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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Le dossier extraordinaire que Jacques Antoine ouvre aujourd'hui, bien qu'il soit relativement ancien, est tellement exemplaire qu'il est absolument nécessaire de le faire figurer dans cette série d'émissions.
00:22Et, il n'est pas mauvais qu'il soit entendu par le plus grand nombre d'auditeurs possible, la fin, absolument étonnante, nous donne à réfléchir.
00:52En 1854, Dieu qu'il est charmant et paisible, le petit bourg d'Elgaden dans le Hanover.
01:03C'est un petit village de dessin animé avec des maisons à colombages, ouvrant leurs fenêtres à petits carreaux sur des rues étroites où tout le monde se connaît.
01:11La rue principale et la rivière qu'il traverse d'un bout à l'autre en forment l'épine dorsale d'où partent la rue de l'école et la rue de l'église.
01:21Comme il se doit les notables tels que le notaire et le percepteur, M. Hartmann, Meyer, l'unique commerçant du village, et le maire habitent la rue principale.
01:29Le pasteur Jasper et le gros propriétaire résident un peu plus à l'écart aux deux extrémités du village.
01:35Dans un village aussi calme, il suffit pour maintenir l'ordre et garantir la sécurité d'un seul policier, un homme intègre, flegmatique et même bon enfant, qui s'appelle Basman.
01:51Pour être percepteur, contrairement à une idée fort répandue, il n'est point nécessaire d'être un monstre et le percepteur Hartmann en fait depuis toujours la démonstration car il ne compte que des amis formant avec sa femme un ménage sympathique et très uni.
02:10La femme du percepteur, Mme Charlotte, comme on la nomme, qui a perdu quatre enfants lors d'un premier mariage, a légué par testament en bonne et due forme sa fortune personnelle en cas de décès au fils âgé de 19 ans que son mari, le percepteur, a eu lui aussi d'un premier mariage.
02:30Quatre années après ce testament, Mme Charlotte se trouve enceinte.
02:37En février 1854, elle en est au septième mois de grossesse et se fait aider dans son ménage par sa fidèle et jolie bonne Augusta lorsqu'éclate le drame.
02:51Le soir du 16 février, comme tous les soirs, le percepteur, sa femme Charlotte et la bonne, dînent, tous trois ensemble, dans la salle de séjour.
03:05À côté de la porte, dans l'entrée, est située à hauteur d'homme une petite fenêtre que le percepteur a l'habitude d'ouvrir pour converser avec les gens du village qui viennent le voir fréquemment.
03:18Imaginez une sorte de guichet.
03:21Et cette fenêtre, ce guichet, est entrebâillée.
03:26Vers 19h, le percepteur dit à sa femme qu'il doit sortir pour aller chez le commerçant Meyer changer de l'argent.
03:36« Bien, mon ami, lui dit Charlotte d'un cœur léger et sur le ton de la plaisanterie, mais puisque vous allez chez le marchand, profitez-en pour me faire un cadeau.
03:44Et surtout, revenez vite, vous savez qu'Augusta et moi avons un peu peur lorsque vous n'êtes pas là. »
03:52Il faut dire, chers amis, qu'un mois auparavant, Charlotte et la bonne ont été très effrayés de voir à plusieurs reprises deux visages patibulaires qui les observaient par la fameuse fenêtre.
04:02Les deux hommes se sont enfuis lorsque leur surveillance a été découverte.
04:06Mais, à la suite de cet incident, la bonne a fait un cauchemar dans lequel elle était égorgée ainsi que sa patronne par un couple de meurtries.
04:14À Elgaden, en ce temps-là, et comme dans toutes les campagnes, on est plutôt superstitieux et les deux femmes, depuis, craignent la solitude.
04:26Elles la craignent d'autant plus que M. le percepteur, s'étant débarrassé le matin même du chien de garde, elles se sentent sans protection.
04:37Bien entendu, M. le percepteur se moque d'elle, mais promet de rentrer avant 21h.
04:42Hélas, il est à peine sorti, qu'éclate une tempête de neige.
04:44Le vent, qui souffle en rafales terribles, lance d'énormes flocons contre les murs, aveugle et frigorifie les rares passants.
