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  • il y a 6 jours
Chères lectrices, chers lecteurs,

Ce mardi 25 novembre, nous avons eu le plaisir de recevoir Flora Citroën et Alice Pfeiffer, respectivement éditrice et préfacière de cet inédit en français de la psychanalyste Sabina Spielrein : La destruction comme cause du devenir (Mater éditions).

Vous souhaitant de belles lectures,

L'écume
Transcription
00:00Bonsoir et merci à toutes et à tous d'être là ce soir en présence d'Alice Pfeiffer,
00:09je pensais que c'était moi, en présence d'Alice Pfeiffer qui est journaliste et écrivaine et moi
00:18je suis Clora Citroën, j'ai créé Mater Editions il y a presque un an pour redonner vie à des voix de
00:22femmes oubliées. Le premier ouvrage que nous avons publié c'est La Voix de la Simplicité de
00:27995k qui est la 994k, c'est un texte de 1926 et le second qui sort aujourd'hui à l'occasion du 140e
00:36anniversaire de la naissance de son autrice Sabina Spielrein, c'est La Destruction comme
00:41Côte du Devenir, un texte de 1912 dans une nouvelle traduction de l'allemand de Corinna Gettner,
00:48c'est le premier ouvrage en français qui lui est dédié. Spielrein c'est la grande oubliée de la
00:54psychanalyse, c'est une femme et une penseuse restés dans l'ombre d'abord de Jung et de Freud
00:59qu'elle a fréquenté pour le premier comme psychanalyste et amant, mais avec Freud aussi
01:04il y a eu une connuance intellectuelle à tel point qu'il reprendra à son compte huit ans après la
01:09publication du texte qu'ils ont réuni aujourd'hui la notion de pulsion de mort dans Au-delà du principe
01:14de plaisir. Dans ce texte là elle est citée dans deux notes de bas de page et son travail est plutôt
01:20démigré puisqu'il dit que son travail est confus mais on y reviendra. D'ici là je vais revenir rapidement
01:26sur quelques éléments de sa vie qui nous permettront de mieux la connaître. Sabina elle
01:33naît dans une famille juive russe, riche, éduquée, elle a un grand-père et un arrière-grand-père rabbin,
01:39un père commerçant et une mère qui ne travaille pas mais qui a fait des études à un niveau universitaire.
01:45C'est l'aîné d'une fratrie de trois garçons et d'une petite soeur mais qui est morte en bas âge des
01:54suites du typhus. Enfant elle a une imagination débordante, elle croit qu'elle est une déesse,
02:01elle pratique à un niveau très élémentaire de l'alchimie, elle est captivée par l'expérience
02:06d'un oncle chimiste. Donc elle mélange les restes à table et transforme les matières et tout commence
02:15vraiment ses angoisses à un moment très jeune où elle a une hallucination, elle voit deux chats sur
02:20sa commode et donc là tout commence. Donc vers 3-4 ans elle a une pratique c'est qu'elle retient ses
02:26seules, elle attend parfois jusqu'à deux semaines avant de les fêter. C'est à cet âge-là que son père
02:38commence à la battre régulièrement et déshabillée, elle elle est déshabillée. À 7 ans elle abandonne,
02:45je suis désolée. Sauf qu'elle entend du caca ? Oui c'est parce qu'elle entend du caca, je suis vraiment
02:54désolée. À 7 ans elle abandonne la pratique de retenir ses seules et la remplace par la masturbation qui est
03:00une réponse directe à la violence de son père. La seule vue de la main de son père l'excite sexuellement,
03:06il faut savoir qu'elle devait baiser la main de son père après qu'il l'avait frappé. À table quand elle voit des
03:14gens elle peut s'empêcher de les imaginer déféquer. Jusqu'à ses 18 ans où elle ne peut plus regarder
03:19personne, il y a une alternance chez elle entre dépression, accès de larmes, de rire et de cris.
03:24Elle est quand même scolarisée dans un lycée de filles et elle est envoyée à Zurich par ses parents
03:31après son examen de temps d'études pour étudier la médecine et la soumettre à un traitement médical.
03:35Donc là on arrive au Burgosie, c'est là que ça commence vraiment. C'est une clinique qu'elle
03:44rejoint qui est la clinique du docteur Bleuer mais qui est aussi une clinique aux pratiques Jung.
03:50C'est une clinique dans laquelle elle passe presque un an de 1904 à 1905 et se fait soigner par Jung dans
03:57une cure psychanalytique purement freudienne, donc une cure par la parole. Elle guérit et commence des
04:03études de médecine pour devenir psychiatre. Donc elle continue à être suivie par Jung en dehors de la
04:09clinique et c'est là qu'elle devient tamant. Jung a 10 ans de plus qu'elle, donc il a 29 ans et elle a 19 ans.
04:16Elle commence ses études de médecine en 1906 et elle obtient son diplôme en 1911. Mais la relation
04:24qu'elle entretient avec Jung se détériore et la pousse à quitter Zurich et donc elle part à Vienne neuf
04:30mois. C'est là qu'elle va rencontrer Freud et participer aux rencontres du mercredi chez lui. Donc les rencontres du mercredi,
04:35c'est des rencontres qui réunissent le noyau de la psychanalyse de cette époque. C'est la deuxième
04:42femme du groupe seulement. Donc c'est à ce moment-là qu'elle écrit « La destruction comme cause du devenir »,
04:48le texte qu'ils m'ont réuni aujourd'hui. Ce qui m'a attirée dans ce texte, c'est d'avoir son titre qui a une
04:53grande puissance littéraire et poétique, je trouve. C'est un article scientifique qu'elle écrit à la
04:59première personne. Donc elle intègre véritablement son expérience personnelle à sa démonstration,
05:04ce qui est très courageux vis-à-vis des normes scientifiques d'abord et parce qu'elle s'expose
05:10elle-même auprès de toute la communauté psychanalytique et auprès de ses collègues. C'est
05:15un texte pluriel, mystique, médical, scientifique, philosophique. Et c'est pour ça que Freud parle
05:23sûrement de confusion puisque Freud est très technique. Mais j'en ai assez dit. On va maintenant
05:30passer à toi Alice aux questions que j'ai envie de te poser. Alice, on s'est rencontrée il y a un
05:36an avant ce projet de publication n'émerge et on a parlé de Spielrein qu'on était étonnés toutes
05:41les deux de connaître de manière très spiantile. Comment l'as-tu rencontrée ? Alors je ne sais pas si vous
05:49savez qui elle est mais moi je l'ai découverte par le film A Dangerous Method de David Kronenberg
05:54joué par Kira Knightley qui ne fait pas très bien l'accent russe. Mais bon pourquoi pas ? Je la
06:00trouvais super en hystérique. Et puis c'était quelques années avant un croisement qui est actuel
06:09qui est la rencontre je pense de MeToo et la prise de parole sur la santé mentale. Et donc il y a
06:13quelques podcasts qui ont commencé à ressurgir. J'ai quelques émissions où on en parle dans
06:19la même volonté de donner en fait la parole aux concernés, aux femmes discréditées, aux personnes
06:25hystérisées pour pas écouter ce qu'elles disent et ça me plaisait pour beaucoup de raisons. Et puis moi-même
06:32je suis tentée de rentrer en analyse il y a deux trois ans. J'ai eu énormément de mal à trouver un psy
06:38et pendant cette période d'errance, de psy en psy, j'ai commencé à faire mon propre bricolage par besoin
06:45de survie et j'ai tout fait. J'ai la psychanalyse pour les nuls, la psychanalyse en 50 mots-clés,
06:53comprendre la camp en 75 secondes, l'auto-hypnose sur YouTube, etc. Et je suis donc tombée sur cette
06:58personne qui était pas, qui était exactement à la fois la penseuse et aussi la figure dont j'avais
07:03besoin. C'était l'héroïne de mes rêves en fait. C'était une fille juive traumatisée, hystérique,
07:10hyper sexualisée alors qu'elle veut que étudier tranquillement. Et finalement elle s'émancie par
07:13l'étude. Et aujourd'hui, 140 ans après sa naissance, elle reste sulfureuse, elle reste
07:18avant-garde. Et c'était la mère spirituelle dont j'avais besoin, je pense.
