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Ce mercredi 30 juillet, Ulrich Bounat, spécialiste de l'Europe Centrale et de l'Est, associé chez Euro Créative, était l'invité de Caroline Loyer dans Le monde qui bouge - L'Interview, de l'émission Good Morning Business, présentée par Erwan Morice. Ils sont notamment revenus sur l'ultimatum de Donald Trump à Vladimir Poutine et sur les conséquences de cette décision à l'échelle internationale. Retrouvez l'émission du lundi au vendredi et réécoutez la en podcast.

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Transcription
00:00Le président américain perd patience, il avait donné à Vladimir Poutine jusqu'à début septembre
00:05pour mettre fin à la guerre en Ukraine, un délai qu'il vient de réduire à 10 jours.
00:09Bonjour Ulrich Bounat.
00:10Bonjour.
00:10Merci d'être avec nous, analyse géopolitique, chercheur associé chez Eurocréatif,
00:13pour en parler avec nous aussi.
00:15Caroline Loyer, bonjour Caroline.
00:16Bonjour.
00:17Le temps s'accélère.
00:19Ulrich Bounat, est-ce que le président russe va prendre au sérieux cet ultimatum
00:24qui a été lancé par Donald Trump hier ?
00:27Je pense qu'il va le prendre au sérieux, mais ce n'est pas pour ça qu'il va dévier sa course en Ukraine.
00:32Pour le coup, les Russes, déjà dans leurs commentaires publics, notamment de M. Peskov, le porte-parole,
00:36ont déjà dit que c'était effectivement très regrettable que Donald Trump commence à revenir sur des ultimatums
00:41et que finalement, déjà d'une part, rien n'était perdu et qu'il était tout à fait possible
00:46de reprendre les discussions avec Washington sur plein d'autres sujets que l'Ukraine.
00:49Et d'autre part, finalement, les Russes vont attendre de voir ce qui va se produire.
00:52Ce n'est pas la première fois que Donald Trump met un ultimatum.
00:54Alors effectivement, les mots ont changé. On a beaucoup changé côté Washington
00:58depuis la réunion catastrophique avec Volodymyr Zelensky au mois de février.
01:04La position sur l'Ukraine a vraiment beaucoup changé.
01:06Néanmoins, je pense que les Russes attendent de voir véritablement quelles sanctions
01:10Donald Trump envisage de prendre avant d'éventuellement le prendre au sérieux.
01:14Il n'y aura même pas un premier mouvement de Vladimir Poutine
01:17avant ce délai de 10 jours qui a donc été fixé pour montrer, peut-être faire une
01:21ou deux propositions, montrer qu'il a entendu le président américain ?
01:24C'est quand même peu probable. Pour les Russes, je dirais, en tout cas du point de vue
01:28du Kremlin, les choses ne se passent pas trop mal en Ukraine. Son armée avance, malgré
01:32tout, à des coups prohibitifs, mais son armée avance. Et on le voit bien dans les quelques
01:36négociations qu'il y a en Turquie avec les Ukrainiens. Les positions sont maximalistes.
01:39Ils demandent une capitulation et rien d'autre. Je ne vois pas vraiment ce qui pourrait
01:42faire changer d'avis de Vladimir Poutine
01:44d'ici 10 jours.
01:44Parce que Vladimir Poutine n'a pas réagi, mais
01:47Dmitry Medvedev, donc ancien président
01:50et vice-président du Conseil de sécurité,
01:52lui a dit que Trump ne peut pas
01:54dicter le calendrier des négociations et que les négociations
01:56enfin qu'il y aura une trêve
01:58en fait quand la Russie aura atteint tous ses
02:00objectifs de guerre. Donc finalement, la réponse
02:02on l'a. Il n'y aura pas de surprise a priori.
02:03Non, non, mais effectivement, c'est ça. Après, Dmitry Medvedev
02:06faut toujours prendre un pas de recul par rapport à ce qu'il dit.
02:08C'est plus
02:09un personnage central vraiment de l'administration
02:12russe, mais néanmoins, il reflète quand même
02:14quelque chose et pour le coup, effectivement,
02:15du point de vue russe, pourquoi s'arrêter alors que
02:18l'armée progresse malgré tout
02:19difficilement en Ukraine et surtout
02:22qu'en termes de négociations
02:24pour l'instant, on est beaucoup sur des mots
02:25en fait de la part de Donald Trump, mais il n'y a pas d'action concrète.
02:28Sur les
02:29termes vraiment et sur les menaces qui pèsent sur
02:32Moscou, si on reprend ce que
02:34dit Donald Trump, on parle
02:36de droit de douane à 100%,
02:37est-ce que c'est vraiment matière à inquiéter
02:40le Kremlin ? Alors si c'était fait,
02:42oui. La vraie question, c'est est-ce que ça va être fait ?
