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Dans cette vidéo du Greenletter Club, le biologiste Olivier Hamant, directeur de recherche à INRAE et directeur de l’Institut Michel Serres, explique pourquoi la France vit déjà un basculement profond.
Il décrit la fin d’un modèle fondé sur la compétition et l’hyper optimisation et montre comment les citoyens, les territoires et les petites entreprises inventent de nouvelles façons de vivre, de produire et de décider. Réparabilité, agroécologie, partage, intelligence collective, transformation de l’État, nouvelles formes de démocratie et villes repensées, Olivier Hamant dévoile les signes concrets d’un changement total du pays que les médias ne voient pas.
Une analyse lucide et accessible sur la mutation silencieuse de la société française.

#écologie #hamant #climat #technologie #transition

Catégorie

📚
Éducation
Transcription
00:00Ce qui est fou, moi ce qui m'étonne, c'est qu'on n'en soit pas encore, enfin qu'on ait encore des politiques au niveau national et supranational ou des grands patrons qui pensent encore que la valeur d'un pays, c'est sa performance à long terme.
00:14Ils vont dire des choses comme ça. C'est comme si on disait que le but, c'est qu'on soit un pompier dans le feu 24 heures sur 24.
00:21Vraiment, ça n'a absolument aucun sens, et surtout quand tout brûle autour de nous. Les êtres vivants, le climat, la société, la pauvreté, tout ça, c'est le burn-out planétaire.
00:34C'est très étonnant pour moi que cette satire de la performance ne soit pas plus là dans les médias. Ça devrait être le journal de 20 heures, il devrait démarrer tous les 20 heures, ça devrait démarrer par la performance du jour, c'est ça.
00:51Si t'imagines une France robuste dans les décennies qui viennent, ça ressemble à quoi ?
01:03La France robuste, elle est déjà là. C'est qu'en fait, on a déjà basculé. La bascule de la performance à la robustesse, ce n'est pas une fiction lointaine.
01:14En fait, on a déjà basculé parce qu'on est déjà dans les fluctuations. Il faut juste regarder les populations qui sont déjà dans des fortes fluctuations.
01:20Donc c'est clair que si on discute avec des membres du gouvernement ou de la Commission européenne ou des grands patrons, des grandes boîtes françaises, là on est toujours dans la performance, ça c'est très clair.
01:31Par contre, quand on discute avec des gens qui sont plus pauvres, des personnes qui sont dans des petits territoires où il y a eu des très grosses fluctuations, des petites entreprises qui ont subi des grosses turbulences économiques,
01:42ils ont déjà inventé des systèmes robustes. Et donc ça ressemble à quoi ? C'est de l'agroécologie à tous les tournants, agroforesterie, comme je disais tout à l'heure.
01:50C'est du tout réparable partout. Mais le tout réparable, c'est déjà là. Ça se développe beaucoup.
01:54C'est de l'économie de la fonctionnalité. C'est-à-dire qu'on n'a plus l'économie propriétaire qui domine, c'est plutôt l'économie du partage qui domine.
02:00C'est des conventions citoyennes beaucoup plus, des approches participatives beaucoup plus. Et au niveau de la démocratie, c'est un État qui est toujours là.
02:10Parce qu'un État failli, ce n'est pas robuste. Il faut un État. Mais l'État change de posture. C'est plus un État meneur, c'est un État facilitateur.
02:18Et donc en effet, les conventions citoyennes, les approches participatives, ça, ça va se parler.
02:22Mais c'est déjà là. J'insiste. Parce que souvent, quand on écoute les médias, on a un peu l'impression qu'au contraire, on va à fond dans le monde de l'ultra-performance toxique.
02:33Les Mosques, les Poutines, les Netanyahu. En fait, ils sont déjà morts. Et ça ne marche plus.
02:38Il y a un sondage récemment qui a montré, qui demandait aux Français s'ils étaient prêts à avoir plus d'éoliennes dans leur environnement.
02:46Ils voulaient plus qu'on accélère sur la transition écologique. C'est en général entre trois quarts et 90% des citoyens français qui demandent ça.
02:54La population française est prête. Elle vit dans des territoires où il y a déjà de l'orbustesse. Ils sont prêts, les Français, à basculer dans ce monde-là et vraiment à l'accueillir.