07:23Alors effectivement, elle a été effacée. C'est-à-dire qu'elle écrit un texte, c'est une intuition et elle parle de l'ambivalence du désir, de l'amour, du lien.
07:50Freud à cette époque pense que le désir est une quête de plaisir et d'équilibre et de stabilité. Elle dit attention, il y a également une pulsion de destruction. Il y a une pulsion d'anéantissement de soi, de l'autre, une perte de soi dans le lien amoureux.
08:03Elle lui présente toute une thèse sur ses forces, justement ses forces opposées à l'intérieur de la libido au sens large, la libido comme force vitale.
08:11Il lui dit, vous êtes confuse, mademoiselle. Ils font même une réunion, lui et ses collègues necs, pour lui expliquer qu'elle a tort. Et puis finalement, il lui reprend l'idée.
08:22Il a décrit en plus ce terme, encore une fois, hystérisant. On dit qu'elle est des notes amusantes mais confuses d'une jeune fille. Et ça devient en fait le fondement de ce qu'on appelle
08:30aujourd'hui héros et thanatos, vie et mort. Donc ses forces opposées. Donc ça, c'est Freud. Jung,
08:36qui a la bonne idée de la prendre pour amante,
08:41introduit deux choses d'elle. Il introduit à la fois l'idée de destruction
08:44à l'intérieur du lien et aussi l'idée d'une binarité. Donc vie et mort
08:48au héros et thanatos, il dit aussi que c'est la rencontre des contraires. Et ce prisme-là, on le retrouve
08:52dans sa figure de Siegfried, qui est
08:54de moins en moins d'éontologie, qui est donc son enfant imaginaire qu'il aurait avec sa patiente,
08:58qui serait un enfant christianosémite.
09:04Sabina représente aussi pour lui
09:05son anima. Je ne sais pas combien...
09:08Hé hé !
09:09Alors, grosso modo, l'anima, c'est la femme.
09:14Chaque homme a en lui une femme
09:16qui n'est pas sa mère.
09:18Et donc sa figure d'identification dite féminine
09:20et donc Sabina, donc ce fantôme, elle a aussi.
09:23Et finalement, Mélanie Klein,
09:26qui, elle, introduit l'idée de destruction
09:28à l'intérieur du jeu, chez les enfants,
09:30l'idée d'envie,
09:32d'émotion négative
09:34envers la mère, qu'on se devrait être en capacité
09:35de nommer et dépasser
09:37et apprendre à réparer.
09:39Et ça, pareil, elle apparaît nulle part.
09:41Alors que ça reste une bonne idée, je trouve.
09:43Et ce titre, je le trouve encore très punk.
09:44Donc, moi aussi.
09:45Ce qui frappe, c'est qu'il n'existe quasiment aucun livre écrit par Spielrein.
09:53Non.
09:55En dehors de celui qui regroupe ses articles et sa correspondance,
10:00il n'y a que des textes sur elle,
10:02souvent sulfureux, rarement académiques.
10:04Et pourtant, elle a plus de 20 ans de pratique clinique,
10:06une œuvre théorique pionnière.
10:08On travaille avec des enfants, des femmes,
10:11des patients psychotiques, des réflexions sur le langage,
10:13la symbolisation, la pulsion.
10:16Donc, une absence universitaire totale.
10:19La question se pose, c'est pourquoi et comment ?
10:23J'ai envie de dire la photomexisme.
10:25C'est un peu facile, mais Jung fait quelque chose
10:28qui n'était pas légal, même à l'époque.
10:32Et grosso modo, doit camoufler une effraction.
10:35Et il s'y prend avec des bonnes vieilles méthodes
10:37qui est tentée d'inverser le rapport entre analystes et analysants,
10:42entre thérapeutes et patients,
10:43et se présente comme le pauvre thérapeute menacé par cette hystérique
10:46qu'elle ne laisse pas tranquille.
10:47Donc, il commence par dire à Freud, je suis vraiment embêtée,
10:49cette fille a cette violente patiente pour moi,
10:52elle est hystérique, elle est ingérable, elle est dangereuse.
10:55Elle est dangereuse pour moi, mais elle est dangereuse pour la théorie.
10:58Là où ce n'est vraiment pas très chic,
11:00c'est qu'elle avait été sa patiente pendant 8 mois,
11:02et là, elle avait déjà fini des études de psychanalyse,
11:05elle avait commencé à exercer.
11:05Donc, en plus de tout, ça lui met des bâtons dans les roues.
11:09À titre personnel, ils sont encore en échange,
11:11et il lui dit que ses idées sont malheureusement colorées
11:16par son histoire personnelle,
11:17et il lui conseille de ne pas écrire dessus
11:18pour sa propre santé mentale.
11:20Et il dit à tout son environnement,
11:21ce serait dangereux pour elle de la laisser écrire
11:23sur la destruction, la pauvre, et lui vole l'idée.
11:26Tout le milieu, y compris elle, l'appelle la juive,
11:29la petite juive, ma petite, la petite russe, mon enfant,
11:32la juive est de retour.
