L'édito de Mathieu Bock-Côté : «L'Europe vers un "effacement civilisationnel"?» - Vidéo Dailymotion

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Dans son édito du 07/12/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00J'aurais pas cette prétention, je n'aurais pas cette prétention, je crois que les Américains sont assez unilingues.

00:06Mais, cela dit, c'est une séquence importante. Pourquoi?

00:10Parce que ce qu'on réduisait depuis plus d'un an à un personnage ubuesque, grotesque si on veut,

00:18un aventurier mégalomane, Donald Trump, très bien,

00:21il exprimait, au-delà de sa personnalité singulière, un courant profond dans le conservatisme américain

00:27qui vient de se traduire dans une vision géopolitique.

00:31Et c'est ce qu'on doit chercher à comprendre dans ce choc des deux Occidents

00:35qui se concrétisent, donc je l'ai dit, dans un document qui va bien au-delà des quelques slogans qu'on en rapporte.

00:41Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que j'en parle aujourd'hui?

00:43C'est parce que j'ai vu de la manière dont on en parlait depuis hier.

00:45Quand on parle de ce document de la Maison-Blanche, on se contente de dire

00:50scandaleux, ingérence, inacceptable, de quelle manière, comment osent-ils?

00:55Or, cherchons simplement à voir cette vision avant de voir si on doit la condamner ou non.

01:01Premier élément dans cette vision, je ne dis pas tout ce qu'il y a dans le document,

01:04je reviens sur les points importants.

01:05On nous annonce qu'il faut rompre avec l'ère des migrations de masse.

01:09Donc, on nous explique globalement, les migrations de masse doivent être pensées

01:13à l'échelle des 60 dernières années environ, des 40 dernières années,

01:16comme une entreprise d'expérimentation sociale inédite dans l'histoire

01:21qui a profondément déstabilisé les sociétés qui l'ont subie.

01:26Le document de la Maison-Blanche nous dit

01:28« On ne pouvait pas, à l'échelle de l'histoire, faire entrer des populations par millions,

01:32d'autres cultures, d'autres peuples, d'autres civilisations,

01:35dans les pays occidentaux, sans croire un seul instant que ce n'allait pas les déstabiliser. »

01:41Et ce que nous dit la Maison-Blanche à travers cela, je cite,

01:43« Dans tous les pays du monde, la migration de masse a mis à rude épreuve

01:47les ressources nationales, accrue la violence et la criminalité,

01:51affaiblit la cohésion sociale, faussé les marchés du travail

01:54et compromis la sécurité nationale. »

01:57Donc, on est dans cette idée que l'immigration de masse

01:59n'était pas un simple mouvement naturel,

02:01les grandes migrations post-1989 d'un monde sous le signe

02:04de l'interchangeabilité globale des populations.

02:07Nous étions devant une expérimentation idéologique

02:09et cette expérimentation idéologique a fait faillite.

02:13Et, de ce point de vue, la Maison-Blanche dit,

02:16« Les nations occidentales vont devoir renouer,

02:19je reviendrai dans un instant,

02:20avec une conception beaucoup plus forte

02:21de la cohésion sociale et de l'identité nationale. »

02:24Deuxième élément, on nous dit,

02:27et c'est très important dans le document,

02:28« Il nous faut retrouver dans le monde occidental

02:30la défense des libertés,

02:32la défense de la démocratie libérale. »

02:34Alors, ça va nous surprendre un peu,

02:35parce qu'officiellement, le camp de la démocratie libérale,

02:37c'est de notre côté de l'Atlantique,

02:40et l'Amérique connaîtrait en ce moment un tournant autoritaire.

02:44Or, qu'est-ce qu'on voit, la Maison-Blanche,

02:45j'ai un instant, là où on décide de réprimer

02:47la liberté d'expression,

02:49au nom de la lutte contre les propos haineux,

02:51au nom de la lutte contre la désinformation,

02:53là où on décide de mater des partis démocratiques

02:57pour les empêcher d'accéder à la vie politique ordinaire,

03:00lorsqu'on les cordon sanitarise,

03:02lorsqu'on les front républicanise,

03:04lorsqu'on les diabolise, lorsqu'on les fascise,

03:06lorsqu'on les nazifie,

03:08eh bien, on quitte le registre

03:09de la véritable expérience démocratique.

