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  • il y a 2 jours
Retrouvez « Nouvelles têtes » présenté par Daphné Bürki sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

Catégorie

😹
Amusant
Transcription
00:00Il est 9h50, nous sommes en direct dans la grande matinale de France Inter.
00:02Je suis à côté d'un panda et de ma nouvelle tête qui s'appelle Laurence Fischer.
00:07Alors oui, vous avez déjà entendu ce nom-là.
00:09Elle a même fait résonner la marseillaise plusieurs fois dans le monde.
00:13Au moins trois fois pendant que moi, je la fais résonner dans ma tête
00:16quand je ne me trompe plus de couloir en sortant de l'ascenseur de France Inter.
00:20Laurence Fischer est triple championne du monde de karaté.
00:23C'est la giga classe.
00:24Mais surtout, ma nouvelle tête est une combattante de terrain et de dignité.
00:27Elle a fondé l'association Fight for Dignity
00:30qui propose aujourd'hui des ateliers pour se réapproprier son corps
00:34destiné aux femmes victimes de violences.
00:37Je vous jure, j'ai regardé tout son parcours, toutes ses interviews
00:40et j'ai été impressionnée par son énergie confiante, lumineuse,
00:44comme une super héroïne.
00:45Il faudrait écrire votre blockbuster en fait.
00:48Et ça commencerait évidemment par son enfance.
00:50Née en 73 à l'Union, en Haute-Garonne.
00:52Elle a grandi en banlieue marseillaise à mille lieues d'un podium olympique
00:56avec des dieux grecs en mini-pagne.
00:58Sa première vocation, rien à voir, elle voulait faire du théâtre à 5 ans
01:01chez ses grands-parents l'été à l'agrolet Saint-Nicolas
01:04où elle leur jouait des spectacles le soir.
01:07Sa mère l'a remplie d'amour à l'essai de frère.
01:09Son père, gardien de la paix et surtout ceinture noire de karaté,
01:12lui a proposé 100 fois cette discipline.
01:15Mais la timide Laurence préférait, elle, la danse folklorique.
01:18Eh ben oui, la danse folklorique !
01:20Elle est musicophile, en plus elle écoute de tout.
01:22Elle a un faible pour la Motown.
01:23Alors comment un tel destin a pu naître ?
01:26Bienvenue Laurence Fischer sur les antennes de France Inter.
01:29Merci, merci beaucoup d'avoir fait.
01:30Je suis très très contente de vous recevoir.
01:32Je me suis demandé comment votre père a-t-il réussi à vous convaincre à 12 ans
01:35de monter sur le tatami ?
01:36L'amour !
01:38Ou le rumbole !
01:40Après, manger des sandwiches, le regarder pratiquer tous les soirs,
01:44c'était un peu à un moment donné.
01:48En fait, c'était surtout que j'étais très très timide.
01:51Et il a vu juste en pensant que ça me ferait du bien.
01:55Justement, comment vous vous êtes sentie dans ce gymnase des quartiers nord de Marseille ?
01:59Oui, en fait, c'était un moyen d'expression.
02:05Aujourd'hui, je le verbalise, mais c'était vraiment assez merveilleux.
02:09Mais j'ai beaucoup pleuré parce que ça a été difficile d'aller vers l'autre.
02:14Et puis en plus, d'y aller de manière agressive.
02:17Mais cette agressivité contrôlée a fait ce que je suis aussi aujourd'hui.
02:24On va raconter.
02:25Oui, puisque Laurence s'excusait quand elle donnait des coups à ses adversaires,
02:28ce que je trouve génial.
02:29Vous entrez en équipe de France à 16 ans.
02:32Vous devenez ensuite 11 fois championne du monde de France,
02:34cette fois championne d'Europe, triple championne du monde.
02:36La dernière fois, c'était en 2006, au championnat du monde à Tempère en Finlande.
02:41Vous avez enfilé pour la dernière fois votre kimono pour ce dernier titre mondial.
02:45Qu'est-ce qui vous revient aujourd'hui en mémoire ?
02:48Quand vous vous souvenez de ce jour-là ?
02:49Les Afghanes.
02:51Oui.
02:52C'est-à-dire ?
02:53Parce que je suis émue.
02:55Oui, vous êtes super émue.