11:33Et il fait quelque chose qui est encore moins chic.
11:36Pour la décrédibiliser, alors que, encore une fois,
11:39c'était des années qui étaient passées,
11:41il déballe tout son dossier médical à ses confrères.
11:44Donc, elle arrive devant une assemblée d'hommes,
11:45étant juive dans un milieu de plus en plus antisémite.
11:49Oui, c'est 1915.
11:53Femme dans un milieu homme, jeune dans un milieu de vieux croutons.
11:58Et ils sont tous au courant que c'est la fille qui se défecte dessus,
12:01qui se masturbe 100 fois par jour,
12:03et pas le reste en étude qu'elle a fait.
12:05Et donc, à chaque fois qu'elle arrive,
12:07elle est reçue par des rires, on imite son accent,
12:09il l'appelle la femme à la fantaisie débridée.
12:13Et elle y va, et elle prend la parole, et elle commente.
12:16Et le plus terrible dans tout ça,
12:17c'est que Jung est là, et regarde faire, et ne dit rien.
12:20Donc, il assiste à son humiliation, et ne fait rien.
12:23Et jusqu'au bout, ni Freud, ni Jung,
12:26sachant la faute de Jung, ne l'encouragera, ne la poussera.
12:30Et la tragédie est telle qu'elle n'aura jamais de poste fixe.
12:33Elle n'aura jamais de vraie subvention,
12:34elle n'aura jamais de publication.
12:35Elle mourra dans l'oubli, fusée par des nazis en 1942.
12:38Donc, c'est vraiment une belle...
12:41C'est de pire en pire.
12:43Mais on peut continuer sur cette tragédie.
12:46Tu commences ta préface par Vienne,
12:49avant de basculer vers l'intime.
12:51Tu te sens descendante directe de ce début du XXe siècle
12:54en Europe centrale.
12:55Oui.
12:56Alors, mon papa est autrichien, il est là.
12:58Ma maman est née en Angleterre, mais d'origine roumaine.
13:02Qu'est-ce que c'est Mother Tongue ?
13:03Qu'est-ce que c'est Motherland ?
13:05La langue, dans quelle langue est-ce qu'on fait sa psychanalyse ?
13:08Tu me permets de dire que la psychanalyse,
13:10c'est mieux dans la langue et dans même l'accent de sa langue.
13:12Donc, allemand, mais lequel ?
13:13L'allemand-autrichien, c'est encore mieux.
13:15Bonjour, papa.
13:18Et ce qui m'a interrogée,
13:20c'est que la langue de leur échange entre Sabina et Jung,
13:24c'était une Russe qui parle allemand dans un contexte autrichien.
13:28Jung, qui est suisse-allemand,
13:29donc ne parle pas non plus l'allemand-autrichien,
13:32en tout cas celui de Freud.
13:32Et je me demande s'ils n'ont pas trouvé la possibilité
13:35d'être étrangers ensemble.
13:36Les deux parlaient avec accent.
13:38Moi, mon anglais préféré, c'est l'anglais seconde langue.
13:41Et donc, il y a la deuxième langue comme langue familière.
13:46Et puis après, ce qui m'intéresse vraiment,
13:48c'est la langue de la psychose.
13:49Elle a travaillé sur l'usage de la langue
13:51d'une impatience schizophrène.
13:54Et là encore, c'est quel bricolage advient qui lui rappelle sa propre expérience ?
14:01Sachant qu'elle avait même une langue qu'on lui a reproché
14:04d'être pas assez scientifique parce que c'était référence littéraire,
14:07poésie, réflexion sur l'amour, réflexion sur la psychanalyse.
14:11Et cette hybridité ou ce bricolage dans la langue,
14:13c'est une œuvre et c'est une création aussi.
14:20Ça rejoint son propos, en tout cas.
14:21Tu parles souvent de ces cas juives, germanoffaires,
14:29parfois ou souvent lesbiennes.
14:30Tu te vois comme l'héritière de ces frères.
14:32Ah oui, hystérique en chef.
14:34Quand j'ai commencé à m'intéresser à la psychanalyse,
14:36je ne comprenais pas tout, mais j'adorais l'histoire des cas.
14:38Anna, Odora, Sabina.
14:40Alors, on dirait une petite annonce auto-érotique.
14:45Elles sont toutes juives, autrichiennes, hystériques, présumées, safiques,
14:48trilingues, boileaux du chien.
14:50Alors là, c'est effectivement, Annao avait un truc avec l'eau du chien.
14:58Hormis ça, elle a aussi inventé, Annao avant,
15:00inventé la psychanalyse, vu qu'elle avait des symptômes corporels,
15:03elle a dit écoutez-moi.
15:04Et elle a inventé quelque chose qu'elle appelait
15:05talking cure ou chimney sweep.
15:07Et c'était le concept radical de parler.
15:09Ce qui nous paraît normal aujourd'hui,
15:10mais elle a dit écoutez ma parole.
15:12Grosso modo, écoutez ma parole, ça calmera le corps.
15:14Et on attribue ça au médecin qui l'a écouté,
15:16mais c'était quand même l'inventeuse.
15:20Hystérique et brillante.
15:21Donc, j'espère trouver effectivement une filiation
15:24de l'autre côté du divan, au-delà des théories,
15:26de me dire quelle patiente,
15:28j'ouvre les guillemets bien sûr,
15:31mais les meilleurs folles et les meilleurs hystériques de l'histoire
15:33me sont bien utiles.
15:35Tu aussi ?
15:36Non ?
15:36Je sais pas.
15:37Si, si, moi aussi.
15:37Ta préface est une réflexion où se mêlent rigueur,
15:43engagement, vulnérabilité et un regard très contemporain
15:47sur les violences, la sexualité, le désir et la manière dont les patientes,
15:51puisque ce sont les femmes en particulier,
15:54ont longtemps été utilisées comme matériaux théoriques
15:56sans être reconnues comme sujets.
15:57Ce qui est beau, c'est que tu parles aussi et surtout de toi.
16:01Oui, toujours.
16:04Qu'est-ce qui t'a donné envie d'écrire une préface aussi personnelle,
16:07puisque c'est pas du tout ce que t'écris d'habitude ?
16:10Alors, effectivement, avant, j'écrivais sur les crocs à talons
16:13et les crocs ou eux, les parts de pizza à cravate.
16:17Je suis spécialiste de mauvais goût habituellement
16:19et tout est au cinquième, sixième, dix-septième degré.
16:21Et là, c'est la première fois que j'écris des choses sincères.
16:27C'était nouveau comme exercice pour moi.
16:29Mais pourquoi personnelle ?