04:52Coincé chez le commerçant Meyer, M. le percepteur attend longtemps au coin du feu que la tempête se calme.
04:57Et, ce n'est que lorsque la pendule indique 21h35, qu'il décide, profitant d'une accalmie, de rentrer chez lui.
05:05Meyer, le commerçant, confirmera cet horaire.
05:07A 21h45, donc dix minutes plus tard, M. Simon et sa fille Doris entendent le percepteur leur voisin crier dans la rue « Au secours ! Au secours ! »
05:19Il se précipite pour apercevoir, dans la neige qui tournoie, M. Hartmann, hors de lui, décoiffé, affolé, qui leur dit « Venez voir cet affreux ! Venez voir ! »
05:28Tous trois entrent alors dans la salle de séjour, où la lampe est toujours allumée, la table du dîner débarrassée, mais dès la porte franchie, il bute sur le corps de la jeune bonne, étendue dans une flaque de sang.
05:41M. le percepteur ne la regarde pas, se précipite vers une armoire qui a été fracturée, et puis, brusquement, au moment d'y parvenir, le percepteur se retourne, et d'une voix à peine audible, déformée par la terreur, il demande « Mais ma femme, mais où est ma femme ? »
05:56On trouve la pauvre Charlotte nageant dans son propre sang sur le sol entre le canapé et la table.
06:02Le percepteur pose une main sur son épaule et gémit, paraît-il « Ma pauvre chère femme, comme tu as dû souffrir ! »
06:12Puis, devenu fou de douleur, il se met à sangloter.
06:17En quelques minutes, la maison du percepteur se remplit de monde.
06:22Tous veulent voir ce qui s'est passé, et c'est dans la cohue que le médecin du village déclare que les deux femmes sont mortes.
06:28Leurs cadavres étant déjà froids et rigides, ils pensent qu'elles ont été tuées il y a déjà quelques heures.
06:34Car, bien entendu, c'est un assassinat, puisque les crânes sont fracassées et les gorges tranchées.
06:39L'argent personnel de M. le percepteur et les bijoux de sa femme ont été volés.
06:43Le vent est tombé, mais dans les flocons de neige qui continuent d'ensevelir Elgaden sous un manteau de plus en plus épais,
06:51M. le maire et son unique agent de police vont une lampe tempête à la main perquisitionnée chez les suspects.
06:58Car il y a déjà des suspects.
07:00Oh, pas les notables, bien sûr.
07:01Pas le notaire et le pasteur, le copropriétaire et le commerçant,
07:04Mais la demi-douzaine d'individus malfamés qui vivent dans le bourg,
07:08Cette demi-douzaine de brebis galeuses qui ne vont pas à l'église, qui ont des dettes ou qui boivent.
07:14Mais, après tout, il est normal de suspecter d'abord ceux qui ont déjà pour habitude de mépriser les règles de la vie en satiété,
07:21Ceux qui sont connus pour ne pas respecter la morale ou la loi.
07:25C'est ainsi qu'un certain bus, qui a été condamné à huit mois de prison pour vol,
07:30Est tout de suite soupçonné de ce crime.
07:32Certes, il a été relâché quatre mois plus tard en raison de sa bonne conduite,
07:35Mais il n'a pas eu depuis de travail stable et de tout l'hiver, il n'a vécu que d'expédients.
07:40De plus, le dénommé bus a des yeux noirs, perçants, sous des sourcils broussailleux,
07:45Des cheveux noirs comme ailes de corbeau,
07:48Ce qui est insolite à Elgaden, village germanique où tout le monde est blanc.
07:51Ce n'est pas tout.
07:52Le maire et son unique policier, Basman, n'ignorent pas qu'il fréquentait beaucoup ces temps derniers le boulanger.
07:59Zygémère, alcoolique et tellement endetté,
08:01Qu'il ne pouvait plus tenir sa boulangerie, dont le four est éteint depuis des semaines.
08:06Le maire et son unique policier ont beau fouiller chez l'un et chez l'autre,
08:10Il ne trouve aucun indice.
08:11Mais le boulanger est allé regarder les cadavres de très près, tout le monde l'a vu.
08:14On aurait dit qu'il voulait s'assurer que les victimes étaient bien mortes.
