00:00Voilà, les lignes rouges ont été tracées par Volodymyr Zelensky.
00:04En tout cas, cette nouvelle version, en tout cas amendée, a été rejetée sans surprise par les Russes.
00:08Le conseiller du Kremlin pour la politique étrangère estime, il y a quelques minutes,
00:12que le plan européen est à première vue totalement contre-productif et ne nous convient pas.
00:17Mathieu Mabin, bonjour, on vous retrouve en direct de Washington.
00:20Reste à savoir ce qu'on dira Donald Trump.
00:22Est-ce que l'on sait jusqu'où les Américains sont prêts à pousser Kiev pour rendre ce texte acceptable pour les Européens ?
00:30Alors, en réalité, ce qui s'est joué à Genève n'a rien d'un simple ajustement technique, on l'a compris.
00:36Et c'est pour ça que ce texte suscite autant de réactions de la part des Russes.
00:39C'est en fait un épisode tout à fait décisif, assez feutré.
00:43C'est vrai, on ne sait pas tout ce qui s'est dit à Genève,
00:46mais néanmoins fondamental pour la manière dont les États-Unis tentent aujourd'hui de remodeler le cadre des négociations autour de la guerre en Ukraine.
00:55Il faut quand même rappeler que pendant plusieurs heures, les représentants américains, ukrainiens et européens ont passé au peigne fin
01:02un document qui, dans sa première version, avait été, on le sait, perçu comme trop accommodant pour Moscou, pour être poli.
01:10En fait, disons les choses, la première version de l'accord demande une capitulation pure et simple de l'Ukraine.
01:16Et cette perception, elle n'était pas marginale, contrairement à ce qu'on pourrait penser.
01:20Elle venait autant du Congrès des États-Unis que de plusieurs capitales européennes, dont Paris au premier rang, bien sûr.
01:27Concrètement, le dialogue entre les diplomates américains et européens cherche deux choses.
01:31D'abord, éviter de placer Kiev dans une position impossible,
01:35où l'Ukraine apparaîtrait comme la partie contrainte de signer un accord qui institutionnaliserait en quelque sorte les gains territoriaux russes.
01:44C'est pour ça que la question de la souveraineté est à étudier de près.
01:48Pas de souveraineté sans intégrité territoriale, évidemment.
01:52C'est le seul vrai sujet, l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
01:55Ensuite, le dialogue consenti par Washington veut rassurer les Européens,
01:59au moins en apparence, leur laisser une porte de sortie diplomatique en quelque sorte.
02:03Parce qu'il y a un vrai malaise côté européen à l'idée d'un plan de paix qui irait trop vite,
02:08au risque de légitimer la force militaire comme outil de négociation.
02:14Légitimer l'agression russe, en fait.
02:16Même si à la fin, c'est vrai que c'est celui qui aura montré la plus grande force militaire
02:20qui finira par remporter le dossier.
02:22C'est la règle.
02:23Mais les diplomates américains, eux, ont parfaitement compris que
02:26si le texte veut survivre politiquement,
02:30il faut rééquilibrer sa structure.
02:32Plus de garanties, plus de mécanismes de sécurité,
02:36plus de visibilité sur les obligations de Moscou, en fait.
02:39En réalité, Washington avance avec un objectif très clair.
02:43Produire un cadre de discussion suffisamment attrayant
02:47pour que Moscou d'abord accepte de se rasseoir pour de bon à la table des négociations,
02:52mais suffisamment subtil pour que l'Ukraine n'apparaisse pas non plus
02:56totalement comme la partie qui recule.
02:59parce que les Américains savent qu'un accord trop favorable à la Russie
03:03créerait un choc stratégique en Europe
03:05et un précédent qui entraînerait immédiatement une remise en question,
03:10ne serait-ce que de la crédibilité de l'OTAN, par exemple.
03:13Et au fond, Mathieu, comment est-ce qu'on peut comprendre,
03:16si c'est possible, la stratégie de Trump ?
03:18Il veut mettre quoi ?
03:20Au conflit, on l'a bien compris, il l'avait dit en 24 heures pendant la campagne,
03:23redéfinir l'architecture sécuritaire européenne à son avantage,
03:28se repositionner lui-même en arbitre du monde ?
03:32Vous avez absolument raison d'appréhender les choses de cette manière.
03:37La seule question qui compte, c'est que veut Trump ?
03:39Et c'est difficile d'être plus clair,
03:41la stratégie de Donald Trump en Ukraine dépasse largement la seule volonté
03:44de faire taire les armes.
03:46En réalité, ce que cherche le président américain,
03:48c'est à redéfinir le centre de gravité du pouvoir en Europe, tout simplement.
03:51Il ne s'agit pas simplement de mettre un terme à la guerre,
03:55mais de repositionner Washington comme la pièce maîtresse,
03:58l'arbitre incontournable entre Kiev et Moscou.
04:02Comme au bon vieux temps, j'ai envie de dire, en tout cas dans l'imaginaire trumpien.
04:06Et derrière cette ambition, il y a un calcul politique parfaitement assumé.
04:10Montrer que Trump peut résoudre un conflit que l'administration précédente n'a jamais su contenir.
04:16Il y a évidemment un coup de politique intérieur à jouer également pour Donald Trump,
04:19qui ne perd jamais ses enjeux de vue.
04:22Concrètement, Donald Trump veut casser la dynamique des négociations multilatérales
04:26telles qu'elles sont menées depuis 2022.
04:29Pour lui, le format à plusieurs voies, c'est-à-dire européenne, ukrainienne, américaine,
04:34dilue la responsabilité et donc l'efficacité.
04:37Elle ralentit la prise de décision et donne aux alliés européens
04:41un poids qu'il juge tout à fait illégitime.
04:43Donald Trump est toujours en Normandie en 1944.
04:46Sa stratégie, c'est de recentrer toutes les discussions autour de la Maison-Blanche.
04:51Faire de Washington non pas un allié parmi d'autres,
04:54mais le seul acteur capable d'imposer un compromis.
04:57Et derrière ça, il y a aussi une vision beaucoup plus large.
05:01Utiliser l'accord de paix en Ukraine pour remodeler l'architecture de sécurité européenne.
05:07En d'autres termes, pousser les Européens à augmenter radicalement leurs contributions militaires,
05:12acheter des armes américaines, réduire la dépendance financière américaine à l'OTAN,
05:16économie budgétaire pour l'administration Trump,
05:19et inscrire dans le marbre, une bonne fois pour toutes,
05:21un rapport de force où les États-Unis gardent la main.
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