16:32Parce que je pense que seulement les récits individuels comptent.
16:34Au-delà de ça,
16:37ce que je suis...
16:39Non, Sabina, c'est Sabina.
16:40Il y a plein de points que j'adore.
16:43Sabina a une vie telle que le peu qu'on puisse faire,
16:45c'est écouter une histoire qui n'est vraiment pas la sienne.
16:47Et j'espère que la capacité,
16:51plutôt qu'à universaliser les histoires,
16:52ou se dire, bon, on est toutes Sabina,
16:54non, je pense qu'on peut toutes écouter une histoire
16:57qui est d'une survie incroyable.
17:00Et puis après,
17:03ce que je reproche à Freud dedans,
17:05c'est qu'il universalise
17:06une intuition, une histoire
17:09d'une patiente qui, elle, le met en contexte,
17:11mais qui est en réalité le fruit de la réflexion
17:12d'une enfant qui a un trauma d'inceste
17:14et un trauma clinique,
17:15et se dire, on a tous un peu de violence en nous,
17:18ce n'est pas vraiment pareil
17:18qu'une fille qui s'est fait massacrer
17:20et par la famille, et par son médecin.
17:22Et je me dis que ce récit
17:24méritait ce contexte-là, en tout cas.
17:28Je ne sais pas si ça répond.
17:31Si, si.
17:33Tu as réussi à trouver la distance nécessaire
17:35pour écrire sur l'effraction.
17:37Tu écris que le désir
17:39peut devenir une fiction de survie.
17:40Oui.
17:41Qu'est-ce que tu entends par là ?
17:42Qu'est-ce qu'on trouve en psychanalyse ?
17:48On trouve l'histoire dont on a besoin.
17:51Ce que je trouve terrible
17:52dans l'histoire de Sabina,
17:53c'est qu'elle tire le fil sur le drame
17:54qui est le lien amoureux,
17:55qui est la passion amoureuse,
17:57qui est le rapport sexuel,
17:59qui est l'amour,
17:59les paradoxes à l'intérieur de l'amour.
18:01Est-ce que c'était une histoire d'amour ?
18:03On parle d'un médecin
18:05qui a eu des rapports avec elle
18:08alors qu'elle était à peine majeure,
18:09qui n'a rien fait pour la défendre,
18:11rien fait pour la réhabiliter,
18:12rien fait pour soutenir sa pensée.
18:13Jusqu'au bout,
18:14elle décidera qu'elle ne veut pas
18:15d'un récit d'abus.
18:16Est-ce que ça, c'est un choix ?
18:17En tout cas, c'est une histoire
18:19dont elle a besoin pour avancer
18:20parce que sinon,
18:21ce serait juste un anéantissement.
18:24Et est-ce que c'est sélectif ?
18:25Je pense qu'elle choisit une histoire
18:26avec laquelle elle ne perd pas la face
18:29ou il y a un passé
18:30sur lequel elle arrive à construire comme ça.
18:33Mais effectivement,
18:34quand on suit l'histoire,
18:35par la suite,
18:35il prend une amante,
18:37mais pas elle.
18:38Son mari après sera tout aussi odieux.
18:41Et je pense qu'effectivement,
18:43il y a des histoires
18:44qui sont des fictions dont on a besoin.
18:46Et c'est des fausses croyances,
18:48mais absolument nécessaires
18:49ou qui ont un effet.
18:52La fibre romantique,
18:53je trouve qu'il ne le mérite pas,
18:55mais elle en fait quelque chose.
18:56Elle a besoin de se dire
18:57que ça a été une rencontre décisive
18:58dans sa vie
18:59et non pas une énième fille
19:01silencée et sacrifiée.
19:03Et donc, ce bricolage-là
19:04et le fait de croire à quelque chose
19:06auquel on ne prend peut-être pas complètement,
19:08ça peut être utile pour elle.
19:11Tu parles de mauvaise victime.
19:16Oui.
19:17Est-ce que tu peux nous expliquer ce terme
19:19et en quoi le texte de Spielreich
19:20aide à sortir de cette notion
19:22de mauvaise victime ?
19:24Je vais m'écouter.
19:27Oui.
19:27Alors, le mauvaise victime,
19:29c'est...
19:30Alors, moi, j'ai 40 ans.
19:33Et quand je n'avais pas 40 ans,
19:34j'avais 15 ans.
19:34Et quand j'avais 15 ans,
19:36j'étais ce qu'on appelait
19:36une fille à problème.
19:38Et la fille à problème,
19:38c'est la fille dont, grosso modo,
19:41l'allure, le je ne sais pas quoi,
19:42devient une circonstance atténuante
19:43de ce qui lui arrive.
19:44Donc, en fait, c'est...
19:46Elle ne l'a pas volée.
19:48Elle l'a cherchée.
19:49Tout est de sa faute.
19:50Et limite, ça renverse
19:51les rôles entre agresseurs et agressés.
19:54En exemple, on peut penser
19:55à Gisèle Pellicot
19:56qui fait pleurer tout le monde
19:57parce que c'est terrible.
20:00Mais qui constitue une victime parfaite
20:02dans le sens où c'est
20:03une grand-mère hétérosexuelle,
20:08une femme absolument innocente.
20:11Et de l'autre côté,
20:12il y a un cas qui a été quand même terrible
20:13qui a été le cas de Amber Heard,
20:15qui s'est fait démolir par Johnny Depp,
20:18mais les circonstances
20:20qui jouaient de son côté
20:20étaient, elle est bisexuelle,
20:22elle se drogue, je ne sais pas quoi,
20:23elle est hystérique.
20:24Je ne sais pas, ça a changé grand-chose.
20:26Et ça, c'est un classique.
20:27Il y aurait une présomption
20:28de sournoiserie chez certaines femmes
20:30qui fait que c'est légitime de...
20:33C'est de la légitime défense
20:34de l'agresser.
20:37Et je pense que Sabina tombe là-dedans.
20:39C'est une fille qui est internalisée
20:40parce qu'elle se masturbe continuellement.
20:44Alors qu'on découvre,
20:45on va en discuter plus tard,
20:46mais c'était beaucoup d'autres choses
20:48que sexuelles.
20:49Elle a un comportement sexuel.
20:50Elle est hystérique,
20:52vient du mot utérus.
20:53Elle est ramenée à sa sexualité constamment.
20:55À partir de là,
20:57c'est elle qui a commencé.
20:59Et ce que je trouve intéressant,
21:01c'est qu'elle savait,
21:01surtout ayant dans un environnement masculin,
21:03une éducation religieuse,
21:04à pas chercher à devenir plus convenable,
21:06à se ranger, à s'assagir.
