00:00L'Ukraine qui a donc reçu de la part des Etats-Unis une nouvelle proposition de paix, plan qui prévoit notamment la cession de territoire contrôlé par Moscou et la réduction de moitié de l'armée ukrainienne, conditions maximalistes qui correspondent à la volonté russe.
00:13Bonjour Mathieu, vous êtes en direct de Washington, bonjour Gauthier, ici en plateau.
00:18Mathieu, on peut tout d'abord rappeler le contenu de cette proposition américaine qui ne plaît pas évidemment aux Ukrainiens.
00:23Oui, et en fait on peut même commencer par dire qu'il ne s'agit pas d'une proposition américaine.
00:32Elle est bien relayée par l'administration Trump, mais soyons clairs, les 28 points réunis en 4 axes majeurs ne sont rien d'autre que la liste de Vladimir Poutine au Père Noël.
00:42Soyons absolument clairs, c'est tout simplement la concaténation des exigences russes des dernières années.
00:48Il est donc concrètement impossible d'appeler ça un plan de paix, ni même une proposition d'armistice, mais bel et bien une proposition, une injonction de capitulation sans condition.
00:59Le message qui est envoyé par Volodymyr Zelensky aujourd'hui, qui est envoyé à Volodymyr Zelensky aujourd'hui est simple.
01:06Si l'Ukraine veut vraiment arrêter de regarder mourir ses enfants, ses hommes, l'Ukraine n'a qu'à renoncer tout simplement à 20% de son territoire.
01:14Lumansk, Donetsk, Kherson, Zaporizhia et évidemment la Crimée, est-il nécessaire de le préciser ?
01:20Tout ça deviendrait tout simplement territoire russe.
01:23Alors pour nous ici à Washington et sans doute pour vous à Paris aussi, ces noms nous sont familiers puisqu'ils constituent les principaux champs de bataille ukrainiens des dernières années.
01:33Mais pour l'Ukraine, on parle tout simplement de son intégrité territoriale, c'est-à-dire ce à quoi, en théorie, une nation tient le plus et d'un territoire absolument imbibé du sang des dizaines de milliers d'hommes qui ont défendu leur terre, maître par maître depuis le début de la guerre.
01:50Alors le plan est signé officiellement Steve Witkoff, l'homme qui fait de la diplomatie en s'inspirant du manuel des agents immobiliers de New York.
01:57Pardon pour cette formule. On assiste tout simplement à un projet de vente de l'Ukraine à la découpe.
02:03Imaginez Volodymyr Zelensky prendre la parole de manière solennelle devant les citoyens ukrainiens, devant son armée pour leur annoncer la capitulation de l'Ukraine.
02:12La dislocation de son armée et la perte d'un quart du territoire est globalement assez inimaginable, en tout cas au moment où on parle.
02:20Vous avez osé la comparaison avec le premier plan de paix pour Gaza.
02:23C'est une comparaison qui fait sens puisque l'auteur elle-même, Steve Witkoff, rappelez-vous le premier plan pour Gaza.
02:30Il envisageait de vider l'enclave de sa population.
02:34Rappelez-vous des réactions également, les réactions internationales.
02:36En fait ici la stratégie de Washington est la même, si on peut appeler ça une stratégie.
02:41Toutes les tentatives de dialogue avec Moscou ont échoué.
02:44Donald Trump n'a pas pris conscience que Vladimir Poutine n'était pas son ami.
02:50Il commence à le réaliser et la proposition qui est faite ici est donc proprement inacceptable.
02:55Mais elle annonce en réalité une prochaine proposition qui ne sera sans doute pas beaucoup plus acceptable,
03:01mais un peu quand même jusqu'à ce qu'une part d'inacceptable soit finalement acceptée par l'Ukraine.
03:07C'est comme ça que l'administration Trump voit la diplomatie aujourd'hui, en tout cas dans le dossier ukrainien.
03:12On le sait, la force de la Russie c'est sa masse et c'est aussi la faiblesse de l'Ukraine.