03:12Et, de ce point de vue,

03:13les États-Unis disent,

03:15« Si vous voulez être nos alliés,

03:16nous allons devoir partager

03:18quelque chose comme des valeurs

03:20et une conception relativement communes

03:22de la démocratie. »

03:23Ensuite, on n'est pas obligé

03:24de vouloir être les alliés des États-Unis.

03:25On n'est pas obligé.

03:26Mais les Américains disent,

03:27« Il y a un choc philosophique,

03:29un choc entre deux visions du monde,

03:32de plus en plus contradictoire

03:34entre l'Europe occidentale et les États-Unis. »

03:37Et je pense qu'on doit le noter.

03:39Autre élément,

03:40les États-Unis ne veulent plus être

03:41les gendarmes du monde.

03:42Ils reconnaissent, dans les faits,

03:44le pluralisme des civilisations.

03:46Ils disent,

03:46« Dans les coins du monde

03:47qui sont sous notre influence,

03:49nous serons la seule puissance de référence. »

03:51On l'a bien compris.

03:52Je précise qu'être voisin des Américains

03:54n'est jamais simple.

03:55Non plus qu'un allié, d'ailleurs.

03:57Mais, cela dit,

03:58ils ne prétendent plus organiser

04:00la sécurité mondiale sur le monde.

04:02Nous sommes la seule hyperpuissance.

04:04Donc, ils demandent à leurs alliés

04:05de s'armer.

04:06Ils demandent à leurs alliés

04:06de prendre au sérieux

04:07leur propre défense.

04:09L'air du bouclier américain

04:11obligatoire est derrière nous.

04:12Et à propos de la Russie,

04:14on nous dit,

04:14c'est un texte pro-russe.

04:16Mais ça, si je peux me permettre,

04:17c'est faux.

04:17Ce n'est pas un texte pro-russe.

04:19Ce que disent les Américains,

04:20puis je ne peux pas,

04:20si je peux me permettre,

04:21être suspect de musculatrie.

04:24En ces matières,

04:25j'ai toujours dit,

04:26je vois la Russie

04:26avec les yeux d'un balte.

04:28Je vois la Russie

04:28avec les yeux d'une petite nation

04:30qui est voisine d'un empire

04:31qui a toujours tendance

04:32à les piétiner.

04:33Tout ce que disent les Américains

04:34dans la présente séquence,

04:36c'est qu'il n'est pas réaliste

04:37dans le conflit avec l'Ukraine,

04:39il n'est pas réaliste de croire

04:40que l'Ukraine va reconquérir

04:41tout le territoire perdu,

04:43conquis par les Russes.

04:44Et dès lors,

04:45la paix qui est à notre portée

04:46n'est pas une paix wilsonienne,

04:49une paix où finalement

04:50tout le territoire est reconquis,

04:52Poutine tombe,

04:52la Russie devient

04:53une grande démocratie

04:54et les conflits sont derrière nous.

04:56Il nous dit,

04:57les Américains,

04:57il faut faire une paix géopolitique,

05:00une paix à l'ancienne

05:01en quelque sorte,

05:01une paix de compromis

05:02dans la séquence historique

05:04qui est la nôtre.

05:04Ce n'est pas être pro-rusque

05:06de ne pas souhaiter

05:06la guerre perpétuelle.

05:08Ce document,

05:09Mathieu Bocoté,

05:10a suscité une très vive réaction

05:12en Europe.

05:13On parle d'ailleurs

05:13d'un manifeste anti-européen

05:16et anti-Europe.

05:17Est-ce le cas ?

05:18Non.

05:18Ça m'a fait penser

05:20beaucoup à la réaction

05:21suite au discours

05:22de Gilly Vance

05:23à Munich

05:23en début d'année.

05:24Rappelez-vous,

05:25Gilly Vance

05:25fait un plaidoyer

05:26pour une conception classique

05:28de la liberté d'expression,

05:29donc une liberté d'expression

05:30qui en soit vraiment une.