08:18C'est louche !
08:19Quant à Bus, lui que l'on sait si bavard et si curieux,
08:22Il n'a pas voulu se rendre sur les lieux du crime,
08:24Prétextant qu'il ne supporterait pas la vue d'un spectacle aussi affreux.
08:27C'est louche !
08:29Le lendemain, lorsque le contrôleur de la police de Hannover arrive à Elgaden,
08:35Bus vient d'être arrêté.
08:37Ce contrôleur de la police,
08:39Connu pour être un criminaliste énergique et intelligent,
08:42S'informe des raisons qui motivent cette arrestation.
08:45Le maire lui explique que Bus,
08:47Interrogé dans la nuit,
08:49Prétend avoir passé la soirée entre 19h et 21h avec son ami le boulanger alcoolique.
08:53Or, le boulanger alcoolique affirme avoir passé la soirée chez le notaire.
08:57Et le notaire ?
08:59Eh ben oui, le notaire confirme.
09:01J'ai vu le boulanger hier soir,
09:02Mais celui-ci n'est pas resté longtemps,
09:04Tout au plus une demi-hier.
09:06Le contrôleur de la police n'entend pas se contenter d'un témoignage aussi incomplet,
09:11Et décide d'entendre lui-même les habitants de la maison du boulanger.
09:14Des déclarations de ceux-ci,
09:15Il ressort que Bus et le boulanger ont bien passé la soirée ensemble.
09:19Mais cela ne suffit pas au maire et à son unique policier qui répugne à relâcher leur suspect.
09:25Chacun ayant vu la veille au soir comment les deux hommes étaient habillés,
09:28Le contrôleur fait examiner leurs vêtements sur lesquels on ne découvre aucune trace de sang.
09:34En conséquence, le contrôleur de la police qui s'efforce de garder son sang-froid
09:37Fait libérer le dénommé Bus.
09:41Mais la population d'Elgaden ne désarme pas.
09:44Elle tient Bus pour coupable.
09:47Qui a raison ?
09:49Le maire et le policier d'Elgaden qui connaissent leur population mieux que personne.
09:53Ou le contrôleur de la police qui n'y a jamais mis les pieds.
10:04Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
10:08Donc la petite ville d'Elgaden qui tient le dénommé Bus pour coupable de l'assassinat de Charlotte,
10:14la femme du percepteur et de Sabon, ne désarme pas.
10:16Tout le monde sait quelque chose.
10:17Tout le monde veut parler au contrôleur de la police.
10:21Mais de cette accumulation de ragots sans fondement, le contrôleur ne tire rien de concluant.
10:26Lorsqu'il a décidé de faire libérer Bus, la population et surtout les notables ont été pris de panique.
10:32Il faut dire que Bus et son ami le boulanger profitent de leur liberté pour exhaler la haine que les bourgeois leur inspirent,
10:41pour se répandre en propos aussi peu fondés que calomnieux et proférer d'effrayantes menaces.
10:47Tant et si bien que le maire décide d'augmenter ses effectifs en adjoignant à son unique policier un auxiliaire du nom de Wide.
10:57Ce Wide est un ancien tailleur de pierre qui risque de n'être guère efficace au cas où il faudrait éventuellement repousser des criminels
11:03car il a eu le bras droit fracassé en 1852 lors du concours annuel de tir.
11:08Lorsque le contrôleur de la police constate ce détail curieux, le maire lui répond d'abord qu'il n'a trouvé personne d'autre,
11:15ensuite que Wide pourra patrouiller la nuit dans le village, sa main gauche lui permettant tout de même de porter une lanterne.
11:24Notez bien ce détail, chers amis, il sera très important dans la suite de l'affaire.
11:28J'espère, le gros propriétaire d'Elgaden, qui a beaucoup d'argent, s'offre sa propre garde du corps.
11:36Il engage un valet qui devra veiller la nuit sur sa femme et sa fille.
11:40Ce valet s'appelle Brun et sa nomination amuse beaucoup Bus et le boulanger qui déclarent que ce Brun ne leur fait pas peur.
11:49Il est très petit, un peu efféminé, avec des allures de seigneur.
11:53D'ailleurs, on le surnomme ironiquement le comte.