02:44Parce que, en gros,
02:46ces sanctions secondaires, l'objectif c'est
02:48de dire finalement que tous les pays qui commercent avec la Russie
02:50qui achètent de son pétrole, la Chine, l'Inde,
02:52la Turquie notamment, qui sont les principaux acheteurs,
02:54on va mettre des droits de douane de
02:56100%, ce qui est quand même colossal
02:58effectivement, si on prend notamment le cas de la Chine.
02:59Ça déstabiliserait le marché du pétrole ? Alors ça déstabiliserait
03:02le marché du pétrole, ça déstabiliserait aussi pas mal
03:03toutes les importations américaines
03:05et probablement les flux financiers mondiaux.
03:07qu'il faut garder en tête, c'est qu'en parallèle
03:10de ça, les Chinois et les Américains
03:12ont des discussions sur justement
03:13les droits de douane de façon générale,
03:16notamment en Suède, et qu'on est plutôt
03:18sur enterrer l'âge de guerre pour le moment
03:20et essayer de repousser,
03:21de décaler finalement les dates
03:23qui feraient en sorte que des droits de douane
03:25massifs rentreraient,
03:27sera mis en place par les Américains. Donc du coup,
03:30les deux se télescopent. Donc il est possible,
03:32et d'ailleurs Donald Trump est assez flou là-dessus,
03:33que les sanctions qui seraient imposées sur la Russie
03:36le 8 août, soient pas des sanctions secondaires,
03:38mais des sanctions directes sur la Russie,
03:39ce qui du coup serait beaucoup moins important.
03:41Oui. Caroline ?
03:42Vladimir Poussin a réussi à contourner
03:44un certain nombre de sanctions. Est-ce que là,
03:46la question c'est, est-ce qu'il pourrait pas contourner aussi celle-ci ?
03:48Par exemple, quand on parle du pétrole,
03:49on sait qu'une grande partie du pétrole russe
03:51sort avec des papiers kazakhs, par exemple.
03:54Est-ce qu'il peut pas faire ça ?
03:56Alors, il peut effectivement le faire.
03:57Donc déjà, en fait, l'une des sanctions
03:59que pourraient prendre les Américains,
04:00c'est de s'aligner sur, effectivement,
04:01le nouveau prix maximal du pétrole imposé
04:04par le 18ème paquet de sanctions européens,
04:06qu'il place à peu près à 45 dollars.
04:08Les Russes peuvent toujours,
04:09et arriveront toujours,
04:10notamment avec aussi leur flotte fantôme,
04:12à éviter en partie ces prix maximaux.
04:16Le problème, c'est qu'en fait,
04:18plus ce prix maximal est imposé
04:20par des pays dans le monde,
04:21plus les Russes sont obligés de le contourner,
04:23et plus finalement ça coûte cher de le contourner.
04:24C'est ça, en fait.
04:25Il y a de plus en plus de sociétés écran,
04:27il faut acheter des bateaux,
04:27les acheteurs sont de moins en moins volontaires
04:30pour acheter,
04:31donc en fait, ça diminue mécaniquement le prix, en fait.
04:34Vrish Bounah, on sait qu'en réalité,
04:35ce qui pourrait vraiment peser sur le Kremlin,
04:37ce sont la Chine et l'Inde,
04:38les principaux partenaires commerciaux de Moscou.
04:42Il faudrait que ce soit eux
04:43qui se décident à entrer en jeu,
04:46et en réalité, on est encore loin de ce scénario.
04:48Oui, tout à fait.
04:49En fait, ce que l'on constate jusqu'à présent,
04:50c'est plutôt que la Chine aide de plus en plus la Russie.
04:53Alors, pas directement,
04:54il n'y a pas de livraison d'armes
04:55comme pour la Corée du Nord.
04:56Non, mais on a parlé des drones il n'y a pas longtemps.
04:58Tout à fait, effectivement.
04:59Mais voilà, si vous prenez le cas des drones,
05:00vous allez voir que beaucoup de drones
05:02sont livrés directement par la Chine,
05:04que beaucoup de pièces détachées
05:05qui servent, par exemple,
05:06à fabriquer les bobines de fibre optique
05:08qui sont désormais utilisées sur beaucoup de drones
05:10avec 20 km de fibre optique, par exemple.
05:11Tout ça, les machines outils, etc.,
05:13c'est fourni par la Chine.
05:13Donc, en fait, la Chine fournit un soutien logistique fondamental
05:16à l'effort de guerre russe.
05:18Et donc, pour le coup, ça fait trois ans que ça dure
05:20et on a plutôt l'impression, en fait,
05:22que la Chine augmente son soutien.
05:23La Chine ne veut pas que la Russie perde cette guerre
05:25et donc, elle est prête à, finalement,
05:27faire beaucoup de choses.