21:08Elle a complètement accepté
21:10tous ses biais,
21:12tout...
21:13Parler de son intérêt
21:16pour la destruction dans la sexualité.
21:18Et elle s'est juste dit,
21:19qu'est-ce qui est la chose la plus...
21:20Elle n'a pas dit comme ça,
21:21mais qu'est-ce qui est féministe,
21:23finalement, c'est dire,
21:23j'ai rien fait,
21:24c'est dire,
21:24non, je suis un personnage complexe
21:26et nuancé,
21:27luxe qu'on a que pour le dominant,
21:29qui n'est que donné aux hommes.
21:31Et elle s'assume comme ça.
21:33Et ça,
21:34je trouve que c'est très bien
21:37plutôt qu'avoir un récit virginal
21:39pour se sortir d'affaires.
21:41C'est très courageux.
21:44Il y a un changement de paradigme
21:46depuis quelques années,
21:47depuis MeToo.
21:48On donne la parole aux patients
21:49plutôt qu'aux médecins.
21:51Et ça se voit,
21:51notamment avec le succès
21:52du livre d'Adelion,
21:54dont vraiment était Isabelle.
21:58Effectivement.
21:59Je ne sais pas qui l'a lu,
22:00mais il est vraiment super.
22:02Et c'est le récit
22:03de sa grand-mère,
22:04l'obotomisée,
22:06et l'enquête qu'elle mène.
22:08Et ça,
22:09c'était vraiment un...
22:10C'était parlé
22:11de l'autre côté du divan,
22:11encore une fois.
22:12Il y a eu Chloé Delhomme
22:13qui a écrit
22:14« Pauvre folle ».
22:15Il y a eu
22:15Virginia Woolf,
22:17qui peut tracer
22:18la santé mentale,
22:19et dans ses courriers
22:20avec Vita Sacvilouest,
22:21qui était sa copine,
22:24ou encore Sylvia Plath.
22:26Mais en tout cas,
22:27l'histoire de la folie
22:28s'écrit aussi
22:29dans les textes
22:30ou les productions
22:30culturelles,
22:31intellectuelles
22:31de femmes dites folles,
22:32et quelle forme ça prend.
22:36Est-ce que c'est une correspondance ?
22:38Est-ce que c'est de la fiction ?
22:39Est-ce que c'est de la science ?
22:40En tout cas,
22:41c'est et dans la forme,
22:43et dans les idées développées.
22:45ça donne énormément
22:47à entendre
22:47de la langue
22:48de l'hystérie
22:50ou de la femme insoumise,
22:52en tout cas.
22:52Tu dis que la destruction
22:57comme cause du devenir
22:58est pour Spielrein
22:59un texte transformateur.
23:02C'est une théorie,
23:03mais on peut choisir
23:04d'y croire,
23:05et au sens où un sujet
23:07peut, face au trauma,
23:08produire un savoir
23:09qui n'est pas seulement
23:10une défense,
23:11mais une forme de lucidité,
23:12voire un dépassement.
23:13J'espère bien.
23:17Alors,
23:17ce n'est pas la définition officielle,
23:19mais j'ai lu
23:20une définition,
23:21je résume,
23:23mais hystérique serait
23:25un excès de lucidité
23:26et une lucidité
23:27sur sa propre impuissance.
23:28C'est-à-dire,
23:29tu as le dos au mur
23:30et l'avion va comme ça.
23:31Et à partir de là,
23:33je pense que tu peux
23:33devenir assez hystérique.
23:36Non,
23:37moi,
23:37le point de départ
23:37qui m'intéressait
23:38de ce que je comprends
23:38du texte
23:39a été la réalisation
23:40de son impuissance.
23:41Elle se retrouve,
23:42malgré le fait
23:43qu'elle est psy,
23:45qu'elle pratique.
23:46Finalement,
23:47elle n'est qu'un objet d'étude,
23:49un objet d'étude clinique,
23:51une monnaie
23:51entre deux hommes,
23:53un cas juteux,
23:55parce qu'en fait,
23:55la seule chose
23:56qui intéressait Jung,
23:56c'était de se rapprocher
23:57de Freud,
23:58d'avoir un cas un peu sexy
23:59à raconter,
23:59c'était parfait pour lui.
24:01Elle a alimenté
24:02une bromance
24:03entre une passion
24:03entre deux mecs
24:04et finalement
24:05complètement disparaître.
24:06Qu'est-ce qu'on fait
24:06à partir de là ?
24:07On se dit
24:07que le système est pourri.
24:10Et pour moi,
24:10il y a une lucidité
24:11de son statut d'objet.
24:13Et à partir de la perte
24:15de l'impuissance
24:15de la réalisation
24:16des limites du système,
24:18qui est aussi un reflet
24:19sur cette situation
24:20de femme,
24:21de folle,
24:23est-ce qu'elle a assez
24:23pour quoi répondre ?
24:24Et en le nommant,
24:27en faisant justement
24:28de son statut
24:29d'objet d'étude
24:31un sujet d'étude,
24:32en créant un objet,
24:33elle cesse de l'être
24:34et devient à son tour
24:35un sujet parlant.
24:36C'est-à-dire que
24:36l'objet n'est plus
24:37un autre petit truc gros,
24:39mais elle s'élève
24:41à pouvoir commenter
24:42et réfléchir
24:43et apporter sa subjectivité
24:45à la situation
24:46dans laquelle
24:46elle était passive.
24:47Et à partir de là,
24:48je pense qu'il y a
24:48quelque chose qui se passe.
24:49Et en tout cas,
24:49il y a un déplacement.
24:50Dans la destruction
24:58comme cause du devenir,
25:00Spielrein investit
25:01pour la première fois
25:01la notion de pulsion de mort
25:03qu'elle formule
25:04en termes d'ambivalence
25:05du désir.
25:07Donc le plaisir
25:07n'est jamais univoque,
25:09il est traversé
25:09par des forces
25:10à la fois créatrices
25:11et destructrices.
25:12Toi, dans ta préface,
25:13tu te demandes
25:13d'où lui vient cette idée,
25:15d'où surgit
25:16chez une jeune femme
25:16de 25 ans
25:17cette intuition si radicale.
25:19On est en 1911, 1912.
25:22Évidemment,
25:22je ne fais que
25:23parler de moi.
25:25Mais,
25:26c'est dans les notes,
25:28c'est officiel
25:28parce que c'est dans
25:30le film de Cronenberg.
25:32Mais on parle quand même
25:33d'une fille
25:33qui est internée
25:35parce qu'elle a été
25:36touchée par son père
25:38et qu'elle pense avoir aimé.