03:04C'est juste le discours médiatique dominant qui nous freine. Et l'État et l'Europe, là, qui sont plutôt des freins à la transition, enfin la loi du plomb et compagnie.
03:12L'agriculture industrielle, l'urbanisation, les métropoles, c'est aussi des choses qui sont plus fragiles.
03:19Du coup, si on suit la logique, ça veut dire qu'on va retourner à une France plus rurale ?
03:26Pas forcément. Alors, les villes vont être plus rurales. La ville du quart d'heure, c'est déjà une ville plus rurale.
03:32C'est-à-dire qu'en fait, on prend le modèle village et on l'importe en ville. Ce qui est un moment décolonial.
03:37Parce que nous, on a plutôt un modèle urbain, même à la campagne.
03:40Voilà, exactement. C'est le Wi-Fi qui arrive partout. Là, c'est l'inverse. C'est le modèle du village qui commence à rentrer en ville.
03:47Mais c'est aussi d'autres façons de penser les villes. Je peux prendre l'exemple de Lyon qui est pratique pour ça.
03:51Parce que Lyon, ça sera la ville la plus chaude de France. C'est déjà quasiment la ville la plus chaude de France.
03:55C'est un pôle vraiment de chaleur.
03:58Évidemment qu'on va repenser les logements complètement différemment.
04:01On ne fera plus jamais des appartements à 2,50 m de hauteur, sous plafond.
04:06Il faudra mettre 2,80 m parce qu'il faudra brasser de l'air, évidemment, que des appartements traversants.
04:10Ce n'est plus possible d'avoir un appartement qui ne soit pas traversant.
04:13Mais même ça, ça ne suffira pas.
04:14Et donc la métropole de Lyon a comme projet de faire un croissant d'agroforesterie dans l'Est lyonnais
04:21pour faire un climatiseur naturel.
04:24Et donc là, on voit bien l'échelle du changement qu'il faut imaginer.
04:27C'est-à-dire que l'air chaud qui vient de l'Est sera rafraîchi par de l'agroforesterie.
04:31Et donc, ça rendra la ville viable.
04:34Si on ne fait pas ça, la ville ne sera pas viable.
04:37C'est là qu'on se rend compte que vraiment, ça va changer énormément dans les années à venir.
04:41Et donc, plus tôt on y va et plus joyeux ce sera.
04:43Parce qu'en fait, on avance ensemble.
04:46Ça, c'est intéressant.
04:47On l'a dit tout à l'heure, la performance est caractérisée justement par la froideur.
04:53Il y a un thème qui est cher à Ivan Illich quand on a fait un livre, c'est la convivialité.
04:57La robustesse, c'est aussi des moments de convivialité ?
05:02C'est renouer avec un monde plus convivial ?
05:04Oui, j'aime bien citer les Petites Cantines.
05:07Une association qui, en gros, c'est des citoyens qui viennent cuisiner ensemble
05:11et qui ne savent pas qui va venir.
05:14Ils ne savent pas ce qu'ils vont cuisiner.
05:16Et en plus, c'est à prix libre.
05:16Ils ne savent pas combien ils vont payer.
05:18Donc, il y a vraiment énormément d'incertitudes.
05:19Et en fait, c'est une expérience de transformation
05:22parce que c'est l'incertitude qui fait société.
05:25C'est parce que justement, on ne sait rien,
05:27qu'on va découvrir d'autres personnes.
05:29Et surtout, on va découvrir qu'on peut parler à d'autres personnes.
05:32On en est là, parce que dans ce monde froid de la performance,
05:35évidemment qu'on est tous dans des bunkers.
05:36On ne parle plus à personne, etc.
05:38Là, on redécouvre qu'on est des êtres sociaux.
05:41Et ça, c'est très chaleureux.
05:43Et en effet, c'est convivial.
05:44Les outils conviviaux d'Ivan Illich
05:47sont complètement alignés avec la robustesse.
05:50En fait, pour moi, c'est...
05:51Tu peux prendre des exemples ?
05:52Oui, dans les outils conviviaux,
05:55en fait, c'est des outils émancipateurs.
05:57Je vais prendre l'exemple du low-tech.
