Le ministre du Travail, Jean-Pierre Farandou, en appelle à une "mobilisation générale" pour l'adoption du budget de la Sécurité sociale, un moyen d'avoir de la "stabilité pour travailler".
Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Benjamin Duhamel sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
00:00Benjamin Duhamel, votre invité, est assis en face de vous, c'est le ministre du Travail et des Solidarités.
00:05Bonjour Jean-Pierre Farandou.
00:06Bonjour.
00:06Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter, alors que s'ouvre une journée cruciale pour la France, mais aussi pour vous,
00:12puisque l'on saura ce soir si le budget que vous avez défendu, celui de la sécurité sociale, sera adopté ou pas.
00:17Ça va se jouer à quelques voix près.
00:20Juste avant de parler d'arithmétique, est-ce que vous savez qui a dit cette phrase hier soir, ouvrez les guillemets,
00:24nous avons un texte qui ne prépare pas l'avenir de nos enfants ?
00:28Non, je ne sais pas qui a dit ça, vous allez me le dire certainement.
00:30Vous avez une idée ou pas ?
00:30Non, je n'ai pas d'idée.
00:31C'est Édouard Philippe, chez nos confrères de LCI, qui demande à ses députés Horizon de s'abstenir.
00:37Comment est-ce que vous voulez convaincre les parlementaires qui ne sont pas de votre camp de voter ce texte,
00:41si ce même Édouard Philippe a des mots aussi sévères sur le texte que vous défendez ?
00:44Je répète cette phrase, nous avons un texte qui ne prépare pas l'avenir de nos enfants.
00:48Oui, moi je pense que la journée, c'est une journée de mobilisation pour ceux et celles qui veulent donner un budget à la sécurité sociale
00:54et qui veulent aussi un peu de stabilité politique dans notre pays.
00:58C'est exactement ce qu'on a entendu, les Français veulent de la stabilité, donc c'est aujourd'hui.
01:01Voilà, il faut se mobiliser.
01:03Ce budget n'est pas parfait, bien évidemment.
01:04Moi le premier, je vais le concéder.
01:07Pourquoi il n'est pas parfait d'ailleurs ?
01:08Parce que les députés n'ont pas souhaité retenir les mesures qui allaient dans le sens de la rigueur économique.
01:13Par exemple, sur le gel des pensions, on l'a porté, cette idée-là.
01:17Elle n'a pas été retenue.
01:19On voit bien que les parlementaires ont adouci la copie initiale.
01:22C'est un équilibre qui a été trouvé, c'est le compromis.
01:23Et vous-même, Jean-Pierre Farandou, vous avez lâché quand même beaucoup de choses aux socialistes.
01:28La suspension de la réforme des retraites, vous avez annoncé à doubler les franchises médicales,
01:31vous avez doublé à geler les prestations sociales et les pensions de retraite.
01:34Ce n'est pas seulement de la faute des autres, non, c'est aussi la vôtre.
01:36Ça s'appelle les compromis.
01:37Vous avez les compromis, c'est ça.
01:38Ça ne vous a pas échappé, il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale.
01:41Il n'y a pas de 49-3 non plus.
01:43Le Premier ministre n'a pas souhaité utiliser cet instrument.
01:46Donc c'est le débat parlementaire, c'est les petits pas, c'est les compromis.
01:48Un compromis par définition, c'est lâcher votre position de départ et faire un pas vers l'autre et réciproquement.
01:53Mais il se trompe Edouard Philippe quand il dit nous avons un texte qui ne prépare pas l'avenir de nos enfants ?
01:57Alors après, ce budget de la sécurité sociale...
01:59Ce n'est pas facile de répondre à cette question.
02:00Non, mais si, si, on y répond.
02:02On ne peut pas dans un budget qui se prépare au dernier moment faire des grandes réformes.
02:06Ça, ce n'est pas possible.
02:07D'autant plus que les conditions politiques ne s'y prêtent pas.
02:09Mais si, Edouard Philippe, que j'estime beaucoup, d'ailleurs vous savez, c'est grâce à lui que j'ai été président de la SNCF.
02:14Il a proposé mon nom au président de la République, donc vous voyez, j'ai la plus grande estime pour Edouard Philippe, qui est un homme d'État à coup sûr.