25:40Donc,
25:41il y a quand même
25:41un petit problème.
25:42Je ne vais pas dire
25:43un problème de plomberie,
25:44mais il y a quand même
25:44un problème d'attacher
25:46émotion, excitation,
25:48plaisir, pas plaisir,
25:49c'est-à-dire qu'elle aime
25:50ce qui la détruit,
25:52elle aime ce qu'elle trouve humiliant
25:53et je pense quand même
25:56qu'il y avait une dissociation,
25:58c'est ça,
25:58entre plaisir corporel
25:59et émotion.
26:01Et en fait,
26:01c'est quelque chose
26:01que connaissent
26:03les victimes de viol
26:03et que connaissent
26:04les sexologues
26:05accompagnés à écouter ça.
26:06l'excitation,
26:06c'est pas sexuel
26:07et c'est pas forcément agréable,
26:09c'est aussi un système D,
26:10c'est aussi une façon
26:11d'évacuer une peur
26:12et quand on lit un peu plus
26:14sur comment marche
26:15les traumas d'inceste
26:16ou le syndrome de Stockholm,
26:17ça crée une illusion érotique,
26:19un ersatz des roses,
26:22si ça permet d'avancer,
26:22de rester en vie.
26:23C'est-à-dire qu'elle n'avait pas
26:24la mesure de dire non
26:26à son père,
26:26elle n'avait pas la structure
26:27pour dire,
26:29parler de consentement,
26:29parler de me too
26:30et le cerveau malheureusement
26:32fabrique une béquille
26:33qui fonctionne
26:33et le cerveau lui a dit
26:34non, t'as aimé.
26:35Mais parce que c'était la seule,
26:36je pense que c'était
26:37du sur-mesure
26:38pour la situation de l'époque,
26:39elle n'avait absolument
26:39aucune arme pour dire arrête
26:41et alors on lui a dit
26:43non, c'est bon, tu tiens.
26:44Et cette fiction érotique,
26:47je trouve ça très intéressant
26:48parce que c'est une effraction
26:52à tous les niveaux,
26:54c'est familial,
26:55pylénique
26:55et l'illusion de l'avoir cherché,
26:58c'était la seule impression
27:00de rester en vie
27:00ou de garder
27:01une illusion d'honneur
27:03en tout cas.
27:05Oui, et tu dis que
27:06le mot excité en anglais,
27:07c'est...
27:08Ah oui, il prend une charge sexuelle
27:09qu'en français,
27:10excited,
27:11c'est l'électricité
27:14qui sort
27:16mais ça peut être...
27:17Déjà, c'est pas sexuel,
27:18c'est pas bien ou pas bien
27:19mais en tout cas,
27:19c'est une décharge électrique
27:21qui est pas...
27:23qui est rendue
27:25sympa et sexuelle
27:26en français, effectivement.
27:28Et de cette électricité,
27:30ce n'est pas une pulsion de vie,
27:32c'est une pulsion de survie
27:33dont elle a eu besoin.
27:34Mais sans vouloir se dire victime
27:37une fois plus.
27:40Avant de passer aux questions,
27:43je vais vous raconter peut-être
27:44la fin de sa vie
27:45dont vous en avez déjà
27:47un tout petit peu entendu parler.
27:49Elle reste en Europe centrale
27:51et notamment à Berlin
27:52jusqu'en 1924
27:55où elle a un enfant,
27:56une fille, Renata.
27:57et elle repart
28:00dans sa ville natale
28:01de Russie
28:02à Rostov-sur-de-Veon
28:03donc on a un URSS
28:04après
28:04à partir de...
28:06voilà,
28:07de 1924.
28:09Là,
28:09elle écrit toujours
28:11et elle pratique
28:12la psychanalyse.
28:13À partir des années 30,
28:14c'est interdit
28:15par le régime stalinien.
28:17donc elle pratique
28:21la psychanalyse
28:21à partir de ce moment-là
28:23clandestinement.
28:25Donc,
28:27oui,
28:27clandestinement
28:28dans une pièce
28:29de sa maison
28:30et
28:31jusqu'à
28:33jusqu'à ce qu'on découvre
28:34les circonstances
28:37de sa mort
28:38qui ne sont pas du tout encore
28:39enfin qui sont avérées
28:40mais qui ne sont pas
28:40totalement
28:41sûres
28:42puisqu'il n'y a pas de registre.
28:43Donc,
28:43elle est morte en 1942
28:45tuée par des nazis
28:46dans la Shoah par balle.
28:50On se demandait
28:50si elle n'était pas
28:51morte aussi
28:52pendant les purges
28:53staliniennes
28:54en 1937
28:55parce que
28:57finalement,
28:58c'était quelque chose
28:59qui était possible.
29:00Donc,
29:01voilà,
29:01il y a encore
29:02beaucoup d'effacements
29:03autour de sa vie.
29:06En effacement intellectuel,
29:07en effacement
29:08historique aussi.
29:11Et
29:12voilà,
29:13donc c'est une vie
29:14plutôt tragique
29:15et on essaie
29:16de leur donner
29:16avec ce livre
29:19une mémoire
29:20et une vie
29:21et une voix.
29:24Maintenant,
29:24si vous voulez,
29:25on va passer aux questions.
29:26Est-ce que vous avez des questions ?
29:29Je ne sais pas du tout
29:34les temporalités
29:36mais je me demandais
29:36s'il y aurait pu avoir
29:37un an avec Alice Miller.
29:39Je crois que ce n'est pas
29:40la même époque.
29:41Ce n'est pas du tout.
29:42Alice Miller,
29:42c'est quand même
29:43des deux plus tard.
29:44je crois que c'est
29:45les années 60.
29:47Ce qui te fait penser à ça,
29:48c'est le fait
29:49qu'elles écoutent
29:49les deux parler
29:50de la psychanalyse
29:51et de la destruction
29:52aussi,
29:53mais surtout des enfants.
29:55Oui.
29:55Oui.
29:55Oui.
29:55Oui.
29:55Oui.
29:55Oui.
29:56Oui.
29:56Oui.
29:56Oui.
29:56Oui.
29:56Oui.
29:56Oui.
29:57Oui.
29:57Oui.
29:57Ce qui est dingue,
30:01c'est que même
30:01les femmes
30:02qui ont travaillé
30:03sur les mêmes sujets
30:04qu'elles,
30:05donc Anna Freud,
30:06Mélanie Klein
30:06et Alice Miller aussi,
30:08même les femmes
30:09ne l'ont pas citée.
30:11Oui.
30:14Une question ?
30:14C'est la première fois
30:24que c'est publié
30:25comme telle.
