00:00Elle s'appelle Esther Sambole, mais sur Instagram, tout le monde la connaît comme la vraie meuf cool.
00:05Des mèmes hilarants, un ton désabusé et une lucidité mordante sur notre époque ultra connectée.
00:11Analyste le jour, reine du sarcasme la nuit, elle part à la quête du cool dans son livre.
00:16Journal d'une vraie meuf cool aux éditions du Rocher ou Comment rester cool à l'heure des likes, des open space et des dates Tinder.
00:24Bonjour Esther Sambole, merci d'être avec nous. Votre livre, journal d'une vraie meuf cool, c'est un peu le mode d'emploi d'une génération qui essaye de survivre à l'époque.
00:34Entre les dates toxiques, les réunions sur Teams et la dictature des likes, vous y parlez de santé mentale, de réseaux sociaux, de solitude moderne aussi.
00:45Qu'est-ce que vous avez voulu dire exactement ?
00:47En fait, dans ce livre, j'ai voulu raconter un peu la vie d'une femme trentenaire et de comment elle en est arrivée là et de tout ce qu'elle va traverser comme petite épreuve de la vie et de ce qui fait qu'on est cool ou qu'on n'est pas cool et au final de dire qu'on est tous cool en fait.
01:04Qu'est-ce que c'est être cool justement ?
01:06Ce que je dis dans le livre, globalement, pour moi, c'est un peu être détaché, réussir à s'en foutre un petit peu des injonctions, de ce que la société nous dit de faire ou pas faire.
01:18Mais en même temps, on sait qu'il y a aussi des codes. Donc c'est réussir à y entrer sans se sentir obligé d'être dans ces codes en fait.
01:25Des codes qui changent selon les époques d'ailleurs.
01:27Parce que vous, vous êtes de la génération 90, vous avez 32 ans et d'ailleurs, vous le précisez dans le livre que ces codes, ils évoluent selon où on est et où on est aussi.
01:38Alors justement, vous précisez, on ne naît pas cool, on le devient. Vous écrivez, moi, je suis cool, mais je ne suis pas née comme ça. J'ai travaillé activement à le devenir.
01:48Alors pourquoi est-ce que c'est si dur d'être cool ?
01:49En fait, il y a ce truc. Effectivement, être cool, quand j'avais 15 ans et aujourd'hui, ça n'a rien à voir.
01:58Et quand je dis que j'ai travaillé à le devenir, c'est qu'en fait, j'ai toujours eu ce truc où je voulais être cool.
02:05Au collège, au lycée, je voulais être cool. Et puis même en grandissant et même aujourd'hui, même si je fais mine d'être détachée et de ne pas avoir forcément ce besoin.
02:14En fait, il y a toujours un petit truc qui dit, moi, je voudrais être un petit peu comme les autres. Je voudrais être cool.
02:18Comment il est né, votre compte Instagram ? Je crois que c'était pendant le confinement, en 2020 ?
02:23C'est ça. En fait, pendant le confinement, le deuxième confinement, je m'ennuyais un peu.
02:27J'avais des copains qui faisaient des mèmes aussi sur Instagram et j'ai voulu créer un compte, mais vraiment...
02:32Expliquez ce que c'est peut-être un mème, parce que tout le monde ne sait pas, j'imagine.
02:35En gros, un mème, c'est un détournement d'une image qui va être virale.
02:38Donc typiquement, ce qui marche bien, ça va être une image du président, du premier ministre, qui est assez virale.
02:47Et après, c'est de rajouter un texte qui n'a généralement rien à voir et qui détourne l'image dans un sens humoristique.
02:52On va peut-être voir des exemples. On en a numérisé quelques-uns.
02:54Vous en avez fait un récemment sur les cambrioleurs du Louvre.
02:58Oui, on va peut-être le voir.
03:00Et sinon, vous pouvez aller directement sur Instagram.
03:02Comment je me sens quand je prends discrètement un petit bonbon gratuit à la caisse du restaurant chinois ?
03:08Mes parents à la trentaine, moi à la trentaine, on le voit juste derrière vous.
03:12C'est vraiment générationnel, votre livre.
03:15Votre définition justement du cool, je vois quand la blague est nulle, mais que c'est le BG qui raconte.
03:22On voyait Rihanna il y a deux minutes.
03:24Donc votre définition du cool, vous en parliez, ça va à l'encontre malgré tout des clichés d'Instagram.
03:29Le vrai cool, c'est ça. C'est aussi de ne pas être parfait.
03:33Mais c'est ça en fait.
03:34Après, je pense qu'on est tous cool pour certaines personnes et on ne l'est pas pour d'autres.