02:20Il faut des réformes, les réformes d'ailleurs on les a engagées.
02:22Vous savez qu'on a lancé une conférence travail, emploi, retraite pour s'occuper des retraites.
02:25Peut-être qu'il faudra s'occuper de la sécurité sociale aussi.
02:28Mais ça, c'est dans ce deuxième temps.
02:29D'abord, il faut passer ce budget très vite, donner un budget à la sécurité sociale pour les Français.
02:33Deux points d'arithmétique avec vous Jean-Pierre Ferrandou.
02:35D'abord, j'imagine que vous avez des compteurs, des calculettes.
02:37Est-ce qu'en l'État, ça passe ce soir ?
02:38Puisque c'est la question qu'on se pose depuis ce matin, 7h.
02:42Moi, je suis très humble.
02:44On sait que ça sera serré.
02:45Franchement, d'abord, ce matin...
02:46Mais est-ce que ce matin, c'est plutôt optimiste ?
02:48Non, non, non, je ne sais pas.
02:49C'est être serré.
02:50La mobilisation, une fois de plus, sera déterminante.
02:52Moi, j'aime bien l'image de rugby.
02:53Vous savez, il y a une mêlée cet après-midi.
02:55Mais il faut que tous les copains, ils viennent pousser avec nous dans la mêlée.
02:57En face, on a deux gros piliers décidés, qui s'appellent le Rassemblement National et l'FI.
03:00Ils vont pousser contre nous.
03:02Parce qu'ils veulent le désordre.
03:03Ils veulent, justement, ils utilisent ce vote contre pour créer des conditions un peu de désordre politique et de crise politique.
03:10Ceux qui veulent la stabilité.
03:11Et c'est un bon budget aussi.
03:13Et je suis prêt à le défendre.
03:14C'est un budget où il y a des bonnes choses pour les Français.
03:16Donc vraiment, tout le monde doit se mobiliser pour venir pousser avec nous et gagner la mêlée cet après-midi.
03:21Et deuxième point d'arithmétique.
03:22Est-ce que vous, le ministre du Travail et des Solidarités, pouvez nous dire où est-ce qu'on atterrit en termes de déficit de la sécurité sociale ?
03:28Puisque l'un des reproches qui vous est fait, c'est de dire qu'au fond, vous laissez dériver ce déficit de la sécurité sociale.
03:33Avec le texte voté dans sa version, où on en est en termes de déficit ?
03:37Oui, alors on commencera par se dire que s'il n'y a pas le vote, le déficit, il glisse à 30 milliards l'année prochaine.
03:43Il glisse à 30 milliards s'il n'y a aucun texte sur la sécurité sociale qui n'est voté sur toute l'année.
03:47Oui, mais en fait, on verra quand même.
03:48Parce que si on n'y arrive pas maintenant, je ne vois pas pourquoi on est arrivé dans un mois ou deux quand même.
03:51Donc ce soir, on en est à combien si le texte est voté ?
03:53On est autour de 23-24 milliards.
03:54Aujourd'hui, avant les transferts, on va faire des transferts qui sont normaux.
03:57Donc on finira autour de 19.
03:59Voilà, mais je le redis, si ça glisse.
04:01Donc au fond, même pour la rigueur, il vaut mieux quelque chose à 24 milliards qu'à 30 milliards.
04:04Même avec l'argument de la rigueur, 24, c'est mieux que 30.
04:07Et on précise des transferts, ça veut dire que c'est l'État qui va composer pour la sécurité sociale.
04:10Je voudrais qu'on essaie de se projeter, Jean-Pierre Farandou, sur les conséquences de ce vote.
04:14D'abord sur la vie des Français.
04:14Vous avez dit la chose suivante.
04:15En cas de rejet du budget, il y aura une crise politique, économique et sociale.
04:20Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ?
04:21Ça veut dire que le chômage va exploser, que les taux d'intérêt vont augmenter si le texte n'est pas voté ?
04:26Je voudrais revenir sur les bonnes choses du budget.
04:28Oui, mais là je vous pose une question sur s'il n'est pas adopté.
04:31Oui, mais s'il n'est pas adopté, il n'y aura pas les bonnes choses du budget.
04:34Donc ça veut dire quoi une crise économique et sociale ?
