00:00On sait que la conformation territoriale de la République, cette nation a beaucoup évolué par rapport à une époque où nous avions les villes et les campagnes, le raz des villes et le raz des champs.
00:08Il y a des zones intermédiaires, il y a les urbains, la ruralité, Jean-Christophe Guilly et Jérôme Fourquet se sont beaucoup penchés sur cette analyse territoriale.
00:18Aujourd'hui la vraie ruralité, il y en a une qui est intermédiaire, la vraie ruralité c'est quoi ? C'est vraiment la campagne agricole avec des paysannes et des paysans ou pas que ?
00:28Alors non, déjà la ruralité au sens d'une faible densité de population, celle qui est souvent retenue comme la ruralité qui fait grosso modo 20% de la population, n'est pas uniquement rural et agricole, loin s'en faut.
00:42Mais à mon sens c'est une vision...
00:44Alors ça a existé, des zones totalement...
00:46Oui tout à fait, mais c'est de moins en moins le cas.
00:48On parle jusqu'aux années 60 à peu près.
00:49Exactement. Maintenant, beaucoup de ces territoires vivent aussi de services publics, vivent aussi d'artisanat, donc c'est pas du tout le même... du tourisme aussi.
01:02C'est perçu à un moment donné comme péjoratif, vous savez, rural. C'était quoi ? Ça voulait dire rustre, rupestre ?
01:08Ah oui, autrefois c'était...
01:08C'est la racine latine, c'était...
01:10Et ça peut encore l'être parfois dans la bouche de certains.
01:13Mais ce qui est intéressant de voir, à mon avis, vous parliez de Christophe Guillouis, c'est que cette ruralité aujourd'hui, elle ne se réduit pas à ces zones à très faible densité.
01:20Et ça n'est pas uniquement des paysages, c'est aussi les petites villes.
01:25Et cette question des petites villes est clé, notamment par rapport au sondage qu'on sort aujourd'hui, parce que la perception qui ressort des habitants des territoires ruraux
01:34et de l'ensemble de la population qui a beaucoup moins de moyens qui est donné dans les territoires ruraux,
01:40eh bien c'est en fait aussi la perception de ce qui se passe en fait dans l'éducation prioritaire.
01:46C'est-à-dire que l'éducation prioritaire, concrètement à l'école, eh bien on a trois fois moins de chances de bénéficier des moyens de l'éducation prioritaire
01:52quand vous êtes un jeune rural que quand vous êtes un jeune urbain.
01:55Cette éducation prioritaire, pour vos auditeurs, c'est les moyens que l'école donne dans les territoires où il y a plus de besoins scolaires.
02:03Donc c'est très important parce que ça dit aux enfants de nos territoires qu'ils ne sont pas une priorité pour l'école.
02:08Et c'est à mon avis très inquiétant parce qu'en fait l'école est la première institution à laquelle on est confronté.
02:13Et donc si on se sent méprisé ou délaissé par l'école, en fait on se sent délaissé et méprisé par l'ensemble des institutions.
02:21L'école, c'est le primaire pour la municipalité, le collège pour le département, le lycée pour la région.
02:28Ce sont quand même des entités territoriales qui sont responsables.
02:30L'État n'est pas uniquement responsable des carences scolaires dans ce territoire-là.
02:33En réalité, alors oui, vous dites ça parce que ce qui ressort du sondage, c'est que la plupart des gens disent, 75% disent que c'est la faute de l'éducation nationale.
02:42Les collectivités territoriales ont aussi leur part de responsabilité.
02:45Oui, mais sur les moyens d'équipement.
02:47Donc en réalité, sur le fond du résultat scolaire, c'est quand même l'État qui est en compte.
02:52C'est bien l'État. La ruralité aujourd'hui française, est-ce qu'il y a des inégalités, j'allais dire, dans le traitement ?
03:00Il y en a des ruralités qui sont encore rayonnantes, qui sont encore florissantes, qui se portent bien ou qui sont moins atteintes par la mondialisation
03:07et d'autres qui sont beaucoup plus victimes du désordre économique, socio-économique auquel ce pays est confronté.
03:12Oui, tout à fait. Alors ça, ça ne ressort pas directement de ce sondage qui est plutôt lié à l'éducation.
03:17Mais ce qui est manifeste, c'est qu'on a tendance à investir beaucoup dans la ruralité aujourd'hui sur la question du tourisme,
03:26du développement de l'économie résidentielle, du développement de l'économie de proximité,
03:32avec l'idée que nos ruralités ont un intérêt touristique, ce qui est vrai,
03:37et donc elles vont devenir un petit peu la maison de vacances de l'Europe, si vous voulez.
03:42Je crois que c'est dommage, parce que d'une part, ça met dehors tout un tas de jeunes qui habitent dans des littoraux,
03:50qui sont nés dans ces territoires-là, mais qui doivent, à cause du renchérissement des prix du foncier, quitter ces territoires.
03:55Et puis deuxièmement, l'autre difficulté principale, c'est que ça ne se fait pas dans tous les territoires.
04:00Et donc moi, j'habite dans l'Aisne, si vous voulez, dans cette région, vous n'avez pas cet attrait touristique,
04:08et le vrai levier, en fait, le seul qui permette de faire l'égalité des territoires,
04:14de créer la cohésion des territoires, c'est la réindustrialisation.
04:17C'est le seul moyen complice.
04:18Bien sûr. Donc on est bien au cœur de l'actualité.
04:21L'Aisne est un très beau territoire.
04:22Vous êtes plutôt dans le nord, du côté de la Thierrashe ?
04:24Je suis au milieu, moi. Je suis entre Lens et Soissons.