03:17Le temps joue donc en la faveur de Moscou, ça s'est établi, le temps et la complaisance américaine.
03:23Gauthier, on dit souvent que Donald Trump est imprévisible, pas vraiment cette fois ?
03:28Non, parce qu'il y a effectivement ce va-et-vient, comme dit Mathieu, qui est en fait destiné à faire gober ce qui ne doit pas l'être.
03:40Mais vous savez, c'est toujours la même histoire.
03:42Quand il fait très froid, quand il fait moins 20 et tout d'un coup il fait moins 2, on dit tiens il fait chaud.
03:47Et c'est ça qui est une sorte d'acclimatation au fond à l'innommable, à ce qui n'est pas admissible.
03:55Et c'est vrai que Trump, au fond dans cette affaire, comme dans d'autres, n'a pas grand chose à faire de ce qui est de l'ordre de la paix ou du règlement international.
04:04Lui, c'est son rôle qui lui tient à cœur.
04:07Et dans ce cas-là, comme il a essuyé plusieurs rebuffades de la part de Poutine, s'il peut trouver dans l'élaboration d'un plan, même s'il est bancal,
04:19s'il peut trouver quelque chose qui le remet lui en selle, il ne s'en privera pas.
04:23Une remarque supplémentaire sur les conséquences que pourrait avoir l'application de ce plan.
04:28Vous voyez bien que si on dit à Poutine, qui donc a violé le droit international,
04:33vous gagnez la Crimée, vous gagnez le Donbass, vous gagnez Zaporizhia, Kherson, etc.
04:39Mais évidemment que ça va germer dans la tête d'autres personnes, d'autres dictateurs, peut-être un peu plus petits,
04:45peut-être en culottes courtes, mais en tout cas des dictateurs qui vont se dire
04:48on n'a rien dit à Poutine, alors moi si je lorgne sur quelques bandes du territoire voisin,
04:54qu'est-ce qu'on va me dire ? Rien.
04:55C'est-à-dire que paradoxalement, ceux qui se disent les partisans de l'ordre créent un désordre à venir incommensurable.
05:02On parle des Américains, on parle des Russes, on parle peu des Ukrainiens et encore moins des Européens,
05:07Mathieu, qui clairement n'ont pas voix au chapitre.
05:12Alors oui, effectivement, on assiste à une mise à l'écart,
05:15mais ce n'est pas seulement une mise à l'écart de la diplomatie ukrainienne et de la diplomatie européenne.
05:20C'est une gifle absolument assumée, tout simplement.
05:23Ça ne vous aura pas échappé.
05:24Le plan de Steve Whitcoff offre généreusement à l'Europe une protection américaine.
05:28Un peu comme en 1945, dans le fond, et surtout un peu comme si l'Europe avait renoncé à sa propre défense.
05:35Mais d'où ça vient ?
05:36Alors oui, et c'est une part majeure du problème, l'Europe patauge un peu.
05:41C'est vrai, dans sa politique européenne, c'est un euphémisme depuis sa création.
05:45Mais clairement, on voit mal comment les chancelleries européennes pourraient accepter une proposition comme celle-là,
05:54sans admettre ouvertement une sorte de soumission collective à la protection américaine.
06:00Dan Driscoll, l'adjointaire du secrétaire américain à la défense, à la guerre,
06:05puisque le ministère a été récemment renommé,
06:08est un bon serviteur du Pentagone et un officier américain,
06:11formé dans l'idée que tout au plus, des troupes européennes pourraient être considérées un jour
06:17comme des troupes supplétives de la vision stratégique américaine.
06:20Et c'est vrai qu'au cours des dernières décennies, il y avait quelques arguments pour croire en cette vision.
06:26Mais clairement, si les chancelleries européennes acceptaient ce plan en l'État,
06:30ce qui à mon sens est proprement inimaginable,
06:33il deviendrait relativement indécent d'imaginer un jour voir émerger une Europe forte,
06:37tout simplement capable de trouver sa place dans le rééquilibrage stratégique et même économique
06:43auquel le monde assiste en ce moment de manière assez violente, vous me l'accorderez.