04:35D'abord, au plan social, il y a l'amélioration de la retraite pour les femmes dans ce budget.
04:40Les femmes du secteur privé et du secteur public.
04:42Il y a un nouveau congé naissance pour les parents.
04:44Il y a de l'argent pour l'hôpital et les EHPAD.
04:46Mais ce n'est pas la question que je vous pose aujourd'hui.
04:47Vous dites que ce sera la crise économique et sociale si le texte n'est pas voté.
04:50Concrètement, ça veut dire quoi ?
04:52C'est-à-dire qu'on en revient à la stabilité.
04:53C'est-à-dire que le fait que le budget ne soit pas voté, on voit bien, peut créer les conditions d'une tension politique.
04:58C'est d'ailleurs ce que veulent LFIRN.
05:00Ils veulent créer les conditions d'une tension politique.
05:02Et on voit bien ce qu'ils veulent.
05:03Ils veulent la censure du gouvernement.
05:05Ils veulent la dilution du Parlement.
05:07Ils veulent de l'Assemblée nationale.
05:09Ils veulent la démission.
05:10Donc, on n'en est pas là.
05:12On n'en est pas là.
05:13Mais forcément...
05:13Mais donc, si le texte n'est pas voté, crise économique et sociale.
05:16C'est un point qu'on donne...
05:16C'est inquiétant pour les Français qui écoutent ça ce matin.
05:19C'est un point qu'on donne à ceux qui veulent la crise.
05:21Voilà, c'est ça.
05:21Moi, cet après-midi, je ne veux pas qu'on donne ce point-là à ceux qui veulent la crise.
05:24Il faut au contraire que ceux qui veulent la stabilité et éviter toute crise se réunissent et poussent ensemble cet après-midi.
05:29Jean-Pierre Farrandou, il y a un an, quand il n'y a eu ni projet de loi de finances, ni projet de loi de finances de la sécurité sociale et une loi spéciale, il n'y a pas eu de crise économique et sociale en France ?
05:38Vous savez, ça, on peut en parler.
05:39Au niveau économique, quand même, l'absence de budget, on est très regardé.
05:42Vous avez les taux d'intérêt qui vont augmenter.
05:44Le fameux spread, l'écart de spread avec l'Allemagne qui va s'accroître.
05:46Donc, c'est ce qui va se passer si le budget de la sécurité sociale ne passe pas.
05:48Les taux d'intérêt vont augmenter.
05:49Et le PLF derrière.
05:50Parce qu'on peut penser que si le projet de loi sur la Sécu ne passe pas, je ne vois pas comment celui de l'État passerait.
05:5515 milliards d'un coup.
05:56C'est quand même pas négligeable.
05:57Donc, c'est ce que vous craignez si ce texte n'est pas votre texte ?
05:58Ah bah oui, je crains qu'on glisse sur une mauvaise pente, oui, effectivement.
06:01C'est important.
06:02Et puis, il y a les conséquences politiques.
06:03Le 13 octobre dernier, voilà ce que disait Sébastien Lecornu, ouvrez les guillemets.
06:07Notre seule mission, c'était devant vous, ce qu'il disait.
06:10Notre seule mission est de dépasser la crise politique.
06:13Si le budget est rejeté, c'est un échec du Premier ministre.
06:15Est-ce qu'il devra partir ?
06:17Moi, je souhaite continuer à travailler, en tout cas.
06:19Vous savez d'ailleurs, et c'est aussi pour ça ce que disent les Français.
06:22On l'a entendu, les Français, ils veulent qu'on s'arrête de parler de budget.
06:24Ils veulent qu'on conclue sur ce budget.
06:26C'est cet après-midi que ça se passe, ça tombe bien.
06:28Moi, j'ai plein de projets de loi qui sont prêts.
06:29J'en ai un contre la lutte contre la fraude fiscale.
06:32J'en ai un pour simplifier le système d'aide.
06:33On est prêts, mais si on ne fait que du budget, on n'y arrive pas.
06:36Laissez-nous travailler.
06:37Donnons-nous un peu de stabilité pour travailler.
06:39C'est pile je gagne, face tu perds.
06:40Ça passe, vous vous en félicitez.
06:42Ça passe pas, c'est pas grave et on continue de travailler.