05:58C'est peut-être le plus simple.
05:59Quand on fait des objets réparables,
06:01ça veut dire qu'on donne la possibilité aux citoyens
06:03de réparer, de maintenir,
06:05de faire évoluer les outils dans leur territoire.
06:08Si on fait des objets très high-tech
06:10qui dépendent de semi-conducteurs taïwanais,
06:13c'est terminé.
06:14Ce ne sera pas possible de réparer.
06:16Donc ça, c'est juste pour les outils.
06:17Mais c'est pareil pour les semences, par exemple.
06:19Les semences paysannes,
06:20c'est des semences qu'on peut échanger entre voisins.
06:23Ça, c'est de l'autonomie territoriale.
06:24C'est un outil convivial.
06:27Je crois que c'est Timothée Paris qui parle de ça,
06:29qui parle d'économicisation des rapports sociaux.
06:33C'est-à-dire qu'en gros, plus on devient riche,
06:35plus on finance des choses qui, avant,
06:38étaient de l'ordre de la solidarité.
06:40Par exemple, avoir une femme de ménage.
06:42Par exemple, le déménagement,
06:45avant, on demandait à des amis de céder.
06:47Par exemple, aussi, dans la société,
06:50la sécurité, de plus en plus avance,
06:52parce qu'il y avait des gens,
06:53donc on interpellait si jamais il y avait un problème.
06:55Aujourd'hui, c'est des caméras, etc.
06:57Plus on devient riche,
06:59c'est l'intuition que j'ai
07:00et qu'on peut tirer de ce que dit Timothée Paris,
07:03plus on vit dans des écosystèmes froids
07:07dont on parlait tout à l'heure.
07:08Oui, je vais citer Ivan Illich.
07:10J'aime beaucoup citer cette citation d'Ivan Illich
07:13qui dit « La médecine est l'alibi d'une société pathogène. »
07:17Alors, qu'est-ce que ça veut dire ?
07:18Ça veut dire, par exemple,
07:20on va utiliser des anxiolytiques
07:21pour travailler encore plus longtemps
07:22et pouvoir bien profiter de son burn-out.
07:25Alors que si on écoute son corps,
07:27peut-être qu'on va s'arrêter de travailler avant.
07:29C'est un peu pareil avec le monde des ultra-riches
07:32ou des riches
07:33qui vont pouvoir avoir une femme de ménage
07:36et qui vont se dire « Mais tout va bien dans ce monde-là. »
07:38Alors, en plus, je crée des emplois.
07:40Donc, qu'est-ce qu'on me dit là ?
07:41Que ça ne va pas du tout, quoi.
07:42En fait, non.
07:43On est en train de désocialiser les gens, en fait,
07:47en remplaçant le lien social
07:49par une relation emploi-employeur, quoi.
07:52Enfin, ou employé-employeur.
07:53Donc, ça, c'est très froid, en effet.
07:56Alors, souvent, on me dit que...
07:58C'est une critique, d'ailleurs,
07:58qu'on me dit sur l'histoire de robustesse.
08:00C'est qu'on se dit
08:00« Oui, alors c'est bien gentil, ta robustesse,
08:01mais une mère solo qui a trois enfants,
08:06on va lui dire de faire de la coopération. »
08:08Enfin, c'est quand même compliqué, quoi.
08:09De faire de la robustesse, comment elle peut faire ?
08:12Et en fait, c'est le risque.
08:13Là, si je reprends l'unis,
08:14la médecine et la lubie d'une société pathogène,
08:16c'est de dire « On va faire une boîte privée
08:19qui va prendre soin des mamans solo
08:21pour qu'elles puissent continuer à travailler. »
08:23Au lieu de se poser la question,
08:25de se dire « Mais en fait,
08:26est-ce qu'on ne devrait pas plutôt
08:27se poser la question
08:28de créer les conditions
08:30dans lesquelles une maman solo n'est pas solo ? »
08:32Donc, il faut tout un village
08:33pour éduquer des enfants, par exemple.
08:35C'est ce qu'on dit en Afrique.
08:37Comment on crée ces conditions-là ?
08:38Ça, c'est de l'innovation sociale.
08:41Ce n'est pas du tout
08:42un nouveau modèle économique
08:44où on va rajouter encore
08:45des béquilles économiques.