02:57Mais vous avez le droit d'être émue ici au micro de France Inter.
03:00Ici, c'est la merveilleuse écoute des auditeurs et elle est prête à tout accueillir.
03:05Je vous prête mon panda.
03:07Il est tout doux.
03:08Voilà, parce qu'en fait, j'ai passé ma dernière saison, j'étais blessée,
03:12j'étais en Afghanistan dans le cadre de la fin de mon cursus ESSEC
03:14et j'ai fait une mission en 2005.
03:17J'ai rencontré les jeunes afghanes qui faisaient du karaté depuis à peine deux ans.
03:22Elles avaient l'autorisation et je suis arrivée à les faire venir à Paris
03:25et ça m'a porté toute ma dernière saison.
03:28Et je pensais à elles parce qu'en fait, je ne me rendais pas compte à quel point
03:33avoir le droit de faire du sport, c'était pour elles au péril de leur vie.
03:42Et ça, c'était quand on est athlète et qu'on est dans un pays
03:45où quand même on a des conditions de pratique améliorables, mais assez merveilleuses.
03:50Ça m'a marquée et c'est pour ça que j'ai été...
03:53Je pense que ça a été un élément fondateur aussi dans votre parcours pour la suite.
03:57Et puis il y a eu aussi en 2013, on va le raconter,
03:59vous rencontrez le docteur Denis Mukwege qui était encore ici au micro de Sonia
04:04il y a peu de temps, gynécologue congolais futur à l'époque prix Nobel de la paix
04:07qui consacre sa vie à soigner, à réparer, à accompagner les femmes victimes de viols de guerre
04:12en République démocratique du Congo.
04:15Ça se passait à l'hôpital de Pansy.
04:17Qu'est-ce qui s'est passé en vous à ce moment-là quand vous l'avez écouté faire cette conférence ?
04:20J'étais choquée. Je ne savais pas que le viol pouvait être utilisé comme arme de guerre
04:23et j'étais extrêmement admirative de son combat.
04:27J'avais eu plusieurs expériences dans l'Afghanistan
04:32et je me suis dit qu'il faut absolument que j'y aille.
04:37Et je me suis dit comment est-ce que je sais faire, je peux le partager.
04:42Et c'est là que j'ai découvert tout ce qu'il avait mis en place
04:45pour, au-delà de l'opération chirurgicale,
04:47leur permettre d'être autonome et s'émanciper
04:50et être déstigmatisé dans leur communauté
04:52parce que c'est triple peine évidemment quand on est une survivante.
04:55et le constat que j'ai fait, c'était qu'avec tout ce qu'il avait mis en place,
05:00donc sur quatre piliers, médical, psychologique, judiciaire bien sûr,
05:03parce qu'impunité et socioprofessionnelle,
05:07le corps.
05:08Qu'est-ce qu'on en fait ?
05:09Qu'est-ce qu'on fait ?
05:09Qu'est-ce qu'on fait de ça ?
05:10Et bien vous avez fait, quelques années plus tard, très peu de temps,
05:14en 2017, vous avez créé Fight for Dignity,
05:17en imaginant d'abord un projet où vous imaginez que ça allait être tourné vers l'Afrique,
05:20mais en fait c'est arrivé en France, vous avez 17 ateliers aujourd'hui,
05:25des ateliers où vous utilisez le karaté comme un outil de reconstruction
05:28pour des femmes victimes de violences.
05:31Concrètement, qu'est-ce que vous faites avec elles ?
05:33En fait, quand j'ai commencé au Congo, où ça continue toujours,
05:38je me suis dit, il faut qu'on réponde absolument aux symptômes post-traumatiques.
05:41Alors, on va voir un psy, parce qu'on a des symptômes identifiés,
05:46mais corporellement, quels sont-ils ?
05:47Et comment est-ce que le sport, donc mon sport pour l'instant,
05:50il y a d'autres initiatives qui sont prises, peut répondre à ces symptômes
05:53et faire que la patiente, puisqu'on travaille dans des structures médicalisées majoritairement,
05:58aille mieux, se sente mieux ?
