Nadia Melliti - Nouvelles têtes

France Inter

il y a 2 jours

Nadia Melliti, actrice de “La petite dernière" d’Hafsia Herzi.

Retrouvez « Nouvelles têtes » présenté par Daphné Bürki France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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00:00Il est 9h50, nous sommes dans le studio de la grande matinale de France Inter.

00:05Ma nouvelle tête s'appelle Nadia Meliti.

00:08Elle est étudiante en STAPS pour devenir prof de sport, comédienne et, au passage,

00:12prix d'interprétation féminine au dernier festival de Cannes 2025.

00:16Ma nouvelle tête a créé une onde de choc d'évidence dans l'un des plus grands festivals de cinéma au monde.

00:21Et pourtant, flashback arrière, rien ne l'a prédestiné à ce monde-là.

00:25Née au Lila, en 2002, Nadia rêvait d'abord d'être footballeuse professionnelle.

00:28Le sport, elle l'aime plus que tout.

00:30Peut-être l'esprit d'équipe, je ne sais pas, ou cette manière d'aller au bout du match coûte que coûte.

00:35Un peu comme ce qui a flotté quelques secondes après la première projection du film dont elle est l'héroïne,

00:41la petite dernière réalisée par Afsia Erzy.

00:46L'esprit du collectif.

00:48Imaginez la scène, chers auditeurs, il y a Nadia.

00:50Mais elle est bras dessus, bras dessous avec ses partenaires hyper émus, comme à la fin d'un grand match.

00:54Et puis, il y a cette phrase dans le micro, libre et fière, qui résonne.

00:58Un, deux, trois, vive la lesbienne !

01:02Oui, parce que la petite dernière, c'est l'histoire d'une brillante étudiante de banlieue qui décroche des études de philo à Paris.

01:10Un film sur le coming in, plus qu'un coming out, pour découvrir son identité lesbienne et croyante, sans renier qui l'on est.

01:17Nadia, elle est dans le studio ce matin.

01:20Elle a les cheveux au carré maintenant.

01:22Elle a un regard tranquille, impérieux.

01:24Sa vie, elle a basculé il y a cinq mois.

01:25Ses études de STAPS sont peut-être un peu en vrac.

01:29Mais quand je lui demande quel est le plus grand risque que vous ayez pris dans votre vie,

01:32elle me répond sans hésiter, vivre en carpe d'hienne.

01:35Bonjour Nadia.

01:35Bonjour.

01:36Bienvenue sur France Inter.

01:37Comment ça se passe le diplôme ?

01:40Le diplôme, ça se passe plutôt bien pour le moment.

01:43On essaye de concilier les études avec la profession d'actrice.

01:48Et c'est vrai que ce n'est pas évident, mais on garde le cap.

01:52Parce que, qu'est-ce qui n'est pas évident ?

01:53Qu'est-ce qui s'est passé d'ailleurs depuis Cannes ?

01:56Il y a eu beaucoup de propositions, j'imagine, des appels, de la curiosité.

01:59Il y a eu quelques propositions, certaines que j'ai déclinées parce qu'elles ne me plaisaient pas.

02:04Et d'autres, vis-à-vis desquelles, je n'ai pas donné de validation.

02:08Puisque cette année, j'ai un concours à passer en troisième année de licence.

02:11Donc, je suis assez concentrée sur ça.

02:14Et j'essaie de trouver le temps vraiment de faire les deux.

02:18La vie, elle a basculé.

02:19Elle s'est passée à Châtelet, exactement.

02:21La bascule, elle s'est jouée à Châtelet.

02:23Il y a une femme qui vous aborde.

02:24Vous pensez que c'est une touriste un peu paumée ?

02:26Bon, pas du tout.

02:26C'est une directrice de casting.

02:27Elle vous a spoté, comme on dit.

02:29Et ce qui lui a tapé dans l'œil, apparemment, c'est votre démarche.

02:32Mais elle ressemble à quoi, selon vous, votre démarche ?

02:35Je ne sais pas.

02:36Je ne me suis jamais vraiment posé la question.

02:37Pour moi, quand je marche, je marche.

02:39Je ne me pose pas de questions.

02:40Et d'ailleurs, c'est assez automatique.

02:42La marche, on n'y réfléchit pas.