05:29Et je pense que placer des espoirs dans Pékin
05:31pour espérer que Pékin modérera Moscou
05:34est peut-être un petit peu du wishful thinking, en fait.
05:37Mais on sait qu'en parallèle,
05:38Washington négocie avec Pékin sur les droits de douane.
05:41C'est toujours très tendu.
05:42Ils se sont donné un délai plus long,
05:43peut-être trois mois encore,
05:45pour discuter de tout ça et trouver un accord pérenne.
05:48Est-ce que ça ne pourrait pas rentrer
05:49dans le cadre de ces négociations-là, peut-être ?
05:52C'est possible, c'est possible,
05:54c'est possible, effectivement.
05:55Néanmoins, encore une fois, pour l'instant,
05:58malgré toutes les demandes qui ont été faites
06:00par les Européens, les Ukrainiens
06:01et même les Américains,
06:02Pékin n'a absolument pas réduit son soutien à Moscou,
06:05bien au contraire,
06:06et à moins de, peut-être, effectivement,
06:08de sanctions vraiment massives sur les Chinois,
06:10mais qui nous impacteraient, nous aussi,
06:11je ne vois pas Pékin non plus dévier cette course.
06:14Je sais qu'il est très compliqué d'avoir des données
06:16concernant l'économie russe,
06:17mais est-ce qu'aujourd'hui, pendant longtemps,
06:19on a dit que la guerre boostait l'économie russe,
06:21est-ce qu'aujourd'hui, il est toujours dans l'intérêt
06:23du Kremlin, de Vladimir Poutine,
06:25de poursuivre cette guerre en Ukraine ?
06:27Alors, en fait, dans son intérêt à lui, oui.
06:29Mais sur le plan économique, est-ce qu'il va ?
06:32En fait, finalement, Vladimir Poutine a une vision
06:33extrêmement utilitariste de l'économie.
06:35Pour lui, l'économie, ça doit être
06:37complètement subordonné aux politiques,
06:38donc finalement, ce n'est pas trop grave, en fait.
06:40Mais ce que l'on constate d'un point de vue économique,
06:42c'est qu'effectivement, le boost de 4% de croissance
06:45qui avait eu lieu par des investissements massifs
06:47dans l'effort militaire, se fait au détriment
06:49de tout le reste.
06:49Les infrastructures sont complètement négligées.
06:51Il y a de plus en plus de secteurs,
06:53le BTP, certains secteurs de l'industrie,
06:56l'automobile, l'aéronautique, etc.,
06:58qui sont en récession, en fait, il faut le dire.
07:02Et donc, effectivement, on voit que la croissance
07:04en Russie, désormais, ne tient plus que par le complexe
07:06militaire ou industriel, ce qui va commencer
07:08véritablement à poser problème.
07:09Quand vous n'avez plus aucune entreprise
07:10qui investit en Russie, mis à part, effectivement,
07:13pour fabriquer des tanks qui sont détruits en Ukraine,
07:15non seulement il n'y a plus du tout d'investissement
07:17sur l'avenir de la Russie, mais c'est surtout
07:19qu'en fait, effectivement, c'est une économie
07:20extrêmement court-termiste.
07:22Ça pose des vraies questions sur aussi
07:23comment la Russie va, si un jour la guerre s'arrête,
07:25comment la Russie va rebasculer
07:26sur une économie plus standard, on va dire.
07:28Pour conclure, on parle peut-être d'une rencontre
07:31entre Donald Trump et Vladimir Poutine
07:33en septembre.
07:35En Chine, pour le coup, est-ce que,
07:37si jamais ce scénario se confirme,
07:38ça pourrait être, à ce moment-là, aussi une occasion
07:41d'avoir des échanges sur le sujet russe ?
07:43Je pense que les Russes l'espèrent, très concrètement.
07:46En gros, en fait, peut-être pour placer le contexte aussi,
07:48la Chine envisage de faire une immense parade militaire
07:51pour les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale,
07:53enfin de la capitulation, en tout cas, en Chine.
07:56Et donc, du coup, effectivement,
07:58c'est une occasion rêvée pour Xi Jinping
07:59de montrer sa puissance,
08:00et c'est une occasion rêvée pour Vladimir Poutine
08:02pour essayer justement de discuter directement
08:04avec Donald Trump et lui dire
08:05« Ma foi, on ne s'entend pas sur l'Ukraine,
08:07mais sur tout un tas d'autres sujets,
08:08on a l'occasion de discuter. »
08:09Donc, c'est ce qu'espère le Kremlin.
08:12Faudra voir si Donald Trump y va,
08:13mais ce sera un très beau cadeau fait à la Chine.
08:15Ulrich Bounin, analyste, géopolitique,
08:16chercheur associé chez Eurocréative.
08:18Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin
08:20et merci pour votre analyse.

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