06:00C'est répondre, et donc j'ai travaillé avec des psychologues,
06:03avec des spécialistes de l'activité physique et sportive adaptée,
06:05notamment à l'Université de Trasbourg,
06:07et ensemble, on s'est dit, voilà, il y a une série d'exercices
06:09qui répondent, on fait d'autres manières transverses,
06:13des exercices de yoga, des exercices de sophrologie,
06:15on permet aux femmes, on travaille beaucoup sur le bassin,
06:18parce que c'est là où il y a eu la violence, majoritairement.
06:20Donc on travaille le périnée,
06:22et on valorise le corps de la femme,
06:24on essaie de lui permettre d'avoir à nouveau des sensations,
06:27d'être à nouveau décontractée,
06:30de répondre à ces symptômes psychocorporels.
06:33Vous proposez aussi d'enseigner le kiaï dans vos ateliers,
06:37c'est ce cri qui permettrait aux femmes de se retrouver aussi,
06:41et de se réparer.
06:43Oui, tout à fait, le kiaï, c'est l'énergie.
06:45Finalement, on le trouve dans tous les sports,
06:46en tennis, quand vous tapez votre raquette,
06:49vous faites de l'haltérophilie,
06:51dans tous les sports, on a à un moment donné cette énergie,
06:53en plus, qui n'est pas simplement en karaté
06:55pour impressionner votre partenaire,
06:58mais là, c'était pour elles,
07:00pour des femmes qui, pendant des années,
07:01si c'est dans le cadre de violences conjugales,
07:03se sont tues,
07:06s'autoriser à pousser un cri,
07:08pour elles, c'est une grande victoire,
07:11et c'est ce qu'on leur permet,
07:12avec toujours le consentement,
07:14elles ont le droit de faire ou de ne pas faire.
07:16En fait, ce n'est pas sûr,
07:17parce que souvent,
07:18on leur rappelle sans arrêt qu'elles ont le choix,
07:22dans les séances.
07:23Ça fait partie de ce sur quoi on travaille,
07:25parce qu'on sait qu'elles sont restées pendant longtemps dans le silence.
07:29Quand on est sous emprise,
07:30on se tait,
07:31on a peur,
07:31on a honte,
07:32on culpabilise,
07:33et c'est des choses qu'on essaie de leur faire,
07:36on essaie de les faire avancer sur ces thématiques-là.
07:40Voilà.
07:40On entend le son de November Ultra,
07:43qui vous aide à tenir, Laurence,
07:45qui est magnifique ce son.
07:46Et depuis le début de notre interview,
07:48là, vous utilisez le mot survivante plutôt que victime.
07:51Tout à fait.
07:51Parce qu'elles ont survécu à un mâle
07:55qui, le cerveau faisant bien le travail,
07:58le cerveau reptilien,
07:59a fait qu'elles ne sont pas mortes
08:00suite aux violences extrêmes qu'elles ont vécues.
08:04Mais par contre,
08:05la mémoire traumatique a fait que ça reste.
08:07Elles ont des flashbacks,
08:08elles ont des révivissances,
08:09elles sont épuisées,
08:10elles ont des fatigues chroniques,
08:12elles sont en dépression,
08:14voire en état suicidaire.
08:14On en a pas mal parlé hier,
08:16avec la journée dédiée à la lutte contre les violences.
08:19Et ça,
08:21parfois,
08:21elles n'en ont même pas conscience.
08:23Et c'est juste,
08:23enfin voilà,
08:24nous,
08:24ce qu'on essaie de faire,
08:25c'est de leur faire prendre conscience
08:26qu'elles sont des femmes fortes
08:27qui ont survécu à ces violences-là.
08:30L'association s'appelle Fight for Dignity.
08:33Je vous encourage à évidemment les suivre
08:35sur leurs réseaux sociaux,
08:36à faire un don si vous le pouvez.
08:37Et puis peut-être que vous qui nous écoutez,
08:39vous allez vous autoriser à vous soigner
08:41par le sport,
08:42peut-être par le karaté,
08:43à aller vous diriger vers l'un de ces ateliers
08:45ou encore à être formé par Laurence Fischer.
08:47Je vous ai dit qu'il fallait créer un blockbuster
08:49sur cette femme.
08:50Tous les scénaristes,
08:51je fais appel à vous.
08:52Ouh, ça va venir !
08:52Allez-y !
08:53Ouh, ça va venir !
08:54Bravo Laurence !
08:55Bravo Laurence !
08:56Bravo Laurence !
08:56Bravo Laurence !
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