08:47Et donc, je suis tout à fait d'accord
08:48avec ce que dit Timothée Parikh.
08:51Tu dis souvent qu'on a un culte
08:53justement de la performance
08:55et qu'il faut la ringardiser.
08:57Comment on ringardise la performance
08:59parce que c'est vrai
09:01qu'on est biberonné à la performance.
09:03Comment on la ringardise ?
09:05Alors, elle se ringardise toute seule
09:06en ce moment.
09:07On est dans un tel délire
09:09de performance
09:10que ça craque de tous les côtés.
09:12C'est presque un spectacle
09:13journalier, j'ai envie de dire.
09:18Il y en a plein.
09:19J'ai cité Notpetya en ouverture,
09:20mais il y a le canal de Suez
09:22bloqué par un bateau.
09:23C'est mes exemples classiques
09:24CrowdStrike en 2024, etc.
09:26En fait, ça craque de tous les côtés
09:28et ringardiser.
09:30Tout ce qu'il suffit de faire,
09:31en fait, c'est de juste
09:32l'exposer, l'observer.
09:35Ça se suffit, en fait.
09:36Quand on voit Elon Musk
09:37faire un salut hitlérien
09:38pour célébrer la victoire de Trump,
09:41là, on voit très bien
09:42l'alignement entre
09:43quelqu'un qui est obsédé
09:45par la performance,
09:46qui se voit comme déménageant
09:48sur Mars,
09:49donc une planète morte,
09:49froide,
09:50grâce à ses fusées performantes,
09:53et surtout qui fait
09:55une alliance directe
09:57avec le nazisme.
09:59C'est un choix,
10:00alors s'il n'est pas conscient,
10:01il est inconscient,
10:01mais c'est la même chose.
10:03Les nazis étaient
10:03des obsédés de la performance.
10:05C'est pas moi qui le dis,
10:06c'est Johan Chaputo,
10:07mais il suffit juste
10:07de lire les nazis
10:08et on voit très bien
10:09qu'ils sont...
10:09La bataille de la production...
10:11C'est vraiment
10:11la canalisation,
10:13l'autoroute,
10:13qui est un peu
10:14leur invention finalement,
10:16c'est le modèle
10:17de la performance.
10:18Et donc,
10:19ils se ringardissent tout seuls,
10:20c'est que quand on fait...
10:21La fusée ?
10:22Oui, la fusée.
10:24Oui, en fait,
10:24vraiment,
10:24tout est là.
10:26Donc,
10:26ces rapprochements,
10:28alors c'est un peu
10:29le point Godwin,
10:30mais c'est assez facile
10:31de faire des liens
10:32comme ça.
10:33Mais en fait,
10:33ce qui est fou,
10:34moi ce qui m'étonne,
10:35c'est qu'on n'en soit pas encore...
10:37Enfin,
10:37qu'on ait encore
10:38des politiques,
10:39au niveau national
10:40et supranational,
10:41ou des grands patrons
10:42qui pensent encore
10:44que la valeur
10:45d'un pays,
10:47c'est sa performance
10:48à long terme,
10:48ils vont dire
10:49des choses comme ça.
10:50C'est comme si on disait
10:51que le but,
10:52c'est qu'on soit
10:53un pompier dans le feu
10:5424 heures sur 24.
10:56Vraiment,
10:56ça n'a absolument aucun sens
10:58et surtout
10:58quand tout brûle
10:59autour de nous.
11:01Les êtres vivants,
11:02le climat,
11:03la société,
11:05la pauvreté,
11:06on pourrait parler
11:07de Gaza,
11:07de la géopolitique,
11:08tout ça,
11:09c'est le burn-out planétaire.
11:11C'est très étonnant
11:12pour moi
11:13que cette satire
11:15de la performance
11:16ne soit pas plus
11:17cela dans les médias.
11:19Ça devrait être
11:19en journal,
11:20le journal de 20 heures,
11:21il devrait démarrer
11:21tous les 20 heures,
11:23ça devrait démarrer
11:23par la performance
11:26du jour,
11:26c'est ça.
11:26qu'il y a quoi.
11:27C'est parti !
11:57C'est parti !
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