02:43Mais ça dit beaucoup.

02:44Elle a raison.

02:45Moi, je vous ai regardé marcher.

02:46C'est vrai ?

02:47Vous êtes tellement décidée.

02:48Vous êtes tellement déter quand vous marchez.

02:51C'est gentil.

02:52Ce n'est pas le cow-boy qui arrive dans un salon.

02:54Du tout, du tout.

02:55Elle trace.

02:56Mais avec un peu de recul, qu'est-ce qui vous a donné suffisamment confiance pour vous lancer dans un projet aussi loin, a priori, de votre vie d'avant ?

03:03Est-ce que c'est la directrice de casting ?

03:05Est-ce que c'est Absia Herzy, la réalisatrice ?

03:06Est-ce que c'est les comédiennes ?

03:08Est-ce que c'est la promesse un peu tarée, quand même, de se voir bientôt sur un écran géant ?

03:13Ça a été vraiment un travail d'équipe.

03:16Ça a commencé avec la directrice de casting qui devait me prouver, entre autres, sa fiabilité suite à ce casting sauvage.

03:23Pour moi, ça manquait un peu de crédibilité.

03:25Elle a dû me rappeler par la suite et me faire venir parce que je n'y croyais vraiment pas.

03:30Et puis, la grande rencontre avec Absia Herzy, une rencontre décisive pour moi qui m'a donné envie de poursuivre dans ce projet et en toute confiance.

03:41Et puis, la rencontre avec les acteurs, les actrices, ça n'a été vraiment que des coups de cœur, du plaisir sur le plateau.

03:48Vous n'aviez jamais joué la comédie avant ?

03:50Non.

03:51Incroyable.

03:52Alors, on passe de ce fameux pont neuf où vous avez été repérée à la salle de projection du Festival de Cannes 2025.

03:58C'est Alé Berry qui prononce votre nom.

04:01J'ai une émotion à l'instant qui me traverse.

04:03Je ne saurais pas vous la décrire, mais elle est vraiment incroyable.

04:05Merci, Absia, pour cette audace, pour ce courage et pour cette confiance que tu m'as accordée.

04:12Et j'aimerais remercier aussi la STAPS.

04:16Merci, la STAPS, de m'avoir accompagnée dans ce projet et mes professeurs aussi qui m'ont soutenue.

04:23Merci, maman, aussi.

04:24Je sais que tu es en train de me regarder.

04:28Et j'espère que tu es très fière et que tu es contente.

04:31Ça a été le cas ?

04:35Oui, absolument.

04:37Très fière.

04:38La STAPS aussi ?

04:39La STAPS aussi.

04:40D'ailleurs, la plupart de mes professeurs sont venus aux avant-premières récemment pour regarder le film.

04:46Qu'est-ce que ça leur a fait de voir leur étudiante sur grand écran comme ça ?

04:50Ils étaient surpris.

04:51Ils ne s'y attendaient pas du tout.

04:52Et vu le panel d'émotions que traverse le personnage, ils ne m'imaginaient pas du tout un jour être capable d'être comédienne.

05:01On se pose souvent la question, des questions hyper naïves.

05:04Quand on est spectateur et qu'on regarde un film, peut-être que ça vous est déjà passé par la tête.

05:09C'est normal de se demander s'il y a des points communs entre la comédienne et son personnage.

05:13Alors dans la petite dernière, il y a cette jeune femme qui découvre son identité, le fait qu'elle aime les femmes, qu'elle aime sa religion aussi, l'islam.

05:19Et qu'on lui fait comprendre qu'elle doit choisir au moment où elle trouve le courage enfin d'être elle-même.

05:25Qu'est-ce qui, chez vous, a fait écho dans ce rôle ?

05:28Qu'est-ce qui vous a donné envie de porter ce récit ?

05:30Un récit dans lequel, sans doute, beaucoup d'auditeurs et d'auditrices vont se reconnaître.

05:35Je pense que c'est principalement la question de l'émancipation que j'ai vécue toute jeune quand je pratiquais le football.

05:42Et que j'avais des commentaires autour de moi de personnes qui me disaient que c'était impossible,

05:45qu'en tant que femme, je ne parviendrais pas à faire du foot.

05:49D'autant plus qu'il y a quelques années, c'était très peu développé, le football féminin.