04:28Très belle campagne. Là, pour le coup, l'Aisne est souvent montrée en exemple
04:33comme étant une campagne qui a été délaissée, abandonnée.
04:36Pourtant, il y a une fierté. Il y a des gens qui, dans leur ruralité,
04:39ils tiennent beaucoup, se battent pour la préserver.
04:41Ah oui, oui. La plupart des habitants sont très attachés à leur territoire.
04:43Le vrai sujet, c'est, encore une fois, ils ne demandent pas un traitement de faveur.
04:47Ce qu'ils demandent, c'est simplement d'être mis sur un pied d'égalité.
04:50Et quand vous voyez qu'aujourd'hui, par exemple, pour revenir sur la question de l'éducation prioritaire,
04:53vous avez des critères qui sont structurellement discriminants pour les ruraux,
04:57puisque un des critères pour bénéficier des moyens de l'éducation prioritaire,
05:00c'est d'appartenir à un QPV, c'est-à-dire un quartier de la politique de la ville.
05:04Structurellement, vous avez exclu une grande partie des enfants
05:07puisque la politique de la ville, c'est pour les ensembles urbains d'au moins 10 000 habitants.
05:12Moi, dans l'Aisne, les emplois d'urban d'au moins 10 000 habitants, vous en avez 5, si vous voulez.
05:15Donc, structurellement, vous avez mis à l'écart et donc on aboutit à ce résultat
05:18qui est que les jeunes ruraux ont trois fois moins de chances de bénéficier de ces moyens supplémentaires.
05:22La ruralité, elle envoie aussi ses élus, je parle d'élus nationaux, des députés, des sénateurs.
05:28J'en connais certains qui sont plus mobilisés que d'autres.
05:30Quand vous leur posez la question, c'est un petit peu aussi apporter le débat au niveau du Parlement pour sauver.
05:37J'allais dire, la ruralité, pour utiliser un terme un peu marqué, c'est le pays réel, c'est la France authentique.
05:43Ça ne les préoccupe pas plus que ça de voir qu'il y a des autres qui sont en abandon total ?
05:47Moi, je crois qu'il y a un certain nombre de prises de conscience depuis le mouvement des Gilets jaunes.
05:52Maintenant, il faut que ça se traduise dans les actes.
05:53Et concrètement, là, sur cette question, encore une fois, je reviens sur la question de l'éducation prioritaire,
05:56parce que pour moi, c'est symptomatique...
05:57Bien sûr, mais tout passe par là, tout passe par l'école.
06:00Exactement.
06:00De l'intérêt que le pays porte à ses enfants et de la façon dont il les considère,
06:04eh bien, là, on commence à voir évoluer un certain nombre de choses.
06:06On a fait une table ronde qu'on a organisée avec l'IFOP, Jérôme Fourquet,
06:12et avec un certain nombre d'acteurs associatifs.
06:14Et il y avait à cette table ronde une députée modem qui s'appelle Delphine Ligman,
06:19qui a sorti une proposition de loi suite à ce colloque sur la réforme de l'éducation prioritaire.
06:25Donc, il y a des choses qui bougent, mais force est de constater qu'aujourd'hui,
06:30on ne va pas beaucoup plus loin, et pour être très concret,
06:35l'état du Parlement, et en tout cas de la représentation politique,
06:40ne permet pas aujourd'hui qu'il y ait une vraie évolution.
06:43Nous sommes d'accord pour proclamer qu'une école qui ferme,
06:47dans une commune, dans un village,
06:49c'est un morceau de l'histoire de France qui disparaît,
06:51c'est un instant de la République qui s'éteint.
06:53C'est dramatique.
06:54D'ailleurs, c'est très intéressant, jusque, je crois, en 1880,
06:57la loi imposait à un village d'accueillir au moins une école primaire,
07:03un village au-delà de 500 habitants.
07:06Au nom du service public.
07:07Exactement.
07:07Et c'est très intéressant de poser la question sous ce angle-là,
07:10parce qu'en termes d'inégalité, il y en a une autre qui me semble être importante à considérer,
07:14surtout dans cette période budgétaire et de fermeture de postes en zone rurale,
07:20puisque aujourd'hui, on fait l'égalité sur le nombre d'élèves par classe,
07:25donc on aligne, si vous voulez, le nombre de postes disponibles en fonction du nombre d'élèves par classe,
07:29et on se dit, s'il y a un trop grand écart entre le nombre d'élèves par classe dans une zone rurale
07:34et dans une grande ville, on va fermer les postes,
07:39et donc on va donner plus de temps de trajet aux enfants des zones rurales.
07:44Et donc, le vrai sujet, à mon avis, c'est de se dire, en termes d'accès au service public,
07:48en termes d'égalité devant l'école,
07:49est-ce que le critère pour lequel on voudrait faire l'égalité,
07:54ce n'est pas plutôt le temps de trajet ?
07:56Est-ce que, dans un grand pays comme la France,
07:58on ne peut pas se dire que faire une heure de trajet le matin pour aller à l'école,
08:01c'est un peu beaucoup ?
08:01Un enjeu de mobilité qui est au cœur de tous les débats régionaux et territoriaux.
08:05Jean-Baptiste Noiriac, merci.
08:07Noble combat.
08:09Votre rôle est essentiel.
08:11Excellence Ruralité, je rappelle le nom de votre association,
08:14et vous êtes au cœur, j'allais dire, des enjeux essentiels de ce pays, de cette République.
08:17Je pense qu'on aura l'occasion de se reparler,
08:19parce que nous suivrons de près l'évolution de votre engagement,
08:23et nous sommes évidemment à Sud Radio, plus que jamais,
08:25et peut-être plus qu'ailleurs,
08:27soucieux de cette réalité, de cette âme de la France,
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