11:57Bien entendu, la population sans arrêt pousse à l'action le contrôleur de la police
12:01qui, sous la pression des événements, promet une récompense de 100 à l'air à toute personne
12:07dont les informations permettraient d'arrêter le ou les coupables.
12:10Mais si le coupable, ce n'est pas Bus, alors qui est-ce ?
12:20Voyez dans quoi, ceux qui se croient plus malins que les autres commencent à se poser des questions,
12:23à émettre des hypothèses.
12:25Le contrôleur ne trouve-t-il pas étrange que la femme du percepteur ait été assassinée
12:33quelques semaines avant la naissance de son enfant ?
12:37Le contrôleur a-t-il songé que si son enfant était né, le fils du percepteur n'aurait plus irrité ?
12:45Le contrôleur ne s'est-il pas étonné que le percepteur se soit débarrassé de son chien de garde
12:50le matin même du crime ?
12:53Est-ce que le contrôleur de la police a vérifié si le percepteur n'avait pas une liaison avec la petite banne ?
13:00Est-ce que le contrôleur de la police a envisagé la possibilité que le percepteur,
13:04ayant mis la bonne enceinte, les tuer et en même temps sa femme, pour écarter les soupçons ?
13:11Bien entendu, le contrôleur de la police professionnel expérimenté
13:15n'a pas attendu pour envisager de lui-même toutes ces hypothèses.
13:19Aussi rend-il publiques les conclusions de son enquête à ce sujet.
13:23D'abord, vu la rigidité des cadavres, il est exclu que le percepteur ait tué les deux femmes
13:29en sortant de chez le commerçant Meyer, c'est-à-dire dix minutes avant leur découverte.
13:33De même, il est exclu qu'il les ait tués avant 19h,
13:38puisque le notaire à 19h venu acheter du papier timbré a vu les deux femmes
13:43et le facteur les a vus à 20h lorsqu'il est venu porter une lettre.
13:48Or, entre 20h et 21h35, il est exclu que le percepteur ait commis le crime
13:53puisqu'il était venu chez Meyer.
13:56Mais ces conclusions ne conviennent pas à une partie de la population d'Elgaden,
14:01remontée par Buss et son ami le boulanger.
14:05Elgaden se trouve donc bientôt divisé en deux clans.
14:08Ceux qui estiment, indécent, stupide, de suspecter des notables au-dessus de toute critique
14:14alors que la police a sous la main deux malfaiteurs évidents,
14:16et ceux qui estiment que la police se rend complice d'un complot
14:20monté entre les notables du pays et leur valet, comme par exemple le facteur,
14:25pour fournir un alibi au coupable qui, de toute évidence, est le percepteur.
14:31Pour les uns, la police se rend coupable d'un crime social
14:34et pour sauver la respectabilité des notables couvre une combine.
14:37Pour les autres, le contrôleur de la police fait de la fausse démagogie.
14:42Quant à Jasper, le gros propriétaire, il s'en moque.
14:49Il obtient que Brun, son valet, devenu garde du corps,
14:52ait le droit de porter un pistolet.
14:56Un pistolet, vous notez bien ce détail, chers amis, vous le notez.
14:59Il aura son importance.
15:02Enfin survient un fait inattendu.
15:05Le nouvel auxiliaire de la police, l'ancien tailleur de pierre,
15:09le wide, l'homme qui n'a qu'un bras,
15:12se présente un soir chez le maire, plein de remords,
15:15l'air d'un chien battu.
15:18Il vient confesser qu'il a vu Bus et son ami le boulanger
15:21traverser ensemble le village en rasant les murs
15:23le soir du crime, entre 19h30 et 20h.
15:28Il n'a pas osé en parler plus tôt, car ce soir-là,
15:30les deux malfaiteurs l'ont menacé,
15:32mais maintenant, il sent qu'il n'a pas le droit de se taire.
15:37Cette fois, les deux hommes, qui affirmaient avoir passé la soirée ensemble
15:40chez le boulanger, sont convaincus de mensonges
15:42et le contrôleur de la police décide à les arrêter de nouveau.
15:46D'ailleurs, l'auxiliaire de la police, l'homme qui n'a qu'un bras,
15:49ajoute encore un détail.