05:54Et qu'il n'y avait pas beaucoup de sections féminines, en tout cas à côté de chez moi.

05:58Et donc, j'ai continué à faire du foot et je n'écoutais pas ces personnes-là.

06:05Et je ne voulais pas faire partie d'une sorte d'idéologie de masse ou de genre vis-à-vis d'une pratique.

06:10Vous jouez à quel poste, au foot ?

06:12Numéro 10, au milieu de terrain.

06:14Allez, il y a des scènes intimes.

06:16En effet, dans La Petite Dernière, c'est un film très sensuel, très incarné.

06:19Vous avez répété, il paraît, des scènes pendant des semaines, presque comme une chorégraphie.

06:23Chers auditeurs, c'est hyper bien fait maintenant et surveillé d'ailleurs.

06:27Et pour que tout se passe dans une grande confiance, cette intimité.

06:32Mais qu'est-ce qui vous a le plus surpris quand vous vous êtes découvert à l'écran à ce moment-là ?

06:36J'ai été surprise de me voir sur grand écran, surtout qu'Afsia a une façon très particulière de filmer,

06:43parce qu'elle fait beaucoup de gros plans.

06:46Et j'ai trouvé ça plutôt intéressant, puisque c'est un personnage qui est assez solitaire,

06:51qui ne parle pas beaucoup, mais on remarque tout sur son visage à travers les gros plans.

06:56Et moi, de voir ce film sur grand écran, j'étais extrêmement heureuse

06:59que de me voir aussi transmettre des émotions aux spectateurs, aux spectatrices, mais aussi à moi-même.

07:04Donc j'ai pleuré toutes les fois où j'ai revu le film.

07:06Aïe, aïe, aïe. À chaque fois ?

07:08À chaque fois. Du coup, j'hésite de le voir des fois.

07:11Vous vous cachez derrière la porte pendant que les spectateurs profitent de l'avant-première ?

07:15Oui, c'est ça un peu.

07:16Oui, mais ça fait ce film, il est bouleversant ce film.

07:20Ce que raconte la petite dernière, c'est aussi ça, le temps qu'il faut pour se comprendre soi-même,

07:23d'où l'on vient, qui on aime.

07:25Et parfois, les autres, ils vont plus vite que nous.

07:28Ils devinent, ils révèlent. C'est vraiment le cas dans la vraie vie,

07:30sans comprendre qu'ils volent finalement ce moment intime.

07:33Il y a cette scène hyper forte où il y a un garçon qui vous désigne du doigt.

07:36Vous ne voyez pas qu'elle est lesbienne ?

07:38Et là, il y a tout qui bascule. Votre personnage, il explose, il se défend.

07:41Nadia, vous vous battez hyper bien.

07:44Oui.

07:45C'est vrai, je me bats hyper bien, en tout cas à l'écran.

07:48Après, dans la vraie vie, je ne sais pas si ça serait la même chose,

07:51mais je ne suis pas de nature violente du tout.

07:55Mais comme pour l'intimité, il y a eu du coaching pour la baston ?

07:58Non.

07:58Non, mais il y avait une idée claire.

08:01Il fallait que Brian, à ce moment-là, c'est le reflet de l'homosexualité de Fatima.

08:06Et il fallait qu'elle ait ce reflet, ce déni vis-à-vis de lui,

08:12traduit par une forme de violence, d'agressivité.

08:14Je ne sais pas si vous saviez vous bagarrer, en tout cas plus jeune.

08:19Mais l'un des sons de votre enfance, c'est celui-ci.

08:20Vous pouvez chanter ça, j'étais complètement addict aussi, alors que je ne joue pas au foot.

08:39Et il faut savoir que c'est deux jeunes footballeurs, Olivier et Tom,

08:43qui selon un geek très sérieux, couraient près de 100 km par épisode, les pauvres.

08:48Alors vous, Nadia, vos modèles, c'est Cristiano Ronaldo, c'est Ronaldinho, c'est Zidane,

08:53des légendes du jeu, de la discipline, du panache surtout, je trouve, sur le terrain.

08:58Mais dans un autre coin de votre enfance, il y a ça.

09:00L'étrange Noël de Monsieur Dja, c'est l'histoire d'un héros qu'on croit monstrueux,

09:12mais qui rêve simplement de trouver sa place dans un monde qui ne lui ressemble pas.