05:31Condamnait,

05:32je l'ai dit plus tôt,

05:33la cordon sanitarisation

05:35des forces populistes

05:36en Europe occidentale,

05:37or,

05:38ou conservatrice,

05:39ou identitaire.

05:40Or,

05:40ce qu'on a vu

05:41à ce moment-là,

05:41rappelez-vous,

05:42on dit scandaleux,

05:43odieux,

05:43atroce,

05:44inacceptable,

05:45mais on ne citait

05:45jamais le propos.

05:47Que nous disent

05:47les Américains

05:48dans leurs documents

05:49en ce moment ?

05:50Ils nous disent profondément

05:50nous aimons l'Europe

05:51comme civilisation.

05:52L'Europe comme civilisation,

05:54les Américains pourraient même dire

05:55d'ailleurs c'est notre berceau,

05:56bon.

05:57Mais ils disent

05:57nous sommes réservés

05:58par rapport à cette

05:59technostructure impériale

06:01qu'est l'Union européenne.

06:03Est-il permis

06:04de ne pas être sympathique

06:06à l'Union européenne

06:07telle qu'elle est devenue

06:08sans être pour autant

06:09anti-Europe ?

06:11Et là,

06:11les Américains disent

06:12dans leurs documents,

06:13la Maison-Blanche dit

06:13oui,

06:14il y a le déclin économique,

06:15oui, il y a le déclin industriel,

06:17mais plus fondamentalement,

06:18il y a une perte de souveraineté

06:19et une perte d'identité.

06:20Je vais vous citer

06:21deux extraits.

06:23Ce déclin économique

06:24est éclipsé

06:25par la perspective réelle

06:26et plus sombre

06:27d'un effacement

06:28civilisationnel.

06:30Les problèmes

06:30plus importants

06:31auxquels l'Europe

06:32est confrontée

06:32relèvent des activités

06:33de l'Union européenne

06:34et d'autres organismes

06:35transnationaux

06:36qui sapent

06:37la liberté politique

06:38et la souveraineté.

06:40Je vais un peu plus loin.

06:41Si les tendances

06:42actuelles se poursuivent,

06:43le continent

06:44sera méconnaissable

06:45d'ici 20 ans

06:46ou moins.

06:47Dans ces conditions,

06:48il est loin d'être évident

06:49que certains pays

06:49européens

06:50disposeront

06:51d'une économie

06:52d'une armée

06:52suffisamment solide

06:53pour rester

06:53des alliés fidèles.

06:55Nous voulons

06:55que l'Europe

06:56reste européenne,

06:57qu'elle retrouve

06:57sa confiance

06:58et sa civilisation

06:59et qu'elle abandonne

07:00son obsession

07:00malvenue

07:01pour une réglementation

07:01étouffante.

07:02On comprend.

07:02Donc, il y a cette idée

07:04que l'Europe,

07:05sous le poids

07:05de la pression migratoire,

07:07sous le poids

07:08d'une forme

07:08de néo-socialisme

07:09technocratique

07:10qui est portée

07:11par l'UE,

07:12avec la perte

07:12des souverainetés

07:13nationales,

07:14l'Union européenne

07:15se retournerait

07:16contre la civilisation

07:17européenne.

07:18Et il va plus loin.

07:19Le document dit

07:19à l'instant,

07:20on est devant des pays

07:20où il y a une majorité

07:21populaire souvent

07:22pour une option

07:23et tout le régime politique

07:25cherche à étouffer

07:25et renverser

07:26cette majorité populaire.

07:28Que nous disent

07:28les Américains

07:29par rapport à cela?

07:29qu'il y a un problème

07:30démocratique

07:31en Europe occidentale

07:33aujourd'hui.

07:33Et ce n'est pas...

07:34On peut ne pas aimer

07:34Donald Trump

07:35et je comprends

07:36qu'on n'apprécie pas

07:36Donald Trump,

07:37mais ce constat,

07:38il est fait par

07:38plusieurs Européens

07:39eux-mêmes

07:40et il ne suffit pas

07:41de dire Trump,

07:42Trump,

07:43méchant,

07:43dangereux

07:43pour ne pas avoir

07:44à reconnaître

07:45la légitimité

07:45d'un certain constat.