30:26Comme telle.
30:26En France,
30:27oui,
30:27il y a eu un...
30:28qui est en Allemagne.
30:31Je n'ai pas l'impression
30:32forcément que beaucoup.
30:36Je ne sais pas.
30:37Elle n'a pas du tout
30:38été cité dans la tradition ?
30:39Pas du tout.
30:41Non.
30:42Non, elle ne survient que
30:42sur la forme d'anecdotes.
30:49Non, rien sur son travail.
30:55On en parle un peu.
30:58Oui, c'est mystérieux.
31:00Il y a une autre question.
31:03Il y a ce livre
31:03qui est très bien
31:04et que je vous recommande
31:05qui s'appelle
31:05« Spielrein entre Proud et Yous »
31:08qui date de 1981.
31:10Donc, il y a encore des erreurs
31:11parce que c'était une époque
31:12où on n'avait pas accès
31:13aux documents russes
31:17puisque c'était avant
31:18la chute du mur.
31:20Donc, il y a quelques erreurs dedans
31:22mais c'est quand même
31:23un livre très, très fourni
31:24avec beaucoup de documents,
31:26des lettres,
31:27son journal,
31:28quoi d'autre ?
31:31Oui, c'est une édition italienne
31:36à la base.
31:39C'est un italien
31:41spécialiste de Yous
31:44qui l'a écrit
31:4540 mots.
31:47Je ne sais plus le nom
31:47qu'on peut le retrouver.
31:49C'est chez Aubier-Montaine.
31:50Mais c'était après
31:53la mort de Yous.
31:54Les correspondances
31:55ont été redécouvertes
31:56mais qui, lui,
31:56n'avaient pas publié.
31:57C'est des chercheurs
31:58qui ont commencé
31:59à recoller un peu
31:59les morceaux.
32:00Et d'ailleurs,
32:02comment ?
32:02Oui, mais la famille
32:07de Yous,
32:07les médiataires testamentaires
32:09refusent de donner
32:11les lettres de Yous.
32:13Donc, on n'a que Freud,
32:15on n'a que les lettres de Freud,
32:16les lettres de Spielheim
32:17à Yous,
32:18le journal de Spielheim,
32:20mais on n'a pas
32:20les lettres de Yous.
32:21ça, c'est
32:23catégorique,
32:25c'est refus totale.
32:30D'autres questions ?
32:32Ah, c'est le défi,
32:33d'un coup.
32:34Ah, ouais.
32:34Non.
32:42Juste par rapport
32:43à ce que ça veut dire
32:46?
32:47Moi, je trouve
32:54que c'est presque
32:55un verre de poésie.
32:58C'est hyper...
33:00Il y a destruction
33:01comme cause du devenir,
33:03c'est, comment dire,
33:04presque une allitération.
33:06Et puis, il y a
33:07cet oxymor,
33:08destruction et devenir,
33:09que je trouve magnifique
33:10parce que...
33:13Parce que...
33:14Comment le texte commence,
33:15c'est avec le...
33:16la sexualité,
33:19mais vu du point
33:19de vue de la procréation
33:20et du point
33:21de vue de la procréation,
33:22elle écrit que les cellules,
33:24à partir du moment
33:25où elles se mettent
33:25à donner de la vie,
33:27elles se détruisent.
33:29Et...
33:29Elle file comme ça
33:31beaucoup de pensées,
33:33c'est ce que je vous disais,
33:34mystiques, médicales.
33:37Et...
33:38Enfin, voilà.
33:38Ce titre,
33:39je le trouve
33:40poétique, en fait.
33:42Et pour ça,
33:43l'idée que s'il doit
33:44y avoir une renaissance,
33:45ça passe aussi
33:45par une forme
33:46de perte,
33:47d'exil,
33:48en tout cas,
33:49quitter un état antérieur
33:50pour pouvoir renaître.
33:52Mais ça implique
33:53accepter une perte.
33:56Et dans les amoureux,
33:58c'est pour aimer,
33:59c'est le soi d'avant
34:00qu'on perd.
34:00mais c'est la dissolution
34:03de soi aussi
34:04dans l'amour.
34:04Oui.
34:05C'est une idée
34:06très romantique
34:07et...
34:08Oui.
34:09que je trouve
34:09assez juste
34:10et plaisante, quoi.
34:11T'as une autre question ?
34:18J'ai l'impression
34:21qu'il y a une grande influence
34:22en France.
34:23J'ai l'impression
34:24qu'il y a une influence
34:24chez elle,
34:25qui est formée.
34:27Et en même temps,
34:28j'ai vu que la très faite
34:29c'est le moment
34:30qui parle
34:33de l'influence
34:34des idéaux.
34:35C'est un rapproche
34:36de l'idéalisme.
34:38Et je me demandais
34:39si elle-même était
34:40de creuser les lieux
34:41qui se rassemblent
34:42sur l'influence
34:43si elle-même
34:43est une passion
34:44sur l'influence
34:44antérieure à l'île.
34:46Alors ça,
34:46c'est mon tour
34:47de magie finale
34:48que vous venez de dévoiler
34:48mais je vais quand même
34:49vous le raconter.
34:50Effectivement,
34:52la minute Talmud Torah,
34:54c'est que le terme
34:55hébreu,
34:57que je dis bêtise,
34:58ivry en hébreu,
35:01désigne,
35:02veut littéralement dire
35:03celui qui traverse.
35:04Donc ça désigne,
35:05ce serait le corps
35:06ou le peuple en mouvement.
35:08Et ivry,
35:08se traduit en latin
35:09par trans.
35:11Et à se demander
35:12quel mouvement du corps
35:12est-ce que ivry,
35:13sûrement j'ai des raccourcis,
35:14mais est-ce que ivry,
35:15ça veut dire le peuple
35:16qui bouge par la diaspora ?
35:17Monique m'a dit
35:18que ce n'était pas forcément
35:18que ça,
35:19mais c'est comme ça
35:19que je choisis de le comprendre.
35:20Trans,
35:21c'est le mouvement du corps
35:22queer qui sort de la binarité.
35:25Quel mouvement,
35:26quel seuil
35:27il y a à l'intérieur
35:28de son identité juive
35:29déracinée ?
35:30Sachant qu'elle a quitté
35:31la Russie,
35:32elle a connu énormément
35:32de cinétisme,
35:34c'est dans un climat
35:34d'avant-guerre
35:35et elle finit,
35:36je l'ai déjà dit,
35:37diffusée par des nazis.
35:40En tout cas,
35:41oui,
35:41la question du mouvement,
35:41je pense.
35:42Et d'ailleurs,
35:42elle cite Nietzsche
35:43dans son livre aussi.