15:50La nuit suivant le meurtre, il a écouté en cachette
15:53sous la fenêtre de la chambre du boulanger
15:56et il a entendu ce dernier dire à sa femme
15:59« J'ai achevé la fille d'un seul coup, mais avec la femme,
16:03ça a été plus long, car elle s'est agitée longtemps. »
16:09Le contrôleur de la police, dubitatif,
16:11pour essayer de se faire une idée sur la crédibilité du témoignage
16:14de l'homme qui n'a qu'un bras,
16:17demande au maire et au pasteur ce qu'ils en pensent.
16:19« J'en réponds, » dit le maire.
16:21« Ce Wyde est un lourdeau, mais parfaitement honnête.
16:25Il a toujours eu une bonne conduite.
16:27D'ailleurs, lorsque je lui ai dit
16:28qu'il avait droit à la récompense de Centenaire
16:30pour l'arrestation des coupables, il l'a refusé. »
16:33« Et vous, monsieur le pasteur ? »
16:34« Ah, j'en réponds, » dit le pasteur.
16:36« Je ne vois pas pourquoi un homme comme Wyde
16:37ferait un tel faux témoignage.
16:40Lui, un chrétien pieux pratiquant
16:41que je vois chaque dimanche à l'église.
16:44Alors que, vous voudrez bien noter, monsieur le contrôleur,
16:47Buss et le boulanger n'y mettent jamais les pieds. »
16:51Notez bien, chers amis, que les partisans de Buss et du boulanger
16:53ne désarment pas non plus.
16:56L'instituteur prétend avoir entendu le percepteur
16:58dire trois jours après le crime
16:59« Heureusement que ma femme avait fait ce testament
17:01en faveur de mon fils, car j'étais au bout du rouleau. »
17:05Une vieille demoiselle affirme l'avoir vue
17:07dans une attitude indécente avec la bonne.
17:09Et surtout, on s'étonne toujours
17:11qu'il se soit débarrassé du chien de garde
17:13justement ce jour-là.
17:15Le percepteur a beau déclarer qu'il s'est débarrassé du chien
17:17tout simplement parce que sa femme ne l'aimait pas,
17:19cela ne convainc évidemment personne.
17:22Enfin, le point culminant de l'enquête est atteint
17:25lorsqu'on évoque les bavardages
17:27de la fille du boulanger, la petite Gertrude,
17:29qui a quatre ans.
17:30La fillette aurait déclaré que le soir du crime,
17:33son père et Buss seraient rentrés barbouillés de sang.
17:36Après qu'ils eussent vidé leur poche
17:37d'une centaine de thalers,
17:39la mère aurait nettoyé les vêtements
17:41tandis qu'ils faisaient le récit du meurtre.
17:43Hélas,
17:45on ne peut plus rien tirer de l'enfant
17:47car sa mère,
17:49apprenant qu'elle avait bavardé,
17:51l'aurait battu jusqu'au sang.
17:53Ouah !
17:55Le contrôleur de la police voudrait bien arrêter la procédure
17:58car tout dans cette affaire lui paraît
18:00écœurant,
18:02quel que soit le clan.
18:03Les soi-disant témoignages, preuves et hypothèses
18:06ne lui paraissent ni suffisants
18:08ni très catholiques.
18:09Hélas !
18:11Il n'y a rien à faire
18:13et la machine va jusqu'au bout.
18:16Le percepteur étant protégé
18:18par l'alibi formel du marchand Meijer,
18:21ses bus et le boulanger
18:22qui le 7 décembre 1854
18:24comparaissent aux assises du Hanovre.
18:27Parmi les douze jurés
18:28se trouvent trois juristes
18:29dont un ancien procureur.
18:31Bien que l'auxiliaire Wilde,
18:33l'homme qui n'a qu'un bras,
18:34s'embrouille dans son propre témoignage,
18:37bien que sa fille
18:38ne se souvienne pas
18:39de l'avoir vu sortir la nuit
18:40où il fit le guet
18:41sous la fenêtre du boulanger.
18:43On ajoute foi à ses déclarations
18:45en raison de sa bonne réputation.
18:48Bus et le boulanger
18:49sont donc condamnés
18:50à mort.