06:44Et vous avez, comme vous me le dites ce matin, d'autres textes de loi en préparation.
06:48Oui, nous, on est prêts.
06:49On est prêts à travailler.
06:50Alors après, c'est des conditions politiques qui seront appréciées le moment venu.
06:53Mais en tout cas, nous, ce qu'on souhaite, c'est avoir de la stabilité pour travailler pour les Français.
06:56Donc si le texte est rejeté ce soir, vous serez encore ministre du Travail et des Solidarités ?
07:00Moi, tant qu'on ne dit pas le contraire, je reste ministre du Travail et des Solidarités.
07:03Ce n'est pas moi qui décide.
07:04Donc on verra.
07:05On appréciera la situation politique telle que se dessine.
07:08Il y a encore du travail.
07:08Il y a encore le PLF, comme ça a été indiqué.
07:10On verra.
07:11Moi, il me tarde que ça se termine.
07:12Mais il n'y a pas que moi.
07:13Je crois que les Français aussi.
07:14Ils sont lassés.
07:15Vous en avez marre de ces débats autour du budget, de siéger au banc ?
07:19C'est-à-dire qu'au bout d'un moment, ça fait presque deux mois cogner.
07:22On va faire trois mois.
07:23Si on doit recommencer l'année prochaine, janvier, février, ça fera cinq mois.
07:26C'est presque une demi-année qu'on va consacrer au budget.
07:28Ce n'est pas possible.
07:29On a autre chose à faire à côté.
07:30Moi, par exemple, je rêverais de travailler sur l'emploi des jeunes, l'emploi des seniors,
07:33réduire les accidents du travail, m'occuper de la lutte contre la pauvreté.
07:37Voilà, c'est ça qu'ils attendent les Français.
07:38Ce n'est pas qu'on passe la moitié de l'année à faire du budget.
07:40Pour terminer, Jean-Pierre Farandou, je voudrais vous soumettre cette proposition du Rassemblement National
07:45qui veut rouvrir les maisons closes.
07:48Alors, il n'utilise pas ce terme.
07:49Je vais citer Jean-Philippe Tanguy, le député RN,
07:51qui souhaite des lieux tenus par les prostituées elles-mêmes en mode coopératif.
07:57Voilà l'expression qui est utilisée.
07:59Ce qui pourrait passer par une proposition de loi.
08:01Moi, comme ministre du Travail et donc aussi du plus vieux métier du monde,
08:06est-ce que vous êtes favorable à cette proposition de loi,
08:09rouvrir les maisons closes et en faire des espaces coopératifs tenus par les prostituées elles-mêmes ?
08:14Honnêtement, dans ce moment, je suis très concentré sur la sécurité sociale.
08:18Si M. Tanguy veut proposer un projet de loi, on le regardera tranquillement.
08:21Il n'y a pas de réponse oui-non rapide.
08:24Il faut regarder ce qu'il y a dans sa proposition, on verra.
08:27Moi, en ce moment, je suis très concentré.
08:28Pour finaliser le budget, je le redis, cet après-midi, ça se passe.
08:31Mobilisation générale pour donner enfin un budget à la sécurité sociale dans notre pays.
08:36Oui, mais pardon Jean-Pierre Farnoud, mais c'est un sujet important
08:38qui pose la question de savoir s'il faut donner un cadre aux travailleuses du sexe.
08:43On a des exemples autour de nous.
08:45En Belgique, par exemple, est-ce que philosophiquement,
08:48l'idée de permettre aux prostituées de travailler dans des maisons clos,
08:53ce qui pourrait améliorer leur sécurité, est-ce que c'est quelque chose philosophiquement
08:55qui vous paraît intéressant ?
08:57Je vois bien les sujets qui sont posés, ils sont sérieux.
08:59Mais je le redis, comme ils sont sérieux, il faut laisser le temps d'examiner la proposition de loi.
09:03Je ne la connais pas.
09:03Laissons-la arriver, regardons-la.
09:05Et je le redis, s'il vous plaît, concentrons-nous aujourd'hui sur l'événement important.
09:09Donnons un budget cet après-midi à la sécurité sociale.
09:11Merci beaucoup Jean-Pierre Farrandou qui veut à la fois se concentrer sur le budget
09:14mais qui en même temps a hâte de ne plus en parler.
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