07:46Autre sujet,

07:47mais ça rejoint l'Europe.

07:48Cette semaine,

07:49en Allemagne,

07:49on a appris que des candidats

07:51aux élections municipales

07:52devaient prouver

07:52qu'ils ne sont pas

07:53membres de l'AFP.

07:59Il y a l'ambition affichée

08:01d'interdire l'AFD,

08:03le Parti national

08:04populiste allemand.

08:05On peut ne pas aimer

08:06l'AFD,

08:07j'insiste.

08:07On peut penser

08:08que c'est un parti

08:08soit trop libertarien

08:11parce qu'il prétend l'être,

08:12soit trop pro-russe

08:13parce qu'il n'est pas atlantiste.

08:14On peut lui reprocher

08:14plein de choses.

08:16Mais en ce moment,

08:17on ne se contente plus

08:18en Allemagne

08:18de vouloir battre

08:19dans les urnes

08:20ce parti.

08:21L'idée,

08:22c'est d'interdire

08:22le parti.

08:23Mais avant d'en arriver

08:24à l'interdiction définitive,

08:26quelle est la méthode

08:26en ce moment?

08:27C'est puisqu'on fiche l'AFD.

08:29L'Allemagne est une fédération,

08:30donc selon les États,

08:31selon les landers,

08:32on définit l'AFD

08:34comme une organisation

08:34extrémiste,

08:35dit-on.

08:36Et puisque c'est

08:37une organisation extrémiste,

08:38on dit que les membres

08:39des organisations extrémistes

08:40n'ont pas le droit

08:41de se présenter

08:42à telle élection,

08:43n'ont pas le droit

08:43de se présenter

08:44à tel poste,

08:44n'ont pas le droit

08:45d'avoir tel métier,

08:46n'ont pas le droit

08:46d'avoir telle fonction.

08:48Donc, dans les faits,

08:48c'est une interdiction

08:50implicite,

08:50une interdiction de fait

08:52de l'AFD

08:52qui se joue ici.

08:54Comment?

08:54En disant,

08:55si vous êtes membre

08:55de ce parti d'opposition,

08:57vous n'aurez plus

08:58le droit de concourir

08:59aux élections.

09:00Et là,

09:00quel est l'argument

09:00utilisé souvent en Allemagne

09:01par rapport à ça?

09:03On nous dit,

09:03eh bien,

09:04c'est qu'il y a

09:05un problème constitutionnel,

09:06dit-on.

09:07Les gens n'adhèrent pas

09:08à la constitution.

09:08Mais à ce que j'en sais,

09:10dans mon temps,

09:11comme qui dirait,

09:12une constitution,

09:12c'est une organisation

09:13des pouvoirs

09:14dans une société.

09:15Ce n'est pas

09:16un projet de société

09:17avec des valeurs,

09:18des principes.

09:19À ce point,

09:19il est fini que si vous vous opposez

09:21à certains articles,

09:22vous devenez anticonstitutionnel

09:23et donc illégitime.

09:25Que disent les Allemands

09:26là-dessus?

09:26Ils disent,

09:26on n'est pas contre

09:27la constitution,

09:28on est contre l'interprétation

09:29qu'en proposent

09:30aujourd'hui les élites dominantes.

09:32Eh bien,

09:33pour s'opposer

09:33aux orientations fixées

09:35aujourd'hui

09:35par une bonne partie

09:36des élites allemandes,

09:37on se dit,

09:38ce parti doit être interdit

09:39étape par étape

09:40du point de vue

09:41du document

09:42dont nous parlions.

09:43Eh bien ça,

09:44interdire un parti d'opposition,

09:46on considère

09:47que c'est antidémocratique.

09:48Je suis persuadé

09:49que s'il y a 20 ans,

09:49on avait envisagé

09:50en Europe l'interdiction

09:51d'un parti d'opposition.

09:53On aurait aussi dit

09:53que c'était antidémocratique.

09:55Apparemment,

09:55aujourd'hui,

09:56on appelle ça

09:56l'État de droit.

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