18:54La nuit qui suit le verdict,
18:56le boulanger se pend dans sa cellule,
18:58ce que chacun et le Gaden
18:59considèrent comme un aveu de culpabilité.
19:02Par contre,
19:03à l'indignation générale,
19:05Bus obtient que sa condamnation à mort
19:06soit commuée en prison à perpétuité.
19:10Mais le contrôleur de la police,
19:12bien que félicité par ses supérieurs
19:13pour son efficacité,
19:15garde la tête froide.
19:17Il apprend que la femme
19:18et les enfants du boulanger
19:19en sont réduits à mendier
19:20dans les rues d'Elgaden
19:22où personne ne les aide.
19:24Il se sent en partie responsable
19:25et de loin,
19:27observe autant qu'il le peut
19:28tout ce qui se passe dans le bourg
19:30qui a retrouvé
19:31tout son charme paisible.
19:33Vous allez voir qu'il a raison,
19:36mais vous serez quand même surpris.
19:40Le 1er septembre 1855,
19:43un capitaine de cavalerie en retraite
19:45et sa jeune femme
19:45sont grièvement blessés
19:48la nuit
19:49par des coups de hache
19:50dans un village près de Hanover.
19:54N'ayant pu tuer ses victimes,
19:56le criminel a dû prendre la fuite.
19:58On soupçonne immédiatement
20:01l'ancien concierge de la maison
20:02qui a été renvoyé
20:03deux mois plus tôt
20:04après une violente dispute.
20:06Là, je mets volontairement un détail
20:08qui fera toute la saveur
20:10de cette histoire
20:10à la fin de notre récit
20:11que je vous prie instantanément
20:13d'écouter jusqu'au bout.
20:15Le contrôleur de la police
20:16qui n'a pas oublié
20:17le crime commis
20:1718 mois plus tôt
20:19se rend aussitôt à Elgaden
20:21chez les parents du suspect
20:22en portant,
20:24bien caché sous son manteau,
20:25la hache maculée de sang
20:26abandonnée par le malfaiteur.
20:29Chez les parents,
20:30deux vieillards
20:31plus ou moins abrutis
20:32par l'alcool,
20:33il parvient à la poser discrètement
20:34dans un coin de la pièce
20:35puis après une longue conversation
20:37à bâton rompu,
20:39il semble la découvrir par hasard.
20:41C'est à vous ça ?
20:42Oui, répondent les deux vieux.
20:44Vous êtes sûr ?
20:45Tout à fait.
20:47Et pour prouver leur bonne foi,
20:49ils la décrivent avec soin.
20:53Le jour même,
20:53le contrôleur de la police
20:54fait arrêter leur fils
20:55ayant établi
20:56qu'il a quitté secrètement
20:57à la maison pendant la nuit.
20:59Bien entendu,
21:00le fils présente
21:00un autre alibi.
21:01C'est vrai
21:02qu'il a quitté la maison
21:03cette nuit-là,
21:04mais pour se rendre
21:04dans un village voisin
21:05chez sa fiancée.
21:07Le contrôleur de la police
21:08retrouve la fiancée en question
21:10à Hanover
21:10et constate
21:11qu'elle porte
21:12les boucles d'oreilles
21:13que portait Charlotte,
21:14la femme du percepteur
21:15d'Elgaden
21:15la nuit du crime.
21:18Une perquisition
21:19met aussitôt à jour
21:20tous les bijoux
21:21de la malheureuse Charlotte.
21:22Le contrôleur de la police
21:25sûr de tenir enfin
21:26le vrai coupable
21:27est saisi d'une attaque.
21:30Et c'est dans un fauteuil roulant
21:31qu'il va assister au procès
21:33qui le 15 septembre 1856
21:35doit reprendre
21:35la procédure contre Bus.
21:37C'est ainsi que le policier
21:39voit de son fauteuil roulant
21:40tous les témoins
21:41qui accusaient
21:42le compagnon maçon
21:43se ranger
21:43désormais à ses côtés.
21:45Bus !
21:46Mais c'était un brave homme.
21:48Oh d'ailleurs,
21:48c'était un travailleur.