03:38Moi, je sais qu'il y a des gens qui vont trouver mon compte très cool et qui adorent le suivre.
03:41Et d'autres qui trouvent ça un peu ridicule.
03:43Et en fait, je pense que dans tous les cas, c'est comme ça pour tout le monde.
03:46Et c'est la vie. Il faut juste réussir à l'accepter.
03:48Voilà, là on voit un extrait, une page de votre livre.
03:52Une journée dans la vie d'une vraie meuf cool.
03:53Alors ça donne quoi si vous deviez nous expliquer à quoi ressemble la journée d'une fille cool ?
03:59Alors, ça dépend des jours, mais souvent c'est un petit peu la même chose.
04:02C'est se lever, sortir le chien, aller au travail.
04:05Se lever, c'est un peu plus compliqué que ça.
04:07Oui, se lever, ça dure un peu longtemps.
04:09Ça dépend des jours. Il y a des jours où se lever, c'est direct.
04:11Et des jours où ça va prendre une fois, deux fois, trois fois, quatre réveils.
04:14Et puis, voilà, moi généralement, tous les matins, je sors mon chien.
04:17Je prends mon petit-déj' et je prends mon vélo.
04:19C'est pour ça qu'il y a mon chien et mon vélo sur la couverture du livre.
04:22Et je vais au boulot.
04:22Vous écrivez, les réseaux sociaux ont ce pouvoir de faire croire à n'importe quel humain lambda
04:28qu'il est exceptionnel, adulé.
04:31Vous, au milieu de tout ça, c'est vrai que vous occupez une place à part sur les réseaux sociaux.
04:35Vous n'êtes ni influenceuse beauté, ni lifestyle.
04:37Vous n'êtes pas non plus humoriste.
04:39Donc, où est-ce que vous vous situez au milieu de tout ça ?
04:42Moi, quand on me demande, je dis que je suis mèmeuse en soi.
04:45Mèmeuse, c'est un nouveau métier.
04:47Je fais des mèmes.
04:49Mais c'est vrai qu'il y a ce côté.
04:51Moi, je vois, j'ai 116 000 abonnés.
04:54Et en fait, ça donne tout de suite une impression de,
04:56il y a 116 000 personnes qui me suivent.
04:58Mais en fait, c'est rien.
04:59Il y a ce côté réseaux sociaux où c'est des chiffres.
05:02Mais en fait, quand je me promène dans la rue,
05:04personne ne m'arrête, on ne me demande pas des photos.
05:06Quand même, vous écrivez dans le livre que ça a créé une petite paranoïa chez vous.
05:11Parce que c'est vrai que vous partagez tout et n'importe quoi sur votre compte Instagram.
05:15C'est ça.
05:16Je raconte un peu ma vie.
05:18Du coup, oui, ça m'est arrivé, mais ça ne fait pas de moi une célébrité.
05:21Vous n'en vivez pas, contrairement aux autres influenceurs ?
05:23Non, du tout.
05:24Même si vous faites aussi des partenariats ?
05:25J'en fais, oui.
05:26Vous parlez des réseaux sociaux comme d'une machine à validation,
05:32à la fois grisante et épuisante.
05:33Vous écrivez, j'ai déjà eu la boule au ventre
05:35parce qu'un poste recevait peu de likes.
05:38Je pense que c'est une situation qu'on a à peu près tous connue.
05:41Est-ce que c'est encore le cas pour vous ?
05:42Et ne mentez pas, je suis sûre que vous aussi,
05:44vous êtes encore dans la dictature du like.
05:46J'aurais envie de dire non pour paraître plus cool.
05:48Mais oui, au final, je sais que là, surtout avec la sortie du livre,
05:51ça m'a mis beaucoup de pression quand même.
05:54Et c'est vrai que chaque fois que j'ai posté pour parler du livre,
05:57j'avais envie qu'il y ait des vues, qu'il y ait des likes
05:58parce que j'ai envie que ça marche.
05:59Et c'est toujours un peu, il y a toujours un petit pincement.
06:03Quand ça ne marche pas, on se dit, qu'est-ce que j'ai loupé ?
06:05Alors qu'en fait, des fois, il faut se détacher de ça
06:06et se dire, c'est aussi l'algorithme Instagram.
06:08C'est comme ça, quoi.
06:10Si vous pouviez parler à la Esther de 20 ans,
06:13qui n'était pas sur Instagram,
06:15est-ce que vous lui diriez ?
06:16Je lui dirais de ne pas changer,
06:19de continuer de faire ce qu'elle aime.
