femme qui a été transpercée de 16 coups de sabre,
47:26une autre qui a été décapitée, décapitée.
47:33On ne peut pas dire que dans ces circonstances-là, le sang ne gîte-le pas, ne zélie pas.
47:37C'est une contre-vérité.
47:39Pour faire un massacre pareil, on est vraiment tâché de la tête aux pieds, pratiquement.
47:43Et lui, non.
47:46Il y a beaucoup de sang sur la scène de crime,
47:49mais seulement en quantité infime sur les vêtements de Fernando.
47:53Un paradoxe que l'expert peut expliquer.
47:56La majorité des traces dues à la manipulation de l'arme ne vont pas sur l'agresseur,
48:01mais vont plutôt sur les objets qui sont dans l'axe de la manipulation.
48:07Enfin, l'expertise confirme que Fernando s'est bien suicidé dans le cellier.
48:13Et qu'aucune empreinte ADN d'Henri Jacomet n'a été relevée sur la scène de crime.
48:18Plus de doute possible.
48:1915 ans après les faits, la science vient de mettre un terme au mystère de la tuerie du Hoss.
48:25Voici la conclusion du juge d'instruction.
48:29Il résulte de l'information, charge suffisante contre Fernando Rodriguez,
48:34d'avoir pris part au meurtre de Joël et Fabienne Soubi.
48:37Fernando Rodriguez étant décédé, la justice prononce un non-lieu.
48:46Une conclusion, loin de satisfaire l'avocat des familles Soubi et Rodriguez.
48:50On pouvait espérer aussi recueillir des témoignages,
48:53reprendre les emplois du temps,
48:56peut-être, peut-être explorer de nouvelles voies,
48:59approfondir les mobiles.
49:01Il n'y avait pas que l'expertise scientifique.
49:03Malheureusement, cette enquête s'est réduite à cela.
49:07Ils ont cru qu'on allait pouvoir revenir sur la culpabilité d'un régent.
49:14Et qu'on allait à nouveau pouvoir le confondre.
49:17Non seulement on n'arrive pas à le confondre,
49:19mais on l'innocente à tout jamais.
49:20De vouloir faire de moi un coupable à tout prix,
49:22on a fait l'innocent avéré.
49:26Et en plus, on a précisé qui était l'auteur.
49:30Et ça, je pense que ce n'était pas prévu, je dirais, initialement.
49:34Du moins par les gens qui ont relancé l'affaire, si je peux dire.
49:41Reste l'ultime question.
49:44Pourquoi Fernando Rodriguez a-t-il commis un tel massacre ?
49:48Seul le coup de folie d'un homme psychologiquement fragile
49:51peut permettre de comprendre l'incompréhensible.
49:54A priori, elles étaient en toute confiance dans cette maison.
49:59Elles partageaient un café au lait.
50:02Dans le calme d'une après-midi d'été à Uos.
50:07Ces femmes étaient surprises.
50:13Il y a eu quelque chose, il y a eu un élément déclenchant
50:15qui a fait que la fureur est montée à ce point,
50:18à ce paroxysme tel.
50:25Quand même, détruire deux femmes comme ça,
50:29deux jeunes femmes comme ça, dont l'une est la sienne,
50:32c'est quand même un acte d'une violence extraordinaire.
50:38Est-ce que ça correspond à la psychologie profonde de ce garçon ?
50:42Dans le dossier, il n'y a pas d'explication, il n'y a pas de réponse.
50:46On avait demandé des enquêtes sur la personnalité de Fernando Rodriguez
50:49pendant le cours de l'instruction, mais elles ont été refusées.
50:52Donc, le mobile, on ne le sait pas.
50:57Il y a des crises de violence sans mobile.
50:5924 ans après les faits,
51:15Henri Jacomet, malgré un acquittement et des expertises scientifiques
51:19qu'il innocentent définitivement,
51:21n'en a toujours pas fini avec les soupçons.
51:23Il vit toujours sous le regard accusateur de ceux qui ont cru
51:28et croient toujours qu'il a commis le terrible massacre.
51:35Au-delà de la vérité, ces gens-là,
51:36ils veulent qu'on leur rende leurs enfants.
51:40Ces gens-là, ils ne pourront jamais,
51:43jamais, jamais, jamais,
51:45pardonner à ce type d'être innocent.
51:47S'il était venu vers moi, il me dit vraiment que je suis innocent
51:51ou vers la famille Eusoubi.
51:54Non, il ne l'a pas fait, ça.
51:55Il ne l'a pas fait.
52:05Il a vécu la détention, il a vécu la grève de la faim,
52:08il a vécu la suspicion dans son propre village.
52:13Le jour de son mariage, il espérait vraiment,
52:15certainement, une autre vie que celle qu'il a eue.
52:17C'est irréparable.
52:27C'est irréparable.
52:28Ce qu'on fait souffrir à un homme
52:31en l'accusant à tort, c'est irréparable.
52:44C'est la justice qui m'a mis en prison,
52:46c'est la justice qui m'a mené devant la prostatrice.
52:48C'est aussi la justice qui m'a acquitté.
52:51Mais bon, même acquitté, je ne peux pas vivre librement.
52:54Et la justice, elle est où, là ?
52:57Je suis condamné plus qu'à perpétuité,
53:01jusqu'au dernier jour de mes jours.
53:02Je ne croyais pas que la justice était comme ça.
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