06:48Gauthier, est-ce qu'il y a encore des leviers à la disposition des Européens pour peser dans ce dossier ?
06:53La guerre est à leur porte, on le rappelle.
06:56Alors, d'une part, justement, prendre conscience, pour tous, certains ont cette conscience.
07:02Je pense les Pays-Baltes, la Pologne, mais souvenez-vous de ce qu'on leur a dit
07:05quand ils ont réaffirmé leur crainte de la Russie, on leur a dit
07:08« Mais tout ça, ce sont de vieilles badernes, il faut évoluer, nous avons arrimé Poutine grâce à l'option mercantile ».
07:16Bref, tout ça, nous avons voulu y croire.
07:18Ça s'est cassé la figure, mais certains veulent encore y croire.
07:22Donc, d'abord, la première chose, pour répondre à votre question,
07:25c'est prendre la conscience de la gravité de la chose.
07:28Et deuxièmement, ça veut dire aussi que dans l'urgence des choses,
07:33c'est-à-dire, soyons clairs, là encore, l'urgence des choses,
07:37c'est que les Ukrainiens au train, où ça va, sans armes de nouvelle génération, on va dire,
07:42sans aide concrète, ils ne vont pas tarder à s'effondrer d'une manière ou d'une autre.
07:47Alors, il y aura peut-être un baroud d'honneur et vous aurez des observateurs qui diront
07:50« Ils se sont bien battus », comme quand on dit qu'un comédien a bien joué,
07:54puis après, c'est fini, chacun rentre chez soi.
07:56C'est ça, le cynisme de la chose.
07:57Ça veut dire que si on veut éviter ce parcours qui est tout tracé par ce plan,
08:04allez, ce plan, qui soit, bien sûr qu'il est influencé par les Russes très nettement,
08:11si on veut éviter cette chose, il faut être capable d'aider les Ukrainiens rapidement.
08:16Ça avait été le cas quand on a pensé à des troupes qui pourraient être en des troupes européennes.
08:21En Ukraine, je ne dis pas que c'est facile.
08:23Troupes combattantes, troupes de réassurance ensuite, il y a eu plusieurs versions.
08:26Bien sûr, mais déjà dans l'urgence, je suis d'accord avec vous, c'est pas clair et c'est compliqué,
08:31mais déjà dans l'urgence, il peut y avoir ce type de choses.
08:33Tout ce qui est de l'ordre de l'attente, et Mathieu avait raison de dire qu'il y a probablement un nouveau plan
08:40qui sera formulé, peut-être un peu moins acceptable, mais on est dans la configuration
08:45où précisément, Poutine va jouer de ce temps qui court entre un plan, un nouvel examen de tel ou tel plan,
08:52c'est là qu'il y a quelque chose de rapproché, d'urgence à faire.
08:56Et c'est peut-être pour ça aussi que Vladimir Poutine a décidé d'attaquer l'Europe,
09:00ou en tout cas l'Ukraine, puisqu'il est conscient de ses difficultés d'entente,
09:04de ce manque de convergence dans les politiques européennes, et notamment l'autonomie stratégique.
09:08Oui, alors il y a pire que ça, si vous voulez.
09:10Pour Vladimir Poutine, l'Europe, c'est quoi ?
09:13L'Europe, c'est Sodome et Gomorre.
09:15C'est la décadence.
09:15C'est les lois en faveur des femmes, en faveur des homosexuels.
09:20C'est-à-dire que ça va plus loin, encore que la stratégie que dit Poutine.
09:23Il dit au fond, ce sont des décadents, et même quand il prétend avoir des valeurs,
09:28il ne les défend même pas.
09:29Et de fait, il y a un certain nombre de cas qui lui donnent malheureusement raison,
09:33il ne s'agirait pas que le cas le plus important soit également de cet acabit-là.
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