06:22Que si elle fait ce qu'elle aime en soi,
06:24il n'y aura pas de problème.
06:25Vous parlez aussi du monde du travail,
06:28de votre, je cite, relation, pas sérieuse,
06:31mais basée sur le plaisir mutuel,
06:33avec votre job d'analyste sur Excel,
06:36c'est à peu près ça ?
06:37Globalement, oui, je travaille en finance.
06:40Comment vos collègues perçoivent-ils
06:42votre présence sur les réseaux sociaux ?
06:44Au début, je le cachais,
06:46parce que je ne voulais pas que ça se sache.
06:48Maintenant, ils le savent,
06:51ils le perçoivent plutôt bien.
06:53Ils peuvent se reconnaître dans certaines situations ?
06:55Certains, oui, oui, certains.
06:57Surtout quand je fais des mèmes liés au travail,
06:58il y en a pas mal qui se reconnaissent,
07:00mais c'est plutôt bien accueilli.
07:02Ça ne vous pose pas de problème de RH, par exemple ?
07:04Non, pour l'instant, non.
07:06Vous décrivez aussi une génération prise
07:09entre performance et épuisement,
07:11et on le sait, les chiffres de la santé mentale
07:13des jeunes sont assez vertigineux.
07:16Un tiers des jeunes présentent des signes
07:18de troubles anxieux ou dépressifs,
07:20selon l'Institut national de la santé
07:21et de la recherche médicale.
07:23Je crois qu'on parle des 11-24 ans.
07:25C'est aussi dû à l'émergence des réseaux sociaux.
07:28Vous avez l'impression qu'on peut encore être cool aujourd'hui ?
07:32On peut, c'est sûr,
07:34mais c'est vrai que c'est difficile
07:36et les réseaux nous renvoient souvent
07:38une image de perfection.
07:40Moi, je sais que je suis beaucoup d'influenceuses
07:42et j'aime beaucoup leur travail,
07:44mais parfois, c'est un peu dur
07:46parce que forcément,
07:47elles montent le bon côté de la vie.
07:49Elles se montent sur leurs meilleurs angles,
07:50elles se montent dans des belles vacances
07:52avec des beaux vêtements
07:53et on a tendance à ne se croire pas à la hauteur.
07:56Et en fait, il faut toujours se dire
07:57qu'il y a le côté qu'on ne voit pas des réseaux
08:00où elles ont une vie,
08:01elles se font comme tout le monde.
08:02C'est quelque chose que la nouvelle génération
08:03a du mal à réaliser.
08:06Vous comprenez ça aussi ?
08:07Parce que la génération 90 n'a pas grandi
08:09avec les réseaux sociaux.
08:11Donc, à conscience de ce décalage.
08:13C'est vrai que ça peut être très dur
08:14aussi pour les jeunes ?
08:15Je pense que c'est très dur.
08:16Nous, déjà, moi, à mon époque,
08:17on avait les magazines,
08:19les stars,
08:21tout ce qui était people,
08:22déjà, qui nous renvoyaient l'image.
08:24Et je pense que c'est encore plus dur aujourd'hui
08:25parce qu'en fait,
08:26ils sont exposés à ça toute la journée
08:28et tous les jours.
08:29Et vous, vous arrivez à ne pas être absorbé
08:31justement par cette dictature des likes,
08:33par ce besoin d'être présent aussi,
08:35sur lequel on n'existe pas finalement,
08:37en tout cas dans l'imaginaire
08:39d'une certaine génération aujourd'hui ?
08:41J'essaye, j'essaye.
08:42Ce n'est pas facile tous les jours,
08:44franchement.
08:44Puis moi, je trouve que pour ma génération,
08:46je suis très, très connectée.
08:47Je suis beaucoup sur les réseaux.
08:49Donc, il y a ce côté pervers,
08:51mais j'essaye aussi de m'en détacher
08:53et de me dire que c'est que les réseaux.
08:55Ce n'est pas la vraie vie.
08:56Oui, justement, aujourd'hui,
08:57être cool aussi,
08:58est-ce que ce n'est pas déconnecté ?
08:59Ou en tout cas réussir ?
09:00Si, franchement,
09:01je pense que je serai encore plus cool
09:02le jour où je réussirai
09:03à totalement déconnecter des réseaux.
09:05C'est sûr.
09:05Et là, c'est votre objectif ?
09:07Ce n'est pas mon objectif,
09:09mais je ne sais pas.
09:12Je me dis que je n'y serai peut-être
09:13pas toute ma vie.
09:14Il y a un jour,
09:14il va falloir peut-être passer à autre chose.
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