09:15Et donc j'ai pensé à vous, forcément, Nadia, entre le terrain et le cinéma,

09:19vous êtes en train de créer une nouvelle place, très inspirante.

09:23Est-ce que vous ne lâcherez ni l'un, ni l'autre ? Aucune des deux places ?

09:27Je pourrais vous répondre. Pourquoi ? Parce que déjà, je n'ai pas de don de voyance,

09:31même si j'aurais trop aimé.

09:34Et puis je vis de manière assez complexe pour certains et simple vis-à-vis de moi-même,

09:39c'est-à-dire que je suis en total carpe diem.

09:42Je ne me projette quasi jamais, si ce n'est que mon repas du soir.

09:48Je vis vraiment tout dans le moment présent.

09:50Donc je ne saurais vous le dire, mais j'aimerais bien concilier les deux.

09:53Il y a un autre souvenir de votre enfance qui rejaillit quand vous avez entendu ces sons ?

09:57Ah oui, oui, bien sûr, parce que je jouais sous la pluie.

10:00Et c'est vrai qu'il y avait beaucoup de passants.

10:02Il y avait même un bus, je jouais en fait sur un terrain de basket en pleine pluie, en pleine tempête.

10:08Et je connaissais le chauffeur de bus qui était un coach au FC Lilila, qui passait.

10:13Et quand je le recroisais, il me disait, mais tu es complètement malade de jouer sous la pluie,

10:17comme ça, tu vas tomber malade et puis tu prends des risques inutiles.

10:21Et pour moi, c'était une évidence que de devoir m'entraîner dans des conditions météo

10:28qui ne sont pas du tout favorables pour me mettre en condition sur un terrain le jour J.

10:33Ça dit beaucoup de vous.

10:34Vous êtes au début de votre légende, Nadia.

10:36Quelle est la rumeur que vous pourriez faire courir sur vous ?

10:41Que Nadia, la chanteuse, est ma cousine.

10:43Ça fait une ligne Wikipédia pour Nadia.

10:55Voilà, Nadia.

10:58Et donc, sa cousine.

11:00C'est parti pour le show.

11:02Je ne sais pas si vous chantez, mais vous m'avez confié quand même que vous avez un talent caché.

11:06Vous aimez écrire des poèmes, des slams, des chansons.

11:09Oui, depuis mon plus jeune âge, j'écrivais au collège et au lycée des poèmes.

11:15Et en fait, ce qui est assez drôle, c'est que je demandais à ma camarade de droite,

11:19parce que j'adorais me mettre toujours à gauche, je détestais me mettre à droite,

11:23et je lui demandais de me donner un mot ou bien un thème.

11:26Et je me lançais sur le mot.

11:28Ça pouvait être la nature, l'amour, la tristesse.

11:31Et je me lançais, j'écrivais par rapport à ça.

11:33Et aujourd'hui, c'est toujours le cas ?

11:34Aujourd'hui, beaucoup moins.

11:35Je n'ai pas trop le temps d'écrire des poèmes.

11:38J'ai d'ailleurs fait un recueil aussi de poèmes sur l'amour.

11:42Et j'aurais dû vous l'apporter.

11:46J'aurais été contente.

11:48L'amour est un sujet qui vous a toujours inspiré.

11:51Oui, puisque c'est fondamental, je pense, pour l'épanouissement des individus.

11:57La prochaine fois, vous me l'amènerez ?

11:58Oui.

12:00Je sais que vous adorez aussi le son du piano.

12:02Alors, si je vous demande aujourd'hui une dédicace que vous pourriez faire à l'antenne,

12:07ce serait laquelle ?

12:08Peut-être une citation de Charles Bautler

12:10qui nous dit que ce qui est créé dans l'esprit est plus vivant que la matière.

12:17C'est très beau.

12:18Ça me va très bien pour aujourd'hui.

12:20Merci beaucoup, Nadia.

12:21Ce film, il s'appelle La Petite Dernière.

12:23Chers auditeurs et chères auditrices, il est magnifique.

12:26C'est un film de Hafsia Erci.

12:27Il est en salle actuellement.

12:29Allez-y.

12:29Merci beaucoup.

12:30Merci à vous.

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