21:50Oh, s'il a chômé
21:51tout l'hiver,
21:52c'est parce qu'il n'avait
21:52pas de travail,
21:53s'il allait souvent au café,
21:55c'est parce qu'il ne savait
21:56pas quoi faire,
21:57etc., etc.
21:58Et le témoignage de Wilde,
22:00l'auxiliaire
22:01qui n'a qu'un bras.
22:03Mais c'est le pasteur
22:04qui m'avait renseigné
22:04sur sa bonne conduite,
22:05déclare le maire.
22:06Mais c'est le maire
22:07qui m'avait dit du bien de lui,
22:08déclare le pasteur.
22:10Non seulement
22:11chacun n'était renseigné
22:13sur la bonne conduite
22:14de cette fripouille
22:14que par oui dire,
22:16mais on apprend
22:17qu'après avoir hautement
22:18refusé les centalères
22:19de récompense.
22:20Wilde les a ensuite
22:21réclamés à plusieurs reprises.
22:24Il m'a même proposé
22:24de les partager avec moi,
22:25déclare le policier Basman,
22:27quand je lui ai dit
22:27que je doutais
22:28de sa déclaration.
22:30Bref,
22:31on découvre que Wilde
22:32n'est qu'un parjure
22:33qui voulait toucher
22:34la récompense.
22:36On voit mieux encore.
22:38Une femme vient affirmer
22:39avoir vu Bus
22:40et le boulanger
22:41entrer dans la maison de Bus
22:42le soir du crime
22:43à 19h30
22:44et n'en être pas ressortie.
22:47Elle l'a d'ailleurs
22:47en son temps précisé au maire,
22:49mais celui-ci avait négligé
22:50de le faire inscrire
22:51dans le procès verbal.
22:53Tant et si bien
22:54que Bus est acquitté
22:55avec éclat
22:55de l'accusation
22:56de meurtre et libéré,
22:57tandis que Wilde
22:58reçoit huit ans
22:59de travaux forcés.
23:03Maintenant,
23:04venons-en au procès
23:05du vrai criminel
23:06et à l'aspect
23:08vraiment exemplaire
23:10du dossier.
23:10Le criminel
23:13qui a fini
23:14par avouer
23:14le crime d'Elgadène
23:15et l'a décrit
23:16dans tous ses détails
23:17est évidemment
23:18condamné à mort.
23:21Il sera exécuté
23:22un an et demi plus tard
23:23et comme le rapportent
23:25les documents,
23:26ce sera un vrai carnage.
23:29Sur le haut
23:29de la colline
23:30où il devait mourir,
23:32le bourreau,
23:32sous et maladroit,
23:35devra s'y reprendre
23:36à quatre fois
23:37avant de réussir
23:38avec sa hache
23:38à séparer la tête du tronc.
23:40Mais voici
23:41ce détail
23:43qui est presque
23:43l'essentiel.
23:47Savez-vous
23:47comment s'appelait
23:48le vrai criminel ?
23:50Il était plutôt
23:50petit et efféminé
23:51avec des airs
23:53de seigneur.
23:54On le surnommait
23:55le comte
23:56et il s'appelait
23:58en réalité
23:58Brun.
24:01C'était l'homme
24:01que le gros propriétaire
24:04avait armé
24:04d'un pistolet
24:05et choisi
24:06pour protéger
24:07sa femme
24:08et ses enfants.
24:09Ainsi donc,
24:10dans le village
24:11d'El-Gaden,
24:12la population
24:13perdant son calme
24:14avait accusé injustement
24:16le percepteur
24:16et le maçon,
24:18poussé au suicide
24:18le boulanger,
24:20condamné sa femme
24:20et ses enfants
24:21à la mendicité
24:22et engagé
24:23pour se défendre
24:24un parjure infecte
24:25et le meurtrier lui-même.
24:26Vous venez d'écouter
24:47les récits extraordinaires
24:48de Pierre Bellemare,
24:49un podcast
24:51issu des archives
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24:53Réalisation et composition
24:55musicale
24:56Julien Tarot
24:57Productions
24:58Estelle Lafon
24:59Patrimoine sonore
25:01Sylvaine Denis
25:02Laetitia Casanova
25:03Antoine Reclus
25:05Remerciements
25:06à Roselyne Bellemare
25:07Les récits extraordinaires
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