35:46Comment ?
35:48Non, non,
35:48j'ai juste dit
35:49qu'en fait,
35:50il y a beaucoup
35:50Zaratustra,
35:52Zaratustra,
35:53Zaratustra.
35:54Zaratustra ?
35:55Oui.
35:59Oui,
36:00elle cite beaucoup,
36:01notamment Zaratustra,
36:02mais parfois,
36:03juste Nietzsche.
36:05dans cette chose
36:07un peu générale
36:08qui est en effet
36:09très vite chez elle.
36:11Et lesquelles
36:12pensent à la parole
36:12à la famille ?
36:13Si on en a parlé ?
36:16Je ne sais pas,
36:18mais je dirais
36:19que c'était plus
36:21du langage,
36:22ce n'était pas
36:24du langage poétique
36:26qui m'intéressait,
36:27je dirais,
36:28mais dis-moi
36:29si je me trompe,
36:30c'était plus du langage
36:31pour pratiquer
36:32la psychanalyse,
36:33donc les associations
36:34d'idées,
36:34les associations
36:35de mots,
36:36mais elle a quand même
36:37pratiqué
36:37cette manière
36:40de faire
36:42de la psychanalyse
36:43qui était
36:44d'écouter plus
36:45les sonorités
36:45et les mots
36:46que vraiment
36:46leur sens,
36:47un peu ce que
36:48Tosquelles
36:48fera plus tard,
36:50Tosquelles,
36:51Tosquelles,
36:51je ne sais pas
36:52comment ça se prononce,
36:54mais comme s'il y avait
36:55une musicalité
36:56qui était plus
36:57psychanalytique
36:58que le sens
36:59vraiment donné aux mots,
37:01donné par les mots.
37:02D'ailleurs,
37:02elle avait une patiente
37:03qui avait compris
37:04que sa langue
37:04s'était changé
37:05la musicalité des mots
37:06et qui répétait
37:07la même phrase,
37:08mais avec des airs différents
37:09pour signifier
37:10des émotions différentes.
37:12Et on sait que
37:12chaque langue
37:13a une musique
37:14qui lui est propre
37:14et effectivement,
37:16sortir des mots
37:16qui nous coincent,
37:17ça peut être par changer
37:18l'accent ou l'intonation
37:19et la jouer avec ça.
37:20Donc effectivement,
37:21sortir des mots.
37:21Je n'ai pas l'impression,
37:33je crois qu'elle cite énormément
37:35d'autres psychiatres
37:36et psychanalystes.
37:38Elle cite vraiment
37:38ses contemporains
37:39et en ça,
37:40je la trouve assez généreuse
37:41alors qu'on n'est pas du tout
37:42généreux avec elle.
37:43C'est vrai.
38:05C'est vrai.
38:05Et sans ça durer,
38:07sans ce temps,
38:08il n'y a pas de récit,
38:09il n'y a pas de travail,
38:09il n'y a pas de délire,
38:10il n'y a pas de...
38:12En fait, c'est aussi
38:13deux façons
38:15qu'on se voit
38:16la temporalité.
38:17Il y a une rythmie.
38:18On s'en fait dans un instant
38:19et puis l'autre,
38:21c'est déployant,
38:22d'ailleurs,
38:22vers la terre,
38:23mais une mure,
38:23probablement.
38:24Oui.
38:26Non, c'est beau
38:26ce que tu dis,
38:27c'est vrai.
38:28C'est que,
38:30je veux dire,
38:30toutes les questions,
38:31c'est une sorte de création
38:33d'union,
38:33de philanthropité.
38:34C'est quelque chose
38:35qui est très tenu.
38:37C'est comme ça.
38:39La question est
38:40comment est-il née
38:40le temps.
38:42C'est une projection
38:42d'ailleurs,
38:43c'est un église.
38:44Oui.
38:45Et puis ça,
38:46moi,
38:48ce titre,
38:49il est magnifique.
38:50Oui,
38:51ce titre,
38:51il est magnifique.
38:53Oui.
38:57Oui,
38:57c'est vrai.
38:57Et c'est vrai que ça...
38:58Je ne vais pas vous dire
38:59à peu près,
38:59mais c'est aussi
39:00une dite.
39:01Ah, bah,
39:02dite.
39:03Non,
39:03mais maintenant...
39:04C'est vrai non,
39:05c'est un texte.
39:07Mais vous connaissez
39:07peut-être
39:08l'économie,
39:09c'est le chuteuil,
39:10qui a intitulé
39:12son best-seller,
39:13la destruction
39:14qui a fait...
39:15Ah oui.
39:15L'idée,
39:17alors,
39:17c'est l'idée,
39:18on parle du temps
39:19de l'économie,
39:19c'est-à-dire que
39:20c'est du niveau
39:22et des choses
39:22de l'économie
39:23de l'innovation
39:24et de l'économie,
39:25c'est-à-dire,
39:25il faut que les choses
39:27soient déçues.
39:30C'est bien l'idée,
39:31elle est fond.
39:31Non,
39:32et même,
39:32ça fait penser
39:32à l'idée de Big Bang,
39:34il y a une explosion
39:35et après,
39:36ça met 13 milliards d'années
39:38à ce qu'on se parle
39:39aujourd'hui, quoi.
39:40C'est une idée,
39:41scientifiquement,
39:42évidemment,
39:43c'est un peu
39:44de la cendres,
39:45mais on se met
39:46d'intuition,
39:47c'est un peu de la cendres.
39:49Il peut être
39:49de la cendres
39:50bien plus
39:50de la cendres
39:51et de la cendres.
39:54Ça,
39:55vous avez une mauvaise
39:56de la cendres
39:56et de la cendres.
39:57C'est vrai
39:57qu'elle a touché
39:58la cendres.
40:01Elle est brillante.
40:03Elle est brillante.
40:05Il y a d'autres questions.
40:12Non,
40:13oui,
40:13non.
40:14Alors,
40:15si vous voulez,
40:16on va s'arrêter là
40:17et on va pouvoir parler
40:18de manière plus informelle
40:19après,
40:20mais je voulais remercier
40:21Emmanuel Lidéa
40:23qui a mécéné ce livre
40:25et sans plus,
40:26on n'aurait pas pu
40:27avoir cette conversation
40:28ce soir
40:28et lire ces livres
40:30à vos autres.
40:31Merci.
40:31Et je voulais surtout
40:32vous remercier aussi tous
40:33d'être venus ce soir.
40:35et à tout de suite
40:37pour discuter de plus.
40:43Ah,
40:43le livre de rose.
40:44Il y